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Entretien avec Florian Glaser, d’Églises pour multinationales responsables

CN : Depuis quand l’église est-elle impliquée dans l’initiative pour des multinationales responsables ?

FG : L’initiative a été lancée conjointement avec les milieux ecclésiastiques, qui la soutiennent encore aujourd’hui. Par exemple, dans le cadre de la Campagne œcuménique 2016 d’Action de Carême et de Pain pour le prochain, la cause et l’initiative ont déjà fait l’objet de discussions et des signatures ont été recueillies. Mais les méthodistes, les adventistes et de nombreuses autres congrégations d’églises étaient aussi déjà actives à cette époque. En 2019, l’Église évangélique réformée de Suisse, la Conférence épiscopale suisse, le Réseau évangélique suisse ont aussi décidé de soutenir l’initiative.

CN : Pourquoi cette initiative est-elle une préoccupation majeure de l’Église ?

Susanne Meier-Fuchs a interviewé Florian Glaser pour ChristNet.

FG : Ce large soutien montre clairement que l’initiative est basée sur des préoccupations qui se situent au coeur du message biblique et de la foi chrétienne : la justice, la charité et le soin de la création. L’Église et ses organisations d’entraide s’engagent sur place dans les pays du Tiers-Monde, où les entreprises suisses sont malheureusement aussi impliquées dans des activités d’exploitation des êtres humains et de la nature. Il est dès lors logique que les Églises et leurs organisations rattachées cherchent non seulement à réduire les souffrances par leur engagement, mais aussi à faire en sorte que les entreprises suisses assument leur responsabilité.

CN : Quels changements positifs attendez-vous de la mise en œuvre de l’initiative ?

FG : Si l’initiative est acceptée, les entreprises ne pourront plus fermer les yeux sur l’impact de leurs activités à l’étranger sur l’être humain et la nature. Et si des entreprises comme Glencore chassent les gens de leurs terres ou empoisonnent les rivières, elles devront en rendre compte à l’avenir. Ainsi, l’initiative a un effet préventif et garantit la réparation des dommages occasionnés.

CN : Depuis la semaine dernière, il est clair que l’initiative ne sera pas retirée et qu’un vote aura lieu à l’automne 2020 ou au printemps 2021. Églises pour multinationales responsables s’attendait-elle à cela ?

FG : Les initiant.e.s étaient prêt.e.s à discuter tout au long du processus, mais sans règles contraignantes pour les entreprises, un retrait de l’initiative était exclu. En fin de compte, le lobby des grandes entreprises a prévalu au Parlement sur tous les points, et le vote va maintenant avoir lieu.

CN : Êtes-vous prêt pour ce vote ?

FG : Oui, la question bénéficie d’un très fort soutien populaire. Il existe plus de 350 comités locaux avec plus de 13 000 bénévoles, ainsi que des comités de représentant.e.s d’entreprises et de politicien.ne.s, qui montrent que la liberté va de pair avec la responsabilité. Et les églises forment derrière cela une large alliance également. Si toutes les personnes soutenant l’initiative la promeuvent autour d’eux, nous pouvons gagner le vote.

CN : Que pouvez-vous déjà dire sur l’engagement actuel et à venir pour l’initiative ?

FG : Les églises, les organisations chrétiennes et les particuliers soutiennent activement l’initiative car cela correspond à leur compréhension de leur foi. Des tracts et des affiches sont placés dans les églises pour exprimer le soutien de l’église, et les paroisses accrochent des banderoles avant le vote pour rendre la cause visible. De nombreuses congrégations et paroisses planifient également des cultes où elles aborderont les thèmes de l’amour du prochain et de la préservation de la création. De plus, de nombreuses organisations chrétiennes publient des lettres de nouvelles ou des articles de magazines pour informer sur l’initiative.

CN : 8 millions ont été mis sur la table par le comité d’opposition pour la campagne de votation. À votre avis, l’initiative a-t-elle une chance ?

FG : La campagne sera difficile. Mais comme dit plus haut, nous disposons d’une autre ressource : un large soutien citoyen. Mais oui, nous avons aussi besoin d’argent pour ne pas rester muet dans une Suisse remplie d’affiches d’opposition au texte, et pouvoir informer les gens.

CN : La place de la politique dans l’Église a été un sujet chaud l’automne dernier. De nombreux membres actifs de l’Église nationale, sont très favorables aux entreprises et donc plutôt opposés à l’initiative. Comment gérez-vous l’équilibre entre votre engagement en faveur de la responsabilité des entreprises et la volonté de ne pas contrarier ces membres ?

FG : L’engagement politique des Églises s’enracine dans leurs propres sources – notamment la Bible et la tradition socio-éthique. La protection des pauvres est une mission chrétienne centrale – et l’Église doit également l’apporter en politique. L’Église évangélique réformée de Suisse l’a exprimé ainsi dans sa déclaration sur l’initiative : « L’économie doit être au service de l’être humain. C’est pourquoi l’Église évangélique réformée de Suisse élèvera toujours la voix pour rappeler la Suisse à sa responsabilité à l’égard des êtres humains dans les pays du Sud ».

CN : L’un des rôles de Christnet est de sensibiliser les différentes églises évangéliques à la justice sociale. L’initiative pour des multinationales responsables est l’un de nos sujets prioritaires jusqu’au vote. Pouvez-vous imaginer un réseau/une coopération avec les églises évangéliques dans les différents cantons ? Ou cela existe-t-il déjà ?

FG : Oui, c’est même très souhaité. Certaines sont déjà actives : l’Église évangélique méthodiste, les mennonites ou encore l’Armée du Salut se sont clairement positionnées et, comme je l’ai dit, le RES également. J’espère vivement que les Églises évangéliques seront encore plus actives. Toute personne venant d’une église évangélique souhaitant devenir active est la bienvenue et peut me contacter.

Contact :
Florian Glaser
Églises pour multinationales responsables
https://www.eglisespourmultinationalesresponsables.ch

 

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Le 25 mars dernier, le Président Macron a lancé une opération militaire nommée « Résilience » pour fournir aux préfets un appui militaire sur les domaines sanitaire, logistique et de la protection. Le nom de l’opération n’est pas un hasard, cette notion de résilience des sociétés a récemment pris de l’ampleur dans la recherche en sciences sociales. Cet engouement signale aussi le constat implicite d’une fragilité croissante induite par la complexification de nos sociétés. La résilience se définit comme la capacité d’absorber les chocs et de rebondir. Cette capacité est fondamentale face aux aléas et incertitudes de la vie. À la suite de crises, comme la pandémie du covid-19, nous prenons tous pleinement conscience de notre fragilité et de l’incertitude du lendemain. Presque tous les gouvernements du globe cherchent alors à augmenter la résilience de leur pays ou du moins à en donner l’apparence.

Le paradoxe de la résilience

S’il est une notion paradoxale par excellence, c’est bien la résilience. L’économiste Hyman Minsky montre que la stabilité financière conduit les acteurs de l’économie à un excès de confiance en eux-mêmes. Or, cet excès conduit à prendre des risques de plus en plus inconsidérés jusqu’à créer les conditions favorisant une nouvelle phase d’instabilité. Puis, l’instabilité pousse à une recherche de stabilité qui à la longue se détériore et ainsi de suite. Les sociétés évoluent avec une mémoire qui s’évanouit avec le temps. Quand, tout le monde se croit en sécurité, soudainement le choc ou la crise arrive. Ici, il ne sert de rien de se croire fort, il est plus sage de reconnaître ses limites et faiblesses pour augmenter la résilience. Comment peut-on infuser une conscience durable des limites ? La Bible donne une solution précise à ce paradoxe d’une vulnérabilité cachée sous une fausse stabilité.

Fort dans la faiblesse !

La Bible soutient que « quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Cor. 12 :10). Dans la faiblesse, nous avons conscience de qui nous sommes réellement. Est-ce que la résilience se réduit à une prise conscience des faiblesses pour mieux absorber les chocs et rebondir ? Pas seulement ! La pleine conscience de nos limites n’est qu’un premier pas vers plus de résilience, le second consiste à s’ouvrir à l’Espérance. Quand nous prenons conscience qu’il n’est plus possible de compter seulement sur nos propres capacités, tel le fils prodigue, nous pouvons relever la tête vers notre Père. Il est notre Espérance. Il nous offre non seulement une vie après la mort, mais encore de vivre de sa puissance dès ici-bas si nous croyons que Jésus est mort pour nos péchés et en voulant changer de vie pour le suivre en comptant sur son Esprit Saint. Notre joie vient alors de ce que nous pouvons faire nôtre ces paroles du Psaume 62 :6-7 : « Oui, mon âme, repose-toi sur Dieu, car c’est de lui que vient mon espérance. Oui, c’est lui mon rocher et mon salut, ma forteresse : je ne serai pas ébranlé. » Fort de cette Espérance, nous pouvons impacter notre environnement et nos contemporains. Nous sommes porteurs d’espérance par-dessus les épreuves, aucune crise ne pourra enlever notre joie qui demeure sans prétention car nous connaissons notre grande faiblesse et notre grande force en Christ seul. Voilà une résilience durable !

Tribune parue sous la rubrique « Regards » dans Christ Seul (mensuel des Eglises évangéliques mennonites de France), n° 1109, mai-juin 2020, www.editions-mennonites.fr.