Énergie : Les prix de l’électricité face au dilemme entre incitations économiques et morales
Les prix dynamiques de l’électricité fluctuent en fonction de la quantité d’électricité produite et consommée à un moment donné. Ils sont encore peu répandus en Suisse, mais pourraient contribuer à la transition énergétique. Car actuellement, les consommateurs ne sont pas incités économiquement à consommer l’électricité lorsqu’elle est disponible en abondance.
Agir par conviction économique
En politique, tout tourne autour de la question de savoir comment nous voulons organiser notre vie en société. Adam Smith a forgé le concept de marché comme main invisible qui veille à ce que la maximisation de l’utilité de l’individu ou d’une entreprise maximise automatiquement l’utilité globale de la communauté.
Il est évident que cela ne s’applique pas sans restriction : le changement climatique, les crises financières ou l’exploitation des êtres humains ne sont guère des résultats optimaux de notre économie. Certaines règles sont donc nécessaires dans une société. Et alors – c’est ce qu’on espère – l’action égoïste conduit dans le meilleur des cas à ce que tout le monde s’en sorte mieux.
Agir par conviction chrétienne
D’un point de vue chrétien, l’action égoïste est toutefois à l’opposé de ce dont le monde a besoin. L’amour du prochain, l’humilité, la justice, la dignité humaine, la crainte de Dieu et la responsabilité envers la création sont des principes centraux auxquels les chrétiens – et tous les autres hommes de bonne volonté – se réfèrent. Et l’espoir est que si chacun se comporte de la sorte, une partie du ciel est déjà possible ici sur terre.
On ne peut pas faire de l’économie sans valeurs
Tout comme on ne peut pas « ne pas communiquer », on ne peut pas non plus faire de la politique sans exprimer ainsi une vision de l’homme et du monde. La question n’est donc pas de savoir si les valeurs s’expriment dans notre activité économique, mais quelles valeurs nous suivons. Je dirais donc que l’abandon des énergies fossiles et de l’énergie nucléaire exprime l’amour du prochain et la responsabilité envers la création, et que les chrétiens devraient donc se mobiliser pour ces thèmes.
Qu’est-ce qui est prioritaire ?
Si chaque décision économique a également une dimension morale, un dilemme se pose : dois-je faire ce qui est économiquement optimal (pour moi) ou ce qui est moralement juste ? Cela ne devrait pas être un « ou bien, ou bien » : Nous devrions organiser notre système économique de manière à ce que le comportement moral des entreprises et des individus soit également judicieux sur le plan économique. En d’autres termes, il devrait y avoir une incitation économique à se comporter de manière moralement correcte.
Où se pose concrètement le dilemme ?
Jusqu’à 40% de notre production d’électricité devrait à l’avenir provenir de l’énergie éolienne ou solaire. La production sera ainsi plus dynamique, car le temps ne s’aligne pas sur la consommation des consommateurs. La morale voudrait que l’on consomme de plus en plus d’électricité quand il y a beaucoup de vent, quand le soleil brille, c’est-à-dire typiquement à la mi-journée. Bien sûr, il n’est pas possible de déplacer toute la consommation d’électricité d’un ménage à ce moment-là, mais on estime que nous consommons environ 30% et plus de l’électricité indépendamment du moment de la journée.
Que ceux qui objectent qu’il est difficile d’attendre du consommateur final qu’il étudie quotidiennement les prévisions éoliennes et solaires se rassurent : grâce aux pompes à chaleur intelligentes, aux chauffe-eau ou aux systèmes de recharge pour voitures électriques, le report de la consommation fonctionne sans aucune intervention de notre part. Il nous suffit donc d’installer les systèmes correspondants. Il n’y a toutefois pas d’incitation financière à adopter ce comportement, car l’électricité est toujours au même prix pendant la journée.
Le côté consommateur n’est toutefois que la moitié de l’histoire. En Suisse, la majorité des installations solaires sont de petites (st)-installations sur les toits des particuliers. L’électricité produite est injectée dans le réseau local et rémunérée à un tarif qui ne dépend pas non plus de l’heure de la journée. Cela peut conduire à une situation paradoxale : l’injection d’électricité solaire permet de gagner de l’argent, alors qu’au même moment, le prix à la bourse de l’électricité est négatif. Si l’énergie solaire est injectée dans le réseau sans être freinée, cela peut conduire, dans le pire des cas, à un black-out.
D’un point de vue moral, le cas est donc clair : dès que la stabilité du système est menacée par l’injection de PV, personne ne devrait plus injecter de PV. La solution technique la plus simple pour réduire ces pics d’alimentation serait de plafonner l’alimentation à 70% de la puissance de l’installation, par exemple. Bien sûr, il serait possible de faire encore mieux, par exemple avec des batteries domestiques ou avec un contrôle de la puissance d’injection autorisée par les exploitants de réseau.
Comment sortir du dilemme ?
D’un point de vue économique, le moyen le plus simple de faire coïncider l’offre et la demande est de rendre le bien, en l’occurrence l’électricité, d’autant plus cher qu’il y en a moins. Des prix minimum et maximum pour l’électricité injectée dans le réseau pourraient donner au consommateur la certitude qu’il ne serait jamais exposé aux fluctuations les plus extrêmes de la bourse.
Pour permettre des prix dynamiques de l’électricité, il est nécessaire de mesurer et de facturer la consommation (et la production) avec une résolution temporelle élevée, c’est-à-dire tous les quarts d’heure au lieu de tous les mois. Or, les compteurs intelligents nécessaires à cet effet ne sont pas encore installés sur l’ensemble du territoire suisse. Même là où ils sont installés, les clients n’ont guère la possibilité de passer à des modèles de prix dynamiques, car leur fournisseur d’énergie ne leur offre pas cette possibilité.
Ce qui nous amène à un autre problème d’incitation : Le manque d’incitation des fournisseurs d’énergie à proposer des prix dynamiques. Alors que chacun peut décider lui-même s’il veut souscrire un abonnement de téléphonie mobile chez Swisscom ou Salt, il n’y a pas de liberté de choix en Suisse pour l’électricité. Les fournisseurs d’énergie comme les usines électriques de Zurich ou de Berne occupent une position de monopole dans leur zone de desserte et sont donc peu incités à innover.
Dans le cadre de la libéralisation du marché dans l’UE, des entreprises innovantes comme Octopus Energy ou 1KOMMA5° ont montré que des tarifs d’électricité dynamiques combinés à la gestion intelligente de sa propre installation solaire, de sa pompe à chaleur ou de sa station de recharge pour voiture électrique entraînaient en fin de compte des coûts d’électricité nettement plus bas, voire négatifs, pour le client final. Une libéralisation du marché en Suisse est à portée de main grâce au nouvel accord sur l’électricité que la Suisse a négocié avec l’UE. Chacun pourrait toutefois décider lui-même s’il souhaite rester dans l’approvisionnement de base ou changer de fournisseur d’énergie.
Comme le montrent les expériences faites à l’étranger, seule une petite partie des clients changent de fournisseur d’énergie après la libéralisation du marché. On pourrait donc, comme en Allemagne, obliger les fournisseurs d’énergie à proposer un modèle de prix dynamique pour aider cette solution à percer.
Les idéalistes restent importants
Dans de nombreux domaines, il est déjà possible d’économiser de l’argent en faisant preuve de bon sens moral, par exemple avec des appareils électroménagers efficaces sur le plan énergétique, des systèmes de chauffage non fossiles, l’isolation des bâtiments ou en achetant une voiture électrique.
Nous n’aurons jamais un système d’incitation financière parfait. C’est pourquoi les idéalistes jouent un rôle crucial dans les processus de changement tels que la transition énergétique, surtout au début. Ils s’impliquent dans les processus politiques et montrent également l’exemple dans leurs propres espaces de création.
Les chrétiens devraient faire partie de ce groupe en étant conscients de l’impact de leurs actions sur les autres et sur la création, en renonçant parfois à leur propre avantage et en allant courageusement de l’avant. Les idéalistes ne peuvent pas mener seuls la transition énergétique, mais ils peuvent ouvrir la voie.
Cet article est d’abord paru sur Insist / Image de lummi.ai
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