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Introduction

Vaut-il mieux être riche ou pauvre ? Posséder beaucoup d’argent ou au contraire peu ?

Face à cette question, certains se fondent avant tout sur leur expérience personnelle et répondent, par exemple, que plus d’argent est tout simplement synonyme de plus de liberté. Ainsi, même s’ils venaient à en posséder trop, ils pourraient au besoin toujours brûler cet argent. Ou alors, ils rétorquent qu’ils ne souhaitent pas devenir riches car cela ne les rendrait pas heureux.

Devant cette même question, d’autres se basent non pas sur eux-mêmes mais sur leur prochain et affirment: si je suis riche, alors on peut simplement en déduire que je n’ai pas partagé autant que j’en aurais eu la possibilité. Etre riche n’est donc pas une bonne chose. Ou comme on a pu l’entendre: devenir riche n’est pas un pêché mais mourir riche en est un.

Cette question fondamentale nous place toutefois devant un choix qui n’a pas lieu d’être. Il ne s’agit pas d’être le plus riche possible, ni le plus pauvre possible. A la question « quel degré de richesse dois-je avoir ?», il existe un point de repère auquel nous pouvons nous rattacher. Nous ne devons devenir ni riches ni pauvres, mais avoir suffisamment pour vivre.

Suffisance

« Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire ». Ce principe tiré de Proverbes 30,81  peut servir de verset de référence pour le texte qui suit.

Le principe de la suffisance est aussi très bien exprimé dans les histoires traitant de la manne céleste dans le désert: « Voici ce que le Seigneur vous ordonne : ramassez-en la ration nécessaire, un homer par tête, afin qu’il y en ait à manger pour tout le monde, puisque vous êtes nombreux ; proportionnez votre récolte au nombre d’habitants de votre tente. Ainsi firent les Israélites : ils en ramassèrent l’un plus, l’autre moins. Mais quand on mesurait avec le homer, celui qui avait beaucoup ramassé n’en avait pas trop, et celui qui en avait peu ramassé n’en manquait pas : chacun se trouvait en avoir recueilli ce qu’il pouvait manger. Moïse leur dit : Que personne n’en réserve pour le lendemain. Au lieu de lui obéir, quelques-uns en gardèrent jusqu’au matin ; mais des vers s’y étaient mis, et tout était gâté. » (Exode 16,16-20) Nous pouvons y voir deux choses : premièrement, Dieu voulait qu’ils ne fassent de provisions que pour un jour. Deuxièmement, il n’était pas prévu que certains possèdent plus que ce qui est suffisant et d’autres moins que ce qui est suffisant. (A ce propos, on ne sait pas trop si cet équilibre est le résultat d’un miracle ou si, tout simplement, les Israélites ont partagé. Les rabbins ont adopté le premier point de vue; cependant c’est plutôt le deuxième qui prédomine depuis Calvin.)

Ce style de vie basé sur la manne céleste se retrouve également dans la prière que Jésus nous a enseignée. Cette prière contient certes une demande matérielle. Pour autant, cette demande n’est pas: « donne-nous la richesse » ou « donne-nous du pain », mais bien « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ». Cette demande reprend l’idée que le fait de posséder plus que ce qui est suffisant n’est pas souhaitable.

L’exemple de la nourriture permet de mieux saisir la notion de suffisance. Lorsque nous avons une assiette posée devant nous, nous savons très exactement que nous ne souhaitons pas manger trop peu et que nous ne souhaitons pas non plus manger trop. Dans le contexte de la nourriture, la chose nous semble évidente. Je suis d’avis que cet objectif de suffisance devrait s’appliquer non seulement à la nourriture mais à toutes les formes d’abondance terrestre.

Il est une question que je souhaiterais aborder brièvement, à savoir: quelle quantité peut-on qualifier de suffisante ? En deux mots : « suffisant » ne signifie certainement pas « le minimum vital ». On a suffisamment lorsque l’on est en mesure de mener une vie décente, digne et prospère. Ce qui comprend également la possibilité de célébrer des fêtes2 et de remplir les conditions matérielles pour entretenir des contacts sociaux. J’estime que la suffisance est plus ou moins la même partout dans le monde. Sans doute est-elle un peu plus élevée en Suisse parce que nous nous sommes habitués à un certain niveau de vie ou parce que chez nous, il faut, par exemple, acheter des manteaux d’hiver, ce qui n’est pas indispensable ailleurs. Cependant, il ne faudrait pas surestimer ces éléments d’ordre culturel. De manière générale, le niveau de suffisance est quelque chose d’universel pour l’humanité. Je suppose que la grande majorité d’entre nous fait partie de ceux qui vivent au-dessus du seuil de suffisance.

Un deuxième mot-clef est étroitement lié à la notion de suffisance. S’il s’avère que nous ne souhaitons avoir ni plus ni moins que ce qui est suffisant, alors nous n’avons qu’un seul moyen simple de parvenir à une situation qui profite à tout le monde : le partage.

Le partage

Le partage permet à ceux qui ont plus aussi bien qu’à ceux qui ont moins que ce qui est suffisant de se rapprocher du niveau de suffisance. Il bénéficie donc aux personnes des deux groupes.
S’agissant du partage, l’appel de Paul au sujet de la collecte d’argent pour les églises de Jérusalem peut servir de verset de référence: « Afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres. » (2 Corinthiens 8,14). Même si le mot « suffisance » n’apparaît pas, c’est bien cette idée qui est à la base du verset. En prenant ces paroles le plus littéralement possible, on constate que Paul ne dit pas que la richesse doit remédier à la pauvreté mais que c’est le surplus qui doit pallier au manque. Diamétralement opposés, surplus et manque gravitent tous les deux autour d’un même centre – et ce centre n’est autre que la suffisance. Et l’idée de la suffisance conduit directement à celle du partage.

Le partage est utile pour deux raisons totalement indépendantes. Premièrement, le partage est bon pour ceux qui ont plus que ce qui est suffisant: ils gagnent en liberté et se gardent de dangers lorsqu’ils ne vivent pas avec plus que ce qui est suffisant. Deuxièmement, le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant: la mise à disposition de ressources par ceux qui ont plus que ce qui est suffisant permet à ceux qui ont moins de ne plus vivre en deçà de la suffisance, leur fait gagner en liberté et atténue leurs souffrances.

 

Je souhaite maintenant évoquer plus en détail ces deux points de vue, que je traiterai l’un après l’autre.

Je suis surpris de constater que souvent, les textes qui traitent de la Bible et de l’argent ne prennent en compte que l’un des deux points de vue que nous venons de voir. Ainsi, il arrive que certains Chrétiens engagés relèguent complètement au second plan le fait que le partage profite non seulement aux pauvres mais aussi à celui qui partage. On en oublie ainsi, à tort, que le partage procure de la joie, laquelle a tout autant sa place que le sentiment de devoir. Au contraire, des personnes comme Earl Pitts3 mettent fortement l’accent sur l’importance du bon usage de l’argent pour notre propre vie spirituelle (ce qui relève du premier point de vue). Au risque d’oublier qu’une autre personne a réellement besoin de l’argent que nous donnons. Earl Pitts passe notamment sous silence le fait que le partage peut contribuer au bien-être des pauvres.

Une dernière remarque : une troisième raison plaide pour le partage. Celui-ci ne contribue pas uniquement au bien-être de ceux qui ont plus et de ceux qui ont moins que ce qui est suffisant, mais permet aussi de rapprocher les deux groupes. A travers le partage qui nous rassemble et réduit nos disparités, nous rétablissons un sentiment de communauté blessé.

Le partage est beau pour une quatrième raison. Il nous en accord avec le coeur de Dieu, ce qui est source de joie. Ainsi, 2 Corinthiens 8, 9 dit à propos de Dieu: « Vous connaissez, en effet, la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté ».

Le partage est bon pour ceux qui ont plus que ce qui est suffisant

Dans cette partie, nous nous efforcerons de voir pourquoi ceux qui ont plus que ce qui est suffisant profitent de la renonciation à la part qu’ils ont en trop. Nous laisserons pour l’instant de côté l’utilisation faite de l’argent auquel nous renonçons, peu importe que nous le partagions ou le brûlions comme l’avait fait l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss avec son premier salaire de baby-sitter.

La Bible et en partie aussi nos propres expériences quotidiennes nous l’enseignent: l’abondance nous détourne. L’abondance sollicite notre coeur. En clair: « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Matthieu 6, 24 ; Mammon personnifie la richesse et l’argent dans les récits bibliques) En somme: il est particulièrement difficile d’avoir de l’argent sans l’aimer. Mais aimer l’argent nous fait perdre de notre liberté: « Lors donc que nous avons nourriture et vêtements, sachons être satisfaits. Quand à ceux qui veulent amasser des richesses, ils tombent dans la tentation, dans le piège, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transformés l’âme de tourments sans nombre ». (1 Timothée 6, 8-10)

Etre libre de tout surplus matériel n’est cependant pas une fin en soi. La question n’est pas seulement « libre de quoi ? » mais « libre pour quoi ? ». Ne pas dépendre de l’argent c’est pouvoir suivre Jésus et devenir heureux : « Profitable, oui, la piété l’est grandement pour qui se contente de ce qu’il a » (1 Timothée 6, 6). De nombreux autres exemples sont encore là pour nous montrer que l’indépendance de toute soif d’argent a un but:

Lorsque Jésus a dit au célèbre « jeune homme riche » : « Va vendre toutes tes richesses » sa phrase ne s’arrêtait pas là. Ce que Jésus souhaitait n’était pas que le jeune homme fasse faillite. Jésus poursuivit: « …puis suis moi ! » Ce qu’il faut comprendre: la renonciation avait un sens, à savoir qu’il puisse suivre Jésus. Jésus a constaté que l’argent retient un homme riche comme un boulet au pied et l’empêche de le suivre librement. Il promet même au jeune homme un trésor au ciel4. Autrement dit, renoncer au surplus ne doit en aucune manière être source de tourments.

Ne pas posséder plus que ce qui est suffisant peut également avoir pour but de nous lier à Dieu. Nous sommes beaucoup plus proches de lui lorsque nous sommes entièrement dépendants de lui. De nombreuses personnes ont eu l’occasion de se rendre compte qu’elles parvenaient davantage à avoir confiance en Dieu lorsqu’elles n’arrivaient plus du tout à se construire par elles-mêmes. Lorsque nous renonçons librement à posséder plus que ce qui est suffisant, alors nous apprenons dans un même souffle à faire confiance à Dieu pour qu’Il nous donne ce dont nous avons besoin: « Que votre conduite soit exempte d’avarice, vous contentant de ce que vous avez présentement ; car Dieu lui-même a dit : je ne te laisserai ni ne t’abandonnerai » (Hébreux 13, 5).

En résumé, l’argent sollicite notre coeur et nous emprisonne. S’en libérer a un but: suivre Dieu et être heureux.

Je trouve également passionnant qu’une nouvelle branche de recherche appelée « Happiness Economics » soit venue s’intégrer dans les sciences économiques. On tente d’y répondre sans le moindre préjugé et de manière empirique à la question: l’argent rend-il heureux ? Le bilan des recherches menées est sans appel: la croissance économique ne rend pas les hommes plus heureux5.

Je souhaiterais répondre brièvement à l’objection émise par certains, à savoir que Dieu voudrait nous donner beaucoup et pas justement ce qui est « suffisant ». Ainsi, Dieu promit aux Israélites une terre qui ruisselle de lait et de miel. Salomon vivait dans un luxe inimaginable. Jésus promit plus que ce qui est suffisant: « on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde6 ». Personnellement, je lie les passages de la Bible en faveur de la richesse et ceux qui critiquent la richesse de la manière suivante: l’abondance serait en fait quelque chose de fabuleux. La nouvelle Jérusalem céleste est constituée d’or et de diamants: tout ce qu’il y a de plus superflu. Le bonheur que Dieu veut nous donner est spirituel et matériel. Avoir plus que ce qui est suffisant est donc bon mais est également dangereux dans notre monde déchu. L’abondance est bonne mais notre nature pécheresse nous rend incapables d’en faire bon usage.

Sans exagération, je vois une analogie très directe entre l’héroïne et l’argent. L’héroïne n’a après tout rien de si mauvais: elle rend heureux. Le seul problème est qu’elle nous fait commettre des pêchés et qu’à peine est-on tombé dans la dépendance que l’héroïne se retourne contre nous et nous détruit. Ne pourrait-on pas dire la même chose de l’argent: il s’agirait en fait de quelque chose de bon mais dont nous serions tout simplement incapables de faire bon usage7.

Je me rends bien compte que ma réponse à l’objection n’est pas totalement satisfaisante. Cependant, compte tenu du grand nombre de passages souvent radicaux de la Bible à l’égard de la richesse, nous devons poursuivre avec élan notre combat contre Mammon, le Dieu de notre pays et de notre temps. Je suis surpris de voir les précautions que nous devons souvent prendre lorsque nous voulons critiquer ouvertement le surplus. La plupart du temps, lors des sermons visant à mettre en garde contre l’amour de l’argent, on tente en même temps d’atténuer les choses par des paroles de ce genre: « bien sûr la richesse n’a en soi rien de mal » ou : « bien sûr, tout dépend des personnes et il n’y a pas de règle générale » etc. Pourquoi cet aspect central de l’éthique biblique est-il à chaque fois immédiatement relativisé ? Pourquoi nous manque t-il aujourd’hui l’enthousiasme des Eglises de Macédoine dont Paul dit: « parmi les nombreuses tribulations qui les ont éprouvées, leur joie surabondante et leur profonde pauvreté ont débordé chez eux en trésors de générosité. Selon leurs moyens, je l’atteste, et au-delà de leurs moyens, spontanément, ils nous ont demandé avec beaucoup d’insistance la grâce de participer à ce service en faveur des saints. Dépassant même nos espérances, ils se sont donnés eux-mêmes, d’abord au Seigneur, puis à nous, par la volonté de Dieu. » (2 Corinthiens 8, 2-4). Pourquoi tous les chrétiens qui prennent particulièrement au sérieux Dieu et la Bible ne se prononcent-ils pas plus clairement contre le surplus ? Je constate aussi que critiquer personnellement les membres de ma famille sur ces questions me demande un gros effort sur moi-même, qui suis pourtant profondément attaché au problème. Bien sûr, il existe des raisons pour lesquelles Dieu souhaite que telle ou telle personne soit riche, par exemple parce qu’il est important que les chrétiens soient présents dans toutes les classes sociales et figurent donc parmi les 10 000 personnes les plus riches (par contre, j’ai rarement entendu cet argument pour justifier que des chrétiens deviennent fumeurs de marijuana et aient ainsi accès aux groupes correspondants). Pas de doute, Dieu est à un tel point souverain qu’il est réellement difficile d’établir des règles générales. Mais pourquoi cette possibilité est-elle autant mise en évidence ? Là est la question.

Il n’y a évidemment aucun mal à avoir beaucoup d’argent sur son compte. La question clef est de savoir si cet argent sur le compte appartient à Dieu ou s’il est là pour servir à la consommation personnelle. Earl Pitts, par exemple, dispose en permanence d’un fonds « The-Master-Has-Need-Of », c’est-à-dire de l’argent qu’il garde immédiatement disponible lorsque Dieu lui indique qu’il doit être employé à telle ou telle fin.

L’objection diamétralement opposée vient de ceux qui se demandent si Dieu ne nous a pas appelés à devenir pauvres. Je répondrai à cette objection de la manière suivante: Tout d’abord, il faut faire la différence entre pauvreté volontaire et involontaire (chacune dans le sens de posséder moins que ce qui est suffisant, en termes de pauvreté absolue). Cette dernière n’est certainement pas la volonté de Dieu. Et je répondrai ensuite avec mon simple bon sens, qui peut je l’espère être utile à Dieu, que je ne conçois pas que Dieu puisse de manière générale souhaiter que nous ayons moins que ce qui est suffisant. Si cela peut convenir à un prophète ou ponctuellement à quelque devoir spécial, pour autant il s’agisse là davantage « d’effets spéciaux » comme par exemple une semaine de jeûne ou la libre renonciation à avoir des enfants. Tenter d’utiliser à l’inverse cet argument de pauvreté limitée à un devoir spécial – en citant souvent un seul et unique passage biblique8 – pour défendre une vie dans le luxe est bien sûr totalement déplacé. La suffisance est pour nous tous un idéal.

Le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant

Après nous être assez longuement penchés sur les objections à l’idée de suffisance, passons maintenant à la deuxième raison pour laquelle le partage est utile. Cette deuxième raison est indépendante de la première. La voici: le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant et c’est la raison pour laquelle nous devons partager. Comme le dit très bien une expression anglaise: « Living simply so that others may simply live » (vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre).

Il est évidemment beaucoup plus facile de démontrer la problématique liée au manque que celle liée au surplus. On peut toutefois distinguer deux catégories de motivations nous incitant à partager avec ceux qui sont dans le besoin: « équité » et « charité ».

Ces deux motivations au partage se fondent chacune sur un raisonnement différent:

Lorsque nous partageons par souci d’équité, alors nous rendons de l’argent qui, d’une certaine manière, ne nous appartient pas du tout. Je détiens certes le pouvoir d’en disposer mais je le dois réellement à ceux avec qui je le partage. Il s’agit donc de réparation et le mot « partage » est presque inapproprié. En voici des exemples:

  • Les réparations pour vol, fortunes tombées en déshérence auprès des banques suisses, colonialisme et ses conséquences
  • Le partage comme réponse à des systèmes injustes comme par exemple le secret bancaire, l’OMC, le FMI9.
  • Les impôts progressifs comme réponse à des structures qui ne sont pas directement source d’injustices mais qui privilégient systématiquement certaines personnes. Le meilleur exemple est le marché libre.
  • Cette motivation est parfois aussi en partie à l’origine de la coopération au développement

Lorsque nous partageons par souci d’équité, nous le faisons parce que nous considérons que nous sommes injustement devenus riches. L’important est bien sûr de faire disparaître l’injustice plutôt que de se borner à la compenser par des réparations.

Même si nous ne devons jamais perdre de vue que nous sommes largement responsables de la pauvreté dans le monde, ce serait une erreur de penser que chaque pauvre doit sa condition à la richesse d’un autre. La pauvreté peut également être due à une catastrophe naturelle ou à l’endettement de la personne. C’est pour cela qu’il faut également partager par charité. Contrairement au partage par équité, le partage par charité repose sur un simple constat: quelqu’un souffre d’un manque. Un point c’est tout. Et donc je partage. On écarte au passage la question de savoir qui est responsable du manque: moi, celui qui souffre du manque, un tiers ou personne. Voici des exemples de partage par charité:

  • Une partie de la coopération au développement
  • L’aide aux catastrophes
  • « Compassionate Conservatism »10

Le partage par équité autant que le partage par charité ont leurs avantages et leurs dangers respectifs:

  • Lorsque nous partageons par équité, nous le faisons par soumission et ne risquons pas de nous faire passer pour généreux. Car en fin de compte, la dette que nous avons nous place dans une situation d’obligation et nous ne faisons que rendre ce qui ne nous a jamais appartenu.
  • Le partage par équité nous évite de traiter de haut ceux qui reçoivent.
  • Le partage par équité a pour danger de laisser de côté la chaleur humaine : nous accordons plus d’importance à l’équité abstraite qu’à l’homme lui-même.
  • Le partage par charité évite les délicates questions de responsabilités. A mon sens, la gauche dépense trop d’énergie à vouloir identifier de façon idéologique la cause et les responsables de la pauvreté dans le monde. Avec le partage par charité il suffit de constater que quelqu’un souffre.
  • Le partage par charité nous amène à aider entre autres des personnes qui ne l’ont pas mérité et il s’agit là d’une attitude très proche de celle de Jésus.
  • Le partage par charité nous évite de considérer ceux qui reçoivent comme des victimes alors que c’est parfois le cas lors du partage par équité. Ce rôle de victime correspond certes souvent à la réalité, mais nous ne devrions pas pour autant l’accentuer. En effet, présenter en permanence les pauvres comme des victimes ne les aide en rien, bien au contraire.

Les deux racines du partage se retrouvent de manières diverses dans la Bible:

Exemples pour le partage par équité:

  • « Et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu (…) Puis-je supporter une mesure fausse et un boisseau diminué, abominable ? (Michée 6,8+10)
  • « Un homme peut-il tromper Dieu? Or vous me trompez! Vous dites: en quoi t’avons-nous trompé? Quand à la dîme et aux redevances. » (Malachie 3,8; il faut savoir que la part impayée de la dîme et des redevances a ensuite profité entre autres aux pauvres)
  • « Zachée debout, dit au Seigneur : voici Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un je lui rends le quadruple ». (Luc 19,8)

Exemples pour le partage par charité:

  • « C’était moi le père des pauvres, la cause d’un inconnu je l’examinais ». (Job 29,16)
  • « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui? »  (1 Jean 3,17)
  • « Zachée debout, dit au Seigneur : voici Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un je lui rends le quadruple ». (Luc 19,8)

Il me semble très important que quelqu’un qui se préoccupe vraiment des pauvres et a vraiment du cœur ne va pas perdre son temps à faire quotidiennement la différence entre ces deux motivations. Le véritable amour ne doit pas nous conduire à partager uniquement lorsque l’équité l’exige, pas plus qu’il ne doit nous amener à considérer chaque acte de partage comme acte de générosité gratuite.

Il est presque impossible de négliger l’importante récurrence des thèmes de la pauvreté et des pauvres dans la Bible. Et ce ne sont pas que les prophètes qui en parlent. Non, ce thème est évoqué en de nombreux points dans la Bible. Il s’agit d’un refrain qui réapparaît sans cesse: dans la loi mosaïque, chez Job, dans les psaumes, chez les prophètes, chez Jésus, dans la première communauté, dans les lettres de Paul et dans d’autres lettres encore. Jim Wallis et ses amis ont un jour découpé tous les passages de la Bible qui parlent des pauvres. Cette Bible était alors pleine de trous et ne tenait presque plus debout. Un bouquet choisi parmi ces versets est présenté en annexe.

Il me semble également intéressant de noter qu’une nouvelle doctrine est apparue au cours des deux dernières décennies en philosophie : la suffisance. Après avoir débattu pendant des décennies d’égalitarisme, c’est à dire de l’importance capitale de l’égalité, la nouvelle doctrine précise maintenant que le plus important est que chacun ait suffisamment. Selon elle, aussi longtemps que tout le monde a suffisamment, trop s’attacher à l’égalité ne conduit qu’à se comparer inutilement aux autres et à vouloir obtenir trop. Si je continue à considérer l’égalité comme un idéal important (notamment l’égalité des droits, mais aussi l’égalité des chances) je trouve malgré tout le changement de perspective convaincant : la priorité absolue est que tout le monde ait suffisamment.

Après tout, il serait contradictoire de ma part de prétendre avec autant d’insistance dans la troisième partie que cela ne profite nullement à quelqu’un de posséder plus que ce qui est suffisant, uniquement pour affirmer maintenant qu’il est important que tous les hommes disposent de la même quantité, même si cette « même quantité » tombe dans le domaine matérialiste du « plus que suffisant ». J’ai donc du mal à comprendre pourquoi des personnes engagées sur le plan social font aussi souvent des salaires de plusieurs millions de francs des grands patrons leur thème principal. Le salaire extrêmement élevé des PDG profite t-il réellement ou nuit-il à leur qualité de vie ? Toute personne qui, en Suisse, gagne 6000 francs par mois, ce qui fait d’elle l’une des plus riches de la planète, devrait d’abord se demander si, compte tenu de la pauvreté dans le monde, elle peut le justifier, et ne pas renvoyer la faute (même si elle n’a pas tort non plus) sur les quelques-uns qui gagnent encore plus qu’elle – et se sont sans doute par là attiré davantage de danger que de bonheur.

Que répond la Bible à la question de savoir si nous devons, pour les biens matériels, accorder la priorité au principe d’égalité ou à celui du « suffisamment pour tous » ? Je ne suis pas en mesure d’y répondre clairement, mais il me semble que la Bible insiste d’abord sur le problème du manque des pauvres, avant même celui de l’inégalité.

En résumé, nous avons déterminé que face à l’abondance, le principe directeur qu’il convient d’appliquer est celui de la suffisance. Ce principe de suffisance nous amène à partager. Premièrement, nous désirons partager parce que, pour nous qui vivons au-dessus du seuil de suffisance, il est bon de ne pas avoir plus que ce qui est suffisant. Deuxièmement, nous voulons partager parce qu’il est bon pour ceux qui vivent en dessous du seuil de suffisance de ne pas avoir moins que ce qui est suffisant. Nous pouvons encore subdiviser cette dernière raison en motivations d’équité et de charité.

Dans les deux parties qui suivent, je tenterai brièvement d’exposer quelques tentatives d’application. J’y expliquerai qu’il me semble important de changer autant notre vie personnelle que les structures politiques.

Mise en application sur le plan personnel

I. Une première proposition consiste à apprendre à vivre avec un cercle de suffisance. Earl Pitts est à l’origine de cette proposition.

Un cercle de suffisance peut être ouvert ou fermé. Dans un cercle fermé, je n’ai convenu qu’avec Dieu et moi-même de ce qui est suffisant pour moi et je m’y tiens par écrit.

Un cercle de suffisance comprend les obligations (comme les impôts ou les remboursements de dettes), les nécessités (comme manger ou avoir un toit) et les désirs (par exemple des vacances chères).

Les désirs peuvent être grands ou petits, l’important est tout d’abord de les définir. On parvient ainsi à la situation suivante : tout revenu se répartit en deux catégories : suffisant et surplus. Et lorsque l’on n’a pas assez, alors on peut aussi prier Dieu concrètement et lui dire : tu sais bien ce dont j’ai besoin pour avoir suffisamment.

Lorsque l’on ne ferme pas le cercle de suffisance, les nécessités et surtout les désirs s’ajustent simplement de manière élastique au revenu.

II. Dans la première proposition, j’ai dit que les désirs peuvent être grands ou petits – le principal est d’abord de les définir. Dans un deuxième temps, nous pouvons, compte tenu des deux avantages du partage – et uniquement si nous le faisons de gaieté de cœur et dans la joie – commencer à passer en revue les désirs dans un ordre décroissant. Lorsque l’on a une vision radicale à long terme et que l’on commence doucement, on se rend compte qu’il est libérateur de faire taire les désirs matériels qui augmentent sans arrêt. Celui qui désire moins a besoin de moins pour ainsi être heureux, c’est aussi simple que cela.

III. Nous avons fondé à Berne un groupe que nous avons appelé « cukup » (« cukup » est un mot indonésien signifiant « suffisant »). Il s’agit pour nous d’une part de se rencontrer une fois par mois pendant toute une année – chaque fois après un dîner commun – pour discuter des thèmes de la pauvreté et de l’abondance. D’autre part, il s’agit de faire vivre en tant que groupe les idées de la suffisance et de partager de manière consciente. Le fait d’agir en tant que groupe et de disposer d’un horizon temporel clairement défini assure le dynamisme de l’ensemble.

IV. Il est essentiel que nous observions la pauvreté de nos propres yeux et cherchions ainsi à nous y confronter nous-mêmes. Que nous regardions ceux qui souffrent d’un manque matériel dans les yeux et ne les considérions plus d’abord comme « pauvres » mais tout simplement comme frères et sœurs. Nous pouvons appréhender la pauvreté par tous nos sens en allant personnellement à la rencontre des pauvres. Mais également en lisant ce que dit la Bible sur ce thème ou en regardant des films qui traitent du sujet. Je suis convaincu qu’un simple film suscite davantage de réactions en nous que dix textes de réflexion tels que celui-ci.

Mise en application sur le plan politique

I. Lorsqu’on est convaincu qu’ici-bas, nous autres être humains devons avoir pour objectif de posséder suffisamment – ni plus ni moins -, alors notre attitude par rapport à la croissance économique change. La croissance économique n’est alors plus du tout une fin en soi – en tout cas pas pour des pays comme la Suisse. Pour les pays dans lesquels de nombreuses personnes vivent en dessous du seuil de suffisance, il est préférable d’envisager une croissance économique qualitative.

Le Conseil fédéral cite comme objectif premier de son programme de la législature 2003-2007 l’accroissement de la prospérité11 – qu’est-ce, sinon de l’aveuglement ? S’il y a bien un problème que nous ne connaissons pas en Suisse, c’est un manque de prospérité. (Il convient bien évidemment de remarquer que la croissance économique peut parfois être nécessaire comme moyen pour une fin – par exemple, il peut être plus facile de maîtriser inflation et chômage lorsque l’économie est en pleine croissance plutôt qu’en stagnation. Mais dans ce cas, la croissance économique n’est pas utilisée comme fin en soi pour accroître la prospérité.)

II. Un moyen important pour permettre aux pays de l’hémisphère Sud d’accroître leurs ressources vitales est de nous attaquer aux racines du problème : les pays du Sud doivent acquérir plus de pouvoir dans la prise de décisions qui régissent le système économique mondial. Ce partage du pouvoir nous amènera indirectement un coût: de l’argent. Mais c’est l’une de nos meilleures options si nous voulons partager. (Plusieurs experts partagent cet avis, dont Joseph Stiglitz, détenteur du prix Nobel d’économie 2001 et ancien économiste en chef de la Banque centrale, Thomas Pogge, éminent philosophe contemporain qui s’est prononcé à maintes reprises sur la question de la pauvreté et Simonetta Sommaruga, présidente de la Fondation des consommateurs et conseillère aux Etats).

III. La notion de suffisance implique aussi que nous donnions la priorité à la lutte contre la pauvreté absolue et non à la lutte contre la pauvreté relative – même si l’une comme l’autre méritent que nous nous investissions. La politique intérieure s’occupe essentiellement de la pauvreté absolue: la pauvreté relative renvoie à des personnes en Suisse qui se retrouvent qualifiées de pauvres parce que, comparées à la moyenne, elles ont peu. Mais c’est pour cela qu’elles ne sont généralement pas pauvres au sens absolu – elles ont en général « suffisamment ». La pauvreté absolue se concentre en grande partie dans les pays de l’hémisphère sud. Il est absolument essentiel que dans notre économie mondialisée, nous orientions notre politique vers ceux qui sont certes plus éloignés de nous, mais qui sont tout autant touchés par les décisions que nous prenons que nos proches concitoyens.

IV. Une idée qui commence à faire son chemin ces derniers temps est celle du revenu de base12: Chaque citoyen reçoit un salaire de base modeste et suffisant, peu importe qu’il travaille, soit au chômage, étudiant, paresseux, riche ou pauvre.

Un des avantages de ce système est qu’il garantit que tout le monde a suffisamment. Un autre avantage est qu’il permettrait de sensiblement simplifier notre Etat social. L’Etat n’a plus à vérifier qui mérite réellement de recevoir aide sociale ou allocations chômage, une démarche souvent complexe et désagréable pour les personnes concernées. L’inconditionnalité du revenu de base fournirait également de biens meilleures incitations au travail. Bien évidemment cette inconditionnalité du revenu de base est tout aussi critiquable. C’est pourquoi je ne tiens pas à promouvoir cette idée mais simplement à la présenter. A méditer: le jubilé (Lévitique 25) repose-t-il sur des idées similaires à celles du revenu de base – c’est à dire que l’on devrait recevoir un capital/revenu garanti indépendamment du travail fourni?

Perspectives

Ces propositions de mises en application ne sont que de simples exemples. Je suis ouvert à toutes nouvelles formes de propositions. Et le plus important est qu’il ne suffit pas de parler de mise en application, il faut également lui donner réalité ! Ma vision est celle d’un monde nouveau, empreint de Dieu et dans lequel plus personne n’est prisonnier, que ce soit du surplus ou du manque.

Dominic Roser, Economiste, Bern

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1. Le passage intégral (Proverbes 30,7–9) dit: « Je te demande deux choses : Ne me les refuse pas, avant que je meure ! Eloigne de moi la fausseté et la parole mensongère ; ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. De peur que, dans l’abondance, je ne te renie et ne dise : qui est l’Eternel ? Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe et ne m’attaque au nom de Dieu. Ne calomnie pas un serviteur auprès de son maître, de peur qu’il ne te maudisse et que tu ne te rendes coupable ».

Ce verset sert également de titre à un ouvrage vivement recommandable qui donne un aperçu du thème de la propriété dans la Bible : Craig L. Blomberg « Neither Poverty nor Riches. A Biblical Theology of Possesions », paru en 1999 chez Apollos (Leicester) et Invervarsity Press (Downers Grove).

2. Indication: il est même dit dans Deutéronome 14,26 que l’on doit dépenser un dixième (!) de son revenu annuel pour célébrer une grande fête devant le Seigneur avec nourriture, boissons et tout ce que le cœur désire.

3. Earl Pitts a écrit avec Craig Hill un livre sur les principes bibliques d’une gestion de finances, lequel gagne fortement en popularité ces temps-ci, en partie aussi grâce aux conférences que Earl Pitts a donné en Suisse alémanique. Le livre « biens, richesses et argent » est disponible aux éditions Jeunesse en Mission. Mon sentiment personnel: il s’agit d’un livre radical qui développe de nombreux points intéressants. Mais comme je l’ai mentionné plus haut, il laisse beaucoup trop de côté la pauvreté. Il veut rendre la Bible de manière explicite et avec beaucoup d’esprit, ce qui peut paraître par endroits un peu trop libre. J’estime qu’il s’agit d’une lecture de qualité et suis tout à fait prêt à parler plus longuement du livre si nécessaire (pour les personnes qui seraient intéressées, j’ai également fait une liste des passages où le thème de la pauvreté est selon moi un peu négligé).

4. Le verset entier dit: « alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. Et il lui dit: une seule chose te manque: va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi » (Marc 10, 21)

5. Malheureusement, il n’existe d’études fiables que pour les pays développés. Il aurait été intéressant de savoir si, en dessous d’une certaine valeur seuil (pauvreté absolue), plus d’argent rend ou non plus heureux. Il est également intéressant de voir qu’en se plaçant à un instant précis dans le temps, les hommes riches sont plus heureux que les pauvres. Mais la raison à cela est la suivante: les hommes sont plus heureux lorsqu’ils sont plus riches que d’autres (ou s’ils se considèrent riches par rapport à leurs attentes et leurs exigences). C’est pourquoi j’ai dit plus haut que la croissance économique ne rend pas les hommes plus heureux. Car la croissance économique déplace vers le haut toute la répartition des salaires et cela ne rend personne plus heureux (voir Easterlin, R.: Happiness in Economics. Cheltenham 2002).

6.  Le verset entier dit: « Donnez, et il vous sera donné : on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis » (Luc 6, 38). Considérer ce commentaire en faveur de la mesure qui déborde comme justification pour mener une vie luxuriante, c’est ne pas avoir lu la première partie du verset.

7.  Il est intéressant de voir que dans la typologie des personnalités de l’ennéagramme (l’ « ennéagramme » est une méthode pas spécialement scientifique mais profonde et utile qui répartit les types de personnalités en catégories. Elle s’est fait connaître dans les régions chrétiennes de langue allemande par l’intermédiaire de Richard Rohr.) la personnalité caractérisée par l’avarice l’est aussi par l’ascétisme. Peut-être les hommes avares sont-ils en même temps ascétiques parce qu’ils craignent plus que les autres la soif d’argent et ressentent clairement le danger. Et c’est pour cela qu’ils s’en prémuniraient grâce à l’ascétisme. Bien sûr on peut aussi penser que leur ascétisme est un reflet direct de leur avarice: ils ne parviennent pas à dépenser d’argent.

8.  Romains 12,6-8: « Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c’est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ; si c’est le service, en servant ; l’enseignement, en enseignant ; l’exhortation en exhortant. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie. » Que personne d’autre ne puisse enseigner, réconforter ou servir que celui qui en a reçu le don spécial n’est en fin de compte pas dit non plus dans ce passage…

9. L’Organisation mondiale du commerce OMC et le Fonds monétaire international FMI ont une influence considérable sur la question de savoir qui devient riche ou pauvre sur cette planète. Ils déterminent en effet les règles du jeu. Mais dans ces organisations, les pays riches ont une influence beaucoup plus importante que les pays pauvres. D’une part, de manière formelle grâce à leurs voix et leurs fonctions, d’autre part de manière informelle. Les USA peuvent par exemple envoyer des délégations de plusieurs centaines d’experts qui préparent de manière informelle l’ensemble des accords tandis que certains pays africains n’enverront qu’un jeune fonctionnaire qui devra traiter des milliers de dossiers et ne pourra lors du vote final guère faire plus que dire oui ou non.

10. Le « Compassionate Conservatism » a été choisi comme slogan par Bush. Ce qu’il veut dire par là c’est qu’il est un conservateur et donc qu’il doute que les pauvres doivent leur condition à des systèmes injustes mais qu’il a quand même un coeur. Personnellement je tiens cela pour de l’hypocrisie : ses actes ne corroborent pas ses propos!

 

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