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Depuis sa création, ChristNet s’engage pour la paix et la résistance non-violente. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, nous ne souhaitons pas faire preuve de naïveté en prônant le pacifisme et en nous plaçant ainsi sur le même plan que ceux qui comprennent la Russie. Néanmoins, ChristNet ne veut pas non plus faire de l’effort de paix un tabou et glorifier la guerre défensive à la place. C’est dans cet esprit que nous publions l’interview suivante de Hansuli Gerber du Forum anabaptiste pour la paix et la justice (FAPJ), qui explique de manière nuancée ce que signifie exactement le terme pacifisme, pourquoi celui-ci doit rester un idéal et pourquoi le pacifisme et la non-violence sont bibliques.

Depuis que l’Ukraine a été attaquée par la Russie, le bellicisme et le militarisme semblent être très en vogue jusque dans le spectre politique de gauche. Une guerre défensive est-elle un moyen utile et justifié de lutter contre une invasion militaire ?

La guerre est par nature extrême et de longue durée. Elle ne fait aucune différence entre la destruction de vies humaines et celle de biens. La guerre est toujours une revendication de pouvoir et cherche à l’imposer par la destruction à tous les niveaux de la société. La guerre défensive prétend avoir le bien en tête, stopper la barbarie et bien d’autres choses encore. Mais c’est aussi une guerre et un recours à la barbarie pour arrêter la barbarie. Déclarer une guerre défensive comme antidote approprié à la guerre, c’est d’abord minimiser et idéaliser la guerre, et ensuite ignorer l’invitation de Dieu à l’amour et à la miséricorde telle qu’elle s’exprime en Jésus-Christ.

En tant que pacifiste, on se trouve aujourd’hui soudainement sous la pression de se justifier. Le pacifisme a-t-il échoué ?

Le pacifisme n’a jamais échoué. Ce sont les hommes qui échouent et s’il y a la guerre en Ukraine et ailleurs, ce n’est pas à cause du pacifisme et cela ne prouve pas non plus son insuffisance. Au contraire, la guerre existe parce qu’elle est préparée par l’armement et parce que les gens misent sur les armes plutôt que sur la rencontre et la coopération. Parce que la cupidité passe avant la cohabitation. Parce que l’argent règne en maître. Dans cette situation, il faut plus de pacifisme, pas moins. Les chrétiens qui refusent les armes doivent s’associer à d’autres, car ils n’ont pas le monopole du pacifisme. Les personnes de bonne volonté qui misent sur la non-violence peuvent travailler ensemble. Le royaume de Dieu n’est pas composé de chrétiens, mais d’amour non-violent. C’est précisément en temps de guerre que l’appel «Aimez vos ennemis» constitue un grand et incontournable défi pour les chrétiens.

Qu’est-ce que la non-violence exactement ? Ou inversement : qu’est-ce que la violence, comment la définit-on ? A quoi renonce une personne qui vit sans violence ?

En ce qui concerne la violence, elle est à la fois considérée comme inéluctable et minimisée. Il faut beaucoup de recherche et d’information. Au début des années 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le premier rapport sur la violence individuelle et interpersonnelle. Elle y constatait que la violence n’était pas forcément une fatalité et qu’elle pouvait être évitée. Suite à ce rapport détaillé, l’Assemblée de l’OMS a déclaré en 2003 que la prévention de la violence était une priorité de santé publique. La violence individuelle et interpersonnelle se distingue de la violence collective, c’est-à-dire de la guerre et de la violence de masse, et suit d’autres logiques. Il n’est donc pas pertinent de comparer la guerre et la défense au milieu de la guerre au viol de ma femme ou aux menaces ou aux mauvais traitements infligés à tes enfants. Ici, il faut agir et résister, mais il faut faire preuve d’imagination, il ne faut pas penser d’abord à la violence des armes, mais aux nombreuses possibilités de surprendre l’agresseur et, ainsi, de le désarmer. Les exemples sont innombrables. Je connais des personnes – et j’en fais partie – qui, délibérément, n’ont pas d’arme à la maison afin de réduire le risque d’une escalade armée. C’est le mythe selon lequel les armes nous préservent qui incite tant de personnes à s’armer aujourd’hui.

Comment peut-on prévenir la violence ?

Il s’agit de comprendre que la violence engendre la violence et que, d’un point de vue théologique, il convient de penser et d’agir de manière désarmée et désarmante. Il peut arriver que des tables et des chaises soient renversées, ce que certains reprochent aux pacifistes comme étant un acte de violence de la part de Jésus. La résistance à l’injustice et à la violence n’est pas seulement légitime, elle est tout à fait nécessaire dans l’esprit de l’Évangile et de la Bible, et ce n’est pas pour rien que les théologiens et les philosophes la qualifient de devoir.

Y a-t-il une violence qui soit justifiée ? Par exemple, la violence policière lors d’une arrestation ?

L’État revendique le monopole de la violence et on peut le lui accorder. Mais il faut être sans illusion : ce monopole fait trop souvent l’objet d’abus, ce qui est inhérent à la structure du pouvoir. L’État est fait par des hommes et ceux-ci succombent trop souvent à la tentation du pouvoir, qui recourt à la violence et l’utilise, non pas pour préserver et défendre les humains, mais pour le pouvoir et la domination établis ou souhaités. L’attaque contre l’Ukraine poursuit des objectifs impérialistes. Ceux-ci ne s’arrêtent pas aux sacrifices humains.

Cela signifie que si l’on est pacifiste et que l’on refuse la violence, on doit se méfier de l’État ?

Les pacifistes peuvent avoir une conception très différente de l’État et de la démocratie. Là où il est poussé jusqu’au bout, le pacifisme n’a pas en vue un principe borné, qui serait religieux, éthique et moral, mais l’humanité. Dans ce contexte, la question de la justice et de la répartition du pouvoir et des biens est inévitable. Historiquement, cela conduit toujours à ce que le pacifisme soit lié au socialisme et à l’anarchisme, et donc à une relativisation de la prétention de l’État à l’absolu. Les anciens anabaptistes se méfiaient également de l’État, et ce à juste titre, car il ne se préoccupait pas du bien-être des gens, mais de l’ordre existant ou recherché, dans lequel les privilèges et le pouvoir restaient clairement du côté des dirigeants. En tant que chrétiens, nous ne cherchons pas à remplacer l’État par le royaume de Dieu. Mais nous suivons la dynamique et les règles du royaume de Dieu autant que possible, comme Jésus l’a vécu. Si l’État devient ainsi un peu plus humain, tant mieux. Notre mission est de nous engager pour l’amour et contre la déshumanisation. La déshumanisation est un mot-clé dans un monde secoué par la guerre, la crise climatique et la technocratie !

Le pacifisme est-il toujours synonyme de non-violence ou le pacifisme peut-il aussi s’accompagner de violence ?

Le terme pacifisme est compris de différentes manières et utilisé différemment selon le contexte. Il est peut-être moins approprié que la non-violence. En principe, il signifie rejeter la violence comme moyen de résoudre un conflit ou d’atteindre certains objectifs, ou refuser de participer à des actions violentes. Il existe différents pacifistes : les pacifistes nucléaires, par exemple, refusent l’armement nucléaire, mais pas nécessairement les autres armes. Les pacifistes radicaux, en revanche, s’opposent à tout armement militaire. Il y a des gens qui sont fondamentalement engagés dans la non-violence, mais qui n’excluraient pas la violence dans tous les cas. Le plus gros problème avec ce terme est sans doute qu’il est associé à la passivité, voire à l’indifférence. C’est un malentendu désastreux. Le pacifisme n’a pas très bonne réputation et doit en quelque sorte être réhabilité en tant qu’idéal.

Dans quelle mesure le pacifisme et la non-violence sont-ils bibliques ?

La non-violence est biblique et surtout évangélique, car elle envisage la résistance non armée pour le bien et la préservation de tous les êtres humains concernés, plutôt que pour un ordre particulier. Elle sait que celui qui prend l’épée périra par l’épée. Même si c’est la génération d’après. Jésus a montré, par sa manière désarmée et désarmante, que dans le «règne» de Dieu (royaume de Dieu), d’autres règles s’appliquent que dans l’État et entre les hommes qui veulent imposer leurs avantages et leur propre affirmation. La nature est sans doute violente à sa manière, mais Dieu est non-violent et libre. Dieu laisse faire l’homme, à notre grand déplaisir parfois, mais c’est l’essence même de son royaume, qui consiste en la paix, la justice et la joie. Dieu ne s’oppose même pas par la force à la tyrannie. Il laisse les royaumes de la tyrannie s’écrouler et ceux qui n’avaient rien d’autre en tête que leur propre intérêt repartir bredouilles, comme le dit le chant de louange de Marie.


L’interview a été publiée pour la première fois sur www.menno.ch. Elle a été réalisée par Simon Rindlisbacher.

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Un aperçu biblique et théologique

« ForumChristNet – Comment l’argent détermine la politique et nous-mêmes
Samedi 28 janvier 2023, Nägeligasse 9, Berne »
Seule la version orale fait foi

Dieu et l’argent – c’est compliqué

Dieu et l’argent – ça ne va pas ensemble. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce statut relationnel est « compliqué ». C’est la conclusion à laquelle doit arriver celui qui pense à la célèbre parole de Jésus :
« Personne ne peut servir deux maîtres : Ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir Dieu et Mammon » (Mt 6,24).

Ce « ou bien, ou bien » est irritant, car l’Ancien Testament a une vision bien plus nuancée de l’argent, de la prospérité et de la richesse. On peut distinguer trois positions :1.

  • La richesse (argent) comme bénédiction
    La richesse est toujours explicitement mentionnée comme un don de Dieu. Par exemple, lorsque l’intendant d’Abraham dit : « Dieu a abondamment béni mon maître, de sorte qu’il est devenu riche. Il lui a donné des brebis et des bœufs, de l’argent et de l’or, des esclaves femmes et hommes, des chameaux et des ânes » Gn 24,35.
  • Mise en garde contre les dangers de la richesse
    L’AT fait bien allusion aux dangers de la richesse, lorsque par exemple l’Ecclésiaste fait remarquer : « Celui qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent » Koh 5,9.
  • Critique de la richesse
    Cette mise en garde se transforme en une critique parfois sévère de la richesse qui a été acquise de manière illicite. Les abus sociaux qui en découlent sont dénoncés sans ménagement par des prophètes comme Jérémie : « […] ainsi leurs maisons sont pleines de fraude ; c’est ainsi qu’ils sont devenus puissants et riches, gras et fétides. Ils pèchent aussi par leurs actes criminels. Ils ne pratiquent pas la justice, ils ne font pas triompher le droit des orphelins, ils ne défendent pas la cause des pauvres » (Jr 5,27b-28).

A l’injustice sociale critiquée ici s’oppose, dans l’Ancien Testament, un ordre social global qui veut remédier à ces abus ou du moins les compenser2. La critique des riches s’aiguise nettement dans le Nouveau Testament avec la parole de Jésus citée au début. On peut dire avec Burkhard Hose :
« Les riches ont la vie dure dans le Nouveau Testament. Comparé à d’autres thèmes, le ton critique à l’égard de la richesse occupe une place relativement importante dans les récits de Jésus […]. Le message est sans équivoque : l’argent bloque le chemin vers Dieu – du moins tant qu’on le garde pour soi »3.

Comment gérer cette ambivalence biblique sur le thème de l’argent ?

L’argent doit servir

En tant que pape nouvellement élu, François a publié sa première exhortation apostolique en novembre 20134, dans laquelle il met en garde contre l’idolâtrie de l’argent et écrit : « L’argent doit servir et non gouverner ! »5.

C’est dans ce sens que le pape a ensuite appelé en 2014 les participants au WEF de Davos à « veiller à ce que la prospérité serve l’humanité plutôt que de la dominer »6.

Cette déclaration du pape peut se référer à de nombreux passages de la Bible. Il n’est pas possible de les présenter ici de manière complète et nuancée. Je dois me limiter ici à un exemple. Un exemple qui montre : L’argent ne doit pas asservir. Il doit rendre la vie possible.

Faire le bien avec de l’argent ?

Un premier regard critique (Mc 12,41-44)

41 Il [Jésus] s’assit en face du trésor et regarda comment les gens jetaient de l’argent dans le tronc des offrandes. Et beaucoup de riches y mettaient beaucoup.
42 Une pauvre veuve vint y jeter deux lepta, c’est-à-dire un quadrant.
43 Puis il fit venir ses disciples et leur dit : « Je vous en prie, ne vous inquiétez pas : Amen, je vous le dis : Cette pauvre veuve a déposé plus que tous ceux qui ont déposé quelque chose dans le tronc des offrandes.
44 Car tous ont mis de leur superflu, mais elle, elle a mis de son indigence tout ce qu’elle avait, tous ses moyens d’existence.

Cette scène se déroule dans l’enceinte du temple.
Dans la zone du trésor du temple sont disposées les caisses d’offrandes. Les offrandes sont vérifiées par les prêtres, puis déposées dans le coffre à offrandes. Jésus observe la scène avec ses disciples. Les disciples sont probablement impressionnés par le montant élevé des dons. Mais Jésus attire leur attention sur une veuve qui donne deux lepta (un dixième du salaire normal d’une journée). Cette veuve a investi tout son gagne-pain (toute sa vie : bi,oj). Jésus porte un regard critique sur ce qu’il a sous les yeux.

  • Pour lui, faire le bien avec de l’argent est plus qu’une généreuse charité.
  • Faire le bien avec de l’argent ne doit pas devenir une mise en scène (pieuse) de soi-même.
  • Faire le bien avec de l’argent n’est pas une question de sommes d’argent aussi élevées que possible.
  • Faire le bien avec de l’argent ne signifie pas seulement donner avec excès, mais implique aussi de renoncer au profit d’autres personnes.
  • Faire le bien avec de l’argent pose la question de la motivation et de l’attitude.

Jésus attire notre attention sur la pauvre veuve.

  • Elle est volontiers présentée comme un modèle dans son rapport à l’argent.
  • Son exemple incite à ne pas être mesquin. A donner plus et donc à faire plus de bien.

Objection critique : cette pauvre veuve est-elle vraiment un modèle ?

  • Certes, son attitude est impressionnante et les sympathies dans ce texte vont clairement à elle.
  • Mais, curieusement, Jésus ne loue pas explicitement son comportement. Il ne dit pas à ses disciples : « Faites comme cette veuve ». Il ne la présente pas comme un modèle explicite, ce que font généralement ceux qui prêchent sur le don.

J’ose donc porter un deuxième regard critique sur cette scène. Et celle-ci découle du contexte textuel. Juste avant le passage de la pauvre veuve, nous lisons ceci :

Un deuxième regard critique (Mc 12,37b-40)

37bEt beaucoup de gens l’écoutaient [Jésus] avec plaisir.
38 Et il les enseignait en disant : Gardez-vous des scribes, qui aiment à marcher en longues robes et à être salués sur les places publiques.
39 et qui occupent les sièges d’honneur dans les synagogues et les places d’honneur dans les festins,
40 qui dévorent les maisons des veuves et font de longues prières pour l’apparence – ils recevront un jugement d’autant plus sévère.

Cette scène se déroule également dans le temple. Elle contient une mise en garde contre les scribes. Car ceux-ci ne remplissent pas leur mission de « bergers ». Pire encore : ils « dévorent les maisons des veuves » !

La part de la veuve apparaît ainsi sous un jour nouveau. Elle est en quelque sorte victime d’un système injuste. Au lieu de protéger les veuves (cf. Dt 24,17.20-21), les doctrines scripturaires – et donc le système du Temple – s’enrichissent avec l’argent de cette pauvre couche de la population. → un système d’exploitation

Faire le bien avec de l’argent, c’est donc

  • non pas qu’une veuve pauvre doive encore donner son dernier centime
  • mais que cette veuve reçoive de l’argent

Faire le bien avec de l’argent peut se faire là où les systèmes financiers ne rendent pas les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

Système alternatif

L’argent doit servir et non pas gouverner ! Cette conviction fondamentale est profondément ancrée dans les écrits bibliques. Ainsi, la lutte pour un système économique alternatif fait partie des caractéristiques remarquables de la communauté de Jérusalem.

La communauté des biens en Actes 4.32, parfois qualifiée de « communisme d’amour », n’était pas un idéal communiste, la propriété privée n’ayant pas été abolie. Mais ce qui comptait, c’était la disposition radicale au partage. Lorsque le récit indique que cela a conduit à ce qu’aucun d’entre eux ne souffre de pénurie (Actes 4,34), cela doit être lu comme l’accomplissement de la législation sociale de Dt 15,4 s., où il est dit qu’il ne doit pas y avoir de pauvres en Israël.

Il s’agit d’une décision pour Dieu et contre Mammon.

L’argent – une question spirituelle

Car l’alternative formulée par Jésus – Dieu ou Mammon – n’est finalement pas une question morale, mais spirituelle.

« Au départ, Jésus ne parle pas du tout de la manière dont on utilise son argent. Lorsqu’il parle de richesse, il s’agit de savoir sur quoi on construit son existence – et il formule ainsi, sur le fondement de la tradition de l’Ancien Testament, une question nouvelle et plus radicale : sur quoi bâtis-tu ta vie ? À quel Dieu te donnes-tu ? »7.

Il est donc tout à fait remarquable que la soi-disant « chute » de Genèse 3 puisse être lue, dans une perspective économique, comme un « péché de consommation »8. Il suffit d’une question du serpent pour attirer l’attention des hommes, avec un marketing intelligent, sur l’arbre unique au milieu de nombreux arbres. La curiosité initiale fait rapidement place à la convoitise.

Cet arbre unique, ses fruits – si beaux. Le produit devient absolument désirable. Nous devons l’avoir. Non pas parce que nous avons faim, mais parce que l’avidité est éveillée pour quelque chose dont nous n’avons pas vraiment besoin. Pour cela, l’homme risque de perdre le jardin paradisiaque. Sa cupidité l’éloigne de Dieu, de ses semblables et du reste de la création.

Ce modèle se retrouve tout au long de l’histoire de l’humanité, si bien que l’épître de 1 Timothée constate en bloc : « Car la cupidité est la racine de tous les maux ; certains en ont eu le désir et se sont égarés loin de la foi, se faisant ainsi beaucoup de mal » (1 Timothée 6,10).

Solidarité et justice

Si l’argent doit servir et non pas dominer, l’argent ne doit pas devenir un dieu. C’est pourquoi la Bible fait sans cesse appel à la « solidarité » et à la « justice » dans la gestion des richesses et des biens, afin de contrer la cupidité qui empêche de vivre aux dépens des autres9.

Dans le récit de la veuve pauvre, il apparaît que celui-ci implique l’abandon d’une « mentalité de bienfaiteur »10. Les riches ne pouvaient plus assurer leur statut et leur influence par des dons parfois généreux. Ce qui est demandé, c’est une redistribution qui implique de nouveaux rapports de force :

« Le rapport entre les riches et les pauvres n’est plus vertical – selon la devise : les riches donnent d’en haut un peu de leur argent pour que les nécessiteux puissent vivre, mais horizontal : celui qui est riche se met au même niveau que les membres pauvres de la communauté et nous sommes nous-mêmes pauvres. Les pauvres, eux, gagnent en prestige et deviennent riches. […] Une redistribution équitable des biens implique donc toujours la nécessité d’une participation des plus faibles au pouvoir »11.

A travers les siècles, il y a toujours eu des mouvements qui voulaient contribuer de cette manière à ce que l’argent ne gouverne pas, mais serve. Nous devons clarifier pour nous-mêmes quelle est notre contribution à cet égard.

 


1. Vgl.RAINER KESSLER: Reichtum (AT), in: wibilex (2006) Online: https://www.bibelwissenschaft.de/stichwort/33027/ [Zugriff am 23. Januar 2023]

2. Vgl. LUKAS AMSTUTZ: Werte, Menschenbild und soziale Verantwortung. Alttestamentliche Aspekte, in: Mennonitisches Jahrbuch (Soziale Verantwortung) (2007), S. 14–18 Ferner auch: LUKAS AMSTUTZ: Das Jubeljahr in Bibel und Theologie, in: Die Schweiz, Gott und das Geld, hrsg. von ChristNet, St. Prex 2013, S. 159–177.

3. BURKHARD HOSE: Kirche der Reichen? Ein neutestamentlicher Denkanstoss, in: BiKi 62 (2007), 1, S. 42–45, hier S. 43.

4. Deutscher Text von Evangelii gaudium online zugänglich: https://w2.vatican.va/content/francesco/de/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html#Nein_zu_einem_Geld,_das_regiert,_statt_zu_dienen [Zugriff am 24. Januar 2023]

5. Absatz 58 im obigen Dokument.

6. Deutscher Text online zugänglich: https://w2.vatican.va/content/francesco/de/messages/pont-messages/2014/documents/papa-francesco_20140117_messaggio-wef-davos.html [Zugriff am 23. Januar 2023]

7. DANIEL MARGUERAT: Gott und Geld – ein Widerspruch? Wie die Bibel Reichtum und Besitz einschätzt, in: Welt und Umwelt der Bibel [WuB] (2008), 1, S. 10–15, hier S. 12–14.

8. TOMÁŠ SEDLÁČEK: Die Ökonomie von Gut und Böse, München 2013 (Goldmann, 15754), S. 270–272.

9. Zu den Begriffen «Solidarität» und «Gerechtigkeit» als regulative Ideen der Bibel, siehe MICHAEL SCHRAMM: Das gelobte Land der Bibel und der moderne Kapitalismus. Vom « garstig breiten Graben » zur « regulativen Idee », in: BiKi 62 (2007), 1, S. 37–41.

10. Vgl. hierzu Gerd Theissen, Die Religion der ersten Christen: Eine Theorie des Urchristentums. 3. Aufl. Gütersloh 2003, 133-146.

11. Burkhard Hose, «Kirche der Reichen? Ein neutestamentlicher Denkanstoss», in: BiKi 1/2007, 42-45, hier 44.

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La Coupe du monde de football au Qatar a débuté hier et durera jusqu’au 18 décembre 2022. Aucune Coupe du monde de football dans le passé n’a été aussi critiquée que celle organisée au Qatar. Hauke Burgarth de Livenet s’est penché sur les raisons pour lesquelles de nombreux chrétiens y participent ou non.

Le pour et le contre dans la discussion sur l’opportunité de regarder les matchs de cette Coupe du monde de football ont toutefois d’autres priorités – et sont complétés par une composante spirituelle chez les chrétiens. Quels sont donc les arguments pour ou contre le fait de regarder les matchs ?

Pour – pourquoi beaucoup de gens vont regarder la Coupe du monde

  • Le sport est au premier plan. Bien sûr, la Coupe du monde de football n’est pas réservée aux pays démocratiques, occidentaux ou chrétiens. La politique ou la religion ne sont pas au premier plan. Il s’agit de sport – en l’occurrence de football, le « plus beau passe-temps du monde ».
  • Entre toutes les nouvelles de crise et de guerre, il sera vraiment agréable de regarder des matchs de football passionnants et de vibrer le 28 novembre pour savoir si le Brésil a une chance contre l’équipe nationale suisse.
  • Une Coupe du monde de football est toujours une chance pour l’Évangile. Cela commence sous nos latitudes, où la célèbre « Bible du football » de David Kadel a été rééditée à temps pour le championnat et invite à croire en Jésus-Christ. Et cela ne se termine pas, loin de là, avec les possibilités de dialogue que les chrétiens du monde entier auront au Qatar.
  • Malgré tout, il est clair que le Qatar ne fait pas exactement partie des pays libres de la planète, mais c’est justement le fait de se concentrer sur le pays qui peut y provoquer des changements. Sans la Coupe du monde, les droits de l’homme et les conditions de travail au Qatar n’auraient certainement jamais fait l’objet d’un débat mondial.

Contre – pourquoi beaucoup ne regarderont pas la Coupe du monde

  • « Le football n’a sa place ni en hiver ni dans le désert », affirment de nombreuses personnes, faisant ainsi référence à l’absence de tradition footballistique de l’émirat, qui souhaite manifestement combler cette lacune en achetant des supporters (le journal Sportschau en a parlé).
  • De nombreux observateurs, ainsi que la justice américaine, s’accordent à dire que la Coupe du monde est arrivée au Qatar grâce à la corruption. En 2010, l’État du désert a été choisi par la FIFA de Zurich, alors présidée par Sepp Blatter. Depuis, les rumeurs selon lesquelles le Qatar aurait acheté la Coupe du monde n’ont pas cessé, des enquêtes ont été ouvertes et de nombreuses arrestations ont eu lieu en Suisse en 2015 dans ce contexte.
  • Déjà avant la Coupe du monde, la presse s’était fait l’écho de la situation des droits de l’homme et des normes de sécurité totalement insuffisantes pour les travailleurs migrants au Qatar. Entre 6’500 et plus de 15’000 personnes sont mortes lors des travaux de construction pour le Mondial. C’est plus qu’un simple déséquilibre pour un événement qui règle habituellement chaque détail selon les normes internationales. Un nombre de morts à cinq chiffres est inacceptable pour une Coupe du monde.
  • Selon les critères occidentaux, la liberté est un mot étranger au Qatar : cela commence par des droits de la femme presque inexistants et ne s’arrête pas à une liberté de la presse fortement limitée. Selon « Reporters sans frontières », le Qatar est classé 119e sur 180 dans le monde.
  • La liberté de culte dans le pays n’est possible que si l’on est un homme musulman et que l’on souhaite le rester. Selon Idea, les chrétiens étrangers présents dans le pays font régulièrement l’objet de représailles. Selon le Qatar, il ne peut guère y avoir de chrétiens locaux. Il n’est donc pas étonnant que le pays occupe le 18e rang de l’index mondial de persécution, après les nations « leaders » que sont l’Afghanistan et la Corée du Nord.

Et maintenant ?

Les chrétiens pourront-ils regarder les matchs de la Coupe du monde ? Bien sûr que oui. Qui pourrait le leur interdire – ils sont même diffusés en public. Est-ce raisonnable et juste ? C’est à chacun et chacune de décider.

Des organisations comme Amnesty International ont du mal à adopter une position claire. Amnesty a tendance à rejeter un boycott de la Coupe du monde afin de pouvoir continuer à rendre visibles les violations des droits de l’homme.

Fêter consciemment au lieu de boycotter

Le Public Viewing « Dr Bitz » à Köniz, près de Berne, fait figure de pionnier. Ses organisateurs ont décidé de ne pas boycotter la Coupe du monde et de diffuser tous les matchs de football dans une salle vide de Köniz d’une capacité d’environ 400 places. Ceux-ci seront diffusés sans pauses publicitaires ni entretiens en studio, car les organisateurs ne veulent pas offrir de plateforme aux sponsors de la Coupe du monde. « Au lieu de cela, nous voulons, en collaboration avec l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International, nous pencher activement sur la situation précaire des droits de l’homme au Qatar », explique l’organisateur Beat Wenger à la SRF. Ainsi, outre les matches, des tables rondes et une exposition de photos sur le Qatar sont prévues. En outre, les personnes intéressées pourront signer une pétition d’Amnesty International visant à obtenir des indemnités pour les travailleurs migrants au Qatar.

Wenger reconnaît qu’il a lui aussi d’abord envisagé de boycotter la Coupe du monde. « Puis j’ai pris conscience que le football peut unir les gens dans le monde entier et nous avons cherché un moyen de célébrer le sport lors de la Coupe du monde de football au Qatar malgré ses nombreux côtés négatifs ».

L’article a été publié pour la première fois sur Livenet.ch. Pour ChristNet, le début et la fin ont été légèrement raccourcis et complétés par le dernier paragraphe.

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Dieu se soucie de notre bien-être. Et de celui de notre prochain. Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui occupent une position vulnérable sur le plan économique. Ainsi, Jacques 5.4 dit : « Voici, le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs, et dont vous les avez frustrés, crie, et les cris des moissonneurs sont parvenus jusqu’aux oreilles du Seigneur des armées ». 1 Timothée 5.18 ajoute : « Car l’Écriture dit : ‘Tu n’emmuselleras pas le bœuf qui bat le grain’, et : ‘L’ouvrier mérite son salaire' ». Quel est le rapport avec la revendication d’un salaire minimum ?


Afin de protéger les plus vulnérables économiquement, des salaires minimums ont été fixés dans de nombreux pays. En Suisse aussi, une initiative a tenté en 2014 d’introduire un salaire minimum de 4000 francs. Mais après avoir été partiellement approuvée dans les premiers sondages, l’initiative a ensuite été clairement rejetée.

Comment pondérer la pauvreté ?

L’État ne devrait rien imposer en matière de salaire, tel était l’un des contre-arguments. Et un salaire minimum défini créerait des incitations qui rendraient la Suisse plus attrayante pour les travailleurs étrangers. Il est inquiétant que de tels arguments soient plus importants que la pauvreté dans laquelle de nombreuses familles doivent vivre. Selon l’Office fédéral de la statistique1 , un enfant sur 20 était en effet concerné par la pauvreté monétaire en Suisse en 2014 et un enfant sur six était menacé de pauvreté.

Perdre ou gagner des emplois ?

Une autre raison du rejet de l’initiative était également la crainte de perdre des emplois. Cette crainte est compréhensible et a été largement exploitée par les opposants lors de la campagne de votation. C’est probablement l’une des principales raisons pour lesquelles l’initiative a finalement été clairement rejetée.

Mais en y regardant de plus près, l’argument de l’emploi s’avère faux : en Grande-Bretagne, un salaire minimum légal a été introduit en 1999 et augmenté chaque année. Des études scientifiques2 ont montré que cela n’a pas détruit d’emplois, mais en a plutôt créé davantage. Cela s’explique par le fait que les personnes peu rémunérées ne peuvent pas économiser l’argent supplémentaire, mais le dépensent généralement sous peu. Des expériences similaires ont été faites aux États-Unis3.

Promouvoir l’économie pour tous

Entre-temps, cinq cantons suisses ont déjà introduit des salaires minimaux : Jura, Neuchâtel, Tessin, Genève et Bâle-Ville. Les expériences montrent que cela a eu des effets positifs. Aucune perte d’emploi n’a été signalée jusqu’à présent.

Conclusion : il est possible, en Suisse aussi, de verser des salaires dignes et suffisants pour vivre, comme le veut l’esprit biblique.Le sujet doit donc être remis sur la table au niveau politique. Dans les pays industrialisés, une promotion économique sans mesures de redistribution n’a encore jamais permis d’améliorer la situation des pauvres. Faisons donc ce qui est économiquement possible et qui a du sens pour les plus défavorisés.


1 https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home.assetdetail.1320142.html

2 https://www.boeckler.de/de/boeckler-impuls-grossbritannien-loehne-und-jobs-stabilisiert-10342.htm

3 https://www.letemps.ch/economie/six-enseignements-salaire-minimum

Cet article est paru pour la première fois dans le « Forum Integriertes Christsein » : https://www.insist-consulting.ch/forum-integriertes-christsein/22-3-5-arbeit-mindestloehne-sind-christlich-und-moeglich.html

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L’impôt anticipé de 35% a pour but d’inciter les contribuables, particuliers et entreprises, à déclarer honnêtement leurs bénéfices et plus-values imposables et donc à payer leurs impôts. Les 35 % ne sont remboursés qu’après avoir été déclarés conformément aux règles. Mais le lobby bancaire a obtenu du Parlement qu’il supprime l’impôt anticipé lors de l’émission d’obligations. Ceci avec l’argument qu’en raison de la charge administrative et du retrait temporaire de liquidités, les obligations seraient aujourd’hui émises à l’étranger, où les prix sont plus avantageux, et que la Suisse perdrait ainsi des emplois et de la valeur ajoutée. Parallèlement, la taxe de vente, prélevée sur le commerce de certains titres, a été supprimé, car il constituait également une entrave au marché suisse des capitaux étrangers. Un référendum a été lancé contre ce paquet.

Le trou risque de s’agrandir – au détriment de la population

Les forces motrices derrière cette baisse d’impôts affirment que l’arrivée d’emplois et de valeur ajoutée revenant de l’étranger permettrait aux cantons et aux communes de réaliser un bénéfice d’au moins 400 millions de francs par an. Mais en même temps, selon les derniers chiffres, la Confédération perdrait entre 215 et 275 millions de francs de recettes. Il s’agit d’estimations très conservatrices et probablement beaucoup trop basses. Car, premièrement, ces calculs se basent sur le niveau actuel très bas des taux d’intérêt, qui devrait toutefois augmenter dans un avenir proche. Et deuxièmement, l’industrie financière a l’habitude de dissimuler tout ce qu’elle peut pour maximiser les bénéfices. Sans contrôle, la motivation pour déclarer ces fonds fait défaut. La deuxième réforme de l’imposition des entreprises (RIE II) a déjà montré que l’industrie financière exploite toutes les possibilités de contourner l’impôt. Les pertes maximales de 933 millions de francs pour la Confédération et les cantons (indiquées dans le livret de vote lors de la votation de 2008) se sont transformées (et se transforment toujours) en 2 à 2,5 milliards de francs par an à partir de l’entrée en vigueur en 2011, raison pour laquelle les cantons ont mis en œuvre les uns après les autres des programmes d’économie drastiques dans les écoles, les hôpitaux, etc. En revanche, les actionnaires ont pu exonérer les dividendes, et les chefs d’entreprise (qui se font désormais souvent verser leur salaire d’une autre manière) de leurs revenus. Au total, entre le 1.1.2011 et le 31.11.2016, 1 billion 692 milliards de CHF ont été déclarés par 7 365 sociétés anonymes et approuvés par l’Administration fédérale des contributions pour être distribués aux actionnaires en franchise d’impôt.

Les baisses d’impôts – une mauvaise nouvelle avérée pour les plus faibles

La fable selon laquelle tout le monde s’en sort automatiquement mieux en cas de baisse d’impôts a également été réfutée depuis longtemps. C’est ce que montre de manière impressionnante l’étude d’Oxfam de 2014 : les baisses d’impôts dans le sillage du néolibéralisme ont surtout rendu les plus riches encore plus riches (et donc plus puissants) dans le monde entier, mais n’ont guère aidé les plus pauvres (donc ceux qui en auraient le plus besoin). Aux États-Unis, par exemple, le salaire moyen est resté le même entre 1984 et 2016, le revenu moyen des ménages n’a augmenté de 20 % au total, et ceci uniquement en raison de l’entrée croissante des femmes dans le monde du travail salarié. Et l’histoire de la création de la RIE II a montré de manière impressionnante qu’il ne s’agissait pas du tout des PME et encore moins de l’ensemble de la population, mais uniquement des intérêts des actionnaires.

Les services vitaux ont besoin de plus de moyens : inverser la spirale maintenant

Il est donc fort probable que la suppression de l’impôt anticipé soit une fois de plus une opération déficitaire pour la population suisse. Et pas seulement pour la population suisse, mais aussi, en fin de compte, pour les pays d’où les emplois seront drainés. La concurrence fiscale a globalement pour conséquence que les services vitaux tels que les écoles, les hôpitaux, les mesures environnementales, etc. subissent des dommages. Les classes d’école sont de plus en plus grandes, des hôpitaux régionaux sont fermés l’un après l’autre, le personnel soignant est trop peu nombreux et mal rémunéré, et les subventions pour l’énergie solaire « sont trop chères ». Dans ce système, les plus faibles et la création sont mis à mal. Il faut mettre un terme à cette évolution. D’autant plus lorsque ceux qui pourraient le mieux se le permettre sont quasiment invités à ne plus payer d’impôts.

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Poutine mène sa guerre avec le soutien de l’Eglise orthodoxe russe. Aux Etats-Unis, les chrétiens évangéliques de droite voient leur pays comme la nouvelle terre promise. Et en Suisse, nous nous opposons à tout ce qui remet en question notre souveraineté. Mais le royaume de Dieu a un tout autre horizon. Il est donc grand temps de changer de mentalité.

Selon le témoignage biblique, Jésus-Christ est le fils du Dieu trinitaire. Il est l’initiateur et le point d’arrivée de ce que nous appelons aujourd’hui le christianisme. Il en a formulé le fondement contextuel avec son évangile du royaume de Dieu qui a commencé1 . C’est une bonne nouvelle pour le monde entier – et ce depuis 2000 ans. C’est pourquoi nous posons notre main sur la Bible : Quelle est la place du nationalisme dans cet évangile ?

Poutine : chrétien pieux ou despote conscient de son pouvoir ?

A l’occasion de la récente fête de Pâques orthodoxe, le président russe Poutine s’est une nouvelle fois aventuré à l’extérieur, du moins sous le toit de l’église. Il a participé au service religieux orthodoxe sous la direction du patriarche orthodoxe russe Kirill. Comme il se doit, il a frappé une croix au-dessus de sa poitrine. Il a ainsi confessé être le Fils de Dieu, mort sur une croix le Vendredi saint pour tous les péchés humains. Y compris pour les péchés du pieux chrétien Vladimir Vladimirovitch Poutine. Jusqu’ici, tout va bien – et c’est nécessaire.

Theodorus II, pasteur en chef des orthodoxes en Afrique, assure : « Poutine était un chrétien fervent, je le sais par expérience très proche ». Il attribue sa transformation en tyran bigot à sa frénésie de pouvoir débordante : « Il a d’abord cru être un nouveau tsar ». Entre-temps, son autocratie l’a complètement aveuglé. L’orientaliste Heinz Gstrein explique cette transformation2 entre autres par un changement d’état d’esprit désastreux, qui était déjà apparu chez le célèbre écrivain Alexandre Soljenitsyne. Purifié dans les camps pénitentiaires communistes, d’athée à chrétien orthodoxe, Soljenitsyne serait devenu à l’époque de Poutine un « nationaliste russe pseudo-religieux » qui, comme Poutine aujourd’hui, voulait délivrer la Russie de la « soi-disant pernicieuse influence occidentale ». Selon Gstrein, Soljenytsine est devenu le prophète de cette évolution en Europe de l’Est « selon laquelle la libération de la dictature communiste ne se termine pas dans la démocratie libérale, mais dans le nationalisme … ».

Le nationalisme ethnique – une erreur de parcours

Martti J Kari, spécialiste de la Russie, voit l’élément déclencheur de cette pensée dans le siège de Constantinople par le peuple des Rus en 8603 . Par la suite, les traditions de l’Empire byzantin auraient été reprises en Europe de l’Est et comprises comme un ordre de mission des Russes envers tous les peuples slaves : l’enseignement religieux orthodoxe, le conservatisme et le rapport ininterrompu à une autorité qui ne doit jamais être remise en question, car elle est donnée par Dieu. Selon Martti J Kari, la certitude « qu’un tsar fort vaut mieux qu’un dirigeant faible » s’est renforcée au cours des tumultes qui ont suivi dans l’histoire russe, au cours desquels le tsarisme a toujours été sur le point de s’effondrer. Cela s’est également vérifié après la fin de l’Union soviétique, lorsque le dirigeant faible Boris Eltsine a été remplacé par le « tsar » fort Poutine.

Ce qui donne à réfléchir au regard de l’évangile biblique, c’est le fait que ce nationalisme autoritaire est nourri par une Eglise qui se dit orthodoxe russe. Elle associe ainsi sa mission à un nationalisme défini de manière ethnique et se sent compétente partout où vivent des Russes. Il n’était donc pas étonnant que l’Eglise orthodoxe d’Ukraine se détache du centre moscovite après l’annexion de la Crimée par la Russie. En 2019, elle a obtenu l’indépendance nationale du patriarche œcuménique (mondial) Bartholomaios de Constantinople. Ce qui a été critiqué par le patriarche moscovite Cyrille comme une division. De toute évidence, le nationalisme ethnique mène à une impasse.

La Réforme ramène aux racines

Il ne faut pas oublier que des traits autoritaires s’étaient déjà répandus dans l’Église après le tournant constantinien de 313. Mais la pensée dans les catégories d’un Saint Empire romain (nation allemande) du Moyen-Âge et du début des temps modernes a été durablement remise en question grâce au mouvement de réforme de Martin Luther et de ses successeurs. La proclamation d’une compréhension biblique du sacerdoce universel de tous les croyants, associée à l’accès à la lecture de la Bible pour tous, a conduit à une offensive éducative et à une pensée qui a favorisé les Lumières ultérieures. La mise en œuvre radicale de cette approche plus individualiste de la foi par les anabaptistes a certes été rejetée comme étant dangereuse pour l’État. De même, l’application politique de l’idée d’égalité par les paysans, qui voulaient secouer leur assujettissement à la classe supérieure, ne trouva guère grâce aux yeux des réformateurs. Le mouvement contraire à l’État autoritaire ne pouvait cependant plus être arrêté.

La suite politique dans les Lumières

Le siècle des Lumières en fut l’étape suivante. Elle a culminé dans une première déclaration des droits de l’homme à la veille de la Révolution française. Là encore, les Églises ont réagi dans un premier temps avec une grande retenue. Outre les représentants critiques à l’égard de la Bible et de l’Eglise, des penseurs chrétiens ont toutefois participé dès le début au mouvement des Lumières. Alors que les philosophes des Lumières éloignés de l’Eglise ne pouvaient justifier les droits de l’homme que de manière floue par le droit naturel, les philosophes chrétiens des Lumières avaient des arguments forts. L’auteur Kurt Beutler le résume ainsi : « S’il est vraiment vrai que Dieu a créé tous les hommes à son image et que Jésus a racheté sur la croix non seulement les dix mille personnes du haut, mais même l’assassin qui était accroché à l’autre croix, alors tous les hommes sont égaux4 « .

Le médecin et chrétien anglais John Locke (1632 à 1704) a été l’un des premiers penseurs à associer les Lumières et les droits de l’homme à une vision biblique du monde. Les trois premiers droits de l’homme évoquent le droit à la vie, à la propriété et à la liberté d’expression. Selon Kurt Beutler5 , ils ont été proclamés pour tous les hommes dès le 11e siècle par l’Église catholique à l’occasion de la réforme grégorienne, en s’inspirant du droit romain. John Locke s’en serait inspiré au 17e siècle. « Il a toutefois tiré des conséquences beaucoup plus radicales que ses prédécesseurs catholiques. Il a déclaré illégaux tous les gouvernements qui n’appliquaient pas les droits de l’homme universels. Il est même allé plus loin : les gouvernements de tous les pays n’ont d’autre mission que de veiller à ce que tous les citoyens obtiennent leur droit. Dans le cas contraire, il est du devoir des

Les citoyens ont le devoir de renverser ces gouvernements et de les remplacer par d’autres ». Face à la nature pécheresse de tous les êtres humains, John Locke et ses partisans ont fait remarquer qu’en fin de compte, on ne pouvait faire confiance à aucun être humain de manière inconditionnelle. Chacun devait donc être contrôlé et son pouvoir limité dans le temps. Ils ont donc plaidé en faveur de la démocratie et de la séparation des pouvoirs pour protéger les droits de l’homme.

Les Etats-Unis ouvrent la voie

Les États-Unis d’Amérique du Nord ont été l’une des premières régions du monde où ces idées ont porté leurs fruits dans le cadre d’une nation. Selon Kurt Beutler, parmi les premiers immigrants, les partisans de John Locke étaient majoritaires dans certains États, comme les baptistes dans le Rhode Island et les quakers en Pennsylvanie, « de sorte que les premières véritables démocraties au monde y ont été fondées par ces hommes d’église libres « 6 .

Les chrétiens américains ont exercé une forte influence dans cet environnement politique libre en raison de leur foi biblique. Certains voyaient dans les États-Unis le nouveau peuple d’Israël qui devait apporter le salut au monde. Cette conception de soi n’est certes pas théologiquement défendable : le peuple d’Israël et la promesse qui lui est liée n’existent qu’une seule fois. Néanmoins, cette pensée perdure encore aujourd’hui chez les chrétiens évangéliques de droite. Le fait que ces cercles se soient ensuite laissés entraîner à voir leur sauveur en Donald Trump montre à quel point les attentes qui ne sont pas mesurées à l’aune de l’action du Messie unique – Jésus-Christ – sont dangereuses.

Heureusement, le nationalisme exacerbé selon la devise « America First » est passé à l’arrière-plan vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’internationalisme de l’époque a conduit les Etats-Unis à s’associer à d’autres Etats pour imposer militairement leurs valeurs démocratiques fondamentales contre des prétentions dictatoriales. Après la victoire de la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN et l’Union européenne ont été les fruits à moyen terme de cet engagement.

Le nationalisme constitutionnel

Outre l’Angleterre et la France, les autres États européens occidentaux se sont développés au cours du 19e siècle pour devenir des États nationaux fondés sur le droit constitutionnel. Le pouvoir étatique n’émanait plus d’une élite. Il était lié à une constitution et limité par la séparation des pouvoirs. La constitution régissait la structure organisationnelle de l’État, sa division territoriale et ses relations avec les autres États. Elle ne pouvait être modifiée que dans le cadre d’une procédure démocratique particulièrement réglementée, associée à des obstacles politiques importants.

Ces États-nations n’étaient plus fondés sur une base ethnique, mais sur une base juridique et territoriale. Cela vaut notamment aussi pour la Suisse. Comme on le sait, notre État fédéral est né dans le contexte de la réorganisation de l’Europe lors du Congrès de Vienne de 1815 et a trouvé sa forme actuelle après quelques tergiversations avec la Constitution de 1848. Les anciens territoires de la Confédération et les pays germanophones n’ont pas été répartis entre les pays limitrophes, mais une nouvelle nation multiethnique avec des cantons égaux en droits a vu le jour, qui a été calmée par le sceau de la neutralité européenne par mesure de précaution.

Grâce à différentes réformes constitutionnelles, l’État fédéral a fait monter à bord de l’État national de plus en plus de groupes sociaux : en 1874, avec l’introduction du référendum facultatif, au moins une partie de la population catholique ; après la Première Guerre mondiale, avec les élections au Conseil national selon un système proportionnel, les paysans et les (futurs) sociaux-démocrates. C’est ainsi qu’est née une démocratie directe avec un fédéralisme développé, combiné avec le principe de subsidiarité jusque dans les différentes communes7 . Dans les conditions d’une pandémie mondiale, le système suisse a récemment été soumis à une rude épreuve, dont nous sommes sortis avec un œil au beurre noir – du moins pour le moment.

Moins dignes d’être imitées sont nos affaires économiques tordues sous le couvert de la « neutralité » et de la discrétion. Le déni obstiné de notre interdépendance internationale dans un monde globalisé est tout aussi décalé. Aujourd’hui, il n’y a plus de nations souveraines à l’extérieur, mais seulement des États plus ou moins interdépendants.

Le royaume de Dieu est international

Avec son message, Jésus a surmonté, du moins en partie, les frontières de l’État juif. Ses disciples ont diffusé ce message et ses valeurs dans tout le monde antique. Au cours de l’histoire de l’Eglise, malgré des développements erronés comme le colonialisme, de plus en plus de frontières ethniques et nationales ont été dépassées, de sorte que l’on peut et doit dire aujourd’hui : Les chrétiens pensent et agissent au niveau international. Ils s’intègrent ainsi parfaitement dans notre monde globalisé.

Néanmoins, il est logique qu’ils se préoccupent aussi de leur nation, de leur région et de leur lieu de résidence. Ils doivent apporter à tous les niveaux politiques des valeurs et des stratégies qui correspondent aux objectifs du royaume de Dieu et de son fondateur. Les démocraties organisées selon le droit constitutionnel, avec une séparation des pouvoirs conséquente, sont aujourd’hui en recul. Poussés par le pouvoir et l’argent, de plus en plus d’hommes autoritaires (pour la plupart) sont aux commandes, même au cœur de l’Europe « chrétienne » ; les formes de gouvernement collectivistes à la chinoise et à la russe ou les États africains orientés vers le tribalisme, qui méprisent l’individu, ont le vent en poupe.

Il est donc grand temps que, rafraîchis par le souffle de vie du Saint-Esprit, nous marquions à nouveau notre environnement, notre pays et le monde globalisé avec les valeurs et le message de l’Évangile. Et ce, sans œillères nationalistes. Nos pères et nos mères dans la foi nous ont montré ce que cela pouvait signifier.

1. Marc 1.15

2. Portail Internet Livenet, newsletter du 12.4.22

3. Le magazine n° 14 du 9.4.22, auteur : Mikael Krogerus

4. Portail Internet Livenet, newsletter du 25.4.22

5. Portail Internet Livenet, lettre d’information du 1.4.22

6. Portail Internet Livenet, lettre d’information du 1.4.22

7. Il stipule que le niveau de compétence réglementaire doit toujours être aussi bas que possible et aussi élevé que nécessaire.


Article initialement publié le 02 mai 2022 sur https://www.insist-consulting.ch/forum-integriertes-christsein/22-5-1-wieviel-nationalismus-ertraegt-das-evangelium.html

 

~ 4 minPourquoi nous disons oui à la loi sur les médias – même si ce n’est pas avec enthousiasme.

Un paysage médiatique sain, c’est-à-dire un éventail de maisons d’édition indépendantes et diversifiées, avec des journalistes bien formés, est essentiel pour une démocratie comme la Suisse. En effet, il doit y avoir un débat public sur les thèmes politiques afin que tout le monde puisse être entendu et que des solutions communes puissent être trouvées. C’est la seule façon de trouver ce qu’il y a de mieux pour tous nos prochains. En même temps, ce n’est qu’ainsi que l’on peut découvrir la vérité. Ou comme le magazine en ligne Republik l’a formulé de manière pertinente : « La plus grande performance d’un système médiatique sain est justement ce que beaucoup lui reprochent : la production d’un mainstream. Ce qui signifie : un ensemble de faits, de valeurs et de règles de comportement communs, sur lesquels on peut ensuite se disputer. Si le mainstream se brise, on ne se dispute plus sur différentes interprétations de la réalité, on vit dans différentes réalités ».

Facebook ne remplace pas une salle de rédaction

Celui qui s’informe principalement dans les réseaux sociaux court rapidement le risque de rester coincé dans sa propre réalité (également appelée bulle). En effet, les « nouvelles » consommées quotidiennement et affichées dans le flux de Facebook, Twitter et autres ne sont pas les mêmes contenus que ceux affichés aux voisins et autres compatriotes. Ils sont composés individuellement pour chaque utilisateur par l’algorithme d’un grand groupe. Ce ne sont pas les rédactions locales qui décident de ce qui est pertinent, mais les programmeurs d’une entreprise qui a atteint sa taille grâce aux recettes publicitaires et qui en dépend toujours. Toutefois, on peut aussi tomber dans une bulle en consommant un (toujours le même) autre média.

Le pouvoir des médias doit rester réparti

Si les nombreux médias indépendants continuent d’être repris par les quelques grands acteurs ou rachetés quasiment comme des jouets par des milliardaires, nous rendons également un mauvais service à notre système démocratique. La formation de l’opinion est alors soumise aux intérêts des groupes et de leurs actionnaires, ainsi qu’aux intérêts des propriétaires individuels. Il n’est alors plus possible d’avoir des opinions divergentes ou de critiquer certains pouvoirs et les rapports de force de la société. Ce que cela signifie lorsque les médias, et donc la formation de l’opinion, sont entre les mains d’un petit nombre de personnes devient évident dans de plus en plus de pays : nous avons pris conscience du problème avec des magnats des médias comme Rupert Murdoch, qui a aidé Margaret Thatcher à percer en Grande-Bretagne, puis avec l’empire médiatique (ou le quasi-monopole) de Silvio Berlusconi en Italie, les entreprises de médias en Europe de l’Est et maintenant aussi les groupes de médias toujours plus grands en Europe de l’Ouest. En Amérique latine également, les médias sont en grande partie aux mains de la classe supérieure conservatrice. La formation démocratique de l’opinion est ainsi déformée et des intérêts particuliers obtiennent le pouvoir d’orienter la pensée de la population dans une certaine direction ou de réprimer les opinions critiques et les minorités.

Minimiser la dépendance vis-à-vis des fonds privés

La situation est également problématique pour la démocratie locale : une étude de l’université de Zurich a montré que lors de l’initiative sur la responsabilité des multinationales, les groupes de médias suisses ont publié beaucoup plus d’articles contre que pour l’initiative. Il est évident que les groupes de médias ne voulaient pas se mettre à dos leurs annonceurs solvables, qui auraient été touchés par l’acceptation de l’initiative. On peut ainsi se demander si, à l’avenir, les initiatives qui menacent les intérêts économiques des grands groupes auront une chance. Les subventions publiques peuvent tout à fait servir à minimiser de telles dépendances.

Le meilleur possible à l’heure actuelle

Pendant des années, une solution de subventionnement a été élaborée, d’innombrables groupes d’intérêts ont influencé le travail, les propositions ont été transmises de part et d’autre, jusqu’à ce qu’il en résulte finalement ce qui nous est présenté aujourd’hui comme loi sur les médias et sur lequel nous voterons en février. Désormais, la presse suisse sera soutenue à hauteur de 180 millions de francs par an (au moins pour les sept prochaines années), contre 50 millions auparavant. Les petits médias en ligne recevront 30 millions, les grands recevront une grande partie des 70 millions destinés à la distribution, et Keystone-SDA, l’école de journalisme, le Conseil de la presse, etc. recevront 30 millions supplémentaires. Personne n’est vraiment enthousiasmé par le produit final – c’est le propre des compromis. En fait, ce sont surtout les petits médias indépendants qui devraient être financés. Mais le Parlement suisse est ainsi fait que les lobbies économiques et les grands groupes peuvent exercer une forte influence. C’est probablement aussi parce que le financement des partis n’est pas transparent – une distorsion de la législation à laquelle on s’est attaqué depuis longtemps à l’étranger. Ainsi, la présente loi est la meilleure possible dans nos circonstances non épurées, même s’il est choquant que les grandes entreprises de médias reçoivent encore plus d’argent. Mais si elle est rejetée, aucune meilleure loi ne sera possible dans un avenir proche. Et ainsi, la concentration du pouvoir dans la formation de l’opinion se poursuivra.

Notre préoccupation particulière est que le discours public ne soit pas seulement celui des plus bruyants, mais aussi celui des minorités, des personnes économiquement faibles et d’autres groupes marginalisés. La question se pose donc de savoir si la nouvelle loi sur les médias favorise ou entrave cette préoccupation. Nous pensons qu’elle atteint cet objectif. Plus ou moins.

https://www.republik.ch/2022/01/05/mediengesetz/befragung


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~ 2 minLa nicotine a un potentiel de dépendance aussi important que l’héroïne. Environ 14% de la population suisse est fortement dépendante de cette substance. La moitié des gros fumeurs meurent prématurément. Cela fait 9500 morts par an, autant que la pandémie de Covid a fait la première année – sauf que la consommation de tabac fait ce tribut chaque année. C’est donc de loin le plus grand problème de santé évitable en Suisse.

C’est aussi en raison du déçès des clients que l’industrie du tabac doit constamment en gagner de nouveaux. Parce que les jeunes ne sont pas encore en mesure d’évaluer précisément les risques de leurs actes et parce que personne ou presque ne commence à fumer après 21 ans, l’industrie du tabac concentre aujourd’hui une grande partie de ses efforts publicitaires sur les jeunes, là où ils se trouvent : Dans les festivals, sur Internet, sur les réseaux sociaux, dans les kiosques et en sortie. Ils ne sont certes pas directement visés, mais ils sont toujours concernés. La nouvelle loi sur les produits du tabac a certes légèrement limité la publicité pour les produits à la nicotine, mais elle continue à autoriser la publicité précisément dans les lieux où elle touche un nombre particulièrement élevé de jeunes. Et la recherche montre clairement que la publicité a une influence considérable sur l’initiation au tabac.

La plupart des gens ont sans doute des remords à attirer les jeunes dans une dépendance. D’un point de vue chrétien, il est d’autant plus clair que nous devons faire du bien et non du mal à notre prochain. Il devrait donc être clair que nous ne devrions pas permettre que des personnes soient entraînées dans une dépendance pour ensuite les exploiter financièrement et laisser nombre d’entre elles à la mort. D’autant plus que la plupart de ces personnes sont encore mineures au moment où elles sont séduites ! Lorsqu’il s’agit de mineurs, les producteurs ne peuvent pas se réfugier derrière le fait que chaque consommateur est responsable de ses actes. Il est donc grand temps d’interdire la publicité pour le tabac (et les autres produits à base de nicotine) qui atteint les jeunes !

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~ 3 min

Pourquoi les chrétiens en particulier devraient défendre les soins.

Pas seulement un travail difficile comme beaucoup d’autres

Ma mère a été infirmière toute sa vie. Ce n’est que pendant la période où elle nous élevait, moi et mes trois frères et sœurs, qu’elle a interrompu son activité professionnelle. Au cours de sa carrière, le manque de personnel et les contraintes de temps ont entraîné un stress croissant, une surcharge de travail et une qualité de soins insatisfaisante. Bientôt, ma mère a commencé à chercher des emplois dans des maisons de retraite où la pression était un peu moins forte. Plus tard, elle est allée jusqu’à n’accepter que des tâches de nuit pour éviter la menace du surmenage, de l’épuisement et de la frustration. Finalement, quelques mois avant son départ à la retraite, elle était tellement épuisée physiquement et mentalement qu’elle n’a vu d’autre issue que de demander une retraite anticipée. Elle n’a pas eu la force de se mettre en congé de maladie et d’accepter la confrontation avec son employeur et les éventuels experts médicaux. Le prix à payer est une réduction de la pension pour le reste de sa vie.

L’urgence infirmière est incontestable

Lorsque l’initiative sur les soins infirmiers a été déposée en 2017 par l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), l’urgence infirmière était en partie controversée. On s’est demandé si la pénurie de personnel infirmier nécessitait une intervention politique. Aujourd’hui, après presque deux ans de pandémie, personne ne prétend que le marché du travail dans le secteur des soins infirmiers va se corriger. La pénurie de personnel qualifié et la surcharge de travail des infirmières et infirmiers sont devenues trop évidentes. La seule question qui reste est de savoir comment. Comment remédier à la crise des soins infirmiers ? Les exigences du texte de l’initiative sont-elles adéquates ou est-ce que la contre-proposition du Parlement est-elle suffisante ?

Comment améliorer les conditions ?

La contre-proposition ne reprend qu’une seule des trois améliorations demandées : Grâce à une offensive de formation, davantage de personnes seront attirées par les professions infirmières. Toutefois, cela ne sera pas d’une grande utilité si le problème des départs précoces de la profession n’est pas abordé : Un tiers des personnes qui quittent la profession ont moins de 35 ans. Afin de ne pas perdre ces personnes à l’avenir, l’initiative sur les soins infirmiers exige, outre les salaires, l’amélioration du ratio de soins (nombre de patients par infirmière). Cet objectif doit être atteint par une rémunération appropriée des services infirmiers. En outre, les possibilités de développement professionnel devraient être améliorées (aujourd’hui, par exemple, il n’existe pas de parcours menant du spécialiste en soins infirmiers au médecin).

Pas au détriment des pays voisins plus faibles

Le problème du manque de personnel infirmier (il y a aujourd’hui bien plus de 10 000 postes vacants, soit plus que dans n’importe quelle autre profession) est toutefois bien plus important. En raison du vieillissement progressif de notre société, 70 000 soignantes et soignants supplémentaires seront nécessaires dans les années à venir. Au lieu de former elle-même suffisamment de personnel qualifié, la Suisse – comme tant de pays occidentaux – s’est servie chez les plus faibles. Aujourd’hui déjà, un tiers du personnel soignant en Suisse est étranger. La Suisse, pays riche, laisse les pays pauvres, principalement ceux de l’UE, payer les frais de formation du personnel infirmier, puis leur arrache le personnel qualifié. Cela exacerbe la pénurie de personnel déjà précaire dans ces pays.

Les soins infirmiers – une compétence essentielle de Jésus

Pour les chrétiens, d’autres questions désagréables se posent, car Jésus-Christ était et est connu pour ses guérisons. Pas seulement pour les guérisons spectaculaires et publiques des paralysés et des aveugles. Plus remarquables encore, peut-être, sont les moments où il s’est tranquillement occupé des laissés-pour-compte : lorsqu’il a rencontré la Samaritaine au puits de Jacob, lavé les pieds de ses disciples ou raconté la parabole du bon Samaritain. Cela a marqué ses disciples jusqu’à aujourd’hui. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire des soins infirmiers dans notre Occident soit indissociablement liée à l’histoire de l’Église.

Et une compétence clé de l’église ?

Dans ces circonstances, j’ai un peu honte que nous, chrétiens, n’ayons pas défendu beaucoup plus tôt des soins infirmiers forts. Qu’est-ce qui nous occupait au point de ne pas remarquer le sort des malades et des personnes en difficulté ? Ou avons-nous perdu notre proximité avec les soins bien plus tôt ? Que s’est-il passé à l’époque où nous avons délégué la prise en charge des malades à l’État et à des prestataires de services professionnels ? Avons-nous ainsi également renoncé à notre responsabilité de disciples de Jésus envers les malades ? Si c’est le cas, c’est l’occasion de prendre à nouveau nos responsabilités et de défendre les infirmières et les patients : avec un oui le 28 novembre 2021 et avec notre soutien et miséricorde qui vont au-delà.


Sources :
Texte de l’initiative : https://www.pflegeinitiative.ch/media/files/2021/09/2021-06-07-def-Initiativtext-f.pdf
Argumentation : https://www.initiative-soins-infirmiers.ch/arguments/
Contre-proposition avec comparaison : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/berufe-im-gesundheitswesen/gesundheitsberufe-der-tertiaerstufe/vi-pflegeinitiative/vi-pflegeinitiative-gegenvorschlag.html
Etude Unia concernant la situation du personnel soignant : https://www.unia.ch/fr/monde-du-travail/de-a-a-z/secteur-des-services/soins-accompagnement/resultats-des-enquetes-sur-les-soins
Etude OBSAN sur les départs professionnels : https://www.obsan.admin.ch/fr/publications/2016-les-professionnels-de-la-sante-sorties-de-leur-profession

~ 3 minEn tant que société, nous confions une mission aux quelque 90’000 professionnels des soins infirmiers (dont près de 90% sont des femmes) et aux quelque 200’000 personnes qui travaillent dans ce domaine en Suisse : Ils sont censés prendre soin de leurs semblables malades, vulnérables, blessés, nouveau-nés et mourants (et souvent aussi de leurs proches et de leur environnement), s’occuper d’eux et être là pour eux. Il ne s’agit pas d’entretenir et de réparer ces patients afin de les intégrer le plus rapidement et le plus complètement possible dans le cycle économique de production et de consommation, mais bien de la dignité inhérente à chaque être humain. Par conséquent, les considérations de rentabilité et de profit entrent en collision frontale avec l’image de soi professionnelle et le code de déontologie des infirmières. Au sens le plus noble du terme, l’être humain dans sa globalité et son intégrité est au centre de leurs préoccupations.

La crise des soins infirmiers coûte des vies humaines

Actuellement, nous plaçons les infirmières dans un dilemme qui fait que beaucoup – très beaucoup – quittent leur profession prématurément, épuisées, frustrées, résignées. Parce que nous leur retirons les moyens de faire leur travail correctement et comme ils ont appris à le faire. En raison de la pression constante et artificielle exercée sur les établissements de soins (hôpitaux, cliniques, foyers, organisations Spitex) pour qu’ils fassent des économies, ils n’ont pas les moyens d’employer suffisamment de personnel infirmier et de lui offrir des conditions de travail décentes. C’est criminel au sens propre du terme, car il est scientifiquement prouvé (et en dehors de cela intuitivement évident) que le manque de personnel infirmier bien formé provoque des décès évitables (plusieurs centaines par an – donc comme un accident d’avion chaque année), des complications évitables et donc des admissions et des traitements hospitaliers inutiles et coûteux. Comme le dit la journaliste américaine Suzanne Gordon, spécialiste des soins infirmiers : « Les infirmières sauvent des vies et économisent de l’argent ». Notre système de santé n’est plus soumis au commandement de la miséricorde, qui est à la base du concept de « service public », mais est asservi à Mammon : les économies sont réalisées par ceux qui font réellement le travail (les coûts des soins infirmiers ne représentent pas 15% des coûts totaux du système de santé) et dépensées à pleines mains là où l’on peut gagner beaucoup d’argent.

De cette manière, notre société – et nous tous – devient coupable envers les personnes qui ont besoin de soins et celles qui les soignent.

Non seulement former, mais permettre des soins dignes

Des années d’efforts de la part de l’association professionnelle des infirmiers et de ses alliés n’ont pas réussi à persuader le Parlement de prendre des mesures efficaces contre la pénurie des soignants. La profession infirmière place son seul et dernier espoir dans l’initiative populaire sur les soins infirmiers, qui a vu le jour en un temps record en 2017. Contrairement au contre-projet indirect (tactique) du Parlement, qui se contente obstinément d’une offensive de formation, l’initiative s’attaque à la racine du problème : oui, nous devons absolument former plus que les 43% de personnel soignant actuellement nécessaires. Mais il ne sert à rien d’injecter des millions et des millions dans la formation si les conditions de travail ne sont pas améliorées en même temps, car sinon le personnel nouvellement formé, qui est payé très cher, continuera à quitter la profession en masse après quelques années seulement. Ou, comme l’a dit la conseillère nationale Flavia Wasserfallen dans l’Arena, c’est comme essayer de gonfler un pneu de vélo sans réparer le trou.

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