~ 3 min

Le 16 août 2011, un comité interpartis a lancé l’initiative populaire «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS». ChristNet soutient activement cette initiative, parce qu’elle apporte une contribution concrète à la tâche biblique consistant à instaurer une justice sociale et à combler le fossé entre pauvres et riches.

Redistribution: un principe biblique

Un des thèmes de prédilection de la Bible est le comblement du fossé entre pauvres et riches. Les riches en particulier sont mis à contribution. Nous pouvons lire que nous devons «ouvrir la main au pauvre» (Dt 15.7-11). Les Proverbes nous mettent en garde: «Celui qui fait la sourde oreille quand le malheureux appelle à l’aide, appellera lui-même à l’aide sans obtenir de réponse.» (Pr 21.13)

Dans le Nouveau Testament, Jésus s’identifie aux pauvres dans la parabole sur le jugement dernier: «Chaque fois que vous avez fait cela au moindre de mes frères que voici, c’est à moi-même que vous l’avez fait.» (Mt 25.31-46) Paul insiste même: «Ordonne à ceux qui sont riches dans le présent système de choses… de travailler au bien, d’être riches en belles œuvres, d’être généreux…» (1 Tm 6.17-18).

Pour combler le fossé entre pauvres et riches, la Bible préconise, certes, avant tout la solidarité individuelle et le don d’aumônes. Mais l’Ancien Testament prévoit aussi une redistribution ancrée dans la loi.

Le jubilé

Un exemple en est le jubilé: selon la loi juive, toute parcelle vendue par nécessité doit être restituée à son propriétaire d’origine tous les 50 ans (Lv 25.8-31). Lors de la conquête de Canaan, chaque famille avait à l’origine reçu une portion du territoire. La «réforme foncière» périodique pendant l’année du jubilé devait préserver cette répartition équitable de la terre.

Ainsi, le jubilé était un fondement visant à éviter l’injustice structurelle et à permettre à chacun de subvenir à ses besoins. Car dans la société israélite à vocation agricole, qui perdait sa terre perdait sa base de subsistance.

Injustice sociale

L’invitation biblique à ne pas accumuler de biens et à distribuer les richesses n’est suivie que de manière très limitée dans notre société: les grandes fortunes, qui se transmettent de génération en génération, sont une des principales raisons de la concentration de la richesse entre les mains d’un nombre toujours plus restreint de personnes.

Il s’ensuit une pauvreté persistante1 et des problèmes sociaux, tandis que le fossé entre pauvres et riches continue de se creuser. La Suisse compte parmi les pays où l’inégalité en matière de distribution des richesses est la plus flagrante.2

AVS et impôt sur les successions

Il est avéré que l’AVS, avec son régime de répartition sans accumulation de capitaux, les recettes servant immédiatement à financer les rentes, contribue fortement à lutter contre l’injustice sociale. De plus, elle concrétise la notion de solidarité en tissant un lien entre les jeunes (et moins jeunes) travailleurs et les rentiers.3 Le renforcement de l’AVS va donc dans le sens de la pensée biblique.

De plus, l’imposition des très grandes suc-cessions (à partir de 2 millions) peut contribuer à la mise en œuvre du principe du jubilé. De fait, elle permet de réinjecter une partie des fortunes familiales au profit de la collectivité et participe ainsi à une répartition plus juste des richesses.

Voici donc une opportunité de suivre l’appel biblique, d’ouvrir la main aux pauvres et d’ordonner aux riches d’être généreux. Saisissons-la!


1. Selon Caritas, la Suisse compte près d’un million de pauvres.

2. Les deux seuls pays où la répartition de la richesse est plus inégale qu’en Suisse sont Singapour et la Namibie (Global Wealth Databook. Credit Suisse, Zurich, 2010).

3. Contrairement au 2e et au 3e piliers, où chacun accumule son capital vieillesse individuel.

~ 2 min

Le fossé entre pauvres et riches se creuse en Suisse, entre autres parce que le jubilé n’est pas observé. Une conséquence: le pour cent le plus riche de la population a de plus en plus de pouvoir dans la société et en politique. A l’autre bout, les plus pauvres font du sur-place: les baisses d’impôts, notamment la suppression de l’impôt sur les successions dans la majorité des cantons, obligent l’Etat à économiser dans le domaine de la formation, le seul «capital» encore accessible aux pauvres.

Pauvreté chez les aînés

Il est donc urgent que les cantons, et aussi l’AVS, renflouent leurs caisses. La part des pauvres parmi les personnes âgées est également élevée. On a tendance à l’oublier, parce que les plus riches aussi figurent dans cette catégorie et font remonter fortement les moyennes des revenus et de la fortune. Selon la Constitution, l’AVS devrait couvrir les besoins vitaux. Or, c’est loin d’être le cas.

Un impôt fédéral sur les successions représente donc la meilleure des solutions. Il permet d’amorcer ce jubilé, dont l’inobservation, nous l’avons vu, est lourde de conséquences. Il ne s’applique ni aux simples travailleurs, ni à la classe moyenne, mais uniquement aux très grandes fortunes. L’impôt sur les successions n’est pas un frein au travail, car la fortune imposée est offerte à son bénéficiaire sans aucune contrepartie.

Un exode à craindre?

Certains estiment que les détenteurs de grandes fortunes pourraient s’établir à l’étranger pour échapper à l’impôt sur les successions. Ce pourrait être vrai dans certains cas, mais le bénéfice financier et social de l’impôt dépasse largement les pertes dues à un éventuel exode. Des niches fiscales éventuelles et des astuces juridiques liées au lieu de domicile ne devraient pas non plus nous décourager: les lois d’application nous permettent de mettre le holà.

Par ailleurs, grâce à l’introduction de cet impôt la pression baissera pour d’autres pays qui, dans la logique de la «concurrence fiscale» internationale, seraient tentés de diminuer, voire abolir leur imposition sur les successions. Si notre préoccupation dépasse nos propres intérêts, voilà un argument qui n’est pas à négliger.

Enfin, en tant que chrétiens, nous avons l’occasion grâce à cette initiative d’être témoins et de nous engager concrètement en faveur de la justice, une mission essentielle dans la Bible.

~ 2 min

Werner Ninck, conseiller en relation d’aide et théologien à la retraite, collabore activement à ChristNet. Depuis le lancement de l’initiative sur les successions, le 16 août 2011, il a déjà récolté 200 signatures. Interview

Werner, qu’est-ce qui t’incite à t’engager pour l’initiative sur les successions?

Je suis délégué de ChristNet à la Conférence de coordination pour la préparation de l’initiative. J’ai ainsi pu me faire une idée approfondie de son contenu et j’ai pu observer la démarche très réfléchie des responsables du PEV.

De plus, je suis convaincu que cette initiative exprime très bien sur le plan politique et social le message de Jésus en faveur des pauvres. Le principe selon lequel les riches doivent partager avec les pauvres est en effet inscrit dans la Bible, comme le montre Jésus notamment dans la parabole sur l’homme riche et le pauvre Lazare (Lc 16.19-31).

Il me semble donc très judicieux que l’AVS soit la principale bénéficiaire des recettes fiscales.

Quel rôle joue ta foi dans cet engagement?

Je crois que Jésus a vaincu les puissances de ce monde, aussi et surtout Mammon. C’est pourquoi je souhaite en rendre témoignage par mon engagement en faveur de cette initiative.

L’impôt sur les successions est sous le feu des critiques, y compris chez les chrétiens: n’est-il pas normal que l’argent reste dans la famille? Les patriarches de la Bible étaient très fortunés et leurs richesses étaient transmises par héritage…

Effectivement, j’adopte, là, un autre point de vue. Selon ma compréhension des choses, Jésus n’a pas fondé son engagement sur la tribu. Au contraire, il a souvent pris ses distances par rapport aux exigences de sa famille. Jésus a donné un sens nouveau à la richesse: «être riche en Dieu».

Et concrètement: quel est ton lieu de prédilection pour récolter les signatures?

Dans mon église, où je me sens en sécurité et où je peux rencontrer de nombreux membres. Sur la place de la gare à Berne, où il y a beaucoup de va-et-vient. Mais surtout devant le centre commercial de mon quartier: ça me permet d’inviter ceux que je connais.

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient récolter des signatures?

Familiarise-toi avec le contenu de l’argumentaire (cf. www.christnet.ch). Laisse-toi guider vers les personnes de ta famille, de ton voisinage ou de ton cercle de connaissances que tu pourrais contacter. Si vous en avez envie, mettez-vous à plusieurs. Dis-toi bien que c’est un combat, et que tu risques de rencontrer des résistances et de subir quelques attaques.

~ 2 min

En faveur de l‘Initiative populaire fédérale «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS»

L’impôt sur les successions est libéral et juste

Notre société se fonde principalement sur le fait que tous les êtres humains doivent avoir les mêmes possibilités de départ, afin de pouvoir se développer librement selon leurs compétences et leurs préférences. Des chances inégales, comme un handicap par exemple, sont compensées par la société. La répartition hautement inégale de la fortune en Suisse, où 1 % de la population possède autant que les 99 % restants, contredit cette pensée libérale de l’égalité des chances. De plus, l’argent gagné à la sueur de son front doit être imposé, alors que les successions, obtenues par les héritiers sans aucune contrepartie, sont le plus souvent exemptées et cela même lorsque cela se compte en milliards. Cela est injuste et favorise une concentration non souhaitable de la fortune dans les mains de quelques-uns seulement. L’impôt sur les successions est un impôt équitable qui va à l’encontre de cette injustice.

La classe moyenne reste protégée grâce aux exemptions importantes

L’impôt fédéral sur les successions est élaboré de manière modérée. Il ménage les maisons familiales (exemption générale de CHF 2 mio.), les entreprises familiales et les PMU (exemption supplémentaire et taux d’imposition favorable) ainsi que les entreprises agricoles (exemptées d’impôt). La compétitivité de la Suisse reste entière, puisqu’avec un taux d’imposition de 20 %, elle reste en deçà de l’Allemagne (30 %), de la France (40 %), de la Grande-Bretagne (40 %) et des USA (49 %, bientôt à 28 %).

Les cantons reçoivent une part des recettes fiscales

Les recettes issues de l’impôt sur les successions revenaient jusqu’ici aux cantons. Ceux-ci les ont pourtant amplement sacrifiées sur l’autel de la concurrence fiscale intercantonale. De plus, les différences d’imposition d’un canton à l’autre rendent une vue d’ensemble difficile. Les cantons seront indemnisés pour la perte de leur compétence, dans la mesure où ils reçoivent un tiers des recettes de l’impôt sur les successions.

L’augmentation de l’espérance de vie grève l’AVS

Toujours moins de cotisants doivent payer pour de plus en plus de futurs rentiers AVS. Afin de financer l’AVS, les cotisations des employés et des employeurs devront, à moyen terme, être augmentées ou il faudra couper dans les prestations aux rentiers. Des cotisations plus importantes grèvent les revenus et affaiblissent la compétitivité des entreprises. Un tel développement met la solidarité entre jeunes et vieux à rude épreuve.

Un impôt modéré sur la succession assure la longévité de l’AVS

Au vu de l’augmentation de l’espérance de vie, les héritages se font en général à l’âge de la retraite. Afin d’assurer l’AVS à long terme et afin de soulager durablement les générations cotisantes, les générations bénéficiant des rentes doivent également participer au financement de l’AVS par un impôt modéré sur les successions et les donations. C’est ainsi que la compétitivité des entreprises, la consommation intérieure et la solidarité entre les générations seront renforcées.

~ < 1 min
  • L’AVS est désormais financée également par un impôt sur les successions et les donations (complément à l’art. 112 Cst.).
  • La compétence pour la perception d’un impôt sur les successions et les donations est transférée des cantons à la Confédération. Les cantons reçoivent un tiers des recettes à titre de dédommagement. Les deux tiers des recettes fiscales sont affectés à l’AVS.
  • La franchise élevée permet d’épargner la classe moyenne: elle est fixée à 2 millions de francs. Les legs en faveur du conjoint, ainsi que des personnes morales exonérées d’impôts ne sont pas assujettis à l’impôt.
  • Un taux d’imposition unique de 20% est appliqué.
  • Lorsque des entreprises ou des exploitations agricoles font partie du legs ou de la donation, des réductions sensibles s’appliquent pour l’imposition, afin de ne pas mettre en danger leur existence et de préserver les emplois.