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Eric Divernois fait partie de ChristNet depuis plusieurs années et est engagé au sein du Groupe écologique. Dans ce cadre, il a écrit un texte sur le mode de vie simple. Eric est valaisan. Il a vécu quelques années dans une communauté de foi et de vie du Val de Travers : Fontaine Dieu.

Le non-contentement, une maladie contemporaine

Le slogan des Jeux Olympiques est : « toujours plus vite, plus haut, plus fort ! » Il est également utilisé dans les entreprises pour montrer leur motivation. Le non-contentement exprimé par là est propre à l?Occident. Il se manifeste notamment dans nos pays par les taux élevés de suicide, la consommation d?antidépresseurs etc.. En un sens, le non-contentement favorise le progrès, mais l?insatisfaction finit par devenir mortifère.

Les symptômes

Un des symptômes est le toujours plus. On est poussés au travail et dans plein de domaines à vouloir toujours plus. Ce n?est pas faux en soi, le problème est plus subtil. La notion de progrès participe de ce besoin à la fois légitime et illégitime. Plus on exige de la performance, plus celle-ci génère des besoins nouveaux et a un impact environnemental. Ceci accélère un processus négatif : fatigue, surmenage, dépression. On a toujours plus de responsabilité, on multiplie les contacts pour s?assurer un meilleur développement de soi et l?épanouissement de possibilités personnelles. On a des agendas surchargés. Est-ce vraiment bon pour l?homme ?

Un autre symptôme résident dans notre consommation de drogues au sens large du terme : les gens consomment des quantités extrêmes de café, de tabac ou d?alcool pour être performants.

Il y a une tendance à chercher des expériences spirituelles. Ce phénomène se retrouve également dans les milieux chrétiens. Dans nos milieux évangéliques, la théologie de l?abondance fait des ravages. On désire toujours plus sous prétexte que Dieu va nous bénir en croyant que Dieu va nous bénir matériellement. En somme, il existe une vision libérale et consumériste de Dieu que je ne voudrais plus appeler théologie, mais « égologie ».

 

Les racines

Le non-contentement est une attitude de notre c?ur et donc une affaire spirituelle. En résumant, on peut dire que l?être humain est confronté à trois problèmes majeurs : l?isolement, l?absurdité et la peur. Ces trois aspects sont liés de manière intime et aboutissent au désir, à l?ignorance et à la haine.

·        L?isolement : il s?agit d?une profonde solitude intérieure. Dans notre monde moderne, les gens sont de plus en plus isolés les uns des autres. Le progrès a cassé l?interdépendance entre les générations et les liens entre les personnes. On n?a plus besoin les uns des autres pour vivre. Ceci peut se manifester de différentes manières : certains passent leur journée devant l?ordinateur, d?autres se font livrer leurs courses commandées par Internet, etc.

·        L?absurdité : en Occident tout a été remis en question par le passé : notre vision du monde est bouleversée. Les grandes idéologies sont dépassées. Certains penseurs parlent de désillusionnement du monde qui se traduit par une profonde perte de sens. Que reste-t-il ? Il n?y a plus qu?à consommer. Aujourd?hui, les magasins sont construits comme des temples de la consommation et vantés comme de vrais paradis.

·        La peur : c?est une angoisse existentielle. Wolfgang a bien décrit cette réalité dans notre vie et notre monde. La peur résulte d?une inquiétude fondamentale face à un monde que l?on ne comprend pas, que l?on subit et dans lequel on est « jeté » comme disait Heidegger. L?histoire de l?Occident est minée par l?angoisse. Au Moyen-Âge, on avait peur du jugement dernier, on avait peur des catastrophes et de la fin des temps. Ainsi, la peur fut grande lors du passage de l?an mil. Plus récemment, le XXème siècle fut marqué par la peur d?une confrontation nucléaire, des menaces terroristes, de la crise financière et des bouleversements écologiques. Il faut réaliser que malgré notre posture chrétienne, nous sommes victimes de la peur du manque. Cette peur se cache derrière des préoccupations plus anodines : chômage, argent, etc. C?est souvent une peur inconsciente, mais moins on en est conscient, plus elle nous influence.

 

Les effets

Le non-contentement a des effets aux niveaux personnel, social, économique et environnemental.

·        Effets personnels : en vivant dans le non-contentement, nous renforçons notre avidité. Nous sommes avides de tout, toujours, en tout temps, plus vite et plus intensément. Ceci amène différentes formes de prédation, d?épuisement et de saturation. Un auteur a dit : « L?abondance de biens crée une pénurie de temps ». En effet, nous manquons tous de temps.

·        Effets sociaux : le non-contentement nous pousse à exiger plus des autres. Si, par exemple, je demande à obtenir dix tasses de café à petit prix à la place d?une seule, mais plus chère, j?augmente mes exigences face à la production et au prix, ce qui augmente la pression sur les salaires et sur les conditions de travail.

·        Effets économiques : l?avidité nous pousse à gagner plus, à augmenter les intérêts sur nos actions, à spéculer sur des produits financiers hautement rentables, afin d?assurer nos comptes en banque, nos intérêts et ceux de notre descendance. Mais cela conduit également à l?emballement économique et aux débâcles financières.

·        Effets écologiques : la pression environnementale générée par l?avidité est spectaculaire, parce qu?elle est multipliée par le nombre d?habitants de la planète et décuplée par le système. Si chacun exige le même taux de confort, il s?avère vite que tous nos désirs ne peuvent être satisfaits à l?infini dans un monde fini. Malheureusement, l?avidité est à la base de notre économie, laquelle nous fournit emplois et salaires?

 

Les médicaments de Dieu

Dans les médicaments proposés par Dieu, on trouve entres autres : la conversion, le renoncement, la reconnaissance et la louange, ainsi que la « trithérapie de Dieu » : l?amour, la foi et l?espérance.

·        La conversion : c?est un processus qui consiste en un retournement mental : il faut changer nos représentations, et ce changement concerne également l?univers affectif. La Bible parle de la « circoncision du c?ur ». En enlevant une couche superflue pour rendre le c?ur plus tendre, on procède à une simplification du c?ur.

·        Le renoncement : la conversion nous amène au renoncement. Il ne s?agit pas là avant tout de renoncer extérieurement à tous nos biens. Luther parlait de l?homme non

·        converti comme de celui qui est courbé sur lui-même. C?est à notre égoïsme fondamental que nous devons renoncer, et c?est difficile !

·        La reconnaissance et la louange : souvent, nous avons tendance à chanter des chants pour nous sentir bien. C?est pourtant une attitude qui nous fait glisser progressivement vers le consumérisme. Au contraire, l?essentiel dans la louange consiste à avoir un c?ur reconnaissant. C?est alors une louange de qualité.

·        L?amour, la foi et l?espérance : tout un programme. Il y a là des pistes très bibliques. Cependant, pour nous soyons changés, la confiance en Dieu est fondamentale. Intellectuellement, on croit, mais concrètement, on se rend compte qu?on n?a pas vraiment la foi. Quand nos sécurités tombent, nous voyons vraiment où nous en sommes. L?amour, la foi et l?espérance sont en quelque sorte les contreparties de l?isolement, du non-sens et du désespoir ou de l?angoisse.

 

Conclusion : assez pour vivre

En contestant le mécanisme du toujours plus, on pourrait donner l?impression de faire l?éloge de la médiocrité et de la paresse et de mettre en cause la notion de progrès. L?idée n?est pas de se complaire dans un contentement facile. Le contentement n?est pas comme ces chalets qui portent l?inscription « Samsuffit »1 . Il ne s?agit pas non plus de passer du « trop » au « trop peu », mais plutôt du « trop » à « l?assez ». Par exemple travailler assez pour vivre, et non vivre pour travailler ; manger assez sans tomber dans la sur-bouffe et consommer selon ses vrais besoins ; viser la qualité plutôt que la quantité ; avoir assez pour satisfaire ses vrais besoins. ` côté du « toujours plus », il y a « l?assez » : assez pour vivre, assez pour partager et surtout assez pour être reconnaissant dans la bienveillance, dans la confiance et dans l?espérance.

Questions

Comment concilier le contentement avec l?appel de Dieu à faire fructifier nos dons ?

Il y a un mécontentement légitime, qui est illustré par exemple par Paul lorsqu?il dit : « Je poursuis ma course vers le but »2 . Il va donc de l?avant. L?Evangile nous exhorte à porter du fruit. Dans la création, il y a l?idée de progrès et de développement. C?est la loi de la vie. Le problème est que Satan fait de même, mais d?une manière néfaste : il existe aussi une loi du progrès qui a des effets mortifères pour l?individu et l?environnement.

En fait, il convient de m?interroger sur ma motivation à aller plus loin et surmon attitude, plutôt que de renoncer à aller plus loin?

En fin de compte, c?est une question que chacun doit résoudre dans son c?ur.

En Suisse, avec ma femme, nous avons souvent chassé des démons présentant un aspect financier. Les gens étaient poussés à consommer plus, ils étaient esclaves de ces démons. Ce n?est pas une attitude, mais une possession démoniaque. Où mettre la limite ?

Il y a un aspect démoniaque sous-jacent aux motivations. Le spirituel sous-tend le psychique et l?influence. Je n?ai pas la compétence pour en dire plus.

Il y a un verset qui dit : « Là où est votre c?ur, là est votre trésor. »3 . Est-ce que Dieu appelle les gens à tout donner ou faut-il plutôt prendre ce passage comme un appel à bien dépenser notre argent ?

L?Evangile est radical. A mon avis, il y a les deux attitudes : François d?Assise, par exemple, a tout donné. Mais il y a aussi des gens qui ont des richesses et qui sont ouverts à Dieu et lui obéissent dans leurs dépenses.

Transcription : Anne-Sylvie Giolo, Samuel Ninck

Révision : Sarah Martinez

 


1. Ça me suffit.

2. Philippiens 3.14

3. Luc 12.34.

Photo by Muhammadtaha Ibrahim Ma’aji on Unsplash

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Wolfgang Simson est né en Allemagne et a exercé son ministère dans plusieurs pays. Il a étudié la théologie à Bâle, mais a aussi été chauffeur de taxi. Il a une vision particulière sur la confiance en Dieu qu?il cherche à partager.

Introduction

Tout d?abord une précision : je n?ai pas une vision, mais je suis caractérisé par une vision. Ce n?est pas la même chose. Dieu nous dit de faire certaines choses, mais ce n?est pas à nous de dire à Dieu ce qu?Il doit faire !

Dieu donne trois choses aux hommes : l?amour, la grâce et la bénédiction. Les deux premiers, Il les donne sans conditions. La troisième, la bénédiction est liée à la condition d?obéir Dieu. C?est donc parce que nous suivons la vision de Dieu que nous recevons la bénédiction. Les hommes ne doivent pas inviter Dieu à soutenir leur propre vision.

Trois choses me tiennent particulièrement à c?ur : un retour aux sources historiques de l?Eglise ; l?unité du corps de Christ ; une gestion biblique des finances.

La confiance en Dieu : une expérience à vivre

Commençons par une expérience que j?ai faite en Egypte, au Caire. En début de journée, j?ai parlé dans un bidonville devant 3000 personnes et je devais être à 18 heures à l?autre bout de la ville pour parler dans une Eglise catholique. J?ai donc pris un taxi, le conducteur était plutôt âgé et quand je lui ai donné le billet sur lequel était notée l?adresse, celui-ci est tombé à terre et le chauffeur a démarré. Comme il partait du principe que tous les touristes voulaient aller soit aux pyramides soit au Hilton, et vu qu?il faisait déjà nuit, il m?a conduit au Hilton.

Me voilà donc au Hilton sans savoir où aller. Il ne me restait plus que 15 minutes jusqu?à mon rendez-vous et je ne parlais que deux mots d?arabe. C?est là que j?ai entendu une voix qui me disait que ce n?était pas tout à fait juste. En effet, je savais dire « en avant ! », « chéri », « à droite », « à gauche » et « tout droit ». J?ai reconnu que c?était Dieu qui me parlait et j?ai décidé de lui faire confiance. J?ai donc dit : « En avant, chéri ! » et il est parti. J?ai prié Dieu de me conduire où je devais aller. « Dis-moi à chaque carrefour la direction que je dois prendre et dirai au chauffeur : ?A droite? ou ?A gauche? ! » C?est ce que j?ai fait et après quelques raccourcis, on est arrivés par des petits chemins que seul des personnes du lieu connaissent? Par cette expérience, Dieu m?a appris ce que signifie lui faire confiance.

 

Le royaume de Dieu : la peur n?est plus

Actuellement, nous vivons une époque caractérisé par la peur. Mais Dieu nous dit : « N?aie pas peur petit troupeau. » Le royaume de Dieu est le lieu de la pleine royauté de Dieu. Il faut abandonner notre idée de « démocratie » pour passer à la « théocratie ». Jésus nous y invite. Dans une théocratie, la peur n?a pas de raison d?être, car Dieu nous apporte ce dont nous avons besoin.

Aujourd?hui, je ne suis plus Allemand : mon royaume est celui de Dieu. Je ne suis plus patriote, car le royaume de Dieu est ma patrie. Pour cela, il faut accepter la royauté de Dieu. Ce message est plus difficile à faire passer en Occident que dans d?autres endroits du monde, comme en Asie. Pour les gens là-bas, qui viventsous une dictature, cela a du sens. En Occident, en tant qu?héritiers de mai 68, nous avons tendance à voir le royaume de Dieu d?une manière démocratique et antiautoritaire. « Chercher d?abord le royaume de Dieu et sa constitution », implique avant tout deux choses : accepter la seigneurie de Jésus sur moi et ensuite s?occuper de la constitution de ce royaume. Souvent le mot grec « dikaïosuné » est traduit par « justice », mais c?est vraiment la constitution au sens juridique du terme.

Les gens croient à un Jésus théorique qui les aide mais qui n?est pas le roi de leur vie. Pourtant, le plus important n?est pas ce que l?on dit, mais comment on vit ! Montre-moi comment tu vis et je te dirai ce que tu crois. La première chose à faire est de renoncer à sa peur et de placer sa confiance dans le royaume de Dieu.

 

Voir ou croire ?

Chaque année, une compagnie d?assurance allemande commande une étude sur les sept principaux motifs de peur des Allemands : les Allemands ont en premier lieu peur de l?avenir, du manque d?argent et de l?augmentation des prix. La peur est le maître du monde. L?Allemagne est un pays qui est dirigé par la peur, mais à mon avis, deux pays sont encore pires : le Japon et la Suisse. Nous sommes des fanatiques des assurances et cherchons toujours à assurer notre insécurité.

La foi, elle, va dans la direction opposée. En effet, il existe deux manières de vivre : une vie par la foi et une vie par la vue. Dans le premier type de vie, on reçoit de Dieu ce qu?il faut ; dans le deuxième, on entre dans une logique arithmétique: si je travaille 40 heures, si je fais ci et ça, je recevrai ceci et pourrai payer cela. Même nous, les chrétiens, essayons d?avoir la mainmise sur nos finances. Dieu nous dit pourtant d?arrêter de faire confiance à nos finances. C?est une condition pour entrer dans la vie promise par Dieu.[1] Avec Jésus et son Royaume, nous avons une solution pour notre vie et nos finances.

Conclusion : une économie du partage

La plupart des gens sont esclaves de leur travail et de leurs finances. Dans l?Eglise primitive, les gens ne vendaient pas ce qu?ils possédaient aux autres, ils le partageaient. Nous faisons de même avec notre littérature : elle n?est pas à acheter, mais à lire simplement. Si l?ouvrage ne vous plaît pas, donnez-le plus loin. Mais s?il vous a parlé, donnez-le à dix autres personnes et contribuez ainsi à une économie du partage (« gift economy »). Nous avons créé une fondation pour soutenir ce système afin que la vision de partager sans payer puisse se propager : http://starfishportal.net/ (en allemand).

 

Questions

Pourrais-tu préciser ce que tu entends par « économie du partage » ?

Dans le courant du Nouvel Âge, il y a des festivals qui fonctionnent comme cela, on ne peut rien acheter. Chacun apporte quelque chose et le met en commun, mais cela fonctionne pendant deux semaines. Dieu nous demande de partager ce que l?on a. Aujourd?hui, on a un système bancaire qui n?existait pas au début. Il fallait alors compter sur les autres. Aujourd?hui, nous vivons dans une société de consommation, qui est notamment soutenue par les chrétiens. Toute la chrétienté est basée sur cette consommation commerciale.

Afin de contrer ce mouvement, nous avons décidé de tout donner gratuitement : livres, lettres de nouvelles, musiciens. Nous mettons tout cela dans le domaine public.

As-tu rencontré des oppositions ?

Non, au contraire. En Inde, j?ai prêché devant 10 000 personnes sans opposition. Les gens comprennent, mais ils ont de la peine à sortir de ce système, car ils en dépendent.

N?avez-vous pas peur de vous sentir exploités ?

Est-ce que les gens n?exploitaient pas Jésus ? Ils font du commerce avec lui donc ils peuvent aussi faire la même chose avec moi. Ou Dieu m?aide, ou je coule. Ce n?est pas facile, cela implique des nuits blanches à pleurer, mais cela fait partie de la vie chrétienne. Le domaine financier est la partie la plus visible de notre spiritualité.

Wolfgang Simson

Transcription : Anne-Sylvie Giolo, Samuel Ninck

Révision : Sarah Martinez

 


[1] cf. Luc 14

Photo by Liane Metzler on Unsplash

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Rahel Röthlisberger est médecin assistant près de Berne. Elle est l?une des initiatrices du projet « cukup » lancé en 2006. Rahel est membre de ChristNet depuis déjà de nombreuses années.

Je prie depuis longtemps pour que les trois valeurs confiance en Dieu, contentement et miséricorde soient mises en valeur en Suisse. C?est pourquoi je me réjouis de pouvoir aujourd?hui participer à ce Forum. Je vais vous faire part du chemin qui m?a conduit vers plus de miséricorde; c?est un chemin très personnel qui n?est pas nécessairement identique pour tous.

Une devise : apporter la bonne nouvelle aux pauvres

Il y a quelques années de cela, ma foi était en pleine remise en question et je conclus un accord avec Dieu pour qu?il donne un sens à ma vie. Il me transmit le verset Esaïe 61.1 pour que j?en fasse ma devise personnelle: « L’esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, car l’Éternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux? » C?est alors que j?ai commencé à travailler bénévolement dans un centre de réhabilitation pour toxicomanes. Cependant, j?étais triste car je sentais que j?atteignais rapidement mes limites et que je n?arrivais pas à faire plus.

J?avais toujours rêvé d?aider les plus pauvres en Afrique et je suis donc partie faire un stage de 3 mois sur ce continent. Ces 3 mois m?ont permis de me rendre compte que j?avais le mal du pays et que je n?étais pas faite pour travailler à l?étranger. Mais ils m?ont également permis de découvrir ce qu?est la pauvreté extrême : de nombreux malades, souvent nu-pieds, et de nombreux nourrissons mourants. Et pourtant, nous ignorons tout de cela en Suisse. J?ai demandé à mes amis africains comment ils faisaient pour s?en sortir. Ils me racontèrent l?histoire d?une femme malade qui n?avait pas d?argent pour se soigner. « Nous avons prié Dieu pour lui demander ce à quoi nous pouvions renoncer. Malgré notre aide, seule la moitié de la somme fut réunie. » Cela s?avéra malgré tout suffisant car le prix fut négocié à la baisse. A quand remonte la dernière fois où j?ai agi de la sorte ? Ils prient souvent pour de l?argent et Dieu veille. J?acquis la conviction profonde que je ne pouvais pas continuer à vivre comme avant.

 

Des conteneurs pour l?Afrique

De retour en Suisse, je me suis sentie déprimée car j?avais perdu le sens que j?avais donné à ma vie, celui d?aider les pauvres. C?est à ce moment que mon chemin croisa celui d?un vieil homme qui s?était jusqu?alors occupé du transport de conteneurs vers l?Afrique et se sentait à présent trop vieux pour continuer. Il me demanda si je souhaitais poursuivre son travail. Je répondis par l?affirmative. L?image suivante fut source de motivation pour moi : je me voyais devoir traverser un fleuve en marchant sur des pierres posées au fond. Et Dieu me disait: « Je t?accompagne mais c?est à toi d?oser faire chaque pas ».

C?est ainsi qu?arriva le moment du premier transport: 1,5 tonnes de matériel médical qui devait « immédiatement » être expédié. Mais je n?avais ni le temps ni l?argent pour m?en occuper. Je rencontrai alors un autre homme d?un certain âge dont le passe-temps était d?organiser le transport de conteneurs. Je n?avais qu?à l?aviser 4 jours à l?avance et il prenait gratuitement en charge l?ensemble de la logistique.

En outre, les partenaires africains réclamèrent un générateur d?électricité. Je ne savais même pas de quoi il s?agissait. Deux jours plus tard je reçus un appel téléphonique où l?on me demandait si j?avais besoin d?un générateur, valeur à l?état neuf CHF 20’000 ! En fin de compte, ce transport put se dérouler quasiment sans accroc.

 

cukup : une expérience

En 2005, je pris part à la Conférence du Jeûne Fédéral 2005 du PEV. Dans l?hôtel de luxe Olten, les discussions tournaient autour au thème « Défi pauvreté ». Moi et plusieurs autres jeunes présents étions passionnés par le sujet mais nous nous demandions comment agir concrètement. Nous avions beau avoir la volonté de faire quelque chose, nous étions conscients de dépendre de notre société. A travers la prière, l?idée nous est venue de mener une expérience : vivre pendant un an le plus simplement possible (avec un « budget de nécessité ») et redistribuer le reste.

Ce projet s?avéra plein d?événements inattendus : lorsque nous décidâmes, par exemple, de ne pas partir en vacances pour économiser de l?argent, on nous prêta gratuitement une maison de vacances de 20 places. Lorsque mon vélo se cassa, quelqu?un m?offrit un vélo 21 vitesses que je n?aurais jamais acheté moi-même.

Il fallut ensuite s?occuper du deuxième transport de conteneur, deux fois plus important que le premier. Tous les frais furent couverts car une amie m?indiqua que la DDC payait l?intégralité du transport de matériel militaire réutilisé à des fins humanitaires. Et lorsque, prise par mon travail de médecin assistant, je n?arrivai plus du tout à trouver le temps de préparer ce transport, le voisinage tout entier vint me donner un coup de main. J?aimerais encourager tout le monde à s?aventurer sur le chemin de la miséricorde vécue.

Défis

Je dois avouer que j?ai souvent atteint les limites de mes capacités et que le temps m?a plus d?une fois fait défaut. Grâce à la protection de Dieu, plusieurs accidents se sont avérés sans gravité. J?ai également rencontré des difficultés à l?hôpital car mes collègues avaient l?impression que je ne prenais pas suffisamment au sérieux mon travail. J?ai fini par chercher un poste ailleurs mais j?ai du essuyer plusieurs refus. Une collègue attira mon attention sur un médecin de campagne chrétien à qui j?ai donc envoyé une candidature spontanée. Toute tremblante et pleine d?hésitation, j?ai évoqué au détour d?une phrase mon engagement pour l?Afrique. Lors de l?entretien d?embauche, il commença tout de suite par me demander ce que cela impliquait. Lorsque je lui répondis que je cherchais un travail qui me laisse suffisamment de temps pour continuer à organiser des transports il se montra particulièrement intéressé et m?engagea à la condition que je poursuive avec les conteneurs !

 

Pour finir : de petits pas

En conclusion, je souhaiterais réitérer mon v?u de voir les Suisses se préoccuper moins de questions matérielles. Il y a des chrétiens sur cette planète qui luttent au quotidien pour leur survie. Je vous encourage à demander à Dieu comment vous pouvez agir sur ce sujet. De petits pas suffisent comme j?ai souvent pu le constater avec satisfaction. J?ai dit à Jésus : « Voici mes deux petits poissons. Prends-les ». Et il en a fait de grandes choses. Là où je ne me doutais de rien, Dieu est intervenu.

La prière, le silence et l?adoration ont été de grandes sources d?inspiration pour moi. J?y passe souvent des heures. Ce sont des moments qui me donnent du courage et me permettent d?aller de l?avant.

Rahel Röthlisberger

Transcription : Samuel Ninck

Traduction : Vincent Thonnart


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Berne, 27.4.08 ? Ce samedi 26 avril, une vingtaine de personnes ont participé au Forum organisé par ChristNet à Berne. En prenant appui sur Luc 12.22-341 , il traitait du sujet « N’aie pas peur, petit troupeau ! Confiance en Dieu, contentement et miséricorde : trois valeurs pour changer la société. »

 

Ce thème s’inscrit dans la suite d’une réflexion de ChristNet sur les valeurs dont notre société a particulièrement besoin. Le constat : entre les peurs qui dominent le débat public (terrorisme, abus sociaux et dans l’asile, effondrement boursier), l’amour risque de se refroidir. Trois intervenants d’horizons différents ont montré la voie pour que l?amour de Dieu soit plus visible en Suisse. « Ca fait des années que je prie afin que ces valeurs soient mises en valeur en Suisse ! » s’en réjouit une participante.

Confiance : ensemble contre la peur

Wolfgang Simson, théologien et auteur, exposait comment, selon lui, la confiance en Dieu était nécessaire pour que nous soyons libérés de la peur : « Les Suisses sont les mieux assurés du monde ; cela montre à quel point nous sommes soumis à la peur. » Pourtant, Jésus reconnaîtrait cette peur et nous proposerait une solution : « Dans le monde, vous aurez à souffrir bien des afflictions. Mais courage! Moi, j’ai vaincu le monde. » (Jean 16.33) En demandant à ses disciples d’ « abandonner leurs filets », il encouragerait de perdre le contrôle sur nos moyens de production. Dès lors, M. Simson promeut une économie du partage en proposant livres et musiques gratuitement.

Contentement : assez pour vivre

Ensuite, Eric Divernois, travailleur social et membre du groupe écologique de ChristNet, exposa le thème du contentement ou de la vie simple. Partant du constat que nos sociétés occidentales sont prisonnières de leur non-contentement, il en analyse les symptômes : performance à outrance, stress (plus on a d’objets, moins on a du temps), dépressions et dépendances. pour en identifier les racines : l’isolement, la perte de sens, ainsi qu’une peur existentielle profonde. Les effets seraient patents : l’avidité et l’exploitation au niveau économique et une pression accrue sur l’environnement dont les ressources sont limitées. Comme « médicaments de Dieu » il proposa la conversion comme un processus de retournement qui consisterait dans le renoncement, la reconnaissance et la louange, ainsi que l’amour, la foi et l’espérance. « à côté du toujours plus, il y a l’assez, assez pour vivre, assez pour partager et surtout assez pour être reconnaissant. »

Miséricorde : assez pour partager

Rahel Röthlisberger est médecin assistant et membre de ChristNet. Elle témoigna de comment Dieu l’a amené sur un chemin de miséricorde. En crise de sens, elle reçut comme appel personnel le verset : « L’Esprit de l’Eternel, du Seigneur, est sur moi car l’Eternel m’a oint pour annoncer aux humiliés une bonne nouvelle. » (Esaïe 61.1) Un séjour en Afrique bouleversa sa vision du monde : la pauvreté d’une part et l’ignorance de cette réalité en Suisse d?autre part. Après une conférence dans un cadre feutré à Olten sur le « défi de la pauvreté » elle pria et décida avec des amis de se lancer dans l’aventure « cukup » : mener une vie simple pendant une année pour partager le superflu. Dès lors, elle expérimente le soutien de Dieu dans des questions financières. « Je souhaite que les chrétiens suisses se préoccupent moins de questions matérielles, alors que d’autres chrétiens se battent pour la survie. » conclut-elle.

Débat public : comment agir ?

Lors de la table ronde et du débat public les thèmes traités furent approfondis et des propositions concrètes ont été amenées : la confiance en Dieu nous préparerait à nous contenter afin de faire montre d’une miséricorde sincère face à nos prochains, proches et lointains.

Wolfgang Simson évoqua les mouvements d’« Eglises simples » qui émergeraient sur plusieurs continents dont en Amérique. Markus Meury du Comité exécutif de ChristNet évoqua les incidences politiques de la confiance : nous pourrions être plus sereins et moins craintifs p.ex. face aux abus sociaux et les étrangers. Samuel Ninck, coordinateur de ChristNet évoqua, enfin, la possibilité de créer un réseau d’initiatives promouvant des modes de vie simples. « Nous avons parlé, maintenant il faut agir » conclut Rahel Röthlisberger.

Ce Forum fut l’aboutissement de la réflexion au sein de ChristNet sur les valeurs qui importent aujourd’hui pour notre société.

 


1. Notamment les versets 30b et 32 : « Votre Père sait que vous avez besoin [de ces choses]. … N’aie pas peur, petit troupeau! Car il a plu à votre Père de vous donner le royaume. »

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