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Le président du pays démocratique le plus influent au monde qui ne reconnaît pas les résultats des élections aboutissant à sa non-réélection, de graves accusations de fraudes et de corruption lancées contre le système démocratique, le même pays voyant son parlement pris d’assaut par des manifestants alors que les députés validaient constitutionnellement le scrutin en question. Le cours des événements ces derniers mois outre-Atlantique a pris une dimension aussi extraordinaire que la pandémie qui se répand depuis le début de l’année 2020.

Cette situation concerne aussi les chrétiens qui se sont en nombres impliqués dans cet univers politique, notamment des leaders évangéliques en faveur de Donald Trump mais aussi ceux d’églises historiques en faveur de Joe Biden. Beaucoup des premiers ont suivi ce qu’on appelle depuis des années les théories du complot dans leur soutien à l’ancien président.

Quels repères poser dans tout ça ?

Le dessinateur Chappatte1 a mis en évidence en novembre 2020 un angle d’approche dans ce but par la notion de terrain commun pour fonctionner en société. Nous en connaissons plusieurs à tous niveaux pour vivre ensemble, jusqu’à maintenant généralement reconnus par tous et dans lesquelles évoluaient toutes catégories de personnes il y a encore peu. On y trouve la langue utilisée, la politesse, les lois fondamentales comme l’interdiction du vol ou de l’inceste, la démocratie, le code de la route jusqu’au cachet de la poste faisant foi sur le plan juridique. Quelles que soient les tendances politiques, on conserve la même langue, en accordant même de l’importance au respect de ses règles à l’écrit et dans la communication orale dans les médias. Personne ne va prétendre modifier à son goût la conjugaison, pour la simplifier, affirmant que c’est son bon droit. Quelles que soient ses caractéristiques sociologiques en son sein, la population accepte le corpus de règles de la circulation comme tel, l’un ne va pas dire ‘je respecte la priorité de gauche plutôt que la priorité de droite aux carrefours, parce que j’en ai décidé ainsi’. La politesse, personne n’y retrouve rien à redire. Si on en vient à la politique, on reconnaît dans les démocraties occidentales que les élections sont libres et se déroulent correctement, à l’exception d’imperfections humaines ou de problèmes isolés comme il en existe partout. Les résultats connus, on les commente, on félicite le vainqueur mais on ne discute pas de la régularité du déroulement du scrutin. Certes dans ce système, il y a les groupes d’intérêts et leur influence sur les instances politiques, de même que la justice est toujours une justice de régime (qui suit les lois donc la mentalité de la majorité et qui est souvent composée de juges aux couleurs politiques qui suivent le rapport de force dans le pays) et j’ai même entendu 2 fois ces 2 dernières années qu’elle pouvait être soumise au clientélisme dans un Etat de droit. Il y a d’autres bémols encore à relever pour être complet traduisant une évolution des mentalités : dans les rapports de confiances en affaires par exemple : il faut tout mettre par écrit, on ne fait parfois plus confiance quand quelqu’un dit avoir envoyé un courrier en recommandé.

Pourquoi prendre le temps de poser ces principes même avec leurs limites ? Parce que les événements que nous traversons en particulier depuis cet automne aux Etats-Unis nous ont clairement écarté de ces standards. On ne reconnaît plus du tout un système électoral démocratique, qui faisaient référence, en raison notamment des votes par correspondance qui sont sous le coup des accusations d’avoir produit des millions de votes ; on met en cause la justice qui déboute les plaignants, en parlant de manipulation des votes par la Chine ou le Venezuela.

Le développement de ce phénomène de dénonciations à tout va révèle une évolution extrême au sein des démocraties libérales issues des Lumières. La liberté d’expression s’étend de plus en plus, notamment dans les réseaux sociaux, avec le droit que les gens s’arrogent de pouvoir répandre des opinions et des informations diverses et radicales qui, quand démontrées comme mensongères sont diffamatoires, insultantes, irrespectueuses. Il y a également au sein de ce phénomène un danger de prendre pour sérieuses les informations auxquelles on a envie de croire.

Comment s’y retrouver ?

En plus du terrain commun, il y a une autre approche pour évoluer dans cet univers d’informations : c’est considérer, à l’inverse des témoignages, des documents, des images produites dans les médias, ce que nous ne pouvons vérifier par nous-mêmes, ce que l’on peut évaluer à notre propre niveau comme objectif ou conforme on non avec une réalité que nous connaissons ou que nous pouvons démontrer depuis notre situation d’observateurs.

On sait de façon démontrée que Trump a fait des choses illégales ou en tout cas anti-démocratiques : demander à un haut fonctionnaire d’un Etat disputé ne pas établir le certificat validant l’élection gagnée par J.Biden, demander à Pence de s’opposer (seul) à la validation certificats au congrès, demander au Secrétaire d’Etat de Géorgie 11’000 voix et expliquer sans avancer de démonstration que les élections dans cet état gouverné par les républicains étaient truquées. Dans l’autre sens, il n’y a pas d’éléments vérifiables par nous-mêmes établissant des fraudes, des agissements illégaux, du côté, non des démocrates en fait, mais des Etats où le scrutin était serré, avec leur parlement, gouverneur, système judiciaire et même le cas échéant parti républicain des Etats concernés validant le verdict pour Biden. En effet, Donald Trump s’en est bien pris aux Etats où l’écart en faveur de Joe Biden était faible et non aux Etats gouvernés par les démocrates, donc par bon sens on comprend bien qu’il visait les Etats où il pouvait penser inverser le score des élections par ses propos et démarches répétés.

Mettre en cause à la fois la démocratie, le système judicaire des Etats disputés, et fédéral -avec 6 pourtant juges sur 9 conservateurs dont 3 nommés par D.Trump-, en plus des élus et magistrats souvent républicains dans ces mêmes Etats, alors que le New-Yorkais restait président des Etats-Unis, avec l’administration, la majorité du sénat, des médias importants comme Fox News restant derrière lui jusqu’au 20 janvier, c’est beaucoup demander. Lui qui s’est montré fort dans son mandat pour faire entendre et appliquer sa politique, serait devenu tout à coup faible, même prétendant avoir la majorité des votants derrière lui.
Entendu depuis 5 ans de leaders chrétiens évangéliques, défendre l’attitude de Donald Trump en disant que c’est un homme d’affaires et non un politicien et que nous ne pouvons pas élire des Mère Thérèsa, est un argument insuffisant.

Prenons comme nouvel exemple les événements dont les images visionnées en boucle ont fait le tour du monde comme un épisode douloureux de l’histoire des Etats-Unis 20 ans plus tôt un 11 septembre : l’irruption de manifestants dans le Capitole le 6 janvier 2021.

Depuis des mois Donald Trump répète qu’il a largement gagné les élections et donc que les démocrates lui ont volé la victoire par des fraudes (‘’I won by a landslide’’ -j’ai gagné largement- ‘’#Stop the steal’’ -stop au vol- ‘’fraudulous and rigged elections’ -élections frauduleuses et truquées-’), toutes les procédures lancées étant déboutées sans exceptions. Voilà le contexte.

Maintenant reprenons les messages de Donald Trump ce jour-là.

Le 6 devant la foule réunie devant la Maison Blanche, il appelle la foule à marcher vers le Capitole, après avoir dit qu’il attendait avec détermination de Mike Pence qu’il contre le vote de validation des certificats des Etats pour les résultats des élections présidentielles (ça aurait déjà été anticonstitutionnel que le congrès ne valide pas les votes contestés toutes procédures achevées, ce qu’il attendait de Mike Pence était un acte que l’on peut qualifier sans exagérer de coup d’Etat2 ). Ensuite alors que la foule a pénétré par effraction dans le Capitole, il tweet que Mike Pence « n’a pas eu le courage de faire ce qu’il devait faire pour protéger notre pays et notre constitution »3 On sait que la vie de ce dernier a été menacée dans ces événements dans les propos exprimé dans ces instants par les manifestants. Ensuite il tweet aux gens dans le Capitole pour les encourager à ‘’préserver la police du Capitole et l’application de la loi. Ils sont vraiment de notre côté. Rester calme’’ (donc il s’affiche de leur côté en ne leur demandant pas de quitter les lieux, il parle des policiers comme s’ils étaient leurs alliés). Ensuite il publie un tweet demandant de respecter l’ordre et le calme. Plus tard dans un message vidéo filmé à la maison blanche, il dit à la foule ‘’je vous aime, vous pouvez maintenant rentrer chez vous en paix’’. Il ne s’agit pas d’un témoignage ou un commentaire sur ce que Donald Trump a dit ou fait en parallèle de cette journée malheureuse, c’est son action rendue volontairement publique par lui-même. Nous y avons vu, entendu, lu en direct en parallèle de l’action de ses supporters dans le Capitole.

Il est évident que ses interventions les jours suivants condamnant la violence sonnent comme un rattrapage vu la gravité des événements relevée de partout. On sait que cette irruption a fait 6 morts et qu’une partie des parlementaires ont eu peur pour leur vie. L’événement a retenti dans le monde entier avec un grand nombre de réactions des gouvernements jusqu’au Conseil fédéral.
Pour prendre l’exemple d’un discours néo-conservateur complotiste tenu à ce sujet dans une vidéo4 , un intervenant français dit du dispositif de sécurité pour l’investiture de Joe Biden qu’il est de l’ordre d’une république bananière et/ou d’une dictature comme on l’a connu en Europe centrale. Or ces mesures exceptionnelles font précisément suite à l’occupation du Capitole par des manifestants pour contrer le travail parlementaire de validation ultime des résultats des élections après un long processus ayant impliquer des élus et magistrats de toutes les parties. Cette attaque a été elle qualifiée de relevant d’une république bananière par l’ancien président républicain Georges Bush lui-même, et en conséquence on a voulu protéger le nouvel acte démocratique qu’a été l’investiture du président élu. Il y a d’un côté un constat objectif concernant le comportement Trump et les mesures prises pour le 20 janvier contré par un discours qui ne tient pas l’observation du déroulement des faits constatés par tous. Dans la même vidéo, il qualifie de stalinien la première procédure d’empeachment de D. Trump. Tous les spécialistes définissent de la même manière ce que c’est qu’un procès stalinien (procès après torture et donc aveux publics des accusés pour des crimes non perpétrés pour éliminer des personnalités), on sait donc que la procédure traitée par le congrès, dont une des chambre -majoritairement républicaine- a acquitté Trump, n’est de toute évidence pas un procès stalinien. La crédibilité de cet intervenant néo-conservateur lorsqu’il dénonce les fraudes se trouve entamée en conséquence.

Ces éléments posés pour les 2 derniers mois de Donald Trump amènent naturellement à orienter dans un sens nos interrogations concernant d’autres sujets comme l’interférence russe dans la précédente élection de 2016 (alors que sa victoire n’avait pourtant pas été contestée par les démocrates), sa responsabilité dans les éléments qui ont conduit à une première procédure de destitution, de même que sa propension à faire de fausses affirmations en public depuis le début de sa campagne en 2016.
Le bilan politique de Donald Trump n’est pourtant pas mauvais sur divers plans. Le niveau de développement économique était très élevé avant la pandémie et les indicateurs sont repartis à la hausse l’été dernier. Il avait le cran pour tenir tête à la Chine, à l’Iran et d’autres pays difficiles, il a rétabli la paix entre Israël et plusieurs pays arabes. Mais surtout il a agi comme R.Reagan ou G.Bush fils comme correcteur de la contre-culture des années 60. Celle-ci comprend tous ces côtés progressistes positifs comme l’abolition du statut de dominés des Afro-Américains, des femmes, des personnes de conditions modestes, des pays du Sud vis-à-vis de ceux du nord, la lutte contre des guerres visant à l’accroissement d’influence des USA sur le reste du monde ou encore la protection de l’environnement. Sur ses aspects néfastes, Donald Trump a œuvré comme pour la limitation de la pratique de l’avortement ou la recherche d’inversion de la tendance dans l’accroissement des droits LGBT. Il faut considérer des glissements, à l’intérieur de la contre-culture qui tend à s’imposer dans des milieux libéraux, ses idées radicales et son projet égalitaire idéal : par exemple affirmer qu’on ne peut comprendre la transformation totale revendiquée pour condition afro-américaine si on n’est pas noir soi-même, qu’on peut plus s’opposer à l’idée que les métiers n’ont pas de sexe et donc ne plus dire que c’est normal qu’un grutier soit un homme, en reléguant en marge le fait d’être chrétien de nos jours plutôt qu’ouvert aux nouvelles spiritualités courantes dans notre société (même affirmer être chrétien libéral ne suffit souvent plus pour être inclus).

L’intention de cet article était de frayer un chemin pour se forger une opinion la plus objective possible, sans jugement, invitant le chrétien à une vision sans passion, sans haine, sans jugement ; en gardant une considération et un respect pour les acteurs en question. Ça aura été pour son auteur comme désamorcer une bombe…


1. https://www.24heures.ch/chappatte-les-annees-trump-netaient-pas-un-accident-647994051664

2. https://www.usnews.com/news/politics/articles/2021-01-13/transcript-of-trumps-speech-at-rally-before-us-capitol-riot

3. Tweet et post fb D.Trump 6 janvier 20 :28 heure suisse

Mike Pence n’a pas eu le courage de faire ce qu’il aurait dû faire pour protéger notre pays et notre constitution, en donnant aux Etats une chance de certifier les résultats en établissant les faits de manière correcte, pas ceux frauduleux ou inexacts qu’on leur a demandés ou précédemment certifiés. Les USA demandent la vérité !

Mike Pence didn’t have the courage to do what should have been done to protect our Country and  our Constitution, giving States a chance to certify a corrected set of facts, not the fraudulent or inaccurate ones which they were asked to previously certify. USA demands the truth!

4. https://www.youtube.com/watch?v=Otywa1T6QBg

Photo by Max Letek on Unsplash


Annexe : Tweets de Donald J. Trump le 6 janvier, heure suisse et de la côte est américaine. Langue originale et traduction libre.

16 :48 /10 :48 (au sujet des résultats des élections pour le sénat en Géorgie. D. Perdue était un candidat républicain battu au second tour par un démocrate)

These scoundrels are only toying with the David Perdue (a great guy) vote. Just didn’t want to announce quite yet. They’ve got as many ballots as are necessary. Rigged Election!

(ces personnes ayant de mauvaises intentions se démènent avec les votes pour David Perdue. Je ne veux pas trop faire de commentaires pour l’instant. Ils ont eu autant de bulletins que nécessaire. Elections truquées.)


20 :28/14 :28

Mike Pence didn’t have the courage to do what should have been done to protect our Country and our Constitution, giving States a chance to certify a corrected set of facts, not the fraudulent or inaccurate ones which they were asked to previously certify. USA demands the truth!

(Mike Pence n’a pas eu le courage de faire ce qu’il aurait dû faire pour protéger notre pays et notre constitution, donnant aux Etats une chance de certifier les résultats en établissant les faits de manière correcte, pas ceux frauduleux ou inexacts qu’on leur a demandés ou précédemment certifiés. Les USA demandent la vérité !)


6 janvier 20h40 / 14h40

Please support our Capitol Police and Law Enforcement. They are truly on the side of our Country. Stay peaceful!

(S’il vous plaît, soutenez notre police du capitole et les règles en vigueur. Ils sont vraiment du côté de notre pays. Restez paisible !)


6 janvier 21h14 / 15h14

I am asking for eveone at the U.S. Capitol to remain peaceful. No violence! Remember, WE are the Party of Law & Order – respect the Law and our great men and women in Blue. Thank you!

(je demande à chacun au Capitole de rester paisible. Pas de violence ! Rappelez-vous, NOUS sommes le parti de la loi et de l’ordre – respecter la loi et les hommes et les femmes en uniforme. Merci !

vers 00h / aux environs de 18h

These are the things and events that happen when a sacred landslide election victory is so unceremoniously & viciously stripped away from great patriots who have been badly & unfairly treated for so long. Go home with love & peace. Remember this day forever.

(Voici les événements, ce qui arrive quand une large victoire aux élections est ainsi sans ménagement et vicieusement arrachée aux patriotes ainsi mal et injustement traités depuis si longtemps. Rentrer à la maison dans la paix et l’amour. Souvenez-vous de ce jour pour toujours.)