3. Miséricorde : assez pour partager

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Rahel Röthlisberger est médecin assistant près de Berne. Elle est l?une des initiatrices du projet « cukup » lancé en 2006. Rahel est membre de ChristNet depuis déjà de nombreuses années.

Je prie depuis longtemps pour que les trois valeurs confiance en Dieu, contentement et miséricorde soient mises en valeur en Suisse. C?est pourquoi je me réjouis de pouvoir aujourd?hui participer à ce Forum. Je vais vous faire part du chemin qui m?a conduit vers plus de miséricorde; c?est un chemin très personnel qui n?est pas nécessairement identique pour tous.

Une devise : apporter la bonne nouvelle aux pauvres

Il y a quelques années de cela, ma foi était en pleine remise en question et je conclus un accord avec Dieu pour qu?il donne un sens à ma vie. Il me transmit le verset Esaïe 61.1 pour que j?en fasse ma devise personnelle: « L’esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, car l’Éternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux? » C?est alors que j?ai commencé à travailler bénévolement dans un centre de réhabilitation pour toxicomanes. Cependant, j?étais triste car je sentais que j?atteignais rapidement mes limites et que je n?arrivais pas à faire plus.

J?avais toujours rêvé d?aider les plus pauvres en Afrique et je suis donc partie faire un stage de 3 mois sur ce continent. Ces 3 mois m?ont permis de me rendre compte que j?avais le mal du pays et que je n?étais pas faite pour travailler à l?étranger. Mais ils m?ont également permis de découvrir ce qu?est la pauvreté extrême : de nombreux malades, souvent nu-pieds, et de nombreux nourrissons mourants. Et pourtant, nous ignorons tout de cela en Suisse. J?ai demandé à mes amis africains comment ils faisaient pour s?en sortir. Ils me racontèrent l?histoire d?une femme malade qui n?avait pas d?argent pour se soigner. « Nous avons prié Dieu pour lui demander ce à quoi nous pouvions renoncer. Malgré notre aide, seule la moitié de la somme fut réunie. » Cela s?avéra malgré tout suffisant car le prix fut négocié à la baisse. A quand remonte la dernière fois où j?ai agi de la sorte ? Ils prient souvent pour de l?argent et Dieu veille. J?acquis la conviction profonde que je ne pouvais pas continuer à vivre comme avant.

 

Des conteneurs pour l?Afrique

De retour en Suisse, je me suis sentie déprimée car j?avais perdu le sens que j?avais donné à ma vie, celui d?aider les pauvres. C?est à ce moment que mon chemin croisa celui d?un vieil homme qui s?était jusqu?alors occupé du transport de conteneurs vers l?Afrique et se sentait à présent trop vieux pour continuer. Il me demanda si je souhaitais poursuivre son travail. Je répondis par l?affirmative. L?image suivante fut source de motivation pour moi : je me voyais devoir traverser un fleuve en marchant sur des pierres posées au fond. Et Dieu me disait: « Je t?accompagne mais c?est à toi d?oser faire chaque pas ».

C?est ainsi qu?arriva le moment du premier transport: 1,5 tonnes de matériel médical qui devait « immédiatement » être expédié. Mais je n?avais ni le temps ni l?argent pour m?en occuper. Je rencontrai alors un autre homme d?un certain âge dont le passe-temps était d?organiser le transport de conteneurs. Je n?avais qu?à l?aviser 4 jours à l?avance et il prenait gratuitement en charge l?ensemble de la logistique.

En outre, les partenaires africains réclamèrent un générateur d?électricité. Je ne savais même pas de quoi il s?agissait. Deux jours plus tard je reçus un appel téléphonique où l?on me demandait si j?avais besoin d?un générateur, valeur à l?état neuf CHF 20’000 ! En fin de compte, ce transport put se dérouler quasiment sans accroc.

 

cukup : une expérience

En 2005, je pris part à la Conférence du Jeûne Fédéral 2005 du PEV. Dans l?hôtel de luxe Olten, les discussions tournaient autour au thème « Défi pauvreté ». Moi et plusieurs autres jeunes présents étions passionnés par le sujet mais nous nous demandions comment agir concrètement. Nous avions beau avoir la volonté de faire quelque chose, nous étions conscients de dépendre de notre société. A travers la prière, l?idée nous est venue de mener une expérience : vivre pendant un an le plus simplement possible (avec un « budget de nécessité ») et redistribuer le reste.

Ce projet s?avéra plein d?événements inattendus : lorsque nous décidâmes, par exemple, de ne pas partir en vacances pour économiser de l?argent, on nous prêta gratuitement une maison de vacances de 20 places. Lorsque mon vélo se cassa, quelqu?un m?offrit un vélo 21 vitesses que je n?aurais jamais acheté moi-même.

Il fallut ensuite s?occuper du deuxième transport de conteneur, deux fois plus important que le premier. Tous les frais furent couverts car une amie m?indiqua que la DDC payait l?intégralité du transport de matériel militaire réutilisé à des fins humanitaires. Et lorsque, prise par mon travail de médecin assistant, je n?arrivai plus du tout à trouver le temps de préparer ce transport, le voisinage tout entier vint me donner un coup de main. J?aimerais encourager tout le monde à s?aventurer sur le chemin de la miséricorde vécue.

Défis

Je dois avouer que j?ai souvent atteint les limites de mes capacités et que le temps m?a plus d?une fois fait défaut. Grâce à la protection de Dieu, plusieurs accidents se sont avérés sans gravité. J?ai également rencontré des difficultés à l?hôpital car mes collègues avaient l?impression que je ne prenais pas suffisamment au sérieux mon travail. J?ai fini par chercher un poste ailleurs mais j?ai du essuyer plusieurs refus. Une collègue attira mon attention sur un médecin de campagne chrétien à qui j?ai donc envoyé une candidature spontanée. Toute tremblante et pleine d?hésitation, j?ai évoqué au détour d?une phrase mon engagement pour l?Afrique. Lors de l?entretien d?embauche, il commença tout de suite par me demander ce que cela impliquait. Lorsque je lui répondis que je cherchais un travail qui me laisse suffisamment de temps pour continuer à organiser des transports il se montra particulièrement intéressé et m?engagea à la condition que je poursuive avec les conteneurs !

 

Pour finir : de petits pas

En conclusion, je souhaiterais réitérer mon v?u de voir les Suisses se préoccuper moins de questions matérielles. Il y a des chrétiens sur cette planète qui luttent au quotidien pour leur survie. Je vous encourage à demander à Dieu comment vous pouvez agir sur ce sujet. De petits pas suffisent comme j?ai souvent pu le constater avec satisfaction. J?ai dit à Jésus : « Voici mes deux petits poissons. Prends-les ». Et il en a fait de grandes choses. Là où je ne me doutais de rien, Dieu est intervenu.

La prière, le silence et l?adoration ont été de grandes sources d?inspiration pour moi. J?y passe souvent des heures. Ce sont des moments qui me donnent du courage et me permettent d?aller de l?avant.

Rahel Röthlisberger

Transcription : Samuel Ninck

Traduction : Vincent Thonnart


Photo by Tanaphong Toochinda on Unsplash

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