~ 6 min

Depuis sa création, ChristNet s’engage pour la paix et la résistance non-violente. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, nous ne souhaitons pas faire preuve de naïveté en prônant le pacifisme et en niant ainsi la réalité d’une guerre d’agression injustifiée et barbare. Néanmoins, ChristNet ne veut pas non plus faire de l’effort de paix un tabou ou glorifier la guerre défensive. C’est dans cet esprit que nous publions l’interview suivante de Hansuli Gerber du Forum anabaptiste pour la paix et la justice (FAPJ), qui explique de manière nuancée ce que signifie exactement la notion de pacifisme, pourquoi celui-ci doit rester un idéal et pourquoi le pacifisme et la non-violence sont bibliques. Cela ne signifie pas que ChristNet est d’accord avec toutes les affirmations.

Depuis que l’Ukraine a été attaquée par la Russie, le bellicisme et le militarisme semblent être très en vogue jusque dans le spectre politique de gauche. Une guerre défensive est-elle un moyen utile et justifié de lutter contre une invasion militaire ?

La guerre est par nature extrême et de longue durée. Elle ne fait aucune différence entre la destruction de vies humaines et celle de biens. La guerre est toujours une revendication de pouvoir et cherche à l’imposer par la destruction à tous les niveaux de la société. La guerre défensive prétend avoir le bien en tête, stopper la barbarie et bien d’autres choses encore. Mais c’est aussi une guerre et un recours à la barbarie pour arrêter la barbarie. Déclarer une guerre défensive comme antidote approprié à la guerre, c’est d’abord minimiser et idéaliser la guerre, et ensuite ignorer l’invitation de Dieu à l’amour et à la miséricorde telle qu’elle s’exprime en Jésus-Christ.

En tant que pacifiste, on se trouve aujourd’hui soudainement sous la pression de se justifier. Le pacifisme a-t-il échoué ?

Le pacifisme n’a jamais échoué. Ce sont les hommes qui échouent et s’il y a la guerre en Ukraine et ailleurs, ce n’est pas à cause du pacifisme et cela ne prouve pas non plus son insuffisance. Au contraire, la guerre existe parce qu’elle est préparée par l’armement et parce que les gens misent sur les armes plutôt que sur la rencontre et la coopération. Parce que la cupidité passe avant la cohabitation. Parce que l’argent règne en maître. Dans cette situation, il faut plus de pacifisme, pas moins. Les chrétiens qui refusent les armes doivent s’associer à d’autres, car ils n’ont pas le monopole du pacifisme. Les personnes de bonne volonté qui misent sur la non-violence peuvent travailler ensemble. Le royaume de Dieu n’est pas composé de chrétiens, mais d’amour non-violent. C’est précisément en temps de guerre que l’appel «Aimez vos ennemis» constitue un grand et incontournable défi pour les chrétiens.

Qu’est-ce que la non-violence exactement ? Ou inversement : qu’est-ce que la violence, comment la définit-on ? A quoi renonce une personne qui vit sans violence ?

En ce qui concerne la violence, elle est à la fois considérée comme inéluctable et minimisée. Il faut beaucoup de recherche et d’information. Au début des années 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le premier rapport sur la violence individuelle et interpersonnelle. Elle y constatait que la violence n’était pas forcément une fatalité et qu’elle pouvait être évitée. Suite à ce rapport détaillé, l’Assemblée de l’OMS a déclaré en 2003 que la prévention de la violence était une priorité de santé publique. La violence individuelle et interpersonnelle se distingue de la violence collective, c’est-à-dire de la guerre et de la violence de masse, et suit d’autres logiques. Il n’est donc pas pertinent de comparer la guerre et la défense au milieu de la guerre au viol de ma femme ou aux menaces ou aux mauvais traitements infligés à tes enfants. Ici, il faut agir et résister, mais il faut faire preuve d’imagination, il ne faut pas penser d’abord à la violence des armes, mais aux nombreuses possibilités de surprendre l’agresseur et, ainsi, de le désarmer. Les exemples sont innombrables. Je connais des personnes – et j’en fais partie – qui, délibérément, n’ont pas d’arme à la maison afin de réduire le risque d’une escalade armée. C’est le mythe selon lequel les armes nous préservent qui incite tant de personnes à s’armer aujourd’hui.

Comment peut-on prévenir la violence ?

Il s’agit de comprendre que la violence engendre la violence et que, d’un point de vue théologique, il convient de penser et d’agir de manière désarmée et désarmante. Il peut arriver que des tables et des chaises soient renversées, ce que certains reprochent aux pacifistes comme étant un acte de violence de la part de Jésus. La résistance à l’injustice et à la violence n’est pas seulement légitime, elle est tout à fait nécessaire dans l’esprit de l’Évangile et de la Bible, et ce n’est pas pour rien que les théologiens et les philosophes la qualifient de devoir.

Y a-t-il une violence qui soit justifiée ? Par exemple, la violence policière lors d’une arrestation ?

L’État revendique le monopole de la violence et on peut le lui accorder. Mais il faut être sans illusion : ce monopole fait trop souvent l’objet d’abus, ce qui est inhérent à la structure du pouvoir. L’État est fait par des hommes et ceux-ci succombent trop souvent à la tentation du pouvoir, qui recourt à la violence et l’utilise, non pas pour préserver et défendre les humains, mais pour le pouvoir et la domination établis ou souhaités. L’attaque contre l’Ukraine poursuit des objectifs impérialistes. Ceux-ci ne s’arrêtent pas aux sacrifices humains.

Cela signifie que si l’on est pacifiste et que l’on refuse la violence, on doit se méfier de l’État ?

Les pacifistes peuvent avoir une conception très différente de l’État et de la démocratie. Là où il est poussé jusqu’au bout, le pacifisme n’a pas en vue un principe borné, qui serait religieux, éthique et moral, mais l’humanité. Dans ce contexte, la question de la justice et de la répartition du pouvoir et des biens est inévitable. Historiquement, cela conduit toujours à ce que le pacifisme soit lié au socialisme et à l’anarchisme, et donc à une relativisation de la prétention de l’État à l’absolu. Les anciens anabaptistes se méfiaient également de l’État, et ce à juste titre, car il ne se préoccupait pas du bien-être des gens, mais de l’ordre existant ou recherché, dans lequel les privilèges et le pouvoir restaient clairement du côté des dirigeants. En tant que chrétiens, nous ne cherchons pas à remplacer l’État par le royaume de Dieu. Mais nous suivons la dynamique et les règles du royaume de Dieu autant que possible, comme Jésus l’a vécu. Si l’État devient ainsi un peu plus humain, tant mieux. Notre mission est de nous engager pour l’amour et contre la déshumanisation. La déshumanisation est un mot-clé dans un monde secoué par la guerre, la crise climatique et la technocratie !

Le pacifisme est-il toujours synonyme de non-violence ou le pacifisme peut-il aussi s’accompagner de violence ?

Le terme pacifisme est compris de différentes manières et utilisé différemment selon le contexte. Il est peut-être moins approprié que la non-violence. En principe, il signifie rejeter la violence comme moyen de résoudre un conflit ou d’atteindre certains objectifs, ou refuser de participer à des actions violentes. Il existe différents pacifistes : les pacifistes nucléaires, par exemple, refusent l’armement nucléaire, mais pas nécessairement les autres armes. Les pacifistes radicaux, en revanche, s’opposent à tout armement militaire. Il y a des gens qui sont fondamentalement engagés dans la non-violence, mais qui n’excluraient pas la violence dans tous les cas. Le plus gros problème avec ce terme est sans doute qu’il est associé à la passivité, voire à l’indifférence. C’est un malentendu désastreux. Le pacifisme n’a pas très bonne réputation et doit en quelque sorte être réhabilité en tant qu’idéal.

Dans quelle mesure le pacifisme et la non-violence sont-ils bibliques ?

La non-violence est biblique et surtout évangélique, car elle envisage la résistance non armée pour le bien et la préservation de tous les êtres humains concernés, plutôt que pour un ordre particulier. Elle sait que celui qui prend l’épée périra par l’épée. Même si c’est la génération d’après. Jésus a montré, par sa manière désarmée et désarmante, que dans le «règne» de Dieu (royaume de Dieu), d’autres règles s’appliquent que dans l’État et entre les hommes qui veulent imposer leurs avantages et leur propre affirmation. La nature est sans doute violente à sa manière, mais Dieu est non-violent et libre. Dieu laisse faire l’homme, à notre grand déplaisir parfois, mais c’est l’essence même de son royaume, qui consiste en la paix, la justice et la joie. Dieu ne s’oppose même pas par la force à la tyrannie. Il laisse les royaumes de la tyrannie s’écrouler et ceux qui n’avaient rien d’autre en tête que leur propre intérêt repartir bredouilles, comme le dit le chant de louange de Marie.


L’interview a été publiée pour la première fois sur www.menno.ch. Elle a été réalisée par Simon Rindlisbacher.

~ 6 min

Une large palette d’organisations s’est réunie pour former la coalition « Christ:innen für Klimaschutz » et soutenir la loi sur la protection du climat (contre-projet indirect à l’initiative sur les glaciers), qui sera soumise au vote le 18 juin 2023. ChristNet a également rejoint la coalition.

Les « Chrétiens pour la protection du climat » sont convaincus que chacun peut contribuer à la protection de la Création – par des actions ou des omissions conscientes. La loi sur la protection du climat fournit à cet effet un cadre légal contraignant et aide la Suisse à mettre en œuvre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat. La coalition voit dans la loi sur la protection du climat une voie socialement acceptable vers une plus grande protection du climat, qui renforce également l’économie nationale.

La création est en danger. La crise climatique causée par l’homme est scientifiquement prouvée sans équivoque par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et se manifeste par des vagues de chaleur, des incendies de forêt, la fonte des glaciers, des sécheresses, des inondations, l’élévation du niveau de la mer et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes. Les moyens de subsistance de millions de personnes sont ainsi menacés. La population reconnaît les faits scientifiques et souhaite un changement rapide de la politique climatique.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est le plus grand organe scientifique de recherche sur le climat. Sur son mandat, des experts du monde entier rassemblent en permanence l’état actuel des connaissances sur le changement climatique et l’évaluent d’un point de vue scientifique. Le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) d’octobre 2018 a montré : Avec un réchauffement global de 2 degrés, les conséquences négatives sont déjà bien plus graves qu’avec un réchauffement de 1,5 degré (le réchauffement actuel est de 1 degré). Or, à l’heure actuelle, la plupart des États – dont la Suisse – s’orientent vers un réchauffement de 3,4 degrés ou plus.

Cause de la faim et des conflits sociaux
De nombreux changements dus au réchauffement climatique sont d’ores et déjà irréversibles pour des siècles, voire des millénaires. La crise climatique est aiguë, c’est une catastrophe naturelle et humaine d’une ampleur inconnue dans l’histoire de l’humanité jusqu’à présent. La faim et les conflits sociaux augmentent en raison des phénomènes météorologiques extrêmes. Les pays industrialisés n’assument que partiellement leurs responsabilités et continuent de faire avancer le changement climatique.

La crise climatique et environnementale constitue un défi pour les Églises et les organisations chrétiennes, car elle soulève des questions fondamentales de justice, d’amour du prochain, de conception chrétienne de l’être humain et de concepts d’une vie bonne et réussie pour tous. Le monde et tout ce qui y existe est la création de Dieu. Dans une conception chrétienne, nous sommes des cocréatures. En tant que partie de la création et sujets moraux et éthiques, nous, les êtres humains, avons le devoir de traiter la nature et l’environnement avec respect et responsabilité. Toute prétention privilégiée sur le monde doit être rejetée par principe. La protection du climat est l’expression de cette responsabilité, et pour les chrétiens, elle fait partie d’une responsabilité globale envers la création. Il s’agit de protéger les bases de la vie pour tous les êtres vivants – aujourd’hui et à l’avenir. Nous avons trop longtemps vécu aux dépens de l’environnement et du climat.

Le Sud mondial porte le fardeau principal
La crise climatique est aussi une crise sociale. Causées par la surconsommation, les conséquences de ce problème environnemental nous concernent tous. Et pourtant, ce sont les personnes vivant dans la pauvreté, surtout celles du Sud, qui en portent le plus lourd tribut, sans pour autant être à l’origine du problème. Elles n’ont pas les moyens de s’adapter aux nouvelles réalités climatiques. Les conséquences sont la faim, les conflits et la pression migratoire.

Prendre ses responsabilités
Dans une perspective d’éthique sociale, chaque être humain a droit à un environnement propre et intact ainsi qu’à une vie dans la dignité. D’un point de vue chrétien, cette conception se fonde sur le fait que tous les êtres humains sont à l’image de Dieu, écrivent les « Chrétiens pour la protection du climat ». De plus, la crise climatique met en danger la survie de l’humanité et de la vie sur notre planète. C’est pourquoi, d’un point de vue socio-écologique, il est essentiel que nous assumions notre responsabilité dans la protection de l’équilibre écologique fragile et diversifié.
Les Eglises et les organisations chrétiennes sont appelées à agir de manière plus convaincante et engagée et à participer à la modification des conditions politiques. En ce sens, il est décisif que les organisations ecclésiastiques et chrétiennes s’expriment en matière de politique climatique.
En tant qu’organisations ecclésiastiques et chrétiennes, nous sommes appelés à nous engager résolument contre le réchauffement climatique, tant en paroles (confirmation de l’urgence et des mesures nécessaires) qu’en actes, soulignent les « Christ:innen für Klimaschutz ».
Un oui clair à la loi sur la protection du climat (contre-projet indirect à l’initiative sur les glaciers) constitue une telle action.

Une politique climatique responsable pour la Suisse En 2015, les Etats membres de l’ONU ont adopté l’accord de Paris sur le climat. Il s’agit maintenant de mettre en œuvre ce qui a été convenu dans les différents États : D’ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites à zéro au niveau mondial afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré. D’ici là, l’ère des énergies fossiles doit également être terminée. C’est l’objectif de l’accord de Paris et c’est la revendication centrale de l’initiative Glacier.
La Suisse met en œuvre sa politique climatique dans la loi sur le CO2, qui régit les mesures à prendre pour atteindre les objectifs climatiques suisses. Après l’échec de la révision de la loi sur le CO2 (votation populaire pour le référendum en juin 2021), une nouvelle tentative doit être faite. Cette deuxième révision actuelle concerne une loi avec des mesures pour la période de 2025 à 2030. Jusqu’à présent, un objectif net zéro n’a été mentionné que dans la stratégie climatique à long terme de la Confédération – il n’y a pas encore eu de loi pour la mettre en œuvre.

La loi sur la protection du climat concrètement
La nouvelle loi sur la protection du climat exige que toutes les émissions nationales de gaz à effet de serre atteignent un niveau net zéro d’ici 2050. Les objectifs doivent être atteints par des réductions d’émissions dans le pays, dans la mesure où cela est techniquement possible et économiquement supportable. La transformation nécessaire est également une chance pour l’économie et la société.

La loi fédérale indique à la Suisse la voie à suivre pour se libérer de sa dépendance aux énergies fossiles. Elle vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique et à s’en protéger, ainsi qu’à orienter les flux financiers vers un développement à faibles émissions et résilient au changement climatique. La loi sur le changement climatique fixe en premier lieu des objectifs de réduction des émissions de CO2 et les étapes intermédiaires correspondantes. D’ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre de la Suisse doivent atteindre un niveau net de zéro, et d’ici 2040, elles doivent être inférieures de 75% à celles de 1990. La manière dont les objectifs seront atteints (mesures) doit être définie dans le cadre de lois ultérieures.

Les mesures suivantes sont déjà définies dans le contre-projet :

  • Feuille de route « zéro net » pour les entreprises et promotion de l’innovation (200 millions par an sur une période de six ans).
  • Programme d’impulsion pour le remplacement des chauffages et l’efficacité énergétique (200 millions par an sur une période de dix ans).

L’initiative sur les glaciers a conduit le Parlement à élaborer un contre-projet indirect au niveau législatif. Celui-ci a été adopté lors de la session d’automne 2022. L’UDC a lancé un référendum contre ce contre-projet indirect.

Après l’échec de la votation sur la révision de la loi sur le CO2 en juin 2021, la loi sur la protection du climat est une étape décisive pour que la Suisse aille enfin de l’avant. Cette étape est nécessaire si la justice climatique et la préservation de la création nous tiennent à cœur.

Nous rejetons résolument le référendum lancé contre le contre-projet à l’initiative sur les glaciers, affirment les « Chrétiens:ennes pour la protection du climat ». Avec eux, ChristNet dit OUI à la loi sur la protection du climat.

L’article de fond des « Chrétiens pour la protection du climat » peut être consulté ici. Réductions et rédaction : Barbara Streit-Stettler


Photo de Nik sur Unsplash

~ 4 min

Dieu veut que tous les hommes aient de quoi vivre. Dans le Deutéronome 15,4, il est même dit « qu’il n’y ait pas un seul pauvre parmi vous ». L’objectif d’une politique économique devrait donc être de rétablir cette situation, du moins pour tous les hommes de bonne volonté. Or, en décembre, le Conseil national a chargé le Conseil fédéral de supprimer les salaires minimums cantonaux là où il existe des conventions collectives de travail nationales. Cela équivaut à une baisse de salaire pour ceux qui ont déjà très peu et met nombre d’entre eux dans le besoin.

Un salaire devrait suffire à faire vivre une famille. On devrait le penser. Mais pour de nombreuses familles en Suisse, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, plus de 150 000 adultes vivaient dans la pauvreté en 2020, malgré un travail rémunéré. Avec la forte inflation en 2022, leur marge de manœuvre s’est entre-temps encore réduite. Près de 100’000 enfants vivaient également dans ces ménages. Selon l’Office fédéral de la statistique1, en 2014 déjà, un enfant sur 20 en Suisse était concerné par la pauvreté monétaire et un enfant sur six était menacé de pauvreté. Cela s’explique notamment par le fait que les femmes élevant seules leurs enfants sont surreprésentées dans cette statistique.

Menace de baisse des salaires

Un nombre particulièrement élevé de personnes déjà touchées par la pauvreté travaillent dans des secteurs où des baisses de salaire menacent en raison de l’annulation des salaires minimums cantonaux mentionnée plus haut. C’est le cas par exemple des 15 000 personnes travaillant dans la restauration, où les salaires minimaux fixés par les CCT sont plus bas que les salaires minimaux cantonaux. Dans le coûteux canton de Genève, ces employés gagnent aujourd’hui 4000 francs par mois, à Neuchâtel 3687, à Bâle-Ville 3728. Avec la nouvelle réglementation, nombre d’entre eux risquent de voir leur salaire baisser jusqu’au salaire minimum CCT de 3582 francs et de tomber ainsi dans la pauvreté. La situation est très similaire chez les coiffeurs et les coiffeuses.

On atteint ainsi l’objectif inverse de celui qui est visé. Ou bien le bien-être des personnes, en particulier de celles qui en ont le plus besoin, n’est-il pas un objectif pour la majorité du Parlement ? De quoi s’agit-il réellement pour ces représentants du peuple ?

Mieux regarder au lieu de penser idéologiquement

La majorité parlementaire a argumenté que les salaires minimums cantonaux étaient une ingérence dans les accords privés des partenaires sociaux. Cette argumentation est surprenante étant donné que toute la législation nationale et cantonale fixe en fait le cadre des accords privés. Qu’est-ce qui est le plus important ? Le bien-être des pauvres ou l’idéologie de la non-intervention ?

Les partisans ont souligné le renforcement du partenariat social grâce à la nouvelle réglementation. Un mauvais esprit, à notre époque où, en raison de la baisse du degré d’organisation, les syndicats sont régulièrement perdants dans ce partenariat.

L’Union des arts et métiers a également déclaré que de nombreuses entreprises ne pourraient pas se permettre de payer des salaires minimums et que de nombreux emplois pourraient ainsi être perdus. La science économique a depuis longtemps réfuté cette façon de penser : En Grande-Bretagne, un salaire minimum légal a été introduit en 1999 et augmenté chaque année. Des études scientifiques2 ont montré que, dans l’ensemble, cela n’a pas détruit d’emplois, mais a plutôt eu tendance à en créer davantage. Cela s’explique par le fait que les personnes peu rémunérées ne peuvent pas thésauriser l’argent supplémentaire, mais le dépensent généralement sur place. Des expériences similaires ont été faites aux États-Unis3 et à Genève, aucun effet négatif sur le marché du travail n’a été constaté.

Réorienter la politique économique

Notre politique économique doit être fondée sur des connaissances scientifiques et non sur des idéologies. Et elle doit garder à l’esprit le nombre total d’emplois. Les salaires minimums permettent d’en créer davantage. Si la politique économique doit profiter à quelqu’un, qu’elle profite d’abord à ceux qui en ont le plus besoin. Si cela n’est pas atteint ou si, comme dans le cas présent, le peu qu’ils ont est retiré aux plus pauvres, cela doit être considéré comme un échec total de la politique.

Il est alors grand temps de revoir les comptes et de réorienter la politique économique : Les objectifs doivent être redéfinis et rendus compréhensibles aux acteurs.

Mais peut-être faut-il aussi se demander dans quelle mesure nous prenons au sérieux l’amour du prochain en tant que société. Dans quelle mesure nous préoccupons-nous encore de la vie des personnes défavorisées dans la société ? C’est peut-être même la question décisive !


1 : https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home.assetdetail.1320142.html

2 : https://www.boeckler.de/de/boeckler-impuls-grossbritannien-loehne-und-jobs-stabilisiert-10342.htm

3 : https://www.letemps.ch/economie/six-enseignements-salaire-minimum

(Image : Ricardo Gatica sur Pixabay)

Cet article a été publié pour la première fois en allemand le 01 mars 2023 dans le Forum Integriertes Christsein.