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Aux Philippines, une personne sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. La capitale Manille compte plus de 20 millions d’habitants. De nombreuses personnes vivent dans des quartiers pauvres et des bidonvilles. Plus de 100 000 enfants vivent dans la rue. Beaucoup d’entre eux trouvent moins d’affection et d’acceptation dans leurs familles, également brisées par la pauvreté et le chômage, que dans les gangs de rue, où la lutte pour la survie, les abus, la violence et la fuite dans les substances génératrices de dépendance font partie du quotidien. Jusqu’à présent, le gouvernement philippin n’a offert à ces enfants que la répression et la mort. Onesimo montre de manière exemplaire comment l’amour concret du prochain est une issue plus fructueuse.

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Le numérique est de plus en plus présent dans les relations que nous entretenons avec l’administration. Vous souhaitez obtenir une prime d’activité ? Passez par la « case » virtuelle ! Vous souhaitez entrer en lien avec la CAF ? Commencez par vous créer une adresse email ! En quelques années, la France a fait de rapides « avancées » dans la digitalisation de son administration, le Gouvernement actuel étant bien décidé à passer au « tout numérique » d’ici 2022. Il est poussé/porté par un double objectif : celui d’une part de simplifier – et d’améliorer l’efficacité – des démarches administratives et, par-delà, de faire des économies. Celui, de l’autre, de renforcer l’accès des dispositifs au plus grand nombre. Or, contrairement à ce qui est souhaité, pour de plus en plus de personnes, cette virtualisation de l’administration n’est pas synonyme d’égalité, mais bien de mise à l’écart.

E-exclusion ?

Certaines voix – travailleurs sociaux, représentants associatifs, etc. – se font aujourd’hui entendre pour alerter sur les risques de précarisation induits par la digitalisation accrue – et contrainte – des relations administratives. Les personnes en situation de fragilité cumulent souvent des difficultés d’accès, d’usage et de cognition (littéracie) dans leurs démarches administratives. Elles peinent à accéder au dispositif, à trouver les informations souhaitées de même qu’à entrer en contact et communiquer avec les professionnels. Ces nouvelles injonctions/obligations représentent ainsi autant de nouvelles barrières qui se dressent devant elles, les conduisant parfois à abandonner leurs démarches. Pour peu qu’elles ne disposent pas dans leur réseau de personnes capables de leur servir d’intermédiaire et de les accompagner dans ce dédale technologique, elles peuvent alors se retrouver privées de leurs droits (Défenseur des droits, 2017).

Vers une solidarité numérique ?

Cette situation nous amène à prendre conscience, en tant que chrétiens, des nouveaux visages de la précarité et nous sensibilise aux besoins grandissant d’accompagnement numérique que rencontrent un certain nombre de nos Prochains. Un encouragement à développer et pratiquer l’entraide, également sur la Toile… Plus largement, cette situation nous incite également à réfléchir sur la place et le rôle que notre société – et nous-mêmes – confère à la technologie ; elle représente en cela une invitation à la « prudence » et un appel à la sagesse pour éviter de succomber aux chants de la toute-puissance technologique et pour se garder de lui déléguer de manière irréfléchie de trop grands pans de notre existence. Veillons ainsi à ce que ces technologies ne fassent figure ni de tour de Babel, ni de veau d’or dans nos vies, mais que celles-ci soient de plus en plus des outils au service du plus grand nombre. Et continuons à remettre la conduite de notre existence en premier lieu aux mains de notre Seigneur.

Tribune parue sous la rubrique « Regards » dans Christ Seul (mensuel des Eglises évangéliques mennonites de France), n° 1092, novembre 2018, www.editions-mennonites.fr.

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Voici une liste de littérature et de liens internet sur la justice mondiale compilée par ChristNet et publiée dans le magazine Insist (octobre 2008 N02, Justice, www.insist.ch).

Littérature

> Gordon, Graham : C’est ce que vous m’avez fait. Le christianisme engagé dans un monde injuste. Brunnen Verlag et TearFund, 2004

> Shane Claiborne : Je dois être fou pour vivre comme ça. Brunnen Verlag, Giessen, 2007 (voir aussi www.thesimpleway.org).

> Justice pour tous ! Equipped 3/2005, Vineyard Magazine, août 2005 (à commander à l’adresse suivante : www.vineyardmusic.com/dach/schweiz/scripts/prodView.asp?idproduct=258)

> Gerster, Richard : Mondialisation et justice. Maison d’édition HEP ; Zurich 2005

> Chester, Tim, et al : Justice, Mercy and Humility. Paternoster ; Carlisle 2002 (anglais, on integral mission)

Liens Internet en allemand

a) Dénominationnel

> www.stoparmut2015.ch : StopArmut est la campagne de l’Alliance évangélique suisse visant à mobiliser pour les pauvres dans le monde.

> www.micha-initiative.de : L’Initiative Micha Allemagne veut inciter les chrétiens à s’engager contre la pauvreté et pour la justice dans le monde.

> www.ChristNet.ch : ChristNet est un forum de chrétiens qui fait campagne pour plus de charité dans la société et la politique.

> www.wjforum.org : Le Forum mondial sur la justice aborde les questions économiques et politiques mondiales afin que la prospérité, la paix et la sécurité soient restaurées sur la base de la loi et de la justice de Dieu.

> www.oikoumene.org/de (Programme à Justice) : Le Conseil œcuménique des Églises cherche à réunir de façon nouvelle les engagements en faveur de la justice et de la diaconie et de l’intégrité de la création.

> www.bfa-ppp.ch : Pain pour le prochain œuvre, entre autres, pour le respect des droits de l’homme et le développement durable dans le Sud.

> www.bethlehem-mission.ch : Bethlehem Mission Immensee est une organisation d’aide chrétienne qui ouvre également sa bouche pour aider les personnes défavorisées.

> www.acat.ch : L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture milite pour un monde sans torture et sans peine de mort.

b) Non confessionnel

> www.evb.ch : La Déclaration de Berne œuvre pour la justice mondiale dans les domaines de la responsabilité des entreprises, de la politique commerciale, de l’agriculture et du commerce équitable.

> www.swisscoalition.ch : Le groupe de travail des six principales agences d’aide suisses fournit des informations détaillées sur la politique de développement et les questions de mondialisation.

> www.aktionfinanzplatz.ch : Aktion Finanzplatz Schweiz suit l’argent en Suisse grâce à des recherches, des analyses et des campagnes.

> www.attac.org : Attac lutte contre la domination des marchés financiers mondiaux et travaille sur des modèles économiques alternatifs plus équitables dans le monde entier.

Liens Internet Anglais

> www.speak.org.uk : Speak est un mouvement chrétien de prière et d’action pour la justice sociale en Angleterre.

> www.sojo.net : Sojourners est un mouvement chrétien aux États-Unis qui cherche à mettre en œuvre l’appel biblique à la justice dans l’église et la société (co-fondateur : Jim Wallis).

> www.calltorenewal.com : Call to Renewal est une organisation chrétienne contre la pauvreté et l’injustice, fondée par Jim Wallis.

> www.micahchallenge.org : Le Défi Michée est la plate-forme internationale de l’Appel Michée (voir ci-dessus StopArmut).

> www.bread.org : Bread for the World est un lobby chrétien pour la lutte contre la pauvreté aux États-Unis et dans le monde.

> www.jubilee-centre.org : Jubilee Centre est une organisation chrétienne anglaise de réforme sociale basée sur l’année jubilaire de l’Ancien Testament.

 

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« D’où vient votre farine ? »

Samedi 21 avril, un Forum organisé par ChristNet et StopArmut a eu lieu à Berne. Il traitait du sujet « Partage équitable : chrétiens responsables ? Réponses personnelles, économiques et politiques à la pauvreté. »

Réponse personnelle : commerce équitable

Lors de son intervention, Peter Weidmann de teartrade.ch posa une question provocatrice : « Savez-vous d’où vient votre farine ? » Et d’y répondre aussitôt : « 60% de la farine qu’utilise mon boulanger vient de l’Inde. » Grâce à l’exemple du café il démontre que souvent les prix payés aux producteurs ne sont pas suffisants pour survivre. Il cite alors Jacques : « Vous n’avez pas payé leur juste salaire aux ouvriers qui ont moissonné vos champs. » (5.4) Selon lui, le commerce équitable traiterait le problème à la racine puisqu’on paierait ainsi « le juste salaire » aux plus pauvres, les paysans du sud. Ce qui, en plus, ne nous coûterait pas bien cher : si nous déboursons pour du café équitable un surplus de 20%, cela se traduirait pour le paysan par un dédoublement du montant reçu. En tant que consommateurs, nous aurions le pouvoir d’influencer par nos choix les grands groupes agroalimentaires et les grandes surfaces. « Nous partageons avec les plus pauvres du monde. Ce sont nos prochains » dixit Weidmann.

Réponse économique : la microfinance

Karl Rechsteiner, Oikocredit, montra, exemples à l’appui, comment des microcrédits de quelques dollars peuvent représenter l’apport nécessaire à la création de petites entreprises en Afrique et en Amérique du sud. C’est le cas de cette orpheline de 22 ans à Accra (Ghana) qui doit nourrir son frère et sa sœur. Grâce à une banque de microfinances, elle a pu ouvrir un salon de coiffure qui compte aujourd’hui 10 employés. Ou encore ce village dans les montagnes du Pérou où la création d’une usine de vinaigre artisanal devint ainsi possible. M. Rechsteiner appela les chrétiens et les Eglises à placer leurs réserves selon des critères éthiques et de préférer les instituts de microfinances ou les petites banques locales aux grandes banques.

Réponse politique : des règles justes pour le commerce international

Markus Meury, coordinateur de StopArmut et membre de ChristNet, releva le déséquilibre politique du commerce international. D’une part, les pays pauvres n’auraient pas les ressources pour obtenir les informations et les conseils nécessaires lors de négociations d’accords commerciaux. D’autre part, la libéralisation continue du commerce international nuirait à l’économie de ces mêmes pays puisqu’elle ne serait pas assez forte pour être exposée à la concurrence internationale. D’ailleurs les économies américaine, européenne et asiatique aussi se seraient d’abord construites à l’abri de la concurrence. M. Meury appela la Suisse d’abandonner sa politique des intérêts propres afin de promouvoir des règles du commerce international qui sont en faveur des pays les plus faibles.

Limites du partage

La table ronde fut introduite par Christian Waber, conseiller national UDF, qui soutint qu’au vu des dettes de la Confédération à hauteur de 133 milliards de francs, on ne pouvait pas dire que la Suisse était dans le superflu, mais plutôt dans une consommation au-dessus de ses moyens. Il a été répondu qu’en Suisse le revenu moyen était de 400 fois plus élevé que dans les pays pauvres.

Un participant suggéra que la meilleure réponse à la pauvreté serait la conversion des cœurs et la promotion des valeurs chrétiennes. On y répondit : « Il faut l’un et l’autre : un engagement spirituel et pratique ; nous pouvons acheter équitable, placer notre argent dans des institutions de microfinance et nous engager pour des règles du commerce international plus justes. » La discussion vive fut appréciée pour sa franchise et son ton constructif.

Une participante se réjouit : « Ce Forum fut pour moi une découverte : maintenant je sais qu’à travers mes achats quotidiens je peux faire une différence. »

 

ChristNet est un Forum chrétien traitant du social, de l’économie, de l’environnement, de la culture et du développement. En vue des élections nationales 2007, ChristNet lance une pétition qui demande au Conseil fédéral de placer le partage au centre de la politique suisse (www.assez-pour-partager.ch).

StopArmut2015 est la campagne de l’Alliance évangélique suisse pour promouvoir la réalisation des objectifs du millénaire de l’ONU et travaille depuis plusieurs années afin que les chrétiens s’engagent à combattre la pauvreté dans le monde. En Suisse romande, la campagne s’appelle StopPauvreté.

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Samedi 21 avril, un Forum organisé par ChristNet et StopArmut a eu lieu à Berne. Il traitait du sujet « Partage équitable : chrétiens responsables ? Réponses personnelles, économiques et politiques à la pauvreté. » Ce Forum s’inscrit dans le cadre de la pétition de ChristNet « Assez-pour-partager.ch » et d’une semaine d’action de StopArmut.

Des experts se prononcèrent sur le commerce équitable, la microfinance et les règles du commerce international. « Il faut tout : au niveau personnel, acheter équitable et placer notre argent dans des institutions de microfinance, au niveau politique nous engager pour des règles justes du commerce international. » Tel fut le résumé d’un participant.

 

Berne, 22.4.07 – Hier un Forum organisé par ChristNet et StopArmut a eu lieu à Berne. Il traitait du sujet « Partage équitable : chrétiens responsables ? Réponses personnelles, économiques et politiques à la pauvreté. » 45 participants suivirent les interventions d’experts sur le commerce équitable, la microfinance et les règles du commerce international. Enfin, une table ronde avec la participation d’une voix critique permit d’approfondir les limites du partage.

Peter Weidmann de teartrade.ch montra par l’exemple du commerce du café que les prix payés aux producteurs ne suffisent souvent pas pour survire. Selon lui, le commerce équitable traiterait le problème à la racine puisque le prix payé correspondrait « au juste salaire » (Jacques 5.4) des plus pauvres, les paysans du sud. « Nous partageons avec les plus pauvres du monde. Ce sont nos prochains » dixit Weidmann.

Karl Rechsteiner, Oikocredit, montra, exemples à l’appui, comment des microcrédits de quelques dollars peuvent représenter l’investissement nécessaire à création de petites entreprises en Afrique et en Amérique du sud. M. Rechsteiner appela les chrétiens et les Eglises à placer leurs réserves selon des critères éthiques et de préférer les instituts de microfinances aux grandes banques.

Markus Meury, coordinateur de StopArmut et membre de ChristNet, releva le déséquilibre politique du commerce international qui donnerait un pouvoir énorme aux pays du nord. Il appela la Suisse d’abandonner sa politique des intérêts propres afin de promouvoir des règles du commerce international qui sont en faveur des pays les plus faibles.

Enfin, la table ronde avec Christian Waber, conseiller national UDF, permit d’élucider les limites du partage. Nous ne pourrons pas partager à l’infini, mais nous pouvons nous engager là où nous sommes : aux niveaux personnel, économique et politique. Tel fut la conclusion d’une discussion vive et franche. Une participante se réjouit : « Ce Forum fut pour moi une découverte : maintenant je sais qu’à travers mes achats quotidiens je peux faire une différence. »

Ce Forum eut lieu dans le cadre de la pétition ChristNet « Assez-pour-partager.ch » qui demande au Conseil fédéral de placer le partage au centre de sa politique. Pour StopArmut, ce Forum s’inscrit parfaitement dans sa campagne afin de réduire la pauvreté dans le monde de moitié d’ici 2015.

ChristNet est un Forum chrétien traitant du social, de l’économie, de l’environnement, de la culture et du développement.

StopArmut2015 est la campagne de l’Alliance évangélique suisse pour promouvoir la réalisation des objectifs du millénaire de l’ONU et travaille depuis plusieurs années afin que les chrétiens s’engagent à combattre la pauvreté dans le monde. En Suisse romande, la campagne s’appelle StopPauvreté.

Contact

ChristNet. Samuel Ninck, 022 733 50 83. samuel.ninck@christnet.chwww.ChristNet.ch

StopArmut. Matthias Stürmer, 031 371 80 87. matthias.stuermer@stoparmut2015.chwww.stoparmut.ch ¦www.stoppauvrete.ch

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Jesus war immer provokativ, darum darf ich es ohne schlechtes Gewissen auch sein: Der Gott der Bibel ist ein Gott der materiell (nicht ?geistlich?!) Armen. Diese plakative Aussage stelle ich an den Anfang und beginne nun mit meinen Ausführungen.

Über Armut aus biblischer Sicht wird in Kirchen, Hauskreisen, Jugendgruppen usw. nur wenig diskutiert. Als Schweizer sind wir kaum mit existentieller Armut konfrontiert und daher widmen wir uns anderen Glaubensthemen. Dabei wird trotz meist intensiver Bibellektüre übersehen, wie zentral das Thema Armut respektive Armutsbekämpfung in der Bibel behandelt wird. Die Frage sei erlaubt, ob wir in dieser Hinsicht einfach durch unseren Reichtum geblendet sind.

Gott erwählte im Alten Testament keine antike Supermacht, sondern ein armes Sklavenvolk. Dies ist nur der erste grosse Akt der Solidarität Gottes mit den Armen, der sich im 2. Buch Mose sofort niederschlägt, da die Armenfürsorge bei den Landwirtschaftsgesetzen einen grossen Platz einnimmt. Hier bestimmt Gott z.B. das sogenannte Sabbatjahr: ?Sechs Jahre sollst du dein Land besäen und seine Früchte einsammeln. Aber im siebenten Jahr sollst du es ruhen und liegen lassen, dass die Armen unter deinem Volk davon essen; …? (2. Mose 23,10-11)

Später setzen sich auch die Propheten stark für die Armen ein: ?Höret dies, die ihr die Armen unterdrückt und die Elenden im Lande zugrunde richtet…? (Amos 8,4) Sie verheissen den Armen insbesondere Gottes Beistand: ?Die Elenden und Armen suchen Wasser, und es ist nichts da, ihre Zunge verdorrt vor Durst. Aber ich, der HERR, will sie erhören; ich, der Gott Israels, will sie nicht verlassen.? (Jesaja 41,17)

Als reiche Schweizer Christen überlesen wir solche Stellen meist und begeben uns eher auf die Suche nach Bibelzitaten, die unseren Reichtum legitimieren würden. In den Sprüchen finden wir dann das Übel der selbstverschuldeten Armut beschrieben, in 6,10+11 z.B. folgendermassen: ?Ja, schlafe noch ein wenig, schlummre ein wenig, schlage die Hände ineinander ein wenig, dass du schläfst, so wird dich die Armut übereilen wie ein Räuber und der Mangel wie ein gewappneter Mann.? Natürlich wird hier deutlich, dass Armut in der Bibel nicht glorifiziert wird, doch lässt sich aufgrund dieser und ähnlichen Stelle keine Antwort auf die so oft gestellte Frage finden, ob wir unseren Reichtum nicht auch etwas geniessen dürfen.

Bezüge zu Salomos riesigen Prunktempel gelten auch nicht, obwohl sie heute manchmal dazu verwendet werden, um wenigstens unsere neuen pompösen Kirchenbauten biblisch in ein helles Licht zu rücken. Nein, der Aspekt der Armenfürsorge nimmt in der Bibel einen derart tragenden Charakter ein, dass wir nicht von einem biblisch-legitimierten ?Reichtum-Geniessen? sprechen können.

Wie schon oben angeführt zieht sich die Armenfürsorge von Anfang an durch die Bibel hindurch. So entwirft Josef ein System derselbigen in 1. Mose 41,47-57, indem er in den sieben reichen Jahren genug Ernte einsammelt, um in den sieben Hungerjahren die Armen versorgen zu können. Im 5. Mose 14,22-29 ist dann die Abgabe des Zehnten geregelt, eine für uns bis heute zentrale Methode der Armenfürsorge. Ursprünglich war der Zehnte eine Naturalien-Abgabe aus dem bäuerlichen Jahresertrag und Viehbestand an die Ortsheiligtümer. Diese war in der alttestamentlichen und der neutestamentlichen Zeit überall in der Welt verbreitet. Fälschlicherweise gehen wir heute beim Zehnten immer von genau 10% aus.

Doch beinhaltete die Abgabe des Zehnten in der jüdischen Praxis ca. 2-3% für die Priester, ca. 10% für die Leviten und noch einmal ca. 10% als sogenannter ?Zweiter Zehnt?, der unter anderem an die Armen verteilt wurde. Dies in einem Kontext, wo der Grossteil der der jüdischen Bevölkerung von der Landwirtschaft lebte und der Hauptteil der Einkünfte für die Ernährung aufgewendet werden musste! Und nicht zu vergessen: Es mussten zusätzlich noch 12.5% Steuern an den Staat entrichtet werden.

Der Zehnte ist für uns ein enorm wichtiges Gebot, doch erstaunlicherweise wird diese von Jesus Christus nur ein einziges Mal in Matthäus 23,23 erwähnt (und nicht etwa als Gebot, sondern nur als Reaktion auf die falsche Praxis des Zehnten).

Damit sind wir im Neuen Testament angelangt: Jesus ?personifiziert? Gott vollends als Anwalt der Armen. Im Lukas-Evangelium Kapitel 4-19, die das Wirken Jesu von der Taufe bis vor der Passion beschreiben, geht es in 20% der Verse um Geld und Besitz, sehr oft im Sinne des rechten Umgangs damit, der sich praktisch ausschliesslich in der Armenfürsorge zeigt. Jesus zeigt sich schon zu Beginn solidarisch mit den Armen: Er kommt als armer Säugling eines armen Teenagerpaares in einem (ziemlich sicher) ungemütlichen Stall auf die Welt. Bei seiner ?Antrittspredigt? in Lukas 4,16-30 wendet er sich zuallererst an die Armen: ?Der Geist des Herrn ist auf mir, weil er mich gesalbt hat, zu verkündigen das Evangelium den Armen…? (Lukas 4,18a). Die Seligpreisungen in Lukas 6,20 beginnt er mit folgenden Worten: ?Selig seid ihr Armen; denn das Reich Gottes ist euer.? In der Parallelstelle Matthäus 5,3 wird bei den Armen noch ein ?geistlich? hinzugefügt, Lukas aber spricht hier auf die materiell Armen an. Schenkt Gott den angesprochenen Menschen denn nur aufgrund ihrer Armut ewiges Heil? Anhand dieser Stelle kann diese Frage jedenfalls nicht einfach mit Nein beantwortet werden. Es muss uns schon auffallen, dass nichts von ?Selig, die ihr an mich glaubt? oder ähnliches steht. Natürlich darf aber daraus auch nicht geschlossen werden, dass Armut gar nicht zu bekämpfen ist. Vielleicht kann man aus dieser Stelle folgendes Fazit ziehen: Es wird deutlich, wie sehr sich Gott mit den Armen solidarisiert.

Der rechte Umgang mit Geld und Besitz respektive Armutsbekämpfung ist eines der grossen Themen im Schwerpunkteprogramm Jesu. In der Bergpredigt (Matthäus 5-7) werden die Richtlinien betreffend Gebetsleben von diesem Thema umrahmt, was dessen Wichtigkeit unterstreicht. Nachzulesen ist dies in Matthäus 6.

Jesu Aussagen zu diesem Thema sind absolut kompromisslos. Trotzdem versuchen seine Nachfolger bis heute immer wieder Kompromisse zu machen. Auch der ?radikalste? Christ macht spätestens hier meistens Kompromisse. Jesus hat den reichen Jüngling in Markus 10,17-27 nämlich unmissverständlich aufgefordert, seinen ganzen Besitz zu verkaufen und den Armen zu geben. Der Lohn ist schliesslich ein Schatz im Himmel, was will man mehr…

In vielen Predigten zum reichen Jüngling kann man einen ?Aber-das-heisst-nicht- Mechanismus? ausmachen. Die Geschichte wird erzählt und gleich anschliessend wird deutlich postuliert, dass diese Aufforderung Jesu spezifisch dem reichen Jüngling in seiner Situation gegolten hat und nicht eins zu eins auf uns heute übertragen werden muss. Im Hinblick auf Lukas 12,33, wo Jesus vom Jüngerkreis (!) genau das Gleiche verlangt, müssen wir uns dieser Aufforderung dennoch stellen. Sie bleibt ein Stachel im Fleisch und darf nicht leichtfertig übergangen werden. Zachäus gab die Hälfte seines Besitzes den Armen und zahlte seine Schulden vierfach zurück (wie viel von seinem Besitz ist da wohl übrigggeblieben?…) und aufgrund von diesem konsequenten Geben ist in seinem Haus Heil widerfahren, wie in Lukas 19,9 steht.

In Matthäus 25,31-46 nennt Jesus seine Strategie der Armutsbekämpfung: Hungernde nähren, Dürstende tränken, Fremde beherbergen, Nackte kleiden, Kranke und Gefangene besuchen. Aufgrund dieser Kriterien wird er beim Weltgericht die Menschen voneinander scheiden. Hier geht es also nicht um beiläufige christliche Liebenswerke, hier geht es um Faktoren, die nach dieser Endzeitrede über Heil und Unheil entscheiden…! Natürlich argumentiert Jesus hier nahe an der Werkgerechtigkeit und wir fragen uns, wo denn die Gnade allein aus Glauben bleibt. An dieser Stelle sind die Worte Jesu einfach sehr deutlich und wir dürfen sie nicht zu schnell mit der ?bedingungslosen Gnade? überdecken, sonst werden wir ihnen nicht gerecht.

Die Liste von Jesu Aussagen könnte noch um einiges erweitert werden. Abschliessend sei noch einmal gesagt: Die Bibel glorifiziert Armut nicht, sondern setzt sie voraus. Der Schwerpunkt liegt daher bei der Armutsbekämpfung. Deshalb werden die Reichen so enorm herausgefordert. Gott hat sich mit den Armen solidarisiert, vielleicht kann man wie in der Einleitung sogar sagen: Beim Gott der Bibel handelt es sich um einen Gott der materiell (nicht ?geistlich?!) Armen. Eine gewagte These. Fakt bleibt, dass Armut aus biblischer Sicht im reichen Kontext der Schweiz viel zu wenig thematisiert wird.

Autor: Stefan Hochstrasser

Quellen

Brandscheidt, Renate. ?Zehnt.? Lexikon für Theologie und Kirche. Hrsg. Walter Kasper. 3. völlig neu bearb. Aufl. Bd. 10. Freiburg: Herder, 2001, 1394-1398.

Goldberger, Michael. ?Zeit-Spiegel: Jüdische Feiertage.? Universität Bern, Bern. 15. Juni 2005.

Hochstrasser, Stefan. ?Über Geld spricht man nicht… ? Eine Analyse von Predigten zum Thema Umgang mit Geld und Besitz.? Diplomarbeit Theologisch-Diakonisches Seminar Aarau, 2005.

Kutsch, E. ?Armut.? Die Religion in Geschichte und Gegenwart. Handwörterbuch für Theologie und Religionswissenschaft. Hrsg. Kurt Galling. 3. völlig neu bearb. Aufl. Bd. 1. Tübingen: J.C.B. Mohr, 1958, 622-624.

Lohse, Eduard. Umwelt des Neuen Testaments. Das Neue Testament Deutsch. 10., durchges. Aufl. Ergänzungsreihe Bd. 1. Göttingen: Vandenhoeck&Ruprecht, 2000.

Lutherbibel 1984

Schröder, Heinz. Jesus und das Geld. Wirtschafskommentar zum Neuen Testament. 3.erw.Aufl. Karlsruhe: Gesellschaft für kulturhistorische Dokumentationen e.V., 1981.

Stückelberger, Christoph. ?Gottes Strategie der Armutsbekämpfung ? und unsere Antwort.? EVP-Bettagskonferenz, Olten. 17. Sept. 2005.

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A la suite de notre séjour au Salvador, nous avons passé trois semaines de vacances à Cuba afin de partir à la découverte d’un des derniers représentant de l’« autre monde ». Nous avons été mis au parfum dès notre arrivée où, lors du passage de la douane et malgré l’heure tardive, nous avons été fouillés pendant deux heures avec une lenteur et une minutie impressionnantes?

Cuba nous est apparu comme le pays du soleil, de la chaleur, des ouragans, de la musique et des gens accueillants mais aussi comme un endroit où les touristes sont souvent considérés comme des dollars à pattes.

Un peu d’histoire

Après l’invasion espagnole au XVIe siècle, les indiens qui peuplaient l’île furent complètement exterminés, principalement par la faute des maladies importées d’Europe. Les colonisateurs et les esclaves les remplacèrent. En 1902, Cuba remporte son indépendance face à l’Espagne mais pour être contrôlée par les USA qui veulent mettre la main sur le très fructueux commerce du sucre. Des dictatures et des présidents corrompus se succèdent. Au temps de la prohibition (aux USA), l’île devient le paradis des touristes américains à la recherche d’une vie nocturne décadente. La population autochtone, quant à elle, continue à vivre dans la misère. Après quelques années de lutte, les troupes de Castro, Che Guevara et Cienfugos prennent le pouvoir en 1959. Ils sont largement soutenus par la population, heureuse de se défaire du joug de la dictature corrompue. Ils mettent sur pied un excellent système de santé, un accès à l’éducation généralisé et suffisamment de nourriture pour chacun.

Aujourd’hui une centaine de personnes environ (personne ne connaît les chiffres exacts) sont emprisonnées pour des motifs politiques.

Nos questions

Beaucoup de mythes existent à propos de Cuba : certains glorifient Cuba comme le lieu des héros tels que Che Guevara et considèrent le pays de Fidel Castro comme étant le gardien de la justice. D’autres voient Cuba comme la pire des dictatures, où des millions de personnes meurent de faim. Qu’en est-il des touristes ? Certains ne s’intéressent qu’à la Dolce Vita (« tout baigne ! »). D’autres ne voient que les maisons en ruine (« quelle horreur ici ! »). Tout est une question de point de vue? Pour essayer de mieux comprendre les causes et les conséquences de cette situation, nous avons tenté, au cours de notre séjour, d’entrer en contact avec le plus de personnes possible afin de connaître leur point de vue.

On peut toutefois se demander si les gens disent vraiment ce qu’ils pensent. Étonnement, nous avons souvent eu des discussions très ouvertes. Les gens n’ont pas eu peur de dire ce qu’ils pensaient (par opposition à la situation dans plusieurs pays de l’ancienne Europe de l’Est). Il y a même quelques personnes qui portent ouvertement des T-shirts exhibant un drapeau américain.

Est-ce que les gens ne sont-ils pas simplement endoctrinés ? Évidemment, les médias officiels ne donnent que des informations approuvées par l’Etat. Cependant, il est possible de recevoir dans une partie de l’île des stations de radio et de télévision américaines qui diffusent la propagande inverse ! Ce qui est frappant, c’est le niveau d’éducation moyen très élevé. Toutes les personnes sont capables de se faire un avis personnel, puis d’argumenter dans ce sens. En général, les gens connaissent bien les différents systèmes politiques. Ceci nous a permis d’avoir de longues discussions très intéressantes.

Voici en bref une partie de ce qui est ressorti de ces discussions :

–        Tous s’accordent à dire que la révolution de 1959 était une bonne chose, dans la mesure où le régime précédent était complètement corrompu et dictatorial. De plus, la majeure partie de la population était dans la misère et soumis à la riche couche dirigeante.

–        Presque tous sont opposés au président Bush. Presque personne ne désire appliquer le système américain à Cuba.

–        La moitié de nos interlocuteurs aimeraient certaines réformes du système cubain. Quelques-uns rejettent totalement le socialisme. Une majorité admire l’engagement personnel de Castro et aimerait garder les idées de base du socialisme, surtout à cause de l’excellent système d’éducation et de santé.

–        Ceux qui peuvent faire de l’argent en logeant des touristes trouvent le système assez bon. Au contraire, ceux qui, en se plaignant de la situation, peuvent recevoir de la part des touristes quelques dollars de compassion, affirment que la situation est terrible?

Des mythes et des faits

Il convient de comparer la situation de Cuba avec celle des autres pays des Caraïbes et de l’Amérique Centrale et non pas à celle de la Suisse ou des USA. Et ceci aussi parce que la situation dans les différents pays des Caraïbes était semblable avant la révolution cubaine, alors qu’à cette époque, il existait déjà de grandes différences entre Cuba et les pays occidentaux.

Je prendrai souvent le Salvador comme exemple, vu que c’est le pays que je connais le mieux. C’est aussi un exemple intéressant parce que son système politique et économique se situe aux antipodes de Cuba. Voici mon analyse de quelques thèmes souvent évoqués à propos de Cuba :

1) La nourriture

·        Au début des années nonante, avec la chute de l’Union soviétique qui était son partenaire commercial principal, Cuba a vécu quelques années de disette. Aujourd’hui presque personne ne souffre de la faim. Cependant, la situation varie d’année en année.

·        Au Salvador, environ 50% des enfants souffrent de malnutrition (selon les données officielles salvadoriennes). La situation varie énormément d’une couche à l’autre de la population.

2) L’habitat

·        ` Cuba, dans les endroits touristiques, les façades des maisons sont joliment rénovées. Derrière la façade, c’st autre chose? Cependant il est aussi incorrect de dire qu’une majorité des gens vivent dans de mauvaises conditions. Les gens qui ont eu la chance d’hériter une maison vivent assez bien. Une manière d’améliorer l’ordinaire est de louer des chambres à des touristes et obtenir ainsi de l’argent pour la rénovation. Par contre, d’autres personnes vivent dans des maisons petites et délabrées.

·        Au Salvador, les riches vivent dans des villas, les gens appartenant à la classe moyenne vivent dans des maisons simples (aussi entourées de fils barbelés à cause du haut taux de criminalité) et les plus pauvres vivent en partie dans des bidonvilles.

3) La santé

·        L’espérance de vie à Cuba est de 77 ans et la mortalité enfantine (en dessous de 5 ans) de 0.9%. Au Salvador, l’espérance de vie est de 70 ans et la mortalité enfantine de 3.9%. ` Cuba, le système de santé est bien développé et est accessible à tous.

·        Au Salvador les riches ont accès à une médecine de pointe alors que ceux qui ne peuvent pas payer sont exclus du système.

4) La formation

·        ` Cuba, le niveau de formation est généralement très haut et les gens s’expriment très bien par oral et par écrit. Le taux d’analphabétisme est de 3%.

·        Au Salvador une grande partie de la population vit dans l’ignorance totale et n’a pas la formation nécessaire pour progresser. Beaucoup peuvent à peine s’exprimer. Le taux d’analphabétisme est de 20%.

5) Les infrastructures

·        ` Cuba, les coupures de courant sont fréquentes. Au contraire, il n’y a presque pas de coupures d’eau.

·        Au Salvador, il y a en général du courant électrique mais de l’eau seulement la moitié de la journée, et encore?

6) Les salaires et la pauvreté

·        Les salaires à Cuba sont de 6 à 25 dollars par mois, selon le métier, l’expérience et aussi le rendement. Ceci peut sembler peu, mais il fait tenir compte du fait que chacun a également accès gratuitement au système de santé, à l’éducation et dans le plupart des cas, n’a pas de loyer à payer. De plus, il est facile de changer de travail : après 4 ans passés à faire le même travail, chacun peut entreprendre une nouvelle formation pour commencer un nouveau travail. Nous avons rencontré des gens qui avaient trois voire quatre diplômes. En encourageant ainsi les gens (sans les forcer) à se former, l’Etat essaie de couvrir les besoins de l’économie. Cependant pour une majorité de cubains, le salaire officiel est trop modeste et ceux qui le peuvent essaient d’obtenir un revenu annexe soit dans le tourisme, dans la production de nourriture ou dans les services.

·        Je n’ai pas de chiffres pour El Salvador. Mais le taux de chômage est élevé et les différences entre les super riches (les « 14 familles » qui contrôlent l’île) et les couches défavorisées sont énormes.

7) Les biens de consommation

·        ` Cuba, le manque de biens de consommation habituels se fait clairement ressentir. Et une partie des cubains captent des émetteurs américains leur énumérant la liste de tout ce qu’ils pourraient avoir sans le socialisme.

·        Quand on compare cela à El Salvador, il est frappant de voir que ce manque est aussi là pour une majorité de la population. Il est alors permis de se demander quel manque est le plus supportable : pas de baskets Nike ou pas de système de santé ? Mais la publicité essaie de nous convaincre (aussi bien en Europe qu’aux Caraïbes) que sans ceci ou cela, nous ne pouvons pas être heureux ou trouver notre place dans la société.

8) Le travail

·        Il est courant d’entendre à propos de Cuba que « les gens dans un système socialiste ne travaillent pas et deviennent paresseux ». Cependant ceci tient plutôt du mythe car chacun est obligé de travailler (aussi dans l’Europe de l’Est d’autrefois).

·        Au Salvador beaucoup essaient de s’en sortir avec des petits travaux occasionnels. Malgré le haut taux de chômage, les chômeurs ne reçoivent pas d’aide de l’Etat.

9) La sécurité

·        ` Cuba, il n’y a aucun risque à se promener le soir dans les rues.

·        Au Salvador, les gens des classes aisée et moyenne se barricadent derrière des fils de fer barbelés et des portes de fer. Devant chaque magasin se trouve un agent de sécurité avec une arme chargée. La criminalité liée à la violence est extrêmement élevée et ceci à cause de la situation sociale, du peu de valeur donnée à la vie, du passé de guerre civile et de l’accès facile aux armes. Si quelqu’un veut voler une voiture, le moyen le plus facile est de simplement tuer le chauffeur.

10) La liberté

·        ` Cuba, il n’est pas possible de faire tout ce que l’on veut. Plus particulièrement, la liberté d’entreprise, de devenir riche (ne serait-ce pas souhaitable selon la Bible ?) et de consommer sont très restreintes.

·        Au Salvador, ces libertés sont garanties par la loi, mais certaines parties de la population n’y ont tout simplement pas accès. Ce sont les riches et les gens éduqués qui sont libres. Concernant la liberté de se déplacer sans danger, il est clair que Cuba fait meilleure figure?

11) La liberté politique

·        La liberté politique est encore très fortement réduite à Cuba. Les critiques ouvertes au système sont interdites et de centaines de gens sont en prison à cause de cela. Une cage dorée ?

·        Dans les années huitante, 70’000 opposants ont été tués au Salvador à cause de leurs idées. Aujourd’hui la liberté de pensée est en principe assurée. Cependant une grande partie de la population n’a pas reçu de formation pour développer une pensée critique ou se faire entendre. Cela reste donc une liberté de principe?

12) La démocratie

·        ` Cuba, elle est inexistante

·        En principe, le Salvador est une démocratie. Ceci est de nouveau théorique dans la mesure où, avant les élections, le parti au pouvoir pratique un lavage de cerveau de la population à coups de millions et les médias sont également contrôlés par la couche supérieure de la population.

13) La liberté de religion

·        Jusqu’à la fin des années 90, le christianisme était fortement restreint à Cuba. De nos jours, il est admis.

·        Le Salvador possède la liberté de religion.

14) La valeur d’une personne

·        On entend souvent que « dans le système socialiste l’individu n’a pas de valeur », ce qui est un non-sens mais malheureusement un point de vue répandu. ` Cuba, la valeur d’une vie humaine paraît beaucoup plus importante comparée à El Salvador ou les pays environnants où les gens sont simplement laissés à l’abandon quand ils n’ont pas d’argent pour s’acheter des médicaments ou pour se protéger des ouragans.

·        Dans ce sens, les mesures qui ont été prises pour se protéger contre l’ouragan Ivan, qui menaçait Cuba lorsque nous étions là-bas, nous ont vraiment impressionnés. Beaucoup de précautions ont été prises afin que personne ne périsse. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées en lieu sûr, un approvisionnement dvurgence en eau a été mis sur pied et les médias nous tenaient constamment informés de l’évolution de la situation. Finalement l’ouragan n’a fait que frôler l’île, mais les mesures prises avaient déjà fait leurs preuves lors d’autres ouragans. Cet ouragan a cependant atteint beaucoup de gens dans les îles avoisinantes et plus spécialement en Jamaïque, où chacun était laissé à lui-même. Les pauvres là-bas ne pouvaient pas chercher d’abris sûrs et beaucoup restent aussi dans leurs maisonnettes par craintes des pillages. ` Cuba, il n’y a pas de pillage et donc les gens n’en ont pas peur.

15) Les exilés

·        Environ 2 des 13 millions de cubains vivent en-dehors du pays, pour la plupart aux USA.

·        Étonnement au Salvador, 1.5 des 8 millions vivent à l’étranger aussi pour la plupart aux USA.

La recherche de son bonheur en dehors du pays semble plutôt lié à des contraintes économiques qu’à la persécution politique? Sinon les émigrants ne chercheraient pas à s’établir automatiquement dans le pays le plus riche mais dans le plus proche.

Quelques mythes supplémentaires

Avant notre voyage, nous avons quelques fois entendu que « les gens à Cuba sont frustrés et lessivés à cause de leur captivité ». Cependant, par rapport à cela, nous n’avons pas vu tellement de différence entre Cuba et El Salvador.

Ou aussi « à Cuba tout est interdit, les Cubains ne peuvent rien faire ». Cependant comme nous l’avons vu, les interdictions se concentrent surtout sur des restrictions pour fonder des entreprises privées (et encore, pas mal de choses sont permises et tout au mieux limité par les impôts) et des réductions des droits politiques, par exemple de la liberté d’expression. Par opposition, au Salvador où théoriquement tout est permis mais la majorité des citoyens n’ont pas les moyens de démarrer un business ou de donner leur avis?

Plusieurs de nos interlocuteurs cubains nous ont affirmés que « tous nos problèmes viennent de l’embargo imposé par les USA ». Dans un sens, cet embargo est très efficace dans la mesure où les USA se donnent le droit de punir les pays ou les entreprises qui font commerce avec Cuba. Par exemple, l’UBS a dû payer une amende de 100 millions de dollars à cause de ses relations commerciales avec l’île, ou bien les bateaux qui transportent de la marchandise cubaine ne peuvent plus accoster aux USA pour une durée de 6 mois. Cuba ne reçoit également pas de crédits car le FMI et la banque mondiale, sur pression des USA, ne rien lui prêtent rien et le monde financier a tendance à s’aligner sur les décisions du FMI. D’un autre côté, l’embargo sert souvent d’excuse pour justifier beaucoup de problèmes intérieurs? Car certaines choses seraient tout aussi dysfonctionnelles sans l’embargo.

D’autres Cubains comparent l’île avec les USA et trouvent qu’en changeant simplement le système, Cuba deviendrait comme les Etats-Unis. Cependant en comparant Cuba aux pays voisins capitalistes des Caraïbes, on se rend compte qu’un tel système pourrait donner d’amères désillusions aux Cubains?

Mais pourquoi les USA réagissent-ils si violemment face à Cuba ? La perte de Cuba a été pour les Américains un coup très dur, dans la mesure où l’île se trouve si près de leurs côtes et que presque toutes les possessions de l’île qui furent nationalisées à la révolution appartenaient à des Américains. Cette situation est comme une épine dans leur pied?

En conclusion

Une comparaison de Cuba avec d’autres pays permet de mieux comprendre sa situation. Cela permet de mieux relativiser sa situation aussi bien dans le positif que le négatif.

~ 14 min

El Salvador se situe en Amérique centrale. Sa population est plus ou moins égale à celle de la Suisse, pour une superficie deux fois plus petite. Pour se donner une idée de l?atmosphère, on pourrait dire que c?est le pays des volcans, avec un paysage très vert et un climat tropical. Cependant, à cause de l?augmentation de la population, la forêt tropicale a disparu. Maintenant, des poules courent dans tous les coins et le maïs est l?aliment de base.

Au cours de l?été et de l?auto

El Salvador se situe en Amérique centrale. Sa population est plus ou moins égale à celle de la Suisse, pour une superficie deux fois plus petite. Pour se donner une idée de l?atmosphère, on pourrait dire que c?est le pays des volcans, avec un paysage très vert et un climat tropical. Cependant, à cause de l?augmentation de la population, la forêt tropicale a disparu. Maintenant, des poules courent dans tous les coins et le maïs est l?aliment de base.

Au cours de l?été et de l?automne 2004, j?ai eu, avec ma femme Carine, la possibilité de partir à la découverte de la vie et de la société de ce pays. Durant la majeure partie de notre séjour, nous avons habité dans la capitale, mais nous avons aussi eu l?occasion de faire de longs voyages dans d?autres parties de l?île. ` ces occasions, nous avons souvent rencontré des Chrétiens avec lesquels nous avons pu avoir de nombreux échanges.

Une histoire sanglante

Tout comme les pays qui l?entourent, El Salvador a d?abord été une colonie espagnole. C?est seulement au XIXe siècle qu?il est devenu indépendant. Depuis l?indépendance, « 14 familles » contrôlent l?île, la plupart d?ascendance aristocratique. Ce sont ces mêmes familles qui possédaient autrefois une grande partie des terres. De fait, la couche favorisée de la population a gardé sa mentalité aristocratique et considère encore aujourd?hui les défavorisés comme une populace sans valeur.

La forte densité de population a causé déjà très tôt des problèmes de partage des terres. Dans les années 30 et 80 du 20ème siècle, les revendications de réforme des paysans sans terre se sont achevées par une forte répression entraînant des dizaines de milliers de victimes. Les blessures de la guerre civile des années huitante ne se sont pas encore refermées. Mais comment en est-on arrivé là ?

` la fin des années septante, les paysans exigent une réforme agraire et le parti chrétien-démocrate au pouvoir élabore un projet allant dans ce sens. Cependant, le général Roberto d?Aubuisson et ses partisans refusent ce projet et fondent le parti ARENA. Ils forment alors des escadrons de la mort avec pour consigne d?exécuter tous les partisans de la réforme. Le célèbre archevêque Romero sera l?une de leurs victimes. Bien qu?ayant tout d?abord refusé de prendre parti, il avait petit à petit commencé à critiquer ouvertement les injustices commises dans le pays. Les violences se sont accélérées pour dégénérer en une guerre civile en 1980. D?Aubuisson devient alors président et les escadrons de la mort ainsi que certaines sections de l?armée tuent environ 70’000 opposants politiques civils. Le bataillon Atlacatl, entraîné aux USA, sera responsable du plus grand massacre, celui de El Mozote, où l?entière population d?un village (1000 habitants), enfants compris, furent exécutés. Les rebelles communistes tuèrent, pour leur part, 5’000 civils. Finalement une paix fut signée au début des années 90 menant à une réforme agraire partielle.

 

Ce qui rend cet épisode d?autant plus tragique est que cette guerre aurait pu être évitée :

–        Si les familles riches avaient entendu les cris des paysans sans terre et ne s?étaient pas opposées par la violence à la réforme agraire, cette dernière étant au demeurant soutenue par une majorité de la population, tout ce sang n?aurait pas été versé et cela aurait aussi tué la rébellion dans l?oeuf. Ceci me rappelle ce passage de la Bible où il est dit que la convoitise est la racine de tous les maux. Elle se retrouve dans beaucoup domaines de notre vie et a eu au Salvador des effets particulièrement pervers. Selon moi, la convoitise cache une peur du manque, qui touche aussi bien les pauvres que les riches. Visiblement, il est difficile de s?en défaire.

–        La politique américaine de « l?ennemi de mon ennemi est mon ami » a été appliquée ici aveuglément. Pour protéger leurs arrières face à la menace communiste, les USA ont apporté leur soutien inconditionnel à la classe dirigeante sans se soucier de leurs actes. ` l?époque, une aide militaire allant jusqu?à 500 millions de dollars par année a été accordée au Salvador. C?est seulement à la fin des années huitante, lorsque des citoyens américains furent exécutés par les escadrons de la mort, que le président Bush senior a retiré sa confiance au gouvernement du Salvador. C?est ce qui permit la paix. ` mon avis, la leçon à tirer de cela est qu?à la place de diviser le monde entre bons (en fermant les yeux sur leurs agissements) et méchants, il suffirait de mieux prendre les besoins des défavorisés en considération. Une telle attitude aurait évité tout ce sang versé.

Les droits de l?homme aujourd?hui

Bien que la force ne soit presque plus utilisée à des fins politiques, les pauvres sont encore opprimés. Leur principale préoccupation aujourd?hui est le droit à la vie (l?accès à l?eau, au système de santé et à la terre) et au dialogue politique. Ce qui implique aussi de permettre à la population l?accès à un système d?éducation dans un pays où un tiers des gens ne sait ni lire ni écrire et ne peut presque pas s?exprimer. Dans les années huitante, El Salvador était à la sixième place des pays au plus bas taux d?éducation. Et ceci parce que la couche dirigeante n?avait (et encore quelques fois aujourd?hui) pas d?intérêt à permettre à la couche défavorisée de suivre une éducation.

Au cours de notre travail pour la commission des droits de l?homme, nous avons été confrontés à différents cas de violation des droits de l?homme. Voici deux exemples :

Dans la partie est du pays, sur la côte pacifique à la Punta del Jaguey, se trouve le village « las Mueludas ». La colonisation de cet endroit auparavant désert a commencé dans les années 70. Deux tiers des 250 familles vivent de la pêche et le reste de l?agriculture. En face de l?endroit où habitent ces 1500 habitants, sur la plage, se trouvent une douzaine de villas appartenant à des familles richissimes, qui ont établi leur résidence secondaire dans ce coin de paradis.

Dans les années 70, l?armée a construit près du village une piste d?atterrissage militaire. En 2001, elle a prévu d?agrandir cette piste pour « protéger la souveraineté de l?Etat ». En réalité ce projet fait partie du « plan Colombia » initié par les Américains pour combattre le trafic de drogue en Amérique de Sud et en Amérique centrale. Toute la population de Las Mueludas (à l?exception des habitants des villas) reçut l?ordre d?évacuer le village sous prétexte d?occupation illégale des terres. Et ceci malgré la loi salvadorienne permettant aux colons de garder leur terre si, après trente ans, personne n?a fait valoir son droit de propriété. La plupart des habitants de Mueludas étaient installés depuis plus de trente ans sur ces terres sans déranger personne.

 

Vu que les habitants avaient refusé de partir, ils furent terrorisés par l?armée : en envoyant des avions passer en rase-mottes sur le village, en tirant des coups de feu en direction des maisons et en envoyant des officiers visiter brutalement les villageois. Les habitants s?adressèrent finalement à la commission indépendante des droits de l?homme (Comision de los Derechos Humanos de El Salvador, CDHES) afin de faire connaître leur problème. Miguel Montenegro, le directeur de la commission des droits de l?homme explique : « Nous avons rapporté le cas à la commission interaméricaine des droits de l?homme et à l?ONU. En même temps nous avons contacté les médias ainsi que toutes les ambassades présentes au Salvador. Des avocats sont intervenus à notre demande. Soudainement, les intimidations ont cessé. » L?armée a attaqué le village en justice pour « occupation illégale de la terre » et le tribunal tranchera prochainement. Mais les tribunaux salvadoriens, qui suivent souvent l?avis du plus fort, ne sont pas toujours du côté de la justice. Les habitants du Jaguey veulent continuer à se battre même si le combat semble perdu. « Ils ne nous expulseront pas vivant de nos terres. Où pourrions-nous aller de toute façon ? », comme l?affirme Don Mariano avec un ton résolu. « La commission des droits de l?homme constitue pour nous un soutien décisif et le fait que notre problème soit connu à l?étranger nous donne de l?espoir. »

Le deuxième exemple se passe dans une région située sur la partie opposée du pays, à San Fransisco au bord du Lago de Guija. Depuis 60 ans, des pêcheurs se sont installés sur une presqu?île située sur un lac pittoresque, bordant la frontière avec le Guatemala. Sur la colline, se trouvent de nombreuses tombes et objets datant de la période maya : des têtes en terre cuite, des outils ou encore des bijoux : assez pour attirer un investisseur du Honduras avec l?intention de construire un hôtel. Pour ce faire, il acheta au gouvernement salvadorien les droits de propriété de cet endroit, malgré le fait que les habitants qui s?y trouvaient avaient déjà acheté le terrain (l?Etat n?a en fait jamais issu les actes de propriété). Vu que les habitants refusaient de quitter leurs terres, l?investisseur envoya des bandes armées pour chasser les pêcheurs. « Ils nous ont menacé de tuer nos enfants si nous ne disparaissions pas tout de suite. Don Leon qui est en chaise roulante a aussi été menacé de mort », raconte Raul, un vieux combattant rempli de fougue. Déjà une des 17 familles est partie, mais les autres veulent continuer à se battre. La commission des droits de l?homme a décidé d?intervenir. Elle a mis des avocats à disposition, pour soutenir les villageois dans le procès que l?Etat leur a intenté pour « occupation illégale des terres ».

 

Grâce au travail de la commission des droits de l?homme, les gens sont mieux respectés au Salvador. Des réseaux se créent entre les gens lésés et aussi avec des commissions des droits de l?homme d?autre pays latino-américains qui connaissent des cas similaires. Dans les deux cas décrits auparavant, c?est la pression internationale sur le gouvernement du Salvador qui a permis de faire appliquer les principes des droits de l?homme.

La fracture sociale

L?économie du Salvador s?est très rapidement relevée après la guerre civile. Des mesures ultralibérales ont permis une croissance accélérée et de grands centres commerciaux apparaissent partout. Cependant seule la classe aisée et une classe moyenne (qui n?augmente que faiblement) profite de cette croissance. Les pauvres restent pauvres et vivent à la campagne ou dans d?énormes bidonvilles. Encore aujourd?hui, la moitié des enfants souffre de malnutrition, la plupart de gens n?ont pas accès à la médecine de base et une grande partie n?ont reçu aucune formation.

On peut se demander si les gens ne pourraient pas changer cela en utilisant leurs droits démocratiques. Ce serait théoriquement possible, mais dans la pratique les choses sont différentes :

–        Le parti au pouvoir ARENA a arrangé les arrondissements de vote de telle manière que même avec une majorité des voix, l?opposition ne possède que 40% des sièges.

–        En période électorale et à l?aide de l?argent des familles riches, ARENA procède à un lavage de cerveau de la population sans précédent. Le pays entier se recouvre de couleurs bleu blanc rouge. Et ça marche !

–        En cas d?urgence il y a aussi la possibilité de se faire aider de l?extérieur : au cours des dernières élections présidentielles, les USA ont menacé de renvoyer au pays les émigrants salvadoriens (qui soutiennent financièrement leurs familles restées au pays) si le candidat socialiste était élu.

Le manque d?espoir en l?avenir d?une partie de la population a pour conséquence une recrudescence de la criminalité. Le fait que les armes soient largement répandues et le peu de valeur donnée à la vie humaine pendant la guerre nourrit aussi cette criminalité, une situation qui se retrouve dans des pays ébranlés par la guerre. Les gens aisés réagissent en se barricadant derrière du fil barbelé et de portes de fer et en engageant des gardes à chaque coin de leurs quartiers résidentiels. L?idée que l?on pourrait résoudre le problème en modifiant les relations sociales n?a pas encore fait son chemin?

En conclusion

En dépit de toutes les difficultés qu?ils rencontrent, les habitants de ce pays nous sont parus très accueillants. Ils ont essayé de nous montrer que El Salvador a d?autres choses à offrir que la violence et la misère. Nous sommes restés liés avec eux et nous continuons à soutenir des groupes qui, comme la commission des droits de l?homme, s?engagent activement à changer le pays.

mne 2004, j?ai eu, avec ma femme Carine, la possibilité de partir à la découverte de la vie et de la société de ce pays. Durant la majeure partie de notre séjour, nous avons habité dans la capitale, mais nous avons aussi eu l?occasion de faire de longs voyages dans d?autres parties de l?île. ` ces occasions, nous avons souvent rencontré des Chrétiens avec lesquels nous avons pu avoir de nombreux échanges.

 

Une histoire sanglante

Tout comme les pays qui l?entourent, El Salvador a d?abord été une colonie espagnole. C?est seulement au XIXe siècle qu?il est devenu indépendant. Depuis l?indépendance, « 14 familles » contrôlent l?île, la plupart d?ascendance aristocratique. Ce sont ces mêmes familles qui possédaient autrefois une grande partie des terres. De fait, la couche favorisée de la population a gardé sa mentalité aristocratique et considère encore aujourd?hui les défavorisés comme une populace sans valeur.

La forte densité de population a causé déjà très tôt des problèmes de partage des terres. Dans les années 30 et 80 du 20ème siècle, les revendications de réforme des paysans sans terre se sont achevées par une forte répression entraînant des dizaines de milliers de victimes. Les blessures de la guerre civile des années huitante ne se sont pas encore refermées. Mais comment en est-on arrivé là ?

` la fin des années septante, les paysans exigent une réforme agraire et le parti chrétien-démocrate au pouvoir élabore un projet allant dans ce sens. Cependant, le général Roberto d?Aubuisson et ses partisans refusent ce projet et fondent le parti ARENA. Ils forment alors des escadrons de la mort avec pour consigne d?exécuter tous les partisans de la réforme. Le célèbre archevêque Romero sera l?une de leurs victimes. Bien qu?ayant tout d?abord refusé de prendre parti, il avait petit à petit commencé à critiquer ouvertement les injustices commises dans le pays. Les violences se sont accélérées pour dégénérer en une guerre civile en 1980. D?Aubuisson devient alors président et les escadrons de la mort ainsi que certaines sections de l?armée tuent environ 70’000 opposants politiques civils. Le bataillon Atlacatl, entraîné aux USA, sera responsable du plus grand massacre, celui de El Mozote, où l?entière population d?un village (1000 habitants), enfants compris, furent exécutés. Les rebelles communistes tuèrent, pour leur part, 5’000 civils. Finalement une paix fut signée au début des années 90 menant à une réforme agraire partielle.

 

Ce qui rend cet épisode d?autant plus tragique est que cette guerre aurait pu être évitée :

–        Si les familles riches avaient entendu les cris des paysans sans terre et ne s?étaient pas opposées par la violence à la réforme agraire, cette dernière étant au demeurant soutenue par une majorité de la population, tout ce sang n?aurait pas été versé et cela aurait aussi tué la rébellion dans l?oeuf. Ceci me rappelle ce passage de la Bible où il est dit que la convoitise est la racine de tous les maux. Elle se retrouve dans beaucoup domaines de notre vie et a eu au Salvador des effets particulièrement pervers. Selon moi, la convoitise cache une peur du manque, qui touche aussi bien les pauvres que les riches. Visiblement, il est difficile de s?en défaire.

–        La politique américaine de « l?ennemi de mon ennemi est mon ami » a été appliquée ici aveuglément. Pour protéger leurs arrières face à la menace communiste, les USA ont apporté leur soutien inconditionnel à la classe dirigeante sans se soucier de leurs actes. ` l?époque, une aide militaire allant jusqu?à 500 millions de dollars par année a été accordée au Salvador. C?est seulement à la fin des années huitante, lorsque des citoyens américains furent exécutés par les escadrons de la mort, que le président Bush senior a retiré sa confiance au gouvernement du Salvador. C?est ce qui permit la paix. ` mon avis, la leçon à tirer de cela est qu?à la place de diviser le monde entre bons (en fermant les yeux sur leurs agissements) et méchants, il suffirait de mieux prendre les besoins des défavorisés en considération. Une telle attitude aurait évité tout ce sang versé.

Les droits de l?homme aujourd?hui

Bien que la force ne soit presque plus utilisée à des fins politiques, les pauvres sont encore opprimés. Leur principale préoccupation aujourd?hui est le droit à la vie (l?accès à l?eau, au système de santé et à la terre) et au dialogue politique. Ce qui implique aussi de permettre à la population l?accès à un système d?éducation dans un pays où un tiers des gens ne sait ni lire ni écrire et ne peut presque pas s?exprimer. Dans les années huitante, El Salvador était à la sixième place des pays au plus bas taux d?éducation. Et ceci parce que la couche dirigeante n?avait (et encore quelques fois aujourd?hui) pas d?intérêt à permettre à la couche défavorisée de suivre une éducation.

Au cours de notre travail pour la commission des droits de l?homme, nous avons été confrontés à différents cas de violation des droits de l?homme. Voici deux exemples :

Dans la partie est du pays, sur la côte pacifique à la Punta del Jaguey, se trouve le village « las Mueludas ». La colonisation de cet endroit auparavant désert a commencé dans les années 70. Deux tiers des 250 familles vivent de la pêche et le reste de l?agriculture. En face de l?endroit où habitent ces 1500 habitants, sur la plage, se trouvent une douzaine de villas appartenant à des familles richissimes, qui ont établi leur résidence secondaire dans ce coin de paradis.

Dans les années 70, l?armée a construit près du village une piste d?atterrissage militaire. En 2001, elle a prévu d?agrandir cette piste pour « protéger la souveraineté de l?Etat ». En réalité ce projet fait partie du « plan Colombia » initié par les Américains pour combattre le trafic de drogue en Amérique de Sud et en Amérique centrale. Toute la population de Las Mueludas (à l?exception des habitants des villas) reçut l?ordre d?évacuer le village sous prétexte d?occupation illégale des terres. Et ceci malgré la loi salvadorienne permettant aux colons de garder leur terre si, après trente ans, personne n?a fait valoir son droit de propriété. La plupart des habitants de Mueludas étaient installés depuis plus de trente ans sur ces terres sans déranger personne.

 

Vu que les habitants avaient refusé de partir, ils furent terrorisés par l?armée : en envoyant des avions passer en rase-mottes sur le village, en tirant des coups de feu en direction des maisons et en envoyant des officiers visiter brutalement les villageois. Les habitants s?adressèrent finalement à la commission indépendante des droits de l?homme (Comision de los Derechos Humanos de El Salvador, CDHES) afin de faire connaître leur problème. Miguel Montenegro, le directeur de la commission des droits de l?homme explique : « Nous avons rapporté le cas à la commission interaméricaine des droits de l?homme et à l?ONU. En même temps nous avons contacté les médias ainsi que toutes les ambassades présentes au Salvador. Des avocats sont intervenus à notre demande. Soudainement, les intimidations ont cessé. » L?armée a attaqué le village en justice pour « occupation illégale de la terre » et le tribunal tranchera prochainement. Mais les tribunaux salvadoriens, qui suivent souvent l?avis du plus fort, ne sont pas toujours du côté de la justice. Les habitants du Jaguey veulent continuer à se battre même si le combat semble perdu. « Ils ne nous expulseront pas vivant de nos terres. Où pourrions-nous aller de toute façon ? », comme l?affirme Don Mariano avec un ton résolu. « La commission des droits de l?homme constitue pour nous un soutien décisif et le fait que notre problème soit connu à l?étranger nous donne de l?espoir. »

Le deuxième exemple se passe dans une région située sur la partie opposée du pays, à San Fransisco au bord du Lago de Guija. Depuis 60 ans, des pêcheurs se sont installés sur une presqu?île située sur un lac pittoresque, bordant la frontière avec le Guatemala. Sur la colline, se trouvent de nombreuses tombes et objets datant de la période maya : des têtes en terre cuite, des outils ou encore des bijoux : assez pour attirer un investisseur du Honduras avec l?intention de construire un hôtel. Pour ce faire, il acheta au gouvernement salvadorien les droits de propriété de cet endroit, malgré le fait que les habitants qui s?y trouvaient avaient déjà acheté le terrain (l?Etat n?a en fait jamais issu les actes de propriété). Vu que les habitants refusaient de quitter leurs terres, l?investisseur envoya des bandes armées pour chasser les pêcheurs. « Ils nous ont menacé de tuer nos enfants si nous ne disparaissions pas tout de suite. Don Leon qui est en chaise roulante a aussi été menacé de mort », raconte Raul, un vieux combattant rempli de fougue. Déjà une des 17 familles est partie, mais les autres veulent continuer à se battre. La commission des droits de l?homme a décidé d?intervenir. Elle a mis des avocats à disposition, pour soutenir les villageois dans le procès que l?Etat leur a intenté pour « occupation illégale des terres ».

 

Grâce au travail de la commission des droits de l?homme, les gens sont mieux respectés au Salvador. Des réseaux se créent entre les gens lésés et aussi avec des commissions des droits de l?homme d?autre pays latino-américains qui connaissent des cas similaires. Dans les deux cas décrits auparavant, c?est la pression internationale sur le gouvernement du Salvador qui a permis de faire appliquer les principes des droits de l?homme.

La fracture sociale

L?économie du Salvador s?est très rapidement relevée après la guerre civile. Des mesures ultralibérales ont permis une croissance accélérée et de grands centres commerciaux apparaissent partout. Cependant seule la classe aisée et une classe moyenne (qui n?augmente que faiblement) profite de cette croissance. Les pauvres restent pauvres et vivent à la campagne ou dans d?énormes bidonvilles. Encore aujourd?hui, la moitié des enfants souffre de malnutrition, la plupart de gens n?ont pas accès à la médecine de base et une grande partie n?ont reçu aucune formation.

On peut se demander si les gens ne pourraient pas changer cela en utilisant leurs droits démocratiques. Ce serait théoriquement possible, mais dans la pratique les choses sont différentes :

–        Le parti au pouvoir ARENA a arrangé les arrondissements de vote de telle manière que même avec une majorité des voix, l?opposition ne possède que 40% des sièges.

–        En période électorale et à l?aide de l?argent des familles riches, ARENA procède à un lavage de cerveau de la population sans précédent. Le pays entier se recouvre de couleurs bleu blanc rouge. Et ça marche !

–        En cas d?urgence il y a aussi la possibilité de se faire aider de l?extérieur : au cours des dernières élections présidentielles, les USA ont menacé de renvoyer au pays les émigrants salvadoriens (qui soutiennent financièrement leurs familles restées au pays) si le candidat socialiste était élu.

Le manque d?espoir en l?avenir d?une partie de la population a pour conséquence une recrudescence de la criminalité. Le fait que les armes soient largement répandues et le peu de valeur donnée à la vie humaine pendant la guerre nourrit aussi cette criminalité, une situation qui se retrouve dans des pays ébranlés par la guerre. Les gens aisés réagissent en se barricadant derrière du fil barbelé et de portes de fer et en engageant des gardes à chaque coin de leurs quartiers résidentiels. L?idée que l?on pourrait résoudre le problème en modifiant les relations sociales n?a pas encore fait son chemin?

En conclusion

En dépit de toutes les difficultés qu?ils rencontrent, les habitants de ce pays nous sont parus très accueillants. Ils ont essayé de nous montrer que El Salvador a d?autres choses à offrir que la violence et la misère. Nous sommes restés liés avec eux et nous continuons à soutenir des groupes qui, comme la commission des droits de l?homme, s?engagent activement à changer le pays.


Photo by Federico Alegría on Unsplash

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Examen du rapport sur la privatisation de l’eau par Emanuele Lobina et David Hall (Problèmes liés aux concessions d’eau privées : bilan de l’expérience : http://www.psiru.org/reports/2003-06-W-over.doc)

 

En juin 2003, Emanuele Lobina et David Hall ont présenté une étude de 35 pages (sans notes de bas de page ni bibliographie) décrivant les problèmes de la privatisation de l’eau avec les derniers exemples et tendances.

 

Par privatisation, ils entendent à la fois la privatisation totale et les partenariats public-privé (PPP). Ces dernières sont plus en vogue et ressemblent à l’implication des organismes publics. Mais en réalité, les PPP reviennent souvent à ce que le secteur public soit contraint par la compagnie des eaux d’assumer les risques suivants :

– Pertes de change (l’investisseur apporte des dollars ou des euros, la population paie en monnaie locale) et inflation (par exemple Philippines, p. 12 et suivantes ; Buenos Aires, p. 16).

– des troubles si le prix de l’eau est trop élevé

– des bénéfices trop faibles pour la compagnie des eaux (à Santiago du Chili et à Cochabamba, en Bolivie, par exemple, un bénéfice fixe a été fixé)

 

Le PPP signifie donc souvent que l’entreprise obtient encore plus de garanties de l’État pour ses bénéfices. En 2000, le pays pauvre du Paraguay a même été contraint de contracter un prêt de 20 millions de francs auprès de la Banque mondiale pour financer les préparatifs de la privatisation, dont trois millions pour une campagne de relations publiques visant à convaincre la population de privatiser…. (S. 22).

 

Dans d’innombrables exemples, les auteurs montrent comment les compagnies des eaux ont d’abord obtenu une concession d’un pays ou d’une ville avec des offres attractives (ou aussi via la corruption), pour ensuite, en quelques mois, augmenter le prix de l’eau, réduire les investissements ou forcer une renégociation du contrat avec de meilleures conditions pour la compagnie (voir ci-dessus). Les pouvoirs publics ne sont généralement pas en mesure de contrer cette situation, car ils disposent de beaucoup moins de ressources pour les litiges juridiques et de savoir-faire technique pour les négociations que les entreprises. De plus, le gouvernement est souvent dépendant de la Banque mondiale, qui est à l’origine de la société. Souvent, les contrats sont également tenus secrets par les organes de contrôle locaux (Cochabamba, Bolivie et Guinée), de sorte que les abus de l’entreprise ne peuvent être prouvés qu’après de longs procès. Dans de nombreux cas, les entreprises concessionnaires attribuent des contrats à leurs propres filiales plutôt qu’à des entreprises locales, et à des prix massivement gonflés pour en tirer encore plus de profit.

 

L’argument selon lequel les pauvres bénéficient de la privatisation de l’eau s’effondre après la lecture de ce document.

– Dans la province de Santa Fe en Argentine, la société a facturé environ 2000 francs pour une connexion au réseau (p. 26) ; dans d’autres pays, les prix sont tout aussi prohibitifs.

– À Buenos Aires, les quartiers pauvres n’étaient reliés que par la corvée des habitants et une taxe spéciale. Pour la Banque mondiale, c’est néanmoins une réussite pour la privatisation…. (S. 32)

– Les entreprises ne connectent souvent pas du tout les zones pauvres, et ce de manière délibérée (El Alto, Bolivie ; Paranà, Brésil, Cartagena, Colombie), p. 31)

– Parfois, ils font monter les prix à un tel point que les pauvres se procurent à nouveau de l’eau à partir de sources impures (KwaZulu, Afrique du Sud, où une épidémie de choléra a ensuite éclaté avec 260 décès, p. 30f)).

Ces dernières années, les entreprises ont réalisé que l’eau n’est pas une activité rentable dans la plupart des pays, si l’on veut que les pauvres soient effectivement raccordés à l’approvisionnement en eau. Les entreprises ont demandé à la Banque mondiale et à d’autres institutions financières internationales de créer davantage de fonds pour la privatisation de l’eau, qui seraient ensuite accordés sous forme de prêts aux pays en développement afin qu’ils puissent réaliser les investissements à l’avance pour que la compagnie des eaux n’ait pas à les payer.

Lobina et Hall montrent que la privatisation de l’eau est un échec à cause du manque de concurrence, de la philosophie de maximisation du profit du secteur privé, qui n’est pas adaptée à la survie de l’eau, et aussi à cause du pouvoir des entreprises (Vivendi, Ondeo (Suez-Lyonnaise), RWE/Thames et SAUR (Bouygues), qui se partagent pratiquement le gâteau). Ils suggèrent un retour à plus de transfert de savoir-faire entre les services publics du Nord et du Sud, et une aide plus directe au développement de l’approvisionnement en eau. Surtout, l’idéologie selon laquelle le prix de l’eau devrait couvrir les coûts n’est tout simplement pas applicable aux populations pauvres.

 

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Eau: 1251 signatures et les « 9 jours de prière » lancés

Après un début difficile votre courrier a fait exploser notre boite aux lettres: vous avez collectionné 1251 Signatures! MERCI A TOUS QUI ONT AIDE, VOUS ETES GENIAL!

Le 28 février, nous avons envoyé les paquets à Berne en recommandé, tous les signatures qui arriveront encore maintenant ne pourront malheureusement plus être pris en compte. Nous vous tiendrons au courant des réactions des conseillers fédéraux et de tous les événements concernant l?eau.

Les neuf jours de prière

Ce qui nous reste à faire, c’est de prier. C’est pourquoi le groupe économique de ChristNet organise une chaîne de prière lors du Forum mondial de l’eau entre qui aura lieu entre le 16 et le 23 mars à Kyoto. A tous ceux qui veulent participer, nous enverrons un mail de prière chaque matin entre le 15 et 23 mars, chaque jour sur un nouveau sujet. Car « là où deux ou trois se réunissent en mon nom… » Le plus de personnes participent, le plus nous allons faire bouger dans le monde spirituel. Car ce forum de l’eau aura beaucoup d’influence sur la suite des privatisations.

 

Mondialisation : l’exemple de la privatisation de l’eau

Les pages web de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) ainsi que leurs discours publics ne cessent d?affirmer que leur première – et seule – préoccupation est de réduire la pauvreté. Pourtant, les moyens utilisés achèvent, justement, de plonger les pauvres dans la misère.

Comment est-ce possible? Je peux m?imaginer que les dirigeants de la Banque Mondiale et du FMI souhaitent réellement faire du bien, qu?ils pensent que le néolibéralisme est une bonne politique économique.

Les pays occidentaux – surtout les Etats-Unis qui ont le droit de veto – n?élisent que des néolibéraux. Une fois arrivés à ces postes clés, ces cadres subissent la pression des intérêts occidentaux et des multinationales qui ont leurs propres perspectives. Il serait ainsi inimaginable que la Banque Mondiale conçoive une politique qui s?opposerait aux intérêts des pays donateurs et de leurs multinationales. Et qui plus est, il est beaucoup plus plaisant d?imaginer qu?une politique qui ne coûte rien – et dont nous profitons également – résoudrait les problèmes de pauvreté dans le monde.

Derrière ces fausses idéologies se cache un péché : le peu de volonté de partager, l?angoisse de ne pas disposer de suffisamment pour soi-même. Ce péché en engendre d?autres. La mort et les guerres sont quelques-unes de ses conséquences. Les représentants de ces institutions affirment que les critiques anti-mondialisation sont fondées sur des peurs. L?exemple de l?eau nous démontre cependant que ces critiques sont bien fondées. La privatisation illustre parfaitement les reproches faits à la mondialisation :

  • Prédominance de l?idéologie sur la réalité au sein de la Banque Mondiale
  • Intérêts des pays occidentaux
  • Conséquences dévastatrices etc.

L?eau représente un symbole: la source principale de vie. Avec la privatisation, les pays occidentaux s?approprient la source de vie des pays les plus pauvres du monde. Cela représente, pour moi, le sommet de l?impérialisme. Les pays du Sud seront obligés de nous acheter leur propre eau, et cela à des prix conséquents. Des millions d?humains seront exclus de cet élément vital simplement parce qu?ils n?en auront pas les moyens. Nous sentons-nous autant concernés par les millions de morts, provoqués en partie par notre faute, que par les millions d?avortements ?

La théorie économique

La théorie néolibérale affirme que la concurrence incite les entreprises à fournir les meilleurs services aux prix les plus bas. Les monopoles entraînent l?inefficacité et des prix abusifs. En ce qui concerne la privatisation des services publics, il importe de différencier les secteurs avec concurrence et les secteurs sans concurrence. L?eau constitue typiquement un secteur sans concurrence. On ne pourra plus choisir son fournisseur.

De surcroît, ce monopole n?est même pas substituable : tout le monde a besoin d?eau, et dépend donc complètement du fournisseur. Lors de la privatisation, le fournisseur peut aisément augmenter les prix, sans pour autant fournir de meilleures prestations. Et, sans législation adéquate – ce qui est la règle lorsque le FMI contraint les pays du Tiers Monde à privatiser – rien n?incite les entreprises à approvisionner tout le monde. Si certains services ne sont pas rentables, ils seront supprimés. Les entreprises privées n?ont pas l?obligation d?améliorer l?accès pour les plus pauvres. Ils fournissent là où la rentabilité et le pouvoir d?achat sont les plus favorables. A savoir chez les riches ! Le système privé est donc complètement inadapté au problème.

L?idéologie ne marche pas

Dans les pays occidentaux, beaucoup d?exemples démontrent l?échec de cette politique. Je ne connais pas d?exemple où la relation prix/prestation se serait améliorée: ni en France, ni en Angleterre, ni aux Etats Unis.

En revanche, les contre-exemples foisonnent. A Londres, le fournisseur ne renouvelle qu?un millième du réseau chaque année. Il épargne ainsi beaucoup et d?énormes gains sont redistribués aux propriétaires de l?entreprise. Ce système ne fonctionne qu?un certain temps. L?Etat sera, en effet, obligé par la suite de reprendre le réseau et de le rénover à ses frais. Il en fut ainsi pour les chemins de fer anglais, BritRail. A New York, le secteur de l?eau a été ré-étatisé. La gestion privée ne fonctionnait pas..

La privatisation de l?eau est donc purement et simplement fondée sur les idéologies économiques des multinationales (Vivendi, Suez-Lyonnaise, RWE, Thames Water etc.), qui considèrent par exemple que tout ce qu?entreprend l?Etat serait forcément mauvais.

La privatisation de l?eau dans le Tiers Monde

Malgré ces évidences, flagrantes même dans la théorie économique, la Banque Mondiale contraint de nombreux pays du Tiers Monde à privatiser leurs ressources en eau. Les pays qui sont en crise économique ou souhaitent contracter un nouvel emprunt doivent se soumettre aux conditions du FMI et, par conséquent, de la Banque Mondiale : ils vont devoir privatiser afin d?attirer des investisseurs qui feront marcher l?économie et augmenter son efficacité.

Les Philippines, l?Indonésie, le Viêt-nam, l?Inde, le Yémen, le Sénégal, le Niger, la Côte d?Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique, l’Afrique du Sud, le Honduras, l?Equateur, la Bolivie, l?Argentine notamment ont du céder une partie ou la totalité de leur eau aux investisseurs privés. Beaucoup d?entre eux font partie des pays les plus pauvres du monde. Ils sont esclaves de leur dette. Dette qui est, du fait du paiement des intérêts, déjà largement remboursée. Au lieu d?annuler leur dette, les pays industrialisées utilisent celle-ci comme un moyen de pression au service de leurs propres intérêts. Même si ces pays disposaient un jour de suffisamment d?argent, les accords du GATS (General Agreement on Trade in Services, voir article sur la globalisation sur ChristNetOnline) rendront impossibles la ré-étatisation de l?eau. C?est la prise de pouvoir par les multinationales.

Dans les nouvelles séries de négociations de l?OMC (Organisation Mondiale du Commerce), où les gouvernements négocient la libéralisation du commerce mondial, les pays se verraient même interdits de faire des recommandations aux entreprises concernant le prix de l?eau ou les mesures de protection de l?environnement. L?opinion publique et les organes démocratiques n?ont donc plus leur mot à dire au sujet des biens élémentaires et ne peuvent que se soumettre. Le monopole de la puissance appartient aux entreprises multinationales.

Quelques exemples

Buenos Aires: le prix a augmenté de 20 % et les services n?ont pas été améliorés. Malgré l?obligation contractuelle, les stations d?épuration n?ont pas été construites. Ainsi, l?Etat supporte le coût des dommages… Et dire que la Banque Mondiale cite ce cas en exemple!
Le Ghana: la Banque Mondiale et le FMI veulent obliger le Ghana à privatiser ses fournisseurs d?eau nationaux (ceux qui sont rentables). La privatisation n?a pas été possible dans les provinces. L?Etat ne peut donc plus subventionner l?approvisionnement des zones rurales grâce aux recettes des villes. Résultat : les profits vont aux entreprises privées, et l?Etat est déficitaire. Tôt ou tard, l?Etat se verra contraint de réduire à nouveau ses dépenses? Ou alors l?Etat « décentralise » le fournisseur d?eau qui n?a pas pu être privatisé. Dans ce cas, ce sont souvent les communes les plus pauvres qui doivent financer leurs propres infrastructures, à des coûts dépassant souvent leur budget.
La Banque Mondiale exige que les coûts soient entièrement prise en charge et contraignait le Ghana à une première augmentation du prix de l?eau de 95% en 2001. Une tragédie pour un pays où 50 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour. De plus, le contrat de privatisation déjà présenté n?exige pas le moindre investissement de la part des entrepreneurs privés dans le réseau d?eau. C?est l?Etat qui passe à la caisse…

Une coalition d?opposition aux plans de privatisation, constituée de nombreuses ONG, existe depuis longtemps (« Ghana National Coalition against the Privatisation of Water »).

Cochabamba (Bolivie): Une révolte populaire contre les coûts de l?eau exorbitants (qui atteignaient jusqu?à 25% du salaire mensuel moyen) a conduit à l?annulation du contrat avec l?investisseur. Celui-ci exige à présent un dédommagement de 250 Million de dollars (de manque à gagner), une somme colossale pour la Bolivie, alors que l?acquisition du réseau d?eau ne lui aura pas coûté plus de 20’000 dollars…
La Paz (Bolivie): depuis la privatisation, le prix de l?eau est jusqu?à SIX fois plus élevé qu?avant. De nombreuses personnes ne se douchent plus ou réutilisent les anciens puits et leurs eaux insalubres (leur fermeture et le passage au réseau d?eau avaient marqué un tournant positif dans la politique de développement…). Parallèlement, la jeune entreprise d?eau Aguas del Illimani a procédé à une réduction massive de son personnel, si bien que les pannes d?approvisionnement sont de plus en plus fréquentes. Là aussi, la préoccupation majeure des entreprises est la rentabilité.
Afrique du Sud: En 2000, une épidémie de choléra est survenue après que le gouvernement a doublé le prix de l?eau dans le cadre de la privatisation. De nombreuses personnes avaient alors bu de l?eau provenant des ruisseaux et des fleuves.
Tanzanie: le FMI a contraint le pays à dépenser 145 millions de dollars pour assainir le réseau de canalisation de sa capitale, pour le vendre ensuite à un entrepreneur privé pour une somme dérisoire. Cela a plongé le pays dans un endettement massif.
Explications de la Banque Mondiale

Sur le site Internet de la Banque Mondiale, les textes concernant l?eau ne se soucient plus des aspects de la pauvreté. Forcément, si l?on regarde à quel point les prix de l?eau ont grimpé ! Le souci principal de cette Organisation internationale est d?économiser l?eau, de ne pas la gâcher. Les usagers devraient être éduqués à économiser l?eau. Il est vrai que, dans beaucoup de pays, l?eau est devenue un bien rare et sur-utilisé. A ces endroits-là, l?économie d?eau est prioritaire pour le futur. Mais cet argument n?est pas vraiment crédible car cette éducation, en haussant les prix, est également appliquée par la Banque Mondiale dans les pays qui ont de l?eau de manière illimitée.

L?idée que le prix de l?eau devrait couvrir complètement les coûts reste malgré tout la première priorité. Ce principe semble beaucoup plus important pour la Banque Mondiale que l?accessibilité – par l?infrastructure et les prix – des pauvres à l?eau. Ils préfèrent ainsi que les êtres humains soient privés d?eau ou alors réduits à la misère. Avant les émeutes de Cochabamba, la Banque Mondiale avait encore ordonné de ne pas subventionner les prix de l?eau.

Une des têtes de ce programme à la Banque Mondial, Guillermo Yepes (chef-privatiseur sous Pinochet), a rédigé un document démontrant qu?il ne faudrait même pas accorder des subventions aux pauvres ? compensées par des prix plus élevés payées par l?industrie ou les riches (subventions croisées). Avec ce système, les multinationales n?auraient pas assez d?intérêts financiers à connecter les quartiers pauvres, comme cela a été le cas à Guayaquil en Equateur. Il explique de long en large que les pauvres sont prêts à payer l?eau beaucoup plus cher qu?on ne pourrait le croire. Forcément, étant donné que leur vie en dépend ! Que l?Etat ou la Banque Mondiale puissent contraindre les fournisseurs à connecter les quartiers pauvres ou même que l?eau puisse repasser sous contrôle public n?est pas du tout envisagé.

D?un autre côté, le chef du programme du Banque Mondiale, John Briscoe, a écrit, dans son rapport sur le service public de l?eau en Allemagne, que les pertes en la matière étaient trop PETITES. Trop d?argent serait ainsi gaspillé dans la réfection des tuyaux. En vérité ce n?est donc que l?argent qui compte…

Autre problème : des entreprises privées ne peuvent pas inciter les usagers à économiser l?eau. Les prix élevés incitent uniquement les pauvres à économiser l?eau, alors que les entreprises d?eau ont intérêt à en vendre le plus possible. Les entreprises ont ainsi tendance à faire de la publicité pour pousser les usagers à en consommer davantage.

La Banque Mondiale prétend que l?augmentation des prix donnera les moyens aux entreprises de développer le réseau d?eau. Mais l?Etat pourrait en faire autant, sans pour autant augmenter les prix. L?exemple de Londres démontre que ce n?est pas forcément le cas, bien au contraire.

C?est comme si la Banque Mondiale croyait aveuglément aux explications des Multinationales et à la théorie néolibérale. Récemment, la Banque a admis que le développement des réseaux privés n?était pas encore satisfaisant. Elle préfère pourtant verser des primes pour chaque nouvelle connexion plutôt que de favoriser les contraintes légales ou le contrôle public.

La question de l?inaccessibilité des prix, de l?appauvrissement suite à l?augmentation des prix n?est jamais posée. La politique de privatisation sera poursuivie brutalement et froidement. Des millions d?êtres humains seront donc complètement privés d?eau ou encore réduit à la misère du fait des prix trop élevés. Beaucoup décident de ne pas utiliser suffisamment d?eau propre ou de s?en procurer à d?autres sources (malpropres). Ce qui augmentera encore le nombre de morts. Au Ghana, la maladie du ver de Guinée a réapparu dans les communes pauvres qui n?arrivaient pas à prendre en charge les infrastructures. Selon la Banque Mondiale elle-même, trois millions d?enfants meurent chaque année de maladies dues à l?absorption d?eau malpropre. 80 % des maladies infectieuses tirent leur origine de l?eau sale. Mais bien sûr, les critiques s?attaquant à la mondialisation ne sont fondées que sur des peurs !

Que peut-on faire ?

De cette politique est née une résistance, dans le Tiers Monde comme chez nous. Certaines votations, relatives à cette question de la privatisation de l?eau, ont déjà été menées en Pologne et au Panama notamment. Dans un mémo interne à la Banque Mondiale, Briscoe admet que les populations s?opposent à la privatisation. Ce qui ne change pourtant rien au consensus interne à cette Organisation internationale.

Le Réseau Européen contre la privatisation est un exemple de cette résistance. La Swisscoalition, un regroupement suisse d??uvres d?entraide (Swissaid, Pain de Carême, Helvetas, Caritas), fait partie de ce réseau. Au sommet mondial de l?ONU à Johannesburg à la fin août, ses membres ont demandé d?inscrire, dans le droit international, le droit d?accès à l?eau pour tous. L?eau devrait rester un bien public.

Bien que ce but n?ait pas été atteint immédiatement, le 26 novembre la Commission pour les droits économiques, sociaux et culturels de l?ONU produisait une nouvelle ordonnance dans le cadre de la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels signée par 145 Etats. Elle énonce que la convention doit être interprétée de telle manière qu?il existe un droit à l?eau universel et que les Etats ayant signée la Convention sont tenus d?assurer l?accès à l?eau potable de tous leurs citoyens. Et au même moment, on décide aux négociations de l?OMC que les pays doivent privatiser leur fournisseurs d?eau et n?ont plus le droit de faire des recommandations concernant l?approvisionnement…

L?année 2003 sera une année décisive. Etant donné que l?ONU l?a déclarée « L?année de l?eau », l?eau sera sujet à beaucoup de discussions publiques, et des interventions des ONG relatives à l?eau auront plus de chances d?être entendues. Comme L?ONU tiendra le Forum Mondial de l?Eau du 14 au 24 mars 2003 à Kyoto, tous les efforts devront être entrepris pour rendre publics les dégâts engendrés par la privatisation de l?eau. ChristNet y contribuera. Nous organiserons en outre une campagne de prières pendant la durée de la conférence. La Swisscoalition informera au mois de janvier sur les possibilités d?interventions publiques. La CNUCED, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, a récemment publié un rapport qui constate l?échec des mesures « d?ajustement structurel » et de la privatisation.

Egalement en 2003, l?Organisation Mondiale du Commerce se prononcera sur un traité qui obligerait tous les pays membres à libéraliser leur service public, ce qui concerne également l?eau. Il existent donc deux forces opposées (ONU contre WTO et Banque Mondiale). Qui sera vainqueur ? C?est un sujet de prière !

Sources:

www.swisscoalition.ch
www.bicusa.org/ptoc/pdf/psiru_water.pdf
www.bicusa.org/ptoc/pdf/results_water.pdf
www.challangeglobalization.org/html/pubs_research_toc.shtml
www.worldbank.org
www.imf.org
www.thewaterpage.org
LE MONDE diplomatique: Manières de voir 65; septembre-octobre 2002
Work, 6 décembre 2002

Littérature parallèle:

– Joseph Stieglitz: Die Schatten der Globalisierung; 2002

– Riccardo Petrella: Wasser für alle; 2000

Ces organisations organisent un appel par lettre à M. Nitin Desai (Secrétaire Général du Sommet de Johannesburg), auquel vous pouvez participer (voir appel sur ChristNetOnline)


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