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80% des évangéliques blancs ont voté en faveur de Donald Trump aux élections américaines de novembre 2016. Comment l’expliquer ?

Un vote systématique

Aujourd’hui, la grande majorité des évangéliques, cette frange majoritaire du protestantisme américain, vote systématiquement pour le candidat républicain aux élections présidentielles. Il faut revenir à la présidence de Jimmy Carter (1977-1981) pour comprendre l’origine de ce phénomène : démocrate, baptiste du Sud (Southern Baptist Convention, conservatrice la plus grande dénomination protestante des USA) il mène sa campagne en 1976 avec beaucoup de citations de la Bible et l’affirmation qu’il est né de nouveau. Lui-même est enseignant à l’école du dimanche, activité qu’il n’a d’ailleurs jamais cessée. En novembre 1976, il est élu avec un fort soutien des protestants évangéliques, notamment du Sud. Le magazine Newsweek déclare l’année en cours celle des évangéliques, eux qui auparavant, étaient restés en retrait de la politique pendant des décennies. Pourtant, pour cette population, Jimmy Carter se révélera trop proche au mouvement des années 60.

La contre-culture des Sixties

Ces années-là sont aussi appelées les années de la contre-culture. Les percées dans les droit-civiques pour les Afro-Américains, la contestation de la guerre du Vietnam, les mouvements beatnik et la culture musicale associée (comme Woodstock, comprenant également l’usage de drogues), l’émancipation des femmes, la révolution sexuelle, tous ces éléments, malgré les aspects positifs reconnus par tous comme le combat des descendants d’esclaves pour leur intégration complète dans la société, vont amener des inquiétudes au sein de la frange de tendance conservatrice de la population dont font partie la majorité des évangéliques. Billy Graham, référence dans cette famille chrétienne même s’il n’est, lui-même, pas réellement conservateur et qu’il a soutenu Martin Luther King, verra un risque de déstabilisation de la société américaine derrière l’activisme du mouvement des droits-civiques. On peut aussi parler du contexte d’opposition au communisme dans la société en général du moment que ces mouvements de changement tendent vers la gauche

Concernant l’éthique sexuelle, le mouvement des années 60 déclenche une banalisation progressive de la sexualité hors mariage, de l’avortement, de l’adultère, du divorce, de la pornographie, de la prostitution, de l’homosexualité et du transsexualisme.

Pas les mêmes priorités

Jimmy Carter va se révéler passablement proche de ces mouvements dans le domaine de la famille en soutenant le féminisme, la redéfinition des rôles dans le couple, le laxisme moral dans le domaine sexuel, dont l’homosexualité et l’avortement contre lesquels il n’entreprend pas assez au goût des conservateurs.

D’un autre côté, il est totalement acquis aux droits-civiques et à la lutte pour la justice sociale. Ceci contrairement à la majorité des évangéliques blancs qui, dans ce domaine, suivent le mouvement plutôt par la force des choses que par une conviction profonde. Plus précisément, les élites baptistes blanches sont favorables au changement à la différence de leur base. Carter, quant à lui, cherche à introduire par la contrainte, la fin de la ségrégation dans les écoles privées blanches du Sud (souvent évangéliques) réticentes au changement.

La droite chrétienne

Dès 1979, le mouvement de la droite chrétienne se constitue dont un des objectifs est de porter désormais le soutien évangélique systématiquement aux candidats républicains, en premier lieu Ronald Reagan. Son objectif : contrer l’évolution de la société et des chrétiens qui ne font que la suivre. Ce mouvement apparaît parallèlement au mouvement conservateur dans l’Eglise catholique menée par Jean-Paul II qui est une réaction à la théologie de la libération et aux positions libérales de la hiérarchie romaine aux USA.

Le mouvement de sécularisation qui s’amorce aux Etats-Unis va dans l’autre sens dynamiser les églises évangéliques, qui vont rentrer dans un militantisme intensif pour sauvegarder l’identité traditionnelle affirmée de leur pays. Dans les années 1970–1980 le nombre de leurs membres va dépasser pour la première fois celui des Églises modérées. En effet, celles-ci ont en bonne partie accompagné le mouvement de relativisation de la foi chrétienne dans la société. Apparemment, l’humanisme, l’accent sur les valeurs et la réflexion de transformation de la société tendent à affaiblir la foi lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’une vie spirituelle active.

Le succès des Républicains

Sur le plan politique, le mouvement de la droite chrétienne conduira à une victoire éclatante des Républicains aux élections de 1980 (Ronald Reagan), confirmée lors des deux élections suivantes (Reagan et Bush père).

Par la suite, les deux victoires du démocrate Bill Clinton, considéré par beaucoup de conservateurs comme un homme des Sixties, va entraîner par retour de manivelle celle de George W. Bush porté au pouvoir en 2000. En 2004, 75% des évangéliques (blancs), et 56% des catholiques, votent en faveur de Bush fils. Ces valeurs sont sensiblement les mêmes que celles qui ont porté Donald Trump à la présidence.

Ce dernier réussit, entre autres, grâce à une campagne populiste attirant l’attention des gens,  les médias lui consacrant énormément de temps de couverture ce qui se traduit en termes d’audimat et de profits. L’élection de Donald Trump s’explique également par ce support massif des évangéliques blancs et de leurs motivations.

Bibliographie

  • D W. Hudson, Onward Christian Soldiers, Threshold Ed., 2008 (catholique)
  • S. Fath, Militants de la Bible aux Etats-Unis, Evangéliques et fondamentalistes du Sud, Autrement frontière, 2004 (évangélique)
  • T. Mitri, Au nom de la Bible, au nom de l’Amérique, Labor et Fides, 2004 (Conseil Œcuménique des Eglises)