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Le 21 septembre 2024, la « Plateforme Christianisme solidaire » invite à une journée d’écoute et d’échange pour chercher ensemble comment rester en dialogue malgré les divergences d’opinion.

Lors de rencontres de familles, discussions entre collègues ou encore soirée chez des ami-e-s, qui n’est pas régulièrement confronté à des échanges compliqués et émotionnels sur différents thèmes chauds ? Covid-19, conflit Russie-Ukraine ou Israël-Hamas, ou encore Donald Trump, pour ne citer que quelques exemples. Certains thèmes sont très émotionnels, et lorsque des compréhensions du monde sont fondamentalement différentes, on peine souvent à avoir un dialogue constructif. On préfère alors souvent plutôt éviter ces thèmes, mais alors chacun-etend à se renforcer dans ses opinions avec les personnes qui pensent de la même manière, parfois in real life, souvent online. Et l’espace commentaires des publications des médias en lignes ou réseaux sociaux présente aussi régulièrement un climat d’échange dysfonctionnel.

Comment expliquer cette mauvaise santé du dialogue citoyen et comment peut-on contribuer à l’améliorer ? C’est là-dessus que propose de travailler la Plateforme Christianisme solidaire, composée de six petites organisations chrétiennes actives en Suisse, dont fait partie ChristNet. L’événement aura lieu le samedi 21 septembre, tout près de la gare de Renens (plus d’infos et inscriptions sur l’affiche ci-contre).

La journée se voudra participative, avec une grande place donnée à des ateliers l’après-midi, suivis de leur restitution et discussion en plénière. Ces ateliers se baseront sur les apports de deux interventions lors de la matinée. Une première du sociologue Philippe Gonzalez (Université de Lausanne), ayant pour titre « Polarisation de l’espace public : causes et effets des expressions d’opinion fermées au dialogue ». La seconde est intitulée « La vérité vous rendra libre : discernement, indépendance et solidarité dans une société ébranlée par la digitalisation », livrée par le théologien Hansuli Gerber, du Mouvement International de la Réconciliation (MIR).

Le choix du thème s’est fait au cours de plusieurs rencontres entre des délégué-e-s des différentes associations, qui ont travaillé à partir des conclusions de la journée de l’année dernière sur les appartenances (malsaines ou qui favorisent la solidarité) et à partir de leurs préoccupations pour le monde actuel. A côté des autres crises que nous traversons (écologique, géopolitique, stagnation économique…), cette crise de la communication citoyenne nous semble aussi tout particulièrement préoccupante et importante à bien comprendre et à traiter. L’objectif sera de ressortir des pistes pour pouvoir contribuer à la solution plutôt qu’au problème, non seulement individuellement mais aussi collectivement (association, église, quartier…).

Si cette question vous paraît à vous aussi importante à discuter collectivement, n’hésitez pas à vous joindre à cette journée participative !

Voir le visuel de l’affiche

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Dieu nous demande de nous engager pour notre prochain et pour la justice, ce qui, lorsque les causes de la misère et de l’injustice sont structurelles, exige également un engagement politique. Les églises jouent ici un rôle important de porte-parole et d’autorité éthique.

Ces dernières années, les Eglises ont subi des pressions lorsqu’elles ont élevé la voix sur des questions politiques. Elles n’osent plus guère s’exprimer sur le plan politique. Nous ne devons pas permettre que cette autorité éthique soit muselée et nous devons la soutenir et l’encourager. Daniel Winkler, qui s’engage en tant que pasteur à Riggisberg pour les réfugiés, soulignait le 5 juin 2024 dans sa chronique « Maulkörbe helfen nicht aus der Krise » (Les muselières ne permettent pas de sortir de la crise) parue dans le journal « Der Bund » : « Cela fait partie de la mission principale des Eglises de s’engager pour les plus faibles ».1

Depuis toujours, les églises ont pour rôle d’élever la voix lorsque les valeurs centrales du christianisme sont en danger. Selon Jésus, la loi centrale dont tout dépend est la suivante : Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même. Lorsque notre prochain est en danger ou que ses droits sont bafoués, nous sommes appelés à dénoncer l’injustice. L’Eglise, en tant qu’organisation de chrétiens, a donc aussi le devoir d’élever la voix. Elle l’a fait à maintes reprises par le passé, par exemple lorsque le droit d’asile était menacé pour les personnes persécutées ou lorsque la servitude pour dettes des pays du Sud entraînait détresse et misère.

La voix se heurte à une résistance et est refoulée

L’initiative sur la responsabilité des multinationales avait également pour but de protéger les droits et le bien-être des personnes défavorisées dans les pays du Sud et d’exiger des normes éthiques. Mais les milieux économiques concernés et leurs représentants – ainsi que les personnes qui n’étaient pas d’accord avec l’initiative – sont allés trop loin et ont organisé une campagne de dénigrement contre les églises en exigeant qu’elles cessent de s’impliquer. Les œuvres d’entraide ecclésiastiques se sont vues refuser l’argent de l’aide au développement si elles ne se contentaient pas d’organiser des projets d’aide mais s’engageaient également à modifier les causes structurelles de la misère, c’est-à-dire si elles formulaient des exigences politiques..2 La campagne de sensibilisation StopPauvreté, par exemple, n’a plus été soutenue par le DDC. L’information à ce sujet dans les écoles a également été interdite. Quiconque évoque notre coresponsabilité sociale face à l’exploitation est donc censuré. Les églises et les œuvres d’entraide ainsi que les médias chrétiens hésitent aujourd’hui à s’exprimer encore sur le plan politique. Ils ont peur de voir leurs dons diminuer et pratiquent ainsi l’autocensure. En 2022, à la suite de l’initiative sur la responsabilité des multinationales, le groupement d’églises nationales « Mouvement théologique pour la solidarité et la libération »3 s’est opposé à cette évolution en publiant un manifeste qui mérite réflexion : « Contre le silence des Eglises »4.

Soutenir l’autorité éthique – et rester en dialogue

Nous ne devons pas permettre que la dernière autorité éthique qui entrave l’exercice illimité du pouvoir soit muselée. C’est exactement la prédiction du premier descripteur du postmodernisme, Jean-François Lyotard, qui disait que si aucune vérité ni aucune éthique commune n’est plus acceptée et que tout devient arbitraire, alors le pouvoir n’est plus limité et reste le seul critère de prise de décision.

Les exigences bibliques et les normes éthiques sont claires. Nous ne devons pas attendre que tous les chrétiens soient d’accord pour élever la voix. Il est clair que nous rencontrons aussi de la résistance parmi les chrétiens lorsque cela devient désagréable pour la conscience ou lorsque notre prospérité est remise en question. Lorsque nous dénonçons et exigeons la repentance là où Mammon règne en maître devant Dieu, nous devons toujours nous attendre à des réactions violentes, parfois même de la part des milieux chrétiens.Notre tâche consiste à maintenir le dialogue, à écouter les contre-arguments, à valider les sensibilités et à développer des visions communes lorsque cela est possible. Mais nous ne devons pas nous laisser dissuader de protéger la vie, de nous engager pour les plus faibles et de rétablir la justice, y compris en politique. Nous ne devons pas en arriver au point où, dans de nombreux pays, les chrétiens et les églises, par réflexe minoritaire, s’isolent du « mauvais monde » et ne mènent plus qu’un combat pour leur propre groupe. Ce faisant, ils se jettent dans les bras de dirigeants qui sèment la haine et foulent aux pieds les droits de leur prochain.

Soutenons donc les églises et les médias chrétiens qui s’expriment aussi politiquement en faveur des valeurs chrétiennes et de l’amour du prochain.


1. Kirche unter Druck: Maulkörbe helfen nicht aus der Krise | Der Bund

2. https://www.nzz.ch/schweiz/cassis-verschaerft-regeln-fuer-entwicklungshilfe-staatsgelder-duerfen-nicht-in-polit-kampagnen-fliessen-ld.1604901

3. Theologische Bewegung für Solidarität und Befreiung – Kirche?

4. Stimme_der_Kirchen_Manifest_Pierre Buehler_dt_fr


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