~ 3 min

Semaine 4 – 2 – 8 octobre

Méditation

« Le jeûne qui me plaît est celui qui consiste à détacher les liens de la méchanceté, à délier les courroies de toute servitude, à mettre en liberté tous ceux que l’on opprime et à briser toute espèce de joug. … Oui, alors la justice marchera devant toi, et la gloire de l’Eternel sera l’arrière-garde. » Esaïe 58.6-8

Le mot « jeûner » dans le langage populaire signifie « ne pas manger pendant un certain temps, se priver de plaisirs ». Mais dans ce texte, dans lequel Esaïe décrit le « vrai jeûne », il s’agit de bien plus. Il parle de personnes qui vivent dans la misère fût-ce à cause de traitements injustes ou pour d’autres raisons. « Ne te détourne pas de ton prochain » – c’est un message clair !

 

Réflexions politiques

Dans un contexte politique où  « être radin, c’est bien » et dans lequel prédomine une mentalité de vainqueurs, la Bible nous donne comme mission de chercher des solutions qui servent à nos prochains en souffrance (dans notre pays ou dans le monde). Cela implique par exemple d’obtenir l’égalité salariale entre les hommes et les femmes pour le même travail fourni ; de percevoir des taxes là où certaines personnes accèdent facilement à la fortune afin de soulager le sort des moins aisés ; d’intervenir en faveur du commerce équitable en prenant garde d’acheter des aliments produits et négociés de façon équitable ; mais aussi de s’engager pour des lois du commerce international qui soient justes.

En conséquence, nous pouvons également exercer une pression sur les parlementaires pour lesquels nous votons.

Questions

·         Comment puis-je investir (une partie de) mes richesses afin de pouvoir en faire bénéficier les plus pauvres ?

·         Dans quels domaines puis-je acheter des produits du commerce équitable (et payer plus cher) au lieu d’acheter des produits  bon marché chez un grossiste ?

·         Vais-je me renseigner sur le/la politicien-ne que je souhaite élire, pour savoir notamment si il/elle est saisi-e par la miséricorde de Dieu ?

 

Sujets de prière

·         Dimanche 2 octobre : Esaïe 58.61
Montre-nous, chrétien-ne-s suisses, les personnes autour de nous qui sont opprimées – p.ex. des personnes appartenant à un certain groupe que le monde dévalorise – et montre-nous comment nous pouvons les délivrer de cette oppression.

·         Lundi 3 octobre : Esaïe 58.72
Montre-nous, chrétien-ne-s suisses, où se trouvent les nécessiteux dans notre entourage proche ou d’ailleurs –p.ex. les personnes âgées, les personnes avec un revenu modeste – afin que nous puissions leur donner ce dont ils ont besoin.

·         Mardi 4 octobre : Esaïe 58.83
Montre-nous, chrétien-ne-s suisses, les blessures de notre peuple : les doutes quant à la bienveillance de nos dirigeants, la peur pour nos enfants et nos petits-enfants, la peur concernant nos pensions de retraite.
[Donne ces soucis au Seigneur.]

·         Mercredi 5 octobre : Psaume 25.74
Pardonne-nous – moi, ma famille et notre pays – nos attitudes impitoyables et sans miséricorde, [énumérer des exemples concrets] ; nous sommes dépendants de Ta miséricorde pour pouvoir survivre.
[Prends le temps de vivre un processus de repentance – pour toi et les responsables.]

·         Jeudi 6 octobre : Luc 10.255
Donne-nous, Suisses, des yeux pour voir ceux qui se sont fait agresser et aide-nous à faire ce qui est dans nos cordes pour les aider à vivre ; aide-nous afin que nous puissions faire des pas décisifs pour instaurerdes lois justes dans notre pays ; aide-nous aussi à écouter les suggestions des étrangers.

·         Vendredi 7 octobre : Luc 15.206
Aide les politiciennes et politiciens suisses à faire de la place à la compassion.
[Dans la parabole, le père a accueilli le fils perdu avec beaucoup de compassion – « il fut pris d’une profonde pitié pour lui». Sois ouvert à ce que le Seigneur met en mouvement dans ton for intérieur.]

·         Samedi 8 octobre : Matthieu 5.77
Aide-nous, Suisses, à comprendre plus profondément cette vérité : une attitude miséricordieuse nous ouvre à Ta miséricorde.
Si tu es compatissant, tu récolteras une grande promesse – tu feras toi-même l’expérience de la compassion.

 


1. Esaïe 25.6 : «Le jeûne qui me plaît est celui qui consiste à détacher les liens de la méchanceté, à délier les courroies de toute servitude, à mettre en liberté tous ceux que l’on opprime et à briser toute espèce de joug. »

2. Esaïe 58.7 : « C’est partager ton pain avec ceux qui ont faim, et offrir l’hospitalité aux pauvres sans abri, c’est donner des habits à ceux que l’on voit nu, ne pas te détourner de ton prochain. »

3. Esaïe 58.8 : « Alors, comme l’aurore, jaillira ta lumière, ton rétablissement s’opérera bien vite. Oui, alors la justice marchera devant toi, et la gloire de l’Eternel sera l’arrière-garde. »

4. Psaume 25.7 : «Ne tiens plus compte de ce péchés de ma jeunesse, de mes fautes passées, mais traite-moi selon ta grâce, ô Eternel, toi qui est bon ! »

5. Luc 10.25 et suivants : Parabole du bon samaritain – le plus important des commandements.

6. Luc 15.20 : «Il se mit donc en route pour se rendre chez son père. Comme il se trouvait encore à une bonne distance de la maison, son père l’aperçut et fut pris d’une profonde pitié pour lui. Il courut à la rencontre de son fils, se jeta à son cou et l’embrassa longuement. »

7. Matthieu 5.7 « Heureux ceux qui témoignent de la bonté, car Dieu sera bon pour eux. »

~ 4 min

Semaine 3 – 25 septembre – 1 octobre

Méditation

« Il a aussi le pouvoir de vous combler de toutes sortes de bienfaits : ainsi vous aurez en tout temps et en toutes choses, tout ce dont vous avez besoin, et il vous en restera encore du superflu pour toutes sortes d’œuvres bonnes, ainsi qu’il est écrit : On le voit donner largement aux indigents. Il demeure pour toujours approuvé par Dieu. » (2 Cor. 8.10).

Qui de nous ne se soucie pas de temps à autre de savoir s’il a assez d’argent ? S’il peut ou non se permettre telle ou telle dépense ? Si son argent suffit pour couvrir ses besoins élémentaires ? Nous n’avons pas besoin de nous faire de souci. Dieu est celui qui pourvoit. Il nous offre tout. Il ne veut pas seulement nous couvrir de cadeaux, mais Il veut que tous en profitent. Au travers de nous. Il nous donne assez afin que nous puissions généreusement partager avec les nécessiteux. Il en résulte alors une situation de « gagnant-gagnant » : les nécessiteux obtiennent ainsi les moyens de subsistance nécessaires et nous pouvons en tirer parti. La richesse – et surtout l’avidité susceptible de l’accompagner – peut en effet nous séparer de Dieu. En nous séparant de nos richesses, nous les remettons à la bonne place et nous nous délivrons de l’obstacle qui nous empêche de vivre une vie en abondance.

Réflexions politiques

« C’est l’économie, idiot ! » Cette phrase de la campagne électorale de Clinton est devenue proverbiale. Elle signifie que celui qui veut gagner les élections doit mettre l’économie au centre de sa campagne. Une politicienne qui ne promet pas de croissance économique ne peut pas gagner. En Suisse, la sécurité financière est tout en haut de la liste des priorités.

Tous les pays (ou presque) ne peuvent qu’envier le niveau de vie que la Suisse a atteint. Ce pays est en outre l’un des centres financiers les plus importants. C’est un cadeau, une responsabilité mais aussi un danger ; et ce danger se manifeste lorsque nous nous sacrifions pour maintenir ce niveau de vie. C’est le cas lorsque nos banques engrangent des bénéfices malpropres tous azimuts alors que la politique se contente de sourire béatement sans prendre de mesures (secret bancaire, « too big to fail » etc.)

Le fait que des entreprises pilotent la politique en donnant aux partis plusieurs millions de francs est aussi un sujet très délicat. La Suisse est le seul pays démocratique qui ne connaît pas de régulation sur le financement des partis.

Le texte biblique en introduction montre que nous ne devons pas laisser le dieu Mammon donner le ton. Notre seul chef est au ciel. Il peut remplacer notre peur du « pas assez » par une passion pour le partage, même jusqu’en politique.

Questions

·           Quelles sont les valeurs que je sacrifie sous prétexte de vouloir garder le bien-être de la Suisse ?

·           Quels actes empreints de générosité est-ce que je pourrais promouvoir politiquement ?

Sujets de prière

·         Dimanche 25 septembre : 1 Timothée 6.181
Aide-nous, Suisses rassasiés, à placer les besoins des nécessiteux au-dessus de l’augmentation de notre niveau de vie.

·         Lundi 26 septembre : Jérémie 22.132
Aide-nous, Suisses, à dire oui à des pratiques légales et morales du commerce, et bénis particulièrement les banques et les sociétés de matières premières qui suivent ces pratiques et se privent ainsi de plus gros bénéfices.

·         Mardi 27 septembre : Lévitiques 19.153
Aide-nous, Suisses, afin que l’argent des riches ne puisse pas acheter l’influence politique et procure personnellement aux démunis une voix forte et solide au parlement.

·         Mercredi 28 septembre : Matthieu 6.244
Aide-nous, Suisses, à utiliser les marchés pour le bien-être des personnes et puisses-Tu renverser les marchés là où ces derniers sont devenus un dieu.

·         Jeudi 29 septembre : Matthieu 6.335
Sois Celui qui pourvoit pour nous, donne tout ce dont nous avons besoin dans notre pays – la paix et la prospérité nécessaires à la vie – et donne-nous la confiance que Tu vas le faire.

·         Vendredi 30 septembre : Esaïe 25.4 6
Nous te demandons la protection pour les personnes qui souffrent des conséquences des spéculations – sur la nourriture et les matières premières – menées par des sociétés dont le siège est en Suisse ; mets en lumière ces rapports complexes entres les marchés mondiaux et qui souvent dépassent l’entendement de nos politiciens.

·         Samedi 1er octobre : Amos 5.247
Nous te demandons que la voix de la justice prévale dans les débats politiques sur la baisse des impôts, la fraude fiscale et la concurrence fiscale.

 


1. 1 Timothée 6.18 : «Recommande-leur de faire le bien, d’être riche en œuvres bonnes, d’être généreux et de partager avec les autres. »

2. Jérémie 22.13 : « Malheur à celui qui bâtit sa maison par l’injustice et qui ajoute des pièces à l’étage en violant l’équité, qui fait travailler son prochain pour rien, sans lui donner ce que vaut son travail. »

3. Lévitiques 19.15 : « Vous ne commettrez pas d’injustice dans les jugements. Tu n’avantageras pas le pauvre, et tu ne favoriseras pas le grand ; tu jugeras ton prochain selon la justice. »

4. Matthieu 6.24 : « Nul ne peut en même temps être au service de deux maîtres, car ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il sera dévoué au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir en même temps Dieu et l’Argent. »

5. Matthieu 6.33 : « Faites donc du règne de Dieu et de ce qui est juste à ses yeux votre préoccupation première, et toutes ces choses vous seront données en plus. »

6. Esaïe 25.4 : « Car tu es un refuge pour celui qui est pauvre et une forteresse pour l’indigent dans sa détresse. Tu es un sûr abri contre la pluie d’orage et tu es notre ombrage au temps de la chaleur. »

7. Amos 5.24 : « Mais que le droit jaillisse comme une source d’eau, que la justice coule comme un torrent puissant ! »

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Semaine 2 – 18-24 septembre

Méditation

« Tu n’exploiteras pas l’étranger qui vit dans ton pays et tu ne l’opprimeras pas, car vous avez été vous-mêmes étrangers en Egypte. » Exode 22.20

« C’est dans la foi que tous [les héros de la foi] sont morts sans avoir reçu ce qui leur avait été promis. Mais ils l’ont vu et salué de loin, et ils ont reconnu qu’ils étaient eux-mêmes étrangers et voyageurs sur la terre. » Hébreux 11.13

A des dizaines de reprises, l’Ancien Testament ordonne de protéger les étrangers. Pour Dieu, les étrangers font partie de ceux qui ont le plus besoin de protection. La raison de cette protection est expliquée par le fait qu’Israël aussi a été étranger (cf. ci-dessus). Or, Jacob était un immigrant économique en Egypte avec ses fils (Gen. 42ss.).

L’attitude de Dieu envers l’étranger transparaît encore plus clairement dans le Nouveau Testament : Dieu rejoint Sa Création en tant qu’étranger incarné en Jésus (Jean 1.11).

Jésus appelle ses disciples à être étrangers au même titre que lui : comme lui, ils sont dans le monde, mais non pas du monde (cf. Jean 17:11.14). Le passage de l’Epître aux Hébreux (cité ci-dessus) illustre cette réalité de manière très nette. En tant que «voyageurs sur terre» nous autres chrétien-ne-s suisses sommes des étrangers dans notre pays ! Ceci nous rendra humbles et nous donnera une compréhension particulière pour nos contemporains étrangers.

Jésus a été clair : grâce à son amour, il nous permet de vaincre nos peurs de l’étranger. Il est certain que Dieu ne nous abandonnera pas si nous suivons son commandement en accueillant l’étranger le cœur ouvert.

Réflexions politiques

Dans le contexte politique actuel, le sujet des étrangers et presque toujours abordé d’un point de vue négatif : surpopulation étrangère, chômage, manque d’intégration, criminalité. Ceci exprime des angoisses que la politique se doit de considérer pour autant qu’elles soient justifiées par les faits. Malheureusement, les aspects positifs ne sont évoqués que rarement : enrichissement culturel (musique), innovation (Nicolas Hayek), joie de vivre, mets (kebab !) etc.

Dans ce contexte, le peuple suisse a fortement durci la politique des étrangers ces dernières années.1 Aujourd’hui, des efforts sont même fournis pour abroger la loi contre le racisme. La seule raison logique pour une telle mesure serait de pouvoir dénigrer, impunément, des populations entières. Pourtant, en tant que chrétien-ne-s, nous ne devrions pas juger une personne selon ses origines.

Questions

·        Qu’est-ce qui me fait peur par rapport aux étrangers ? Que me fait plaisir ?

·        Comment puis-je vivre l’hospitalité divine face aux étrangers ? Personnellement, avec mon Eglise, en politique ?

Prière

§         Dimanche 18.9. : Jean 1.112
Aide-nous, chrétien-ne-s suisses, à mieux comprendre ta nature « étrangère » dans le monde et en Suisse ;merci d’être venu à nous.

§         Lundi 19.9. : Hébreux 11.133
Aide-nous, chrétien-ne-s suisses, à mieux ressentir d’être étrangers en Suisse et, malgré cela, à nous décider d’être « dans » la Suisse.

§         Mardi 20.9. : Exode 22.204
Aide-nous, chrétien-ne-s suisses, à nous identifier avec nos contemporains étrangers ; donne-nous des rencontres génératrices de confiance.

§         Mercredi 21.9. : Jean 13.85
Aide-nous, Suisses, à déposer notre suffisance, à ne plus croire que nous (Suisses, chrétiens etc.) serions meilleures et nos arguments infaillibles ; apprends-nous discuter de façon humble et factuelle.

§         Jeudi 22.9. : Mathieu 25.356
Aide-nous, Suisses, à ouvrir nos cœurs, nos maisons et notre pays pour les étrangers, afin d’honorer Toi et Ton nom.

§         Vendredi 23.9. : Philippiens 3.4-5,7-87
Aide-nous, Suisses, à ne pas nous enorgueillir pour notre origine, mais que nous puissions te « gagner, le Christ ».

§         Samedi 24.9. : Jérémie 29.78
Aide les étrangers en Suisse à être reconnaissants pour leur pays d’accueil et à s’engager dans la prière et par des actions concrètes en faveur de la Suisse.

 


1. Loi sur l’asile et les étrangers, interdiction des minarets, initiative pour le refoulement…

2. Jean 1.11 : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. »

3. Hébreux 11.13 : « C’est dans la foi que tous ces gens [les héros de la foi] sont morts sans avoir reçu ce qui leur avait été promis. Mais ils l’ont vu et salué de loin, et ils ont reconnu qu’ils étaient eux-mêmes étrangers et voyageurs sur la terre. »

4. Exode 22.20 : « Tu n’exploiteras pas l’étranger qui vit dans ton pays et tu ne l’opprimeras pas, car vous avez été vous-mêmes étrangers en Egypte. »

5. Jean 13.8 : « Jésus répondit à Pierre : Si je ne te lave pas, il n’y a plus rien de commun entre toi et moi. »

6. Mathieu 25.35,40 : Jésus dit : « J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli chez vous… Vraiment, je vous l’assure : chaque fois que vous avez fait cela au moindre de mes frères que voici, c’est à moi-même que vous l’avez fait. »

7. Philippiens 3.4-5,7-8 : « Si quelqu’un croit pouvoir se confier en ce qui vient de l’homme, je le puis bien davantage : … je suis Israélite de naissance, de la tribu de Benjamin, de pur sang hébreu… Toutes ces choses constituaient, à mes yeux, un gain, mais à cause du Christ, je les considère désormais comme une perte. Je vais même plus loin : tout ce en quoi je pourrais me confier, je le considère comme bon à être mis au rebut, afin de gagner le Christ. »

8. Jérémie 29.7 : « Recherchez la prospérité de la ville où je vous ai déportés et priez l’Eternel en sa faveur, car de sa prospérité dépend la vôtre. »

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Semaine 1 – 13-17 septembre

Méditation

« « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! « … Après avoir entendu ces paroles, ils s’esquivèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés… » (Jean 8.7,9). En effet, les pharisiens et les scribes réalisent qu’ils ont tous péché.

Même nous, croyants, nous ne sommes pas automatiquement « bons ». Nous aussi, nous continuons à pécher et avons besoin d’être pardonnés. C’est pour cela que Jésus lavera les pieds de ses disciples et les exhortera à en faire autant les uns pour les autres (Jean 13). La Bible nous enseigne que nous devons haïr le péché, mais aimer le pécheur…jusqu’à aimer notre ennemi (Matt. 5.44). De même pour l’adversaire politique : il est avant tout une personne aimée de Dieu. Nous devons l’aimer à notre tour, c’est à dire le regarder comme une créature de Dieu. Lui aussi cherche probablement à faire le bien, mais au plus profond de lui il est sous l’emprise de la peur (comme nous), ce qui peut engendrer des attitudes stériles.

 

Réflexions politiques

L’attitude face aux adversaires politiques s’est modifiée au cours des années 1990. Elle est aujourd’hui davantage marquée par le mépris. Les adversaires sont tournés en ridicule, comme ce fut le cas pour le Conseiller fédéral Joseph Deiss lorsqu’il annonça sa démission. Le conseiller national Christoph Mörgeli insulte régulièrement ses opposants en les traitant de petit bourgeois, d’illuminé, d’envieux, etc. Et les Jeunes UDC zurichois ont publié une bande dessinée dans laquelle certains conseillers fédéraux sont présentés comme des prostituées, des homosexuels ou des fainéants. Certaines affiches politiques présentent les opposants comme des rats ou des corbeaux.

A gauche, les attaques verbales ciblent les riches (p.ex: M. Ospel) et le Black bloc pousse jusqu’au recours à la violence. Malheureusement, seule une partie de la gauche s’en démarque clairement. Ainsi, une culture de la dévalorisation de la personne, doublée d’attaques personnelles, s’est installée. Souvent, on part du principe que l’« autre » est « de toute façon malveillant », voire simplement naïf ou stupide. Il ne s’agit plus d’idées ou d’actes qui seraient bons ou mauvais: leurs auteurs sont tout simplement classés « bons » ou « méchants ».

Pourtant, devant Dieu nous n’avons aucun droit de nier aux autres leur dignité, car toute personne est créée et aimée par Lui. La Bible parle ouvertement du péché et de la grâce sans pour autant remettre en cause l’amour réservé aux êtres humains. Bien plus : elle nous met face à un miroir et affirme que nous ne sommes pas meilleurs que les autres (Rom. 3.10).

 

Questions

·        Comment est-ce que je parle de ceux qui ont un avis politique différent ?

·        Quand ai-je intercédé pour la dernière fois en faveur d’un adversaire politique ?

 

Sujets de prière

·        Mardi 13 septembre : Jean 8.71
Aide-nous, Suisses, à ne pas chercher de bouc émissaire, mais à comprendre les aspects structurels derrière une problématique et à en chercher une solution bonne pour tous.

·        Mercredi 14 septembre : Matthieu 5.442
Aide-nous, Suisses, à ne pas voir l’autre comme un danger, mais à croire que Dieu pourvoira à nos besoins.

·        Jeudi 15 septembre : Romains 5.83
Aide-nous, Suisses, à ne pas classer les gens en « bons » et « méchants », mais à déposer notre peur d’autrui et à voir en chacun une personne aimée de Dieu.

·        Vendredi 16 septembre : 2 Timothée 1.74
Aide-nous, Suisses, à ne pas laisser la place aux peurs et au mépris, mais ouvre nos yeux et oreilles à ta force, ton amour et ton intelligence ; fais que les voix de la crainte et du dédain ne soient pas écoutées.

·        Samedi 17 septembre : Matthieu 5.21+225
Garde-nous, Suisses, d’utiliser la violence comme moyen politique, y compris pour amener le bien ; envoie Ton Esprit dans nos cœurs et protège la Suisse.

 


1. Jean 8.7 : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! »

2. Matthieu 5.44,45 : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. Ainsi vous vous comporterez vraiment comme des enfants de votre Père céleste, car lui, il fait luire son soleil sur les méchants aussi bien que sur les bons, et il accorde sa pluie à ceux qui sont justes comme aux injustes. »

3. Romains 5.7,8 : « Mais voici comment Dieu nous montre l’amour qu’il a pour nous : alors que nous étions encore des pécheurs, le Christ est mort pour nous. »

4. 2 Timothée 1.7 : « Dieu nous a donné un Esprit qui, loin de faire de nous des lâches, nous rend forts, aimants et réfléchis. »

5. Matthieu 5.21,22 : « Vous avez appris qu’il a été dit à nos ancêtres : ‘Tu ne commettras pas de meurtre. Si quelqu’un a commis un meurtre, il en répondra devant le tribunal.’ Eh bien, moi, je vous dis : Celui qui se met en colère contre son frère sera traduit en justice. Celui qui lui dit ‘imbécile’ passera devant le tribunal, et celui qui le traite de fou est bon pour le feu de l’enfer. »

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Sous ce titre provocateur, j’aimerais mettre en évidence la séduction qu’exercent les idées de la droite conservatrice et nationale sur une partie des chrétiens en particulier évangéliques. J’aimerais montrer comment ces idées qui semblent bibliquement acceptables contredisent en fait la bible. Je tenterai d’expliquer comment ces idées essayent de coloniser l’enseignement biblique et les Églises. Ce thème est tout à fait d’actualité car Jean-Marie Le Pen s’est souvent montré à l’Église et Christophe Blocher invoque le nom de Dieu dans certaines de ses déclarations1

 

Comment définir et identifier les idées de la droite conservatrice et nationale ?

Il est évidemment difficile de répondre de façon exhaustive à la question dans ce texte car la droite conservatrice et nationale est une frange très large et complexe du champ politique et comporte en son sein diverses tendances et mouvements parfois même en conflit entre eux. Je me baserai pour cette réflexion sur la droite conservatrice et nationale actuelle en particulier sur les discours et idées qu’on trouve dans une frange de l’UDC ou du Front National en France. Je tenterai de définir quelques idées que je confronterai directement aux textes bibliques en montrant comment ils semblent faussement dans la ligne de la Bible.

Xénophobie, chauvinisme et décadence nationale

La première idée que l’on retrouve dans la droite conservatrice et nationale est l’importance de la nation2 qui mène souvent au racisme, à la xénophobie et à l’antisémitisme. Cette idée séduit certains chrétiens, car ils peuvent penser que les étrangers venant en Suisse ont d’autres religions ou valeurs, ce qui déchristianiserait automatiquement la Suisse (ou la France). Cela abonderait dans le sens de beaucoup de textes l’ancien testament demandant aux Israélites de se séparer3 des peuples païens vaincus afin de ne pas se laisser « contaminer » par leurs pratiques religieuses différentes. De même, nous pourrions prendre des versets de 2. Corinthiens4 « ne formez pas avec les incroyants un attelage disparate… » etc. A tout cela est lié aussi le thème de la décadence nationale soi-disant due à la pénétration de personnes ethniquement différentes qui aurait pour conséquence de changer l’identité de la nation ce provoquerait sa disparition5.

 

A tout cela, il faut tout d’abord dénoncer une très grande hypocrisie car selon cette thèse, tout le mal proviendrait uniquement de l’extérieur comme si le simple croyant ou l’Église n’en était nullement responsable. Pourtant, Jésus, dans un de ses enseignements qui a heurté les pharisiens, a affirmé que ce qui souille l’Homme provient de l’intérieur, en particulier du cœur6. On ne peut donc pas dire que ce sont simplement des choses provenant de l’extérieur qui peuvent détruire la foi ou déchristianiser une nation. En effet, le chrétien doit reconnaître ses propres erreurs et péchés et pas seulement accuser le monde extérieur d’en être coupable. Cette thèse d’extrême droite cache aussi l’arrogance de penser que sa nation est meilleure que les autres et que tous les maux proviennent uniquement de l’extérieur. Cela empêche de se remettre fondamentalement en question et donne une image naïve et féerique d’une Suisse originellement pure et sans péché, ce qui est anti-biblique, « car tous ont péché et privés de la gloire de Dieu »7. C’est vrai qu’il y a déchristianisation de la société occidentale, mais peut-on en accuser exclusivement les influences provenant de l’extérieur ? Comment de plus affirmer une supériorité morale d’une ethnie ou d’une nation à la lumière de ces textes de la Bible ? Il est vrai que notre pays a reçu la grâce de Dieu à travers le libre accès à la Bible ou l’œuvre de Réformateurs (avec des pages sombres, je l’admets), mais nous ne l’avons nullement mérité par nos propres œuvres.

Pour ce qui est de la thèse d’une soi-disant décadence, il faudrait distinguer entre une décadence de type spirituel comme le fait de s’éloigner de Dieu ou d’aller contre les valeurs judéo-chrétiennes et l’idée de décadence dont parle la droite conservatrice et nationale. Le premier phénomène existe. On peut l’illustrer par le fait que dans l’ancien testament, les israélites s’éloignent de la loi et vivent de façon dissolue, avec encore une montée de la violence, de la corruption, de l’oppression sociale, 8etc. En revanche, la droite conservatrice et nationale parle de la décadence de la nation due selon elle aux étrangers, francs-maçons, etc. Elle idolâtre la nation, alors que les prophètes de l’ancien testament ne sont pas xénophobes, mais dénoncent les violations de la Loi par les israélites. La décadence nationale dont parle la droite conservatrice et nationale n’a donc rien avoir avec l’éloignement de Dieu de son peuple. Comme précédemment, il y a ici une hypocrisie à dénoncer, car il est simpliste de dire que tous les maux de la société viennent de l’extérieur et en particulier des étrangers et de la mondialisation. Le fait de choisir de suivre Dieu ou non, dépend finalement de nous-mêmes et non pas exclusivement d’une influence extérieure. Finalement, je ne trouve rien dans la Bible qui demande absolument de sauvegarder l’unité nationale et de lutter contre de prétendues influences étrangères néfastes. Il ne faut donc pas confondre le patriotisme avec la fidélité à Dieu. D’ailleurs ce n’est pas l’unité nationale qui sauve ou qui permette de maintenir la l’unité du pays, mais plutôt les enseignements de la Bible concernant l’amour du prochain, la solidarité, etc. qui contribuent à maintenir le lien social.

L’autoritarisme

Une valeur revenant souvent dans les discours de la droite conservatrice et nationale est l’autoritarisme. L’idée est qu’il faut un régime fort pour protéger la collectivité contre les agressions extérieures ou pour plus de sécurité au niveau intérieur. Il y a ici une sorte de fascination ou d’idolâtrie du chef9 sensé assurer l’unité de la nation et lui donner une direction claire. Cela a souvent pour conséquence le rejet du système politique actuel et le désir de changer les institutions au niveau fondamental. Dans l’extrême droite, on considère que la démocratie est une forme d’anarchie qui dissout la nation dans l’individualisme. Dans le cas des mouvements de la droite nationale actuels, on pourrait citer comme exemple l’insistance constante de l’UDC de se référer au peuple comme ultime instance de décision en stigmatisant systématiquement la classe politique. Ce qui a l’air en apparence innocent s’oppose de fait à la séparation fondamentale des trois pouvoirs (exécutif, judiciaire et législatif) ainsi de la constitution et des droits fondamentaux qui devraient garantir les droits individuels face au collectif. C’est une sorte d’idolâtrie des droits populaires10. La base de la démocratie suisse implique le pluralisme, la séparation des pouvoirs et non un système où les votations populaires seraient érigée en dogme absolu et accumulerait tous les pouvoirs.

 

Il est vrai que le système démocratique doit être critiqué, notamment pour qu’il puisse s’améliorer. Une majorité de citoyens pourrait dicter aux autres leurs conditions, ce que redoutait déjà Tocqueville11. Néanmoins, je n’ai jamais vu dans la Bible des passages demandant aux Israélites d’avoir un régime autoritaire ou conseillant aux Chrétiens de déléguer tout leur pouvoir à un leader charismatique ou un conseil restreint ressemblant à un politburo « à la soviétique ». Dans l’ancien testament, Dieu condamne d’ailleurs l’attitude des Israélites voulant un roi comme les autres nations12 et les sauve par des leaders charismatiques choisis pour un temps seulement13. Dans le nouveau testament, Jésus se présente à ces disciples comme celui qui les sert et non comme quelqu’un d’autoritaire qui les écrase14. Cet autoritarisme mène aussi à un idolâtre du chef, ce que par là- même Dieu condamne, quand il dit que les Israélites le rejettent en voulant un roi. Nous voyons donc que l’autoritarisme prôné par l’extrême droite contredit la bible et ouvre la porte à l’idolâtrie du chef. Remarquons encore l’aspect purement matérialiste de l’autoritarisme. L’extrême droite fait confiance à un homme, alors que la Bible nous demande de faire confiance à Dieu et d’avoir une relation personnelle avec lui.

Glorification et nostalgie du passé

Un autre grand mythe de la droite nationale et conservatrice consiste à dire que le passé était globalement meilleur et que nous vivons à l’heure actuelle une sorte de décadence nationale due par exemple aux juifs, aux musulmans, à l’afflux d’immigrés ou à la jeunesse consommant de plus en plus de drogues et s’habillant de façon de plus en plus frivole. Cette glorification du passé pourrait tout à fait faussement trouver des fondements bibliques. En lisant de façon simpliste l’apocalypse, le chrétien pourrait être porté à croire que la fin du monde est proche et que celui-ci est entièrement aux mains du Diable, ce qui donne une image extrêmement pessimiste et sombre pour l’avenir. Cela amène une vision très simpliste où le passé semblerait meilleur à cause de ces prévisions apocalyptiques.

 

La glorification du passé est pourtant erronée pour plusieurs raisons. La première est que les œuvres de l’Église ayant permis une amélioration de l’avenir sont complètement négligées. Peut-on mettre dans les poubelles de l’histoire la fondation de la Croix- Rouge, l’Armée du Salut ainsi que toutes les œuvres de Calvin, Luther, Saint- Augustin, Thomas d’Aquin, etc. Ces personnes et événements ont pourtant permis des progrès sociaux et spirituels notables dont nous récoltons les fruits encore aujourd’hui. Voudrait-on glorifier le passé comme le Moyen- Age où l’illettrisme empêchait de lire la bible ? Pourquoi glorifier les années 60’ ou 50’ en pensant qu’elles étaient soi-disant meilleures car il n’avait pas de punks ou de fumeurs de joints ? Je ne pense pas que les textes de la bible nous invitent à la nostalgie d’un passé perdu imaginaire, mais plutôt à construire le royaume de Dieu et la préparer la seconde venue du Christ15. Remarquons d’ailleurs que retourner au jardin d’Eden n’est pas la finalité de l’Apocalypse. En revanche, on y parle d’une ville avec des habitants et Dieu en leur milieu16. La glorification et la nostalgie du passé ne peuvent donc pas être considérées comme une valeur biblique. Nous ne devrions donc pas être attirés par elle. Le chrétien nostalgique du passé est dominé par le pessimisme, et vit dans la peur de l’avenir, alors qu’il devrait reconnaître la toute puissance et la souveraineté de Dieu, malgré les difficultés actuelles17.

Croyance en un complot central mondial visant à contrôler le monde

Cet élément est souvent présent dans les discours de la droite conservatrice et nationale. Certains pensent qu’il s’agit des juifs qui contrôleraient les rouages du pouvoir ou de l’économie. D’autres pensent qu’il s’agit des francs-maçons. Cela se traduit souvent par un discours anti-establishment en disant que les politiciens sont tous pourris et tous les mêmes avec l’idée qu’ils se connaissent tous entre eux et prennent leurs décisions sur le dos du peuple. Cette idée de centralité et d’universalité d’un complot peut tout à fait correspondre à l’image que nous pouvons avoir du diable. Cela ouvre la question présente dans le nouveau testament de savoir qui est l’antéchrist.

Malgré d’apparentes similitudes, il n’est pourtant pas possible de mettre sur le même plan l’action de Satan décrite dans la bible et l’idée d’un complot universel et anti-national qu’affirme la droite conservatrice et nationale. En effet, en regardant la bible et l’histoire, notamment la question de la signification du chiffre de la bête (666), nous constatons que l’antéchrist a été l’empereur romain Néron, l’Église catholique, voire même ironiquement la Migros qui « ruinait » les épiciers des années 30 et 40 en Suisse comme ce que disaient certains à cette époque. Deuxièmement, Satan attaque aussi l’individu et les Églises, et son action ne se réduit pas seulement au plan politique ou institutionnel.

La deuxième objection est qu’il est réducteur d’avoir une vision aussi simpliste de la politique et des politiciens. S’il y avait un complot de cette taille, il n’y aurait plus alors de conflits politiques ou de divisions dans l’élite politique.

 

La troisième objection à cette vision est qu’elle oublie le rôle de Dieu en particulier sa souveraineté face à Satan. Ce dernier est toujours soumis à Jésus. Cette vision est donc à nouveau simpliste et toute humaine, car c’est nous avons à faire à une lutte entre humains et réduite à un niveau politique. D’ailleurs, il faut se demander où est la dimension spirituelle, de repentance, etc. En effet, le combat spirituel contre le mal ne doit pas seulement être tourné vers des ennemis physiques extérieurs, mais demande aussi une réflexion et un travail sur soi, par la sanctification et la remise en question de ses propres comportements et valeurs face à Dieu. Finalement, être tout le temps concentré sur un complot « satanico-politique » empêche de se rendre compte de la souveraineté de Dieu et du progrès de l’évangile dans nos vies et dans le monde qui nous entoure. Je ne pense pas qu’il soit biblique de se lever chaque matin avec l’obsession d’un complot universel à combattre. Il serait beaucoup plus sain de chercher Dieu, s’ouvrir à Lui et voir ses œuvres et reconnaître sa souveraineté pour en recevoir un encouragement.

Conclusion

Nous voyons donc à travers les constats ci-dessous que les affirmations principales et les fondements de la droite conservatrice et nationale entrent en contradiction flagrante avec les enseignements des textes de la Bible. Cette discussion montre tout d’abord la différence de fondement entre les idéologies de cette droite et la bible. La bible a pour fondement Dieu et demande que l’on se rapproche de lui, alors que la droite conservatrice et nationale se fonde sur la nation et le groupe ethnique. C’est de là que tout commence à diverger. La droite conservatrice et nationale fait l’apologie de l’autorité et de l’obéissance, alors que Dieu se présente comme un Dieu juste et qui fait grâce. Il y a certes des aspects « terribles » comme la punition des israélites dans l’Ancien Testament, mais il est difficile de réduire cela à de l’autoritarisme pur. Pour ce qui est du passé, la mécanique est inverse, car Dieu agit pour l’avenir. Rappelons ici que les prophètes prédisent l’avenir du peuple d’Israël et la venue du Christ, alors que la droite nationale et conservatrice tire son fondement des mythes du passé. L’approche est donc complètement différente. Finalement, l’obsession du complot contredit la théologie du Dieu souverain malgré les circonstances difficiles de son peuple. Ce dernier point met en évidence la nature réelle de la droite nationale et conservatrice : elle reste matérielle en ne considérant que l’humain, ce qui exclut le Dieu de la bible.

Bibliographie

CHEVALLIER, J-J. (1970), Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, Paris, Armand Colin, pp. 217-234.

ROBERTSON, D. (1985) Dictionnary of politics, Hammondsworth, Middlesex, England, Penguin books ltd.

 

Thomas Tichy, 17 janvier 2005

 


1. Le lien entre le Front National et l’UDC n’est pas forcément évident. Pourtant, leurs thèmes de compagne sont similaires : immigration, insécurité, contestation du système et de « l’establishment » politique, valeurs traditionnelles, etc. A la fin des années 80, le mouvement Vigilance à Genève a essayé (en vain) d’inviter J-M Le Pen à Genève et certains de ces membres sont allés aux fêtes annuelles du FN. Ces mêmes personnes dirigent aujourd’hui la section UDC de Genève (source : Les dossiers du Canard, pp. 96-97, mars 1990). Le FN, dans un communiqué de presse officiel (22 oct. 2003), se félicite de la percée de l’UDC aux dernières élections fédérales (http://www.frontnational.com/quotidien_detail.php?id_qp=101&art=1). Le site du FN contient une liste de liens dont l’UDC fait partie.

 

2. Historiquement, on considère que le nationalisme émerge avec la révolution française. La gauche de l’époque rejette la noblesse et l’inégalité des classes pour dire, en gros, que tous les français sont égaux et frères (fraternité). Avec l’évolution sociale, la bourgeoisie ayant pris le pouvoir lors de la révolution, une nouvelle opposition demande que tous les Hommes soient frères. C’est ainsi que la gauche de l’époque glisse dans l’internationalisme en demandant une fraternité dépassant les frontières de la France. Le nationalisme passe donc de la gauche à la droite ce qui est encore à peu près le cas aujourd’hui. Une illustration de ceci peut être l’affaire Dreyfus où le nationalisme est passé de gauche à droite.

3. Esdr. 10: 2-11; Né. 13: 23-31. Lv. 20: 23-26.

4. 2. Co. 6: 14.

5. Les 2 textes de base du programme de l’UDC sont intéressants à évoquer pour illustrer mes propos : http://www.svp.ch/file/Plattform_franz.pdf. p. 40, l’introduction suggère que la proportion élevée (plus que chez nos voisins) est globalement négative (abus du droit d’asile, criminalité, etc.). Autre exemple :

Prendre soin du droit de citoyenneté (Juillet 2001)http://www.svp.ch/file/f2001.01Integrationspapier.doc

6. Marc 7:18. Il (Jésus) leur dit: Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller?

7. Rm. 3: 23.

8. Am. 2: 6-16; Mi. 6: 9- 7: 6. Os. 4: 1-14.

9. On parle aussi du „Führerprinzip“ comme modèle d’organisation des partis d’extrême droite. L’idée de « Führerprinzip » ou sous sa forme atténuée de leader charismatique pourrait se retrouver dans n’importe quel parti ou mouvement dans lequel le président où le comité central ne sont jamais critiqués publiquement, où les désaccords sont considérés comme une trahison et où finalement tout est uniforme. Notons que ce type de phénomène se retrouve aussi à gauche avec le concept du « centralisme démocratique ».

10. L’UDC demande par exemple que les naturalisations se fassent par vote populaire, un peu comme si le peuple était infaillible, en affichant un mépris pour les procédures administratives. Celles-ci, quoique imparfaites, garantissent par exemple l’égalité de traitement et sont beaucoup plus prévisibles.

http://www.udc.ch/index.html?&page_id=1176&node=67&level=1&l=3

Rappelons encore ici que cette approche était l’apanage des penseurs de l’extrême -droite française comme Charles Maurras (1868-1952) ou du constitutionaliste allemand Karl Schmitt (1888-1985) impliqués par la suite dans la collaboration ou le nazisme. http://en.wikipedia.org/wiki/Carl_Schmitt

11. ROBERTSON, D. (1985) Dictionnary of politics, Hammondsworth, Middlesex, England, Penguin books ltd pp. 78-79.

12. 1. S. 8: 7.

13.  V. livre des Juges ex: Jg. 4.

14. Luc 22: 24-27: 24 Il s’éleva aussi parmi les apôtres une contestation: lequel d’entre eux devait être estimé le plus grand?25 Jésus leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui les dominent sont appelés bienfaiteurs.26 Qu’il n’en soit pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert.27 Car quel est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert? N’est-ce pas celui qui est à table? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert.

15. Mt. 6: 33-34. 2 Pi. 3: 12.

16. Ap. 21: 1-2.

17. 1. Pi. 1: 6-7. Et 1. Pi. 5: 9-11.

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40 jours de prière : pour une Suisse où l’amour se manifeste

Avant les élections fédérales (23.10.11) ChristNet lance une campagne de prière de 40 jours : «Prier+Voter2011». Seul l’Esprit Saint peut pousser les Suisses à donner plus d’importance à la miséricorde qu’à leurs peurs et à élire des candidats en fonction. As-tu envie d’une Suisse où l’amour se manifeste ? Alors participe à ce mouvement de prière avant les élections !

Emotions ou politique factuelle ?

Lors des votations, les émotions sont décisives. Les agences de marketing en sont conscientes et préparent les campagnes en tenant compte de cette réalité. Les émotions et les peurs présentes sont exploitées et, si possible, renforcées. Les élections fédérales du 23 octobre ne feront pas exception. Des émotions à exploiter, il y en a. Voici les soucis principaux des Suisses : les «étrangers», l’énergie nucléaire et la préservation de notre opulence.

Depuis les années 1990, le «Baromètre des craintes» (Institut GfS) est à la hausse et, depuis dix ans, le climat psychologique de la Suisse (Institut Demoscope) reflète une tendance à se méfier davantage, à se replier sur soi et à rechercher de l’appui dans les traditions et la communauté nationale. Ces peurs ont contribué à envenimer le climat politique, l’autre étant perçu comme un danger pour le bien commun.

La peur et l’argent

Parallèlement, Mammon est puissant en Suisse : nous dépensons plus d’argent par habitant pour les campagnes politiques qu’aux Etats-Unis, par exemple. Il a été démontré que la propagande électorale développe d’importants effets : nous autres, êtres humains, avons tendance à écouter les arguments qui sont criés avec le plus de force. Nous croyons ceux qui confirment notre vision du monde et proposent des solutions faciles. Seule une perception simple du monde nous donne la fausse garantie que des solutions prétendument simples sont à portée de main…

Depuis dix ans, ChristNet s’engage par la sensibilisation, l’information et la prière pour que l’amour du prochain trouve sa place dans la politique et la société. Parfois, on a l’impression que la sensibilisation et l’argumentation en faveur de l’amour du prochain n’a pas l’effet souhaité. Si Dieu n’ouvre pas les cœurs, l’argument de l’amour peut, même parmi des chrétiens, tomber dans un terrain infertile. Dès lors, prions Dieu afin qu’Il nous transforme par son Esprit et qu’Il nous libère, nous (chrétiens) Suisses, des griffes de la peur.

Prier pour plus d’amour

Dès ses débuts, ChristNet s’est fondé sur la prière et a mis sur pied des Groupes de prière régionaux. Ces élections fédérales sont une période importante pouvant inspirer un véritable mouvement de prière. Le Parlement et le Conseil fédéral jouent un rôle prépondérant dans le sort de notre pays. Prions pour que les citoyens élisent des candidats qui s’engagent en faveur des plus faibles, sans peur pour leur propre bien, sans crainte des «méchants» et sans arrogance nationale.

«Prier+Voter2011», c’est une prière de 40 jours du 13 septembre au 23 octobre. Chaque samedi, ChristNet proposera une feuille hebdomadaire avec une méditation biblique, une analyse politique et un sujet de prière pour chaque jour. Certains thèmes seront mis en lien avec des articles de fond sur www.christnet.ch.

Voici les 6 thèmes hebdomadaires :

1.         L’adversaire politique

2.         Nationalisme et étrangers

3.         L’argent en Suisse

4.         Les peurs en Suisse

5.         Solidarité, miséricorde et justice

6.         Valeurs chrétiennes

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En vue des élections fédérales du 23 octobre 2011, ChristNet lance une prière de 40 jours. Ainsi, nous voulons encourager les chrétiennes et chrétiens suisses à prier afin que les candidats et la campagne soient marqués par l’amour.

Suivez les sujets de prière par la Newsmail de ChristNet (Inscription) ou sur Facebook : www.facebook.com/christnet.ch

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Exposé donné par Claude Baecher (Dr théol., CEFOR Bienenberg) lors de la ConférenceChristNet 2010 « Gouverner par la peur ou par l’espérance ? ».

 

0. Une apocalypse sans Dieu ?

Rendus anxieux par les événements du 11 septembre 2001 et le krach boursier de ces dernières années, nous baignons dans une atmosphère de peur. Cette croyance en une sorte d’apocalypse sans Dieu, qui oriente fortement les occidentaux vers un repli sur eux-mêmes, les pousse à la recherche presque panique de leur propre sécurité. Cette illusion peut temporairement donner l’impression que nous avons empêché le mal de s’introduire, mais à moyen terme, elle est contre productive par rapport au projet de Dieu. C’est ce que nous tâcherons d’illustrer dans les lignes qui suivent.

Les peurs ont en nous et dans nos sociétés des racines profondes, complexes et anciennes. Ces peurs sont liées à la recherche légitime de la sécurité. La réflexion relative aux influences de la peur et de l’espérance sur les comportements est un sujet très important. Ce thème est souvent abordé dans la Bible, et néanmoins très peu analysé sur le plan du comportement social dans les cercles chrétiens. Je tâcherai d’en livrer ici les éléments bibliques capitaux.

Les pathologies liées aux peurs et aux espérances sont traitées de manière complémentaire par les thérapeutes et les psychiatres, que je salue au passage, mais également par les personnes qui gèrent les rapports économiques et sociaux dans le monde moderne, sans oublier les nombreux travailleurs sociaux, que je salue également.

Je choisis dans la grande perspective biblique de retenir trois moments théologiques capitaux de la révélation biblique pour montrer à la fois la cohérence de la pensée biblique et pour montrer les axes forts qui s’en dégagent :

1. Eden : la toute vieille histoire de l’émergence de la peur

Avant la révolte humaine contre le plan divin, nous pouvions jouir de tous les biens de la création, en toute sécurité, et avoir de bons rapports entre humains, à l’image de ce qui se passe en Dieu lui-même. Nous sommes fondamentalement faits pour la communion sous le regard du Dieu bienveillant1.

Pour la première fois, des êtres humains rencontrent la peur, peur qui consiste à se cacher et à devenir des étrangers les uns par rapport aux autres et par rapport au créateur. L’origine de ces peurs réside dans le fait que des créatures voulurent être « comme dieu » (Gen. 3:5). Même si la différence entre être « à l’image de Dieu », ce qui traduit notre identité initiale, et « comme Dieu », ne nous semble à priori pas grande, ce qui les différencie, c’est, dans le deuxième cas, l’opposition à Dieu, la prétention à être « comme Dieu », autonomes. Depuis lors, nous inclinons toujours à devenir « comme dieu », pensant ne pas devoir rendre compte ni à Dieu ni à autrui, et imaginant que nous sommes auto-générés. L’anxiété est née de la mise en doute de la providence divine.

La révolte par rapport au plan originel a ouvert la porte à la culture de la peur et de l’insécurité relationnelle : « L’homme et la femme se cachèrent devant le Seigneur Dieu… J’ai pris peur car j’étais nu, et je me suis caché » (Genèse 3:10 et 11).

C’est lors de cet énorme changement que des humains connurent pour la première fois, selon le récit biblique, ce sentiment qu’est la peur, l’insécurité, le trouble relationnel et qu’ils usèrent de dissimulation2. Nous vivons depuis lors avec la vérité pas facile à gérer du tout que nous ne pouvons pas accomplir nos aspirations à la divinité, mais au contraire que nous sommes des êtres finis, voués à la mort.

Vouloir s’en sortir tout seul est un réflexe acquis dont on ne se débarrasse pas facilement. L’homme moderne vivant dans l’ère post-chrétienne, lui aussi, poursuit cette fuite en avant. Ainsi, nous vivons dans un climat de peur et d’anxiété, car l’homme est devenu un loup pour l’homme, un prédateur. Ce sentiment est d’autant plus fort qu’il a été attisé par des événements traumatisants qui ont rendu cet homme moderne victime du regard de convoitise des autres sur son corps et sur ses biens.

La culture de la peur, en fait, nous mène par le bout du nez plus fortement que nous ne le pensons. C’est la peur de manquer qui fait courir les gens, la « maladie de la réserve » comme l’appelait Isabelle Rivière. Le monde court sans qu’il se pose fondamentalement la question de savoir après quoi il court et qui le rendrait collectivement heureux.

C’est à partir de ce changement de statut que les humains ont tendance à placer leur sécurité dans la dissimulation, l’autonomie, les murs, les protections et les armes pour défendre les biens particuliers. La crise économique récente souligne que les pauvres qui ne sont pas responsables de cette crise, en sont les principales victimes. Des millions de personnes sont tombées dans la pauvreté à cause d’elle, sans compter les réductions de budgets sociaux à venir.

S’interroger sur le thème de la sécurité dans la Bible, c’est au fond s’intéresser à ce qui fonde la vraie sécurité et à ce qui nous anime, nous motive et souvent, nous détermine. « La culture de la peur, souligne Scott Bader-Saye, promeut l’idée que l’accumulation des richesses est la réponse raisonnable dans des temps troublés – ou de bouleversements »3.

L’aspiration à devenir invulnérable semble constante, mais elle a plus ou moins d’impact selon les législations en vigueur… Construire des murs est à la mode de nos jours, des murs pour pallier le sentiment d’insécurité, un peu partout dans le monde, et pour nous mettre à l’abri du prochain et de ses possibles sombres desseins. On est aux antipodes du projet d’Eglise qui, en cassant les murs de séparation, cherchait la réconciliation entre les races, les langues, les sexes, les statuts sociaux. Et plus les murs sont élevés, moins le regard sur l’autre est objectif. Moins on le connaît, plus on le diabolise et plus on a l’illusion d’être en sécurité. La Bible déjà révèle que l’escalade de l’insécurité et des mesures sécuritaires (coffres, paradis fiscaux, murs, miradors, niches, réserves démesurées) mène à l’isolement, et non à la réconciliation ou a une vie plus fraternelle. Nous le verrons avec le message des prophètes.

De diverses façons, Dieu intervient, dans sa providence, pour limiter le mal et empêcher l’autodestruction. C’est ce que nous appelons la providence divine. Dieu pourvoit de la sorte en permettant que des autorités humaines promulguent des lois allant dans le sens de pratiques plus solidaires. Dans nos pays, inspirés par la Bible plus que nous le croyons généralement, elles ont pour rôle de limiter le pouvoir de prédation d’une personne sur une autre, de protéger la dignité de tous, de tendre vers l’équité et spécialement de protéger les faibles contre l’exploitation abusive.

Dans un monde où le mal est entré, il est important qu’il y ait des autorités qui réglementent cette équité, contre les exactions des puissants, les privilèges des seconds et la corruption des troisièmes, en somme contre les prédateurs. Devant Dieu, chaque être humain doit être traité avec équité devant le travail fourni, indépendamment de sa naissance. Nous en sommes loin. Nous constatons depuis longtemps que le marché ne produit pas automatiquement la justice. Il survalorise celui qui a beaucoup. A nous, l’Eglise de partout, de faire entendre le « cri du pauvre » et d’interpeller l’Etat dans le sens de plus de justice. Et ici aussi, il est bon de rappeler qu’il peut arriver que dans un pays, le juste puisse momentanément souffrir dans des temps « où le méchant prospère ».

2. Richesses et sécurités

Exode : dans le désert

Dieu est intervenu de façon spectaculaire pour libérer un peuple soumis à l’esclavage d’un tyran en Egypte. Il l’a fait miraculeusement, comme en proclamant une nouvelle création, en les éloignant extérieurement de l’esclavage des tyrans. Il faudra pourtant bien plus de temps pour les libérer des réflexes tyranniques cachés en eux-mêmes. C’est tout un apprentissage laborieux. Dieu a voulu et veut toujours avoir un peuple, sorte de « maison témoin » où il fait bon vivre, à la fois à cause d’une nouvelle mentalité et d’une nouvelle praxis, parmi les nations du monde.

Une fois bénéficiaires d’une terre nouvelle qu’ils n’ont pas achetée (Canaan), et qui fondamentalement appartient à Dieu, les Israélites voient resurgir la tentation originelle: s’éloigner d’une économie de communion pour retrouver une économie d’exploitation des faibles.

En guise d’illustration, je commenterai des passages choisis qui ont un rapport direct avec la peur et la confiance, au fond, avec la sécurité : l’un tiré du traité d’alliance (la loi), et l’autre des prophètes qui tentent de ramener à l’alliance le peuple égaré par de fausses sécurités. Les deux sont des avertissements en rapport avec les démarches « politiques » :

Moïse : la sécurité dépend de la justice

Deutéronome 8:2 et 10:11-20 [(L’éducation d’Israël au désert)4.

Après une mention concernant la manne donnée, les vêtements qui ne s’usaient pas et les pieds qui n’enflaient pas pendant ces quarante ans, Moïse parle de la nécessité d’obéir aux commandements économiques et sociaux notamment. Après l’entrée promise dans un pays très généreux, où le peuple ne manquera vraiment de rien, avant de poursuivre : v. 10 « Ainsi, tu jouiras de ces biens, tu mangeras à satiété, et tu béniras l’Éternel ton Dieu pour le bon pays qu’il t’aura donné ».

Moïse avertit ensuite du piège récurrent de l’autosuffisance, qui n’est qu’une arrogance aux racines très païennes et, au fond, génératrice d’insécurité.

V. 11 : « Garde-toi d’oublier l’Éternel, ton Dieu … 12 Si tu manges à satiété, si tu te construis de belles maisons et que tu y habites, 13 si ton gros et ton petit bétail se multiplient, si ton argent et ton or s’accumulent, si tous tes biens s’accroissent, 14 prends garde de ne pas céder à l’orgueil et d’oublier l’Éternel ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Égypte, du pays où tu étais esclave…  17 Prends donc garde de ne pas te dire : « C’est par mes propres forces et ma puissance que j’ai acquis toutes ces richesses. » 18 Souviens-toi au contraire que c’est l’Éternel ton Dieu qui te donne la force de parvenir à la prospérité.

19 Mais si vous en venez à oublier l’Éternel votre Dieu… je vous avertis aujourd’hui que vous périrez totalement. 20 Vous périrez comme les nations que l’Éternel votre Dieu va faire périr devant vous, parce que vous ne lui aurez pas obéi ».

L’oubli fait qu’il n’y a plus personne à remercier que soi-même et ses propres calculs qui ont entraîné la prospérité. A court terme, l’être humain n’est alors plus redevable qu’à lui-même et à ses calculs de rentabilité maximale. Il se sert alors du prochain (plutôt que de le servir) et très vite il se trouve à la place du mini pharaon totalitaire dont il avait réchappé.

L’appel solennel de Moïse illustre très clairement par quels mécanismes l’abondance peut mener à la ruine, c’est-à-dire, à moyen terme déjà, aux antipodes de ce qui est recherché, à savoir la sécurité. « Si vous oubliez l’Eternel… vous périrez totalement » (v. 19). Cela ne signifie pas que Dieu, de manière surnaturelle, va faire tomber le feu du ciel en cas d’oubli du culte et du droit qui lui est attaché, comme ce fut le cas pour Sodome, mais plutôt quele processus de pourrissement économique sera à l’œuvre et aboutira à la ruine de toute la nation et du plan initial de Dieu par le moyen de cette génération-là.

La sécurité dépend de la justice pratiquée.

Tous les régimes économiques portent potentiellement cette propension à réduire le prochain à l’esclavage ; c’est également le cas du libéralisme économique actuel, si nous n’y veillons pas. Ce libéralisme a besoin d’une conscience. Le drame est que la sécurité a été mal interprétée par ceux qui avaient reçu les beaux dons de Dieu, simplement à cause de leurs schémas mentaux liés à la peur de perdre et de s’assurer leur sécurité.

Le peuple de Dieu ne devrait pas en arriver à dire : «  C’est par mes propres forces et ma puissance que j’ai acquis toute cette richesse » (v. 17). Cette affirmation rejoint tout à fait la prétention à être « comme dieu », autosuffisant. Elle est bien une prétention moderne. Pour ces « petits dieux » à qui tout est dû, la loi est faite pour être contournée…

Le remède préconisé est la gratitude envers Dieu, source de ma prospérité, et l’application d’une politique périodiquement redistributive (comprenant, de manière cumulée, les règles du Jubilé, les lois sabbatiques, les dîmes, les offrandes volontaires, l’accueil de l’immigrant, etc.).

Jérémie : des citernes fendues

Les prophètes vont dire et redire la même chose (Jérémie 2:1-13).

C’est une politique économique qui est en jeu dans l’attitude du territoire de Juda. Celui-ci, après avoir reçu le don du pays, est allé adorer le dieu Baal (dieu de la fécondité des puissants).

Ecoutez la complainte de Jérémie :

11 « Existe-t-il un peuple | qui ait changé de dieux ?
Et pourtant ces dieux-là | ne sont pas de vrais dieux !
Pourtant, mon peuple | a échangé celui qui fait sa gloire
contre ce qui ne sert à rien !
(…)
13 Car mon peuple a commis un double mal :
il m’a abandonné, | moi, la source d’eaux vives,
et il s’est creusé des citernes, | des citernes fendues
et qui ne retiennent pas l’eau ».

Des réserves qui ne retiennent rien du tout, c’est fondamentalement un calcul de la peur.

Le bénéfice, les biens n’ont pas été auto-générés, c’est essentiellement à cause de la providence divine et en vue d’une gestion plus fraternelle, qu’ils sont accordés. Même la réserve qu’a faite Joseph avant la sécheresse était faite pour une utilisation collective.

Esaïe : le shalom durable

La Bible dénonce les fausses sécurités arrogantes (Esaïe 32:1-20) et ceux qui s’y emploient seront jugés tôt ou tard. D’après Esaïe, la vraie sécurité, la vraie paix (shalom), l’authentique tranquillité sont également les effets de la justice et du droit, le bon traitement des ouvriers et des champs. Sans cela, les tours protectrices serviront de refuge aux animaux sauvages. Le lien entre infertilité du sol et irresponsabilité dans le domaine social est souligné.

Mais Esaïe fait un ajout que le Nouveau Testament aussi soulignera : le nouvel ordre des choses se fera par l’action de… l’Esprit. Lui introduira durablement la fertilité, sur la base de la justice et du droit ! Il y a alors assez pour tous (v. 16). La justice donne naissance à une sécurité durable (v. 17).

15 … « jusqu’à ce que, d’en haut, l’Esprit soit répandu sur nous.
Alors le désert deviendra un verger,
tandis que le verger aura la valeur d’une forêt.
16 Le droit habitera dans le désert
et dans le verger s’établira la justice.
17 Le fruit de la justice sera la paix :
la justice produira le calme et la sécurité pour toujours ».

Là où se trouve cet Esprit à l’œuvre, il n’y a pas besoin de lieux sécurisés comme les villes fortifiées et les forêts. Cela ne change rien à la situation de sécurité en général. Nul n’est coupé de l’accès à l’eau, les animaux nécessaires à la production agricole (le boeuf et l’âne) ne risquent pas d’être volés (v. 20). Les gens seront heureux.

18 « Mon peuple s’établira dans un domaine paisible,
dans des demeures sûres, tranquilles lieux de repos
19 – mais la forêt s’écroulera sous la grêle
et la ville tombera très bas ».

Jérémie : fausses sécurités religieuses

Mais Jérémie, pour en revenir à lui, ajoute une autre fausse espérance, c’est la confiance quasi magique dans la protection de Dieu. L’illusion que, tant qu’on a le temple (de Jérusalem), Dieu nous devait sa protection et garantirait notre invulnérabilité.

Jérémie 7 ajoute la fausse sécurité magique simplement parce qu’on serait plus proche du vrai culte :

Le prophète Jérémie, au chapitre 7, dénonce une autre fausse sécurité, et notamment la confiance dans « le temple ». Il s’agissait d’une conviction quasi magique qui donne le sentiment d’invulnérabilité. La critique du prophète Jérémie est déclenchée par l’injustice sociale et l’idolâtrie : « les immigrés, les veuves et les orphelins sont opprimés ; on met à mort des innocents dans le temple, on se prosterne devant des divinités étrangères » (v. 5s). Lorsque le Temple se transforme en « caverne de voleurs » (v. 11, cf. Mt 21:3), Dieu n’est plus magiquement protecteur. Et Jérémie précise : ce ne sont pas les formules liturgiques de confiances « c’est ici le temple de l’Eternel, le temple de l’Eternel, le temple de l’Eternel »(v. 4) qui changeront la donne, ou alors l’affirmation « nous sommes sauvés » (v. 10) qui y changeront quoi que ce soit. Tout cela est illusion, car il n’y a pas de conduite sociale qui respecte le prochain.

Nous sommes avertis par rapport à la fausse sécurité, à la fausse espérance fondée sur l’illusion d’être proches de Dieu tout en méprisant ses exigences dans le domaine social. Et de conclure : « … Tous, petits et grands, sont âpres au gain ; tous prophètes et prêtres ont une conduite fausse. Il ont bien vite fait de remédier au désastre de mon peuple en disant ‘Tout va bien, tout va bien’ (shalom, shalom !) et en réalité rien ne va, il n’y pas de shalom » (Jérémie 6:12 ss. et 8:10 ss.).

Même chose dans le Nouveau

Le Nouveau Testament continue dans la même ligne, dénonçant les illusions et mettant l’accent sur la justice qui restaure et sur l’économie fraternelle.

Jésus utilise l’image du fou qui bâtit sa maison. Il construit sa sécurité, mais « sur le sable » d’une foi en Jésus qui n’est pas mise en pratique (Mt 7). La sécurité telle que voulue dans le projet divin repose sur la mise en pratique de l’enseignement de Jésus, et non sur nos calculs motivés par la peur..

–         Le jeune homme riche, c’est quoi son problème ? (Matthieu 19). Chez lui, la balance entre aimer Dieu et sa sécurité calculée penchait en définitive vers ses sécurités trompeuses liées à ses nombreux biens. Il faisait pourtant profession d’aimer Dieu et le prochain. Sans doute n’a-t-il pas tiré les conséquences de ses paroles lorsqu’il disait « et le prochain comme soi-même »… Jésus lui tend la perche :

« Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, donne le aux pauvres et suis-moi ». « Il le quitta tout triste car il était riche » (Mt 19:22). Son problème était son attachement à sa richesse comme sécurité, préféré à la vie fraternelle avec Jésus. Et Dieu sait ce qui lui est arrivé, avec ses grands biens, quarante ans plus tard, lorsque vinrent les terribles années 67 à 70 et la destruction de Jérusalem par les zélotes ou les troupes romaines.

–       Le mauvais riche. Et que penser du « mauvais riche », qui mettait sa sécurité dans la spéculation sur ses greniers ? (Lc 12:16-20). On dit de lui qu’il est le « riche insensé », mais pas si insensé que cela quant à ses intérêts personnels présents. Il raisonne logiquement. Il s’agrandit, il investit. Mais à l’échelle du temps, se trouve aussi la mort et la succession des générations. Et retentit la question : « Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? » …L’Evangile souligne que l’alternative pour lui aurait été : « au lieu de s’enrichir en vue de Dieu », (cf. v. 20 et 21). S’enrichir en vue de Dieu…

La conclusion de Jésus par rapport à la peur et à l’espérance est celle-ci : « Vendez vos biens, et donnez-les en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, où ni voleur n’approche ni mite ne détruit » (Lc 12:33).

La question qui nous est posée est la suivante : Est-ce que les « politiques » peuvent entendre un tel discours ? Je le pense. La leçon à tirer est qu’il faut considérer l’économie et la sécurité sur le long terme.

Mais pour investir dans le bon sens, il faut une certaine mentalité, une certaine foi, c’est-à-dire une certaine confiance dans l’œuvre de Dieu et de son Esprit, sinon c’est chacun pour soi, le « sauf qui peut » des murs pour dissimuler, des armes pour se protéger (parfois se protéger les tyrans) et des niches fiscales (afin de mettre à l’abri pour soi et contre les autres).

Dieu pourtant ne s’impose pas et n’impose pas ses solutions, il propose. Mais il peut arriver qu’à force de ne pas être entendu ou pas retenu, ce soit « trop tard », alors, comme le dit l’Evangile, « les pierres le long du chemin (des ruines) crient » (Lc 19:40, voir 44).

Le salaire des ouvriers peut, de nos jours également, être « retenu » de multiple façon (Jc 5:3). On pense par exemple à des actions qui tournent complètement le dos aux pauvres, à commencer par l’exploitation d’ouvriers de tel ou tel peuple. De nos jours, ces démarches peuvent se faire en quelques transactions informatisées, en quelques clics, sans même voir combien ces clics peuvent être criminels, parce que faits pour chercher purement son propre intérêt.  Oui, il faut moraliser l’économie et il faut une âme pour l’économie. L’affairisme insensible aux réalités sociales de la production, de la consommation, de la souffrance des exclus est dénoncé, également dans le Nouveau Testament.

Il est évident, aujourd’hui comme en tous temps, que les plus pauvres ont besoin d’une économie qui aménage une suspension provisoire d’intérêts, si l’on veut que le cycle infernal du toujours plus riche et du toujours plus pauvre ne se poursuive et ne s’amplifie pas.

Il est nécessaire de repenser lucidement, pour en saisir les implications sur les humains d’ici et d’ailleurs, différentes actions liées à des peurs de perdre et à des espérances illusoires ; par exemple repenser dans cette perspective les spéculations actuelles5, les conséquences du machinisme au détriment de la main d’œuvre humaine6, les masses financières considérables qui migrent vers les nouveaux paradis fiscaux liés au secret bancaire, ici ou ailleurs7.

3. Une nouvelle mentalité, une nouvelle action

Ces thérapies sont en fait de deux ordres : l’ordre intérieur, touchant la mentalité, et l’autre touchant plutôt ses actions. Pour en revenir à ce que nous avons dit au début : L’acceptation de son propre statut de créature, avec le rapport au créateur qu’il implique ainsi que la considération envers les semblables et la reconnaissance de l’univers créé, est la solution pour jouir d’une vraie sécurité.

Le premier remède est alors la gratitude, qui exprime le mieux ce rapport de créature. Le second, qui au fond, exprime l’autre face du rapport de gratitude, c’est la pratique d’une économie fraternelle (aussi dans sa dimension citoyenne, par les impôts par exemple). Beaucoup se passe dans l’attitude de créature (la prière juste) : c’est de cette façon que nos inquiétudes et nos soucis légitimes trouvent leur juste place et que les peurs illégitimes s’estompent (Mathieu 6:24-34,  Phil 4:4-7 et 1 Pi. 5:6-7).

Et comme nous l’avons vu avec le texte d’Esaïe (32:15), pour chasser les peurs pathologiques, il faut une nouvelle mentalité, un nouvel « Esprit », œuvre de Dieu. Il n’est pas étonnant que la Pentecôte fonde l’émergence de la communion fraternelle. Les choses ne se font alors pas « parce que c’est la loi », mais parce qu’on aime ce qui est juste (la justice qui restaure le prochain).

Enfin, après avoir parlé de la reconnaissance, de la pratique de l’économie fraternelle, de la dépendance à l’Esprit, il nous faut dire quelque chose sur l’espérance promise. C’est cela, la politique de la confiance dont nous avons besoin. Elle est sûre de l’aboutissement, c’est pourquoi elle est animée d’une espérance promise. Il s’agit dès lors de renforcer cette confiance : la foi née de la révélation biblique est alors « la ferme assurance des choses qu’on espère » (Héb. 11:1), tellement forte qu’en attendant, elle détermine notre vie et sa mentalité.

Cette foi agissante en nous, nous pousse, en plus de la prière pour les autorités dans le sens exposé (il faut savoir pour QUOI on prie), à l’action dans trois autres domaines :

1.      la non-coopération : ne pas collaborer ou coopérer à des actions qui sont animées manifestement par d’autres mentalités ou logiques, lorsque nous les découvrons. Il y a avant tout une mentalité dont il faut « sortir », celle de « Babylone », de l’Egypte ou de Rome, ou de tout autre libertarisme économique qui ne dit pas son nom8.

2.      la vie fraternelle : vivre une vie fraternelle plus libre des peurs injustifiées et des espérances trompeuses. C’est le travail d’une saine spiritualité, d’un saint enseignement, que de situer correctement nos peurs et nos espérances. Comme le changement des grandes choses n’est pour l’instant pas à notre portée, commençons/continuons à travailler aux petites choses. Que l’Eglise soit l’Eglise!9

3.      la dimension prophétique : appeler au changement (dimension prophétique), sans céder aux illusions du tout ou rien. Pour changer les choses, nous n’avons pas besoin de pouvoir. Ce fut la conviction des premiers chrétiens et cela reste d’actualité. Ces toutes petites choses, nous pouvons déjà les pratiquer « chez nous », en vivant le travail, l’amitié et le don dans l’Eglise. On sous-estime très souvent le poids des minorités actives, qui font la démonstration d’attitudes pertinentes et innovantes. Que votre lumière brille aux yeux des hommes ! Il s’agit de promouvoir la justice économique et sociale sur le plan mondial, car c’est sur ce plan que, d’une part, Dieu nous a créé à son image et que, d’autre part, tout s’interpénètre dans la mondialisation.

Dans ces engagements, nous découvrirons alors, avec émerveillement, que nous ne sommes pas les seuls à penser et à agir comme cela. L’amitié produit de la communion. C’est le produit d’une logique de solidarité au lieu d’une logique de la rentabilité à court terme.

4. Comment continuer ?

L’Eglise, par son enseignement, sa mentalité et sa pratique, ne doit pas être le reflet de sociétés malades. Dans la Bible et pour nous, fondamentalement, la justice est un don de Dieu et il n’y pas de sécurité sans justice relationnelle. Dieu s’est engagé à pourvoir. A chaque jour suffit son travail.

L’espérance biblique est basée sur l’œuvre libératrice du Christ, et la venue promise d’un monde habité par la justice. L’Evangéliste Luc rappellera de la part de Jésus : « Qui veut, en effet, sauver sa vie, la perdra, mais qui perdra sa vie, à cause de moi, celui-là la sauvera. Que sert-il donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? » (Lc 9:24-25).

Les sociétés d’hier comme celles d’aujourd’hui sont tentées d’oublier la justice pour se vautrer dans l’abondance. L’Ecriture Sainte nous rappelle sans cesse l’exigence d’équité à l’échelle planétaire et est comme un aiguillon pour les politiques partisanes. S’il est légitime de tirer les bénéfices de ses efforts, il est tout aussi juste que les bénéfices servent à la communion sans encourager le vice. Si nous sommes faits pour la jouissance des choses, nous sommes également faits pour la communion.

Nous qui sommes citoyens d’un pays que nous aimons, nous continuerons, comme nos pères et mères, à exercer notre influence en intégrant le mieux possible les questions relatives à la justice redistributive. De cette manière seulement serons-nous « sel de la terre », c’est-à-dire agent d’anti-pourrissement. Et il semble qu’il y ait urgence pour le bien de tous, également de notre peuple.

L’économie actuelle a besoin d’une conscience et d’un remède anxiolytique. Si elles dérapent, l’économie et nos législations peuvent devenir foncièrement païennes. Notre critique ne doit pourtant pas être synonyme d’un rejet en bloc. De belles choses se font ici ou là, et c’est point par point qu’il s’agit d’examiner les choses.

Le Dieu de la Bible, notre Père, nous appelle à localiser les peurs fondamentalement païennes (les nôtres aussi) et à les transformer en confiance. A la base de la sécurité se trouve cette attitude. Notre mission consiste aussi à dévoiler les mécanismes de la peur, pour dévoiler « les faux dieux » qui régissent parfois les mentalités.

Pour que, dans la société, les murs tombent, il faut que les murs intérieurs de nos peurs tombent d’abord. C’est pour beaucoup d’entre nous l’heure des petits pas dans la bonne direction.

Une bibliographie biographique

Ce qui m’a interpellé sur le sujet dans mon parcours personnel:

Dans ma jeunesse, des gens qui étaient à la fois généreux, laborieux et contents de l’état dans lequel ils se trouvaient.

–         L’Evangile du royaume de Jésus-Christ.

–         Le livre de John Yoder, Jésus et le politique (PBU, Lausanne, 1984), son chapitre 3 sur « Les implications du Jubilé ».

–         En 1987 le vieux livre (épuisé, de 1933) d’Isabelle Rivière, Sur le devoir d’imprévoyance, et généralement le livre de Tolstoï, « Ma religion ».

–         Plus récemment le livre de Frédéric de Coninck, La justice et l’abondance (La Clairière, Québec, Canada, 1997).

–         Un travail qui a abouti à la rédaction d’un livret : Claude Baecher, Grâce et économie, plaidoyer pour une attitude généreuse (Editions Mennonites, Montbéliard, Dossier de CHRIST SEUL N°1/2006).

–         Plus récemment encore, lors d’une rencontre en Irlande du Nord, une conférence du théologien Alejandro Zorzin, « Vulnérabilité et sécurité », dans les Cahiers de la Réconciliation, Mouvement International pour la Réconciliation, septembre 2007, N°3-2007, Paris, pp. 28 à 41, l’étude se trouve en anglais (pages de droite) et en français (pages de gauche).

–         Et le livre remarquable suivant, tout récent : Scott Bader-Saye, Following Jesus in a Culture of fear, The Christian Practice of everyday Life Series, BrazosPress, Grand Rapids, Michigan, 2007 (ISBN 10: 1-587 43-192-0 pbk).

 


1. Le sociologue Max Weber avait déjà noté que l’apparition du monothéisme et de la foi en un Dieu unique créateur provoque, par rapport au polythéisme et à la magie, « un recul caractéristique du rationalisme originel, pratique et calculateur» cité par Frédéric de Coninck, La justice et l’abondance Dire et vivre sa foi dans la société d’aujourd’hui, La Clairière, Québec, 1997, dans le chapitre « Une économie marquée par l’espérance », p. 73. Car croire en Dieu, c’est rendre compte à quelqu’un de la gestion de son être et de ses capacités.

2. Voir Scott Bader-Saye, p. 159.

3. Scott Bader-Saye, Following Jesus in a Culture of fear, p. 135;

4. « N’oublie jamais tout le chemin que l’Eternel ton Dieu t’a fait parcourir pendant ces quarante ans dans le désert afin de te faire connaître la pauvreté pour t’éprouver. Il a agi ainsi pour découvrir tes véritables dispositions intérieures et savoir si tu allais, ou non, obéir à ses commandements…

Garde-toi d’oublier l’Eternel, ton Dieu, et de négliger d’obéir à ses commandements, à ses ordonnances et à ses lois que je te donne aujourd’hui. Si tu manges à satiété, si tu te construis de belles maisons et que tu y habites, si ton gros et ton petit bétail se multiplient, si ton argent et ton or s’accumulent, si tous tes biens s’accroissent, prends garde de ne pas céder à l’orgueil et d’oublier l’Eternel ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Egypte, du pays où tu étais esclave, qui t’a conduit à travers ce vaste et terrible désert peuplé de serpents venimeux et de scorpions, dans des lieux arides et sans eau où il a fait jaillir pour toi de l’eau du rocher le plus dur. Dans ce désert, il t’a encore nourri en te donnant une manne que tes ancêtres ne connaissaient pas. Il a fait tout cela afin de te faire connaître la pauvreté et de te mettre à l’épreuve, pour ensuite te faire du bien. Prends donc garde de ne pas te dire : ‘C’est par mes propres forces et ma puissance que j’ai acquis toutes ces richesses.’ Souviens-toi au contraire que c’est l’Eternel ton Dieu qui te donne la force de parvenir à la prospérité et qu’il le fait aujourd’hui pour tenir envers toi les engagements qu’il a pris par serment en concluant alliance avec tes ancêtres. Mais si vous en venez à oublier l’Eternel votre Dieu, et à rendre un culte à d’autres dieux, à les servir et à vous prosterner devant eux, je vous avertis aujourd’hui que vous périrez totalement. Vous périrez comme les nations que l’Eternel votre Dieu va faire périr devant vous, parce que vous ne lui aurez pas obéi. » (Semeur 2000)

5. Spéculations sur les matières premières, sur le cours des monnaies, les fusions des sociétés, le marché immobilier… Affairisme international qui coupe tout lien avec les peuples, qui rappelle ce qui est récurrent dans les empires (Apocalypse 18:11-15) et annonçant la chute du commerce international de l’époque. Dénonciation virulente de leurs excès au profit des nantis et au détriment des pauvres. L’apôtre Jacques a eu la même virulence (Jacques 4:13-16).

6. Le machinisme fait que la main d’œuvre disparaît au détriment du travail des personnes les moins qualifiées. Il est important de réfléchir au partage du revenu, du travail et de la reconnaissance sociale, si nous ne voulons pas aggraver l’exclusion. Il est également nécessaire de travailler à la requalification.

7. Pour les « nouvelles alternatives » (octobre 2010), je nomme par exemple pour l’UBS et bien d’autres banques, par exemple,  Singapour et Hong Kong (cf. Le Figaro du 8 octobre 2010 qui cite le New York Times).

8. Ici il serait bon de réfléchir à nos fonds de placements et aux manières qu’ils ont de « faire des petits », c’est-à-dire sur la base de quels calculs d’investissements (des économies plus ou moins fraternelles, cela existe). Cela aussi doit intéresser les chrétiens du pays.

9. On nous demande de poser des signes forts, pas de changer le monde, ce qui cacherait parfois des velléités de puissance plutôt que de l’amour. Il faut « instiller dans le monde une logique différente » (Fred de Coninck, La justice et l’abondance, p. 76).

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Introduction

 

« Voulez-vous de telles femmes ? NON au droit de vote féminin. »

Ces deux affiches électorales traitent du droit de vote des femmes. L’une exprime la peur : peur, que « nos » femmes ne soient plus comme nous (les hommes) voulons qu’elles soient.

 

« Bâlois, soyons chevaleresques. Votons OUI en faveur de nos femmes. »

L’autre, elle, véhicule l’idée que la peur est surmontée et que l’on accorde aux femmes ce qui leur revient de droit, sans crainte de perdre quelque chose ou de devoir céder une partie du pouvoir. En effet, bien souvent, c’est le pouvoir qui est en jeu.

0. Aperçu

Depuis près de 10 ans, ChristNet s’engage pour que l’amour du prochain soit manifesté au niveau politique et dans la société. L’amour du prochain est le commandement primordial du Nouveau Testament. L’engagement en faveur des plus faibles, pour qui Dieu se préoccupe particulièrement, traverse comme un fil rouge l’Ancien et le Nouveau Testament. Chez ChristNet, nous approfondissons nos réflexions et tentons de les mettre en pratique, d’où notre slogan : «L’amour du prochain : réfléchir, s’engager.»

Par le passé, ChristNet a beaucoup débattu des thèmes de la miséricorde, du contentement et de la générosité. Il en est ressorti que la peur pour notre bien-être et la peur face au prochain nous émèchent de nous tourner vers ce dernier avec compassion et humilité.

L’objectif de cette journée est de déceler nos peurs et de renforcer notre confiance en Dieu. C’est ainsi que nous serons capables d’agir avec un cœur plein d’espérance et de mettre en pratique une politique d’amour du prochain. La partie consacrée à l’espérance fait l’objet d’une étude approfondie l’après-midi.

1. Résultats des recherches sociologiques

Depuis les années 70, l’institut Demoscope effectue chaque année des recherches, en se fondant sur un échantillon de 6000 entretiens, sur le climat psychologique de la Suisse (CPS). Pour sa part, l’entreprise de recherches sociologiques appliquées GfS (Gesellschaft für praktische Sozialforschung) examine les craintes et les soucis de la population suisse à l’aide de son baromètre des craintes, ou du baromètre des soucis resp., auprès de plus de 1000 personnes. Avec les années, on dénote une fluctuation du sentiment de peur et de ses composantes concrètes. Cependant, d’une manière générale, force est de constater que, depuis les années 80, l’anxiété au sein la population a tendance à s’accroître. Cette anxiété ne nous accable pas tous les jours, et d’ailleurs, la plupart du temps, nous n’en sommes même pas conscients. Néanmoins, elle influence insidieusement nos perceptions et notre comportement.

Climat psychologique de la Suisse (CPS)

Concernant l’étude relative au Climat psychologique de la Suisse, Demoscope écrivait, en 2005 déjà : «Après une évolution constante sur près de 30 ans vers des valeurs progressistes et tournées sur l’extérieur, un revirement s’est dessiné en 2001. … Depuis quatre ans, on constate une nette inversion de la tendance. … Un matérialisme sans concession et une propension croissante à la recherche du succès témoignent de la concurrence toujours plus âpre qui existe dans notre pays.» «Les nouvelles tendances sont de type beaucoup plus conservateur… Un besoin nouveau est apparu, qui consiste en une quête d’enracinement : la « nouvelle suissitude » …»

Cette tendance s’est poursuivie jusqu’à ce jour, puisqu’en 2010, Demoscope écrivait à propos de l’évolution constatée ces deux dernières années : «L’enracinement, la tendance à se relier davantage à ses origines, à accorder plus de valeur au patrimoine et aux usages éprouvés, sont les éléments qui ressortent le plus. On observe en même temps, au cours de la dernière décennie, un accroissement du réalisme et de la capacité à s’adapter aux structures existantes dans l’économie et la politique.»

A mon avis, il s’agit ici davantage d’une volonté de s’adapter, plutôt que d’une capacité à s’adapter. Dès lors, le conformisme et la recherche de l’acceptation ainsi que du succès, visibles par des signes extérieurs, sont en augmentation. Mais pour celui qui s’adapte en vue d’obtenir le succès, le passage obligé est le sacrifice de ses idéaux et de ses valeurs. Ne sommes-nous plus prêts aujourd’hui à payer le prix pour nos valeurs et nos idéaux ? Nous faisons-nous de plus en plus de souci pour notre bien-être ? Avons-nous remplacé nos idéaux par des éléments qui sont censées nous procurer la sécurité, comme le nationalisme, l’obéissance, le succès, la force ? De toute évidence, la grande crise économique des années 90 a éveillé en l’être humain l’impression de devoir à nouveau se battre davantage pour son propre bien-être, renforçant du même coup chez l’individu la crainte face à une menace de nature socio-économique.

Baromètre de la peur

Dans quelle mesure les Suisses ont-ils peur et de quelles peurs s’agit-il concrètement ? Pour déterminer le baromètre de la peur, les personnes interrogées répondent par téléphone à une présentation de 30 scénarios menaçants. Elles évaluent ces scénarios sur une échelle allant de 1 à 10 et précisent dans quelle mesure et dans quel domaine elles se sentent inquiètes ou menacées.

L’index de menace général ainsi obtenu a passé, entre 1985 et 2006, de 4,0 à 5,4, bien qu’il soit redescendu aujourd’hui à 4,5. Mais la tendance à long terme n’en est pas contrecarrée pour autant. Les réflexes politiques qui ont émergé avec l’accroissement de la peur sont toujours les mêmes.

Les peurs sont liées à notre existence, autrement dit, la peur est existentielle. Autrefois, certaines peurs étaient suscitées par des besoins matériels. Aujourd’hui, des « menaces » physiques sont à nouveau d’actualité : criminalité, maladies (pensons à la grippe porcine) et dangers environnementaux. Avec 6,0 points, la peur face aux changements climatiques occupe chez les Suisses la première place parmi leurs peurs conscientes. Mais manifestement, la crainte que suscitent les menaces de type socio-économiques, autrement dit la peur du manque, est encore trop forte pour que l’on introduise des mesures de lutte contre les changements climatiques. La deuxième place sur l’échelle des peurs est celle ressentie face à l’égoïsme des autres (5,7), la troisième celle qu’engendre la criminalité (5,4).

Bien entendu, la peur n’est pas un problème typiquement suisse, même s’il est vrai que l’on dit de la Suisse qu’elle est le pays où l’on conclut le plus grand nombre d’assurances par habitant.

Baromètre des soucis

Le baromètre des soucis traduit les attentes de la population face aux autorités, à la politique et à l’économie, et reflète les positions politiques au sein de la population, en d’autres termes il exprime le rapport entre la peur et la politique.

Ce baromètre révèle aussi l’évolution décrite plus haut : la population en général devient de plus en plus conservatrice. Le réflexe général est de se couper de l’extérieur, tant au niveau personnel que national. On veut se protéger des dangers et des méchants qui viennent de l’extérieur. La « suissitude » évoquée plus haut apparaît d’une part au travers de la fierté par rapport aux produits et traditions nationaux, mais également au travers d’un égocentrisme croissant en politique, fidèle en cela au principe « nous d’abord ». On dirait que tant les individus que le pays mènent une lutte pour leur survie, lutte également contre ceux qui veulent nous priver de quelque chose d’essentiel à notre vie :

–         Notre argent: c’est pourquoi nous faisons front contre toutes les catégories de nécessiteux et contre l’Etat.

–         Notre liberté : c’est pourquoi nous faisons front contre les réglementations qui nous limitent.

–         Notre auto-détermination nationale : C’est pourquoi nous faisons front contre des revendications et des requêtes venant de l’extérieur.

L’une des causes de ce repli sur soi est la désorientation et l’instabilité : il semble que la mondialisation, la pression de l’UE à se conformer à ses règles, l’évolution rapide des cultures, l’augmentation de la mobilité et une population étrangère en proportion croissante ont provoqué une peur plus grande et conduisent à une volonté de retrait au sein d’une communauté nationale prétendument sûre. Dès lors, c’est surtout auprès de la jeune génération que les sentiments de nationalisme et d’appartenance à la patrie sont les plus forts. Il est possible que leur instabilité soit encore accentuée par le fait des ruptures familiales toujours plus nombreuses.

Pour ma part, j’apprécie également le Rivella, la raclette et certaines traditions suisses, de même que le travail de qualité. Mais le danger est de ne pas se satisfaire d’une saine attitude de valorisation de soi, mais de tomber dans un sentiment de supériorité nationale qui dévalorise ce qui ne nous est pas familier. Il m’est arrivé d’entendre cette phrase : «Je suis un bon Suisse.», sous-entendu je suis intègre, contrairement aux étrangers…

2. Répercussions sur la culture

Le débat concernant l’abus de prestations sociales est apparu au cours des années 90, en même temps que la profonde crise économique qui a jeté de plus en plus de personnes au chômage, à l’AI et à l’aide sociale, et suite à laquelle nous avons dû payer davantage au titre de la solidarité. En recourant au discours sur les abus, on a laissé entendre que la plus grande partie des exclus étaient des fainéants et des profiteurs, alors que de nombreuses études montrent que les abus ne sont le fait que d’une petite minorité. Cependant, les réglementations et les contrôles effectués par les œuvres sociales ont été rendus beaucoup plus stricts. Résultat : la règle du fardeau de la preuve s’en trouve inversée : aussi longtemps que quelqu’un ne peut pas prouver qu’il est de bonne foi, il est suspecté de fraude.

Perception de l’être humain

L’école est l’exemple qui illustre le changement sur ce point : il y a 10 ans environ, l’épanouissement personnel des écoliers constituait encore la priorité. Mais le vent a tourné. Aujourd’hui, les notes et les punitions sont à nouveau mises en avant. Il s’agit désormais de régler les problèmes de discipline, qui sont effectivement devenus plus ardus, en usant de la force et de l’autorité, l’idée sous-jacente étant que l’homme est fondamentalement mauvais et qu’il doit être ramené dans le droit chemin.

Ceci nous amène au point capital : la perception de l’être humain. Tandis que les humanistes, mais aussi, à certains égards, le mouvement de mai 68, partent du principe que l’homme est fondamentalement bon, un scepticisme ambiant de plus en plus fort a fait pencher la balance dans l’autre sens. Mais bibliquement parlant, ces positions sont toutes les deux erronées. Nous avons besoin d’une perception correcte de l’homme pour pouvoir résoudre les problèmes de notre société. Pourtant, même dans les milieux évangéliques, on trouve parfois l’idée que l’homme est totalement corrompu, ce qui explique pourquoi il a besoin du salut. Certes, il a besoin du salut, car il ne peut se libérer seul du péché. Mais cela ne signifie pas qu’il n’est pas capable de faire le bien ou d’être animé de bonnes intentions. La Bible nous montre que Dieu a aussi utilisé des non-chrétiens, comme Cyrus par exemple, pour accomplir son œuvre1 . Elle souligne également que les païens ont eux aussi une conscience.2 Dès lors, le sentiment très répandu de méfiance à l’encontre du prochain, qui nous habite souvent quand il s’agit de non-chrétiens, n’est pas justifié.

Nous le voyons : la peur a pris de l’ampleur, et avec elle la méfiance envers l’ « autre », le prochain.

3. Conséquences politiques

Criminalité des étrangers

L’être humain s’efforce de trouver des sources de danger et des boucs émissaires afin de pouvoir mieux contrôler son environnement. Et les médias y contribuent : dans leur lutte pour gagner des parts de marché, ils font en sorte que les mauvaises nouvelles occupent l’actualité beaucoup plus qu’avant, y compris dans l’esprit des individus. Ainsi, malgré les statistiques de la criminalité, qui n’ont pas changé dans l’ensemble, on pense que « la rue » devient de moins en moins sûre. A cet égard, le nombre de meurtres, par exemple, a diminué de 50% ces 20 dernières années et ces actes ont lieu, comme auparavant, principalement au sein du cercle familial ou d’amis. Par ailleurs, la propension à la violence dans la société a effectivement augmenté, une augmentation qui, selon le psychologue Manfred Spitzer, est lié à la consommation accrue de programmes télévisés. Plus un enfant passe du temps devant la télévision, plus il a de risques de devenir un criminel ! Même constat pour celui qui participe à des jeux violents sur ordinateur : il aura une capacité d’empathie nettement diminuée, selon les statistiques.

Les étrangers représentent effectivement une proportion plus élevée dans la criminalité violente. Pourtant, si l’on considère l’âge, l’origine sociale et la formation, cette proportion est à peine supérieure à celle observée dans la population suisse. A noter que la population étrangère comprend davantage de jeunes, d’hommes et de personnes défavorisées que la moyenne, tout comme la population des criminels (étrangers et Suisses confondus).

Asile

Chercher un bouc émissaire n’est donc pas utile pour résoudre un problème. Au contraire, cette manière de procéder détourne des vrais problèmes et représente une injustice pour les personnes touchées. Car les boucs émissaires sont toujours des personnes qui nous déstabilisent et sont différentes de nous. Les étrangers en sont depuis toujours les cibles prioritaires. Au Moyen-Age, on a par exemple rendu les Juifs responsables de la peste.

Aujourd’hui, les étrangers et en particulier les requérants d’asile sont ceux que l’on voudrait rendre responsables de tous les crimes. C’est ce qui explique que depuis 20 ans, une réglementation de plus en plus dure est réclamée à leur encontre. En mai 2010, le Conseil fédéral, dans son projet de révision de la loi sur l’asile, a quasiment supprimé la possibilité d’accorder l’asile en cas d’entrée illégale sur le territoire suisse. En effet, il est prévu qu’il soit également impossible de déposer une demande d’asile dans une ambassade suisse à l’étranger. Si l’on sait que les personnes menacées n’obtiennent plus aucun visa d’entrée en Suisse (les exemples sont suffisamment nombreux), les requérants d’asile n’ont plus aucun autre moyen que l’entrée illégale en Suisse. Nous en concluons que la Suisse officielle ne souhaite plus accueillir aucun requérant d’asile. La Suisse aurait-elle fait taire sa vocation humanitaire ?

Peur de l’étranger

La peur de l’étranger est la plus forte pendant les périodes de graves crises, mais aussi lorsque des changements culturels se suivent en succession rapide. La plupart du temps, ces derniers sont endogènes et accompagnent l’émergence de nouvelles possibilités sur le plan économique ou de la consommation. Les étrangers sont aussi le point sur lequel se cristallise les insécurités de la population, car ils donnent l’image d’un monde inhabituel et peu familier. Les identités sont alors remises en cause. La question de l’identité et de la stabilité est entièrement légitime, car ces éléments correspondent à de réels besoins pour l’être humain. Encore faut-il savoir comment la stabilité et l’identité doivent être procurées. Relevons, dans ce contexte, que la peur face à l’islamisation est d’une importance particulière : dans ce cas, il ne s’agit pas uniquement d’une identité et d’une stabilité comme le monde les perçoit, mais au niveau spirituel, en tout cas pour les croyants. Et pour la société dans son ensemble, l’enjeu est un bouleversement culturel encore plus profond. Je pense que la population résidant dans un endroit depuis longtemps a fondamentalement le droit de conférer à sa propre culture un statut prioritaire.

Peur de l’Etat et des persécutions

S’il est vrai que la diversité des modes de vie possibles s’accroît, la complexité de la vie en commun s’accroît également. L’Etat, qui constitue la forme d’organisation que nous avons choisie pour réglementer la vie en société, est perçu par les forts comme une entité liberticide qui perturbe les règles du jeu. Certains pensent que sans l’Etat, nous jouirions d’une pleine liberté. Par conséquent, ils préfèrent accorder leur confiance à l’argent, le dieu Mammon.

La puissance de l’Etat peut aussi susciter la peur. Les chrétiens qui vivent dans un Etat majoritairement séculier peuvent craindre des persécutions qui seraient le fait d’une majorité dont la tête pensante est l’Etat. Dans quelle mesure cette crainte est-elle justifiée ? De telles appréhensions ne sont-elles pas aussi exacerbées par les théories sur la fin des temps, par la littérature et les séries télévisées faisant de ce thème leur fond de commerce ?

Grâce à Internet et à ses millions de blogs et de forums de discussion, des groupes particuliers d’internautes ont pu se former à l’échelle mondiale, et, du coup, renforcer mutuellement leurs préjugés par une sorte d’émulation, notamment parce que leurs affirmations passent inaperçues du public en général et échappent à tout contrôle. La croyance dans les théories du complot a de plus en plus le vent en poupe à l’échelle mondiale : francs-maçons, ONU, présidents libéraux des Etats-Unis et l’Etat en général sont non seulement suspectés, mais font l’objet de graves préjugés. Exemple : en août 2010, pas moins de 24% des Américains croyaient que le président Obama était Musulman, bien que l’intéressé ait démenti cette affirmation depuis longtemps.

Peur face au manque

Les temps où la famine régnait sont révolus, mais nous continuons néanmoins à faire fonctionner une économie «de la faim». La croissance, en d’autres termes le «toujours plus», est considérée comme le but suprême de la politique économique sur l’autel de laquelle sont notamment sacrifiées les valeurs chrétiennes, la solidarité, la justice, l’environnement et les relations. Nous nous rendons esclaves de ceux qui nous promettent «toujours plus». Qu’attendons-nous du «toujours plus» ? Quand et dans quelle circonstance pourrons-nous enfin dire que nous sommes satisfaits ? La Suisse craint de voir s’éroder son confort matériel et ses biens, et s’agrippe à de l’argent qui ne lui appartient pas (cf. le secret bancaire).

Les peurs face à l’écroulement général du système, bien que diffuses, sont bel et bien présentes. En effet, en 1997, le professeur d’économie fribourgeois Walter Wittman suggérait sans détours qu’une dictature devrait être instaurée pour que les opérations de libéralisation de l’économie puissent s’effectuer, faute de quoi nous tomberions tous dans la pauvreté.

L’esprit de concurrence est donc de plus en plus présent en Suisse : depuis les années 90, nous luttons toujours plus âprement contre ceux qui, prétendument, amoindrissent notre bien-être : les bénéficiaires de l’aide sociale, les chômeurs, les étrangers, les rentiers AVS et AI, et tous les plus faibles. Nous sommes enclins à accréditer les raisonnements qui qualifient de profiteurs ces catégories de personnes. On sabre dans les prestations sociales afin de ne donner aucune occasion à certains d’abuser du système. C’est ainsi que l’on met la pression sur la majorité de ces personnes, sans faute de leur part. Il est devenu plus important à nos yeux que personne ne profite du système, plutôt que de s’assurer que personne ne souffre.

Ceci ne reflète pas un phénomène propre à la Suisse : tous les pays riches sont touchés par la peur de perdre quelque chose.

 

« C’est ce que veut la gauche : ruiner notre pays ; plus d’impôts ; moins d’emplois ; détruire l’AVS. NON à l’augmentation de la TVA. »

 

Autres craintes

En ces temps où la survie est assurée sur le plan matériel, d’autres craintes, hormis celle qu’inspire la criminalité, occupent le devant de la scène, comme la peur face aux catastrophes naturelles. Centrales nucléaires, manipulations génétiques et changement climatique sont susceptibles de semer la panique. Comment les affronter ? Quelle vision réaliste pouvons-nous mettre en avant ?

En définitive, la peur de la maladie et de la mort, de la souffrance et de la finitude de notre vie est un sujet primordial, même si d’autres thèmes s’y greffent, comme les coûts croissants de la santé, l’aide au suicide, les vaccinations obligatoires ou la psychose face aux pandémies (ex. : la grippe porcine). Il est toutefois un autre point que celui de la santé, sur lequel nous faisons une fixation : la beauté physique. En effet, la crainte du rejet et la focalisation sur les défauts corporels ont permis à l’industrie du relookage, mais surtout à celle de la chirurgie esthétique, de devenir florissantes.

4. Chrétiens, que faisons-nous ?

Je ne crois pas que, en tant que chrétiens, sur le plan politique, nous soyons moins enclins à réagir en fonction de nos peurs. Le problème de notre peur est en partie dû à une perception erronée et non biblique de l’être humain. Il me semble également erroné de croire à l’idée selon laquelle les chrétiens seraient meilleurs que les autres en politique, voire même seraient les seuls à savoir comment poursuivre un bon programme politique, puisqu’ils sont chrétiens et non les autres. Il est vrai que les chrétiens peuvent, dans certains domaines, agir davantage en conformité avec les valeurs chrétiennes, mais ils peuvent tout aussi bien poursuivre une politique inspirée par la peur.

Vaincre la peur

Comment surmonter la peur ? Comment passer d’un état de crainte à une position d’espérance et ainsi être libéré pour pratiquer une politique d’amour du prochain ?

En tant que chrétiens, nous sommes au bénéfice d’un potentiel énorme. Nous avons une espérance vivante, comme l’exposait Claude Baecher. Dieu a promis de veiller sur nous. Forts de cette assurance, nous pouvons obéir à son commandement, qui consiste à nous occuper prioritairement de notre prochain. Qui va donc se charger de cette tâche, si ce n’est nous ?

Avançons, en tant que chrétiens, comme des exemples lumineux ! En agissant ainsi, nous avons le potentiel pour déclencher un véritable bouleversement de la société, tant au niveau politique que spirituel. Car c’est en voyant cela que les non-chrétiens se tourneront vers Jésus. Mais ce travail doit commencer en nous-mêmes : Croyons-nous qu’en Jésus, nous n’avons aucune crainte à avoir ? Personnellement, je dois aussi lutter chaque jour pour chasser la crainte, car faire confiance n’est pas chose facile…

Au cours de l’après-midi, le programme est constitué des ateliers pratiques et de débats sous forme de table ronde, le but étant de trouver des solutions et de passer en revue certains exemples positifs. La ConférenceChristNet souhaite traiter ouvertement du thème de la peur, mais elle entend aussi dépasser ce stade et tenter de découvrir quel rôle l’Eglise peut jouer dans cette démarche. Dans cette recherche, l’espérance et la confiance en un Dieu qui pourvoit et qui protège sont les clés de la réussite.

Markus Meury, 13.11.2010

 


1. Esaïe 44 et 45.

2. Romains 2,14+15.

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~ 25 min

Les entreprises et les associations rétribuent des politiciens triés sur le volet. Que font ces politiciens en retour ? Et quelles sommes sont en jeu ? Cela, le citoyen moyen ne le saura jamais.

1 —Une démocratie parfaite

Peut-être penses-tu que la Suisse est une démocratie normale.

Le peuple élit régulièrement ses représentants, qui se déplacent à Berne 4 à 5 fois par année, y  réservent une chambre d’hôtel et, chaque matin, se rendent au Palais fédéral pour y décréter ou changer des lois ou encore, pour y soumettre leurs propositions. Ce sont des agriculteurs, des enseignants, des avocats, qui apportent ainsi leurs connaissances et les mettent à profit dans leurs travaux politiques. Leur siège au parlement représente pour eux une activité secondaire et ils ne perçoivent guère qu’une indemnité pour ce travail. Ces gens appartiennent à tel ou tel parti, c’est pourquoi chaque citoyen sait d’emblée quels intérêts ils défendent. Tout cela ne semble-t-il pas être un système parfait ? Peut-être même penses-tu que nous possédons la meilleure démocratie au monde.

C’est alors que tu entends l’histoire suivante :

C’est l’histoire de Félix Gutzwiller. Il est conseiller aux Etats (PLR) représentant le canton de Zurich depuis une bonne dizaine d’années  au parlement. Il est un politicien très connu des médias et est par ailleurs professeur d’université. Il a la réputation d’être très compétent. Ce politicien éveille tout particulièrement la confiance des téléspectateurs en tenant une rubrique dans l’émission de la télévision suisse alémanique « 10 vor 10 ». Ce personnage en vue, apprends-tu, siégeait au Comité consultatif du Credit Suisse jusqu’en automne 2007. Ce conseil, dissous entre-temps, était convoqué deux fois par année. Lors de ses séances, il procédait à des « évaluations sur des thèmes  et des évolutions », comme l’avait indiqué l’attaché de presse de la banque. Rétribution accordée pour cette activité : 100 000 francs. C’est beaucoup d’argent pour deux séances. Ce qui peut passer pour un magnifique cadeau est en réalité une affaire rondement menée. Lorsqu’au parlement par exemple, est votée un nouveau droit des actions, le Credit Suisse peut s’attendre à ce que ses intérêts soient dûment pris en considération. Lorsque beaucoup de personnes s’emportaient contre le marché concus avec les autorités américaines à propos du secret bancaire en août dernier, Félix Gutzwiller est descendu dans l’ « arène » pour  défendre, impassible,les intérêts des grandes banques. Et alors que toi tu te demandes si cet imbroglio n’est pas déjà de la corruption, tu entends dire que Gutzwiller, qui a eu vent de ces recherches, décroche lui-même le téléphone pour déclarer : « Je n’étais guère à mon aise ».

Le sentiment de malaise se répand. Il y a deux semaines à peine, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l’accord passé avec les Etats-Unis en vue de régler le différend fiscal était illégal. La Suisse s’est alors engagée à fournir aux autorités américaines les données de 4450 clients de l’UBS  afin de se préserver d’une plainte pénale et, partant, d’éviter l’effondrement de la banque. Or, cet accord parvient tout de même devant le parlement et sera avalisé après coup.

Jusqu’à ce jour, l’UBS pouvait avoir confiance dans le parlement. Ainsi, le PLR possède avec son cercle d’amis :  « Amis du PLR » une puissante association de soutien. C’est un club de la finance mondiale présidé par Peter Wuffli,ancien responsable de l’UBS. On notera qu’il y a aussi la participation de Walter Kielholz , ancien président du Credit Suisse ou encore de Kaspar Villiger, président actuel de l’UBS. Auprès du PDC, le club de soutien financier homologue se nomme  « Association pour le soutien de la sphère scientifique, économique et politique ». Mais depuis peu, les premiers politiciens du clan bourgeois se rebellent contre l’emprise sur les grandes banques. Le conseiller national radical Philippe Müller  exige de son parti qu’il se démarque de cette généreuse association:  « jusqu’à présent, nous avons fait fausse route ». Son collègue de parti Otto Ineichen ajoute : « depuis que je suis parlementaire, je n’ai encore jamais constaté d’efforts aussi massifs et ciblés des lobbyistes que pendant la campagne menée actuellement par les grandes banques. Elles veulent s’assurer qu’en matière de régulation bancaire, tout se déroule selon leurs attentes ».

Alors, tu commences à te poser certaines questions. Ce sont il est vrai de vieilles questions, des questions qui se posent telle une légère poussière sur notre système. A maintes reprises ces questions sont évoquées à haute voix, mais invariablement elles restent sans réponses.

Quels sont les destinataires de ces versements?

Qui verse cet argent?

Combien faut-t-il mettre d’argent sur la table pour obtenir telle ou telle influence?

Personne ne souhaite en parler. On essaie de noyer le poisson. Mais non, mais non, en Suisse tout est parfaitement en ordre.

Certains toutefois en parlent et fournissent des informations. Ce sont ceux qui n’ont plus rien à perdre: les anciens. Depuis longtemps ils ont quitté  l’arène politique, ils ne font plus d’apparitions publiques, ils n’ont plus besoin de se faire du souci pour leur image. Ils disent ce qu’ils pensent. Des relations de dépendance? Bien sûr qu’il y en a.

Et ils racontent des histoires.

Par exemple l’histoire de Flavio Cotti. Il a commencé en tant que conseiller communal et est parvenu à se hisser tout en haut, au Conseil fédéral. C’est une histoire de luttes, de planifications, de bonheur, d’intrigues, d’alliances qui offrent un soutien au momentopportun. Cette histoire bien entendu, parle aussi d’argent et de la façon dont il est utilisé. Flavio Cotti passe sa maturité au gymnase des Bénédictins de Sarnen en 1959, puis dans les années 1960, il étudie le droit à Fribourg. Il est par ailleurs membre d’une association d’étudiants catholiques. Il y fait la connaissance de Franz Lusser, fils d’Augustin Lusser qui avait longtemps siégé comme conseiller d’Etat PDC de Zoug. Plus tard, Franz Lusser deviendra secrétaire général de la Société de Banques Suisses (devenue entre-temps l’UBS). Flavio Cotti a 25 ans lorsqu’il rejoint les rangs des conseillers communaux de la ville de Locarno, et trois ans plus tard, il réussit son entrée au Grand conseil du Tessin, puis en 1975 au gouvernement cantonal. Huit ans plus tard, Flavio Cotti se retire et touche une rente de 100 000 francs. Il est alors âgé de 44 ans et il a de plus grands projets en vue. Il dit à son entourage qu’il veut devenir conseiller fédéral.

En automne 1983, Flavio Cotti obtient de haute lutte un siège au Conseil des Etats. A peine se trouve-t-il au parlement qu’il est élu président du PDC Suisse. Il prend ainsi le relais du Valaisan Hans Wyer, Presque du jour au lendemain, le « petit nouveau » se retrouve numéro un du parti. Ce Tessinois jusqu’alors peu connu se retrouve en première page des journaux. Désormais, il peut envisager la fonction la plus élevée. Comment tout ceci s’est-t-il produit si rapidement ? Dans les caisses du parti il y avait un trou béant. Parallèlement à l’élection de Cotti comme président du PDC, la Société de Banques Suisses a fait don, à la demande de son secrétaire général Franz Lusser, d’un versement de 350 000 en faveur du parti. Tant Lusser que Philippe de Weck, membre du conseil d’administration de la banque, faisaient partie du PDC. Ces détails sont fournis par un témoin qui avait suivi de près ces tractations et qui souhaite préserver son anonymat.

Ce témoin ajoute que ce payement de la SBS était lié à la condition que Flavio Cotti devienne président du parti. « Pour les banques, Hans Wyer n’était pas la bonne personne : trop social, trop occupé par des thèmes liés à la famille, trop éloigné de la sphère économique ». Les banques voulaient le Tessinois avide de pouvoir.

Ceci est une information, rien de plus. Elle provenant d’une source fiable mais anonyme. Est-ce la vérité ? Une grande banque suisse aurait versé 350 000 francs à un parti pour qu’il change de président. Il n’y a pas de preuves, mais il y a des participants et ce qu’ils ont à raconter longtemps après les faits.

Hans Wyer, l’ancien président du parti dit en substance: « j’ai bientôt 84 ans et à cet âge on n’a plus toute sa mémoire, Je ne peux pas reconstruire tout cette affaire. Mais connaissez-vous un parti qui échappe à toute influence ?»

Arnold Koller, en son temps président du groupe PDC et devenu plus tard conseiller fédéral, déclare: « Je dois malheureusement dire que je n’ai pas beaucoup de souvenirs à ce sujet, je ne saurais dire quel était précisément mon rôle lors du remplacement de Hans Wyer par Flavio Cotti. Une quelconque influence de la SBS ne m’est pas connue. Mais naturellement en politique, beaucoup de choses sont possibles ». Tout à coup, il éclate de rire. Puis il reprend son sérieux et ajoute: « Tout ce que je peux dire, c’est que je ne savais rien ». Flavio Cotti, quivit non loin de Locarno, au-dessus du lac Majeur, n’était pas joignable par téléphone.

Et celui qui sait tout sur les dons et les payements de la SBS en son temps, le secrétaire général Franz Lusser, qui a tenu sa fonction des années durant, dit dans le fil de la discussion: « Oui, cette banque a déjà débloqué des moyens financiers en faveur du PDC mais non, au grand jamais cela était couplé à de quelconques conditions. Jamais ? Vraiment? Mettrait-il sa main au feu que cet argent qui autrefois a passé de la SBS au PDC n’était pas lié à la condition que le parti  désigne Flavio Cotti comme son président?

Franz Lusser ne dit ni oui ni non.

Il répond au conditionnel:  « je ne pourrais pas me l’imaginer. Je ne verrais pas non plus pourquoi… Wyer menait une politique équilibrée, il avait de la compréhension pour les questions économiques. Wyer avait sauf erreur  lui-même décidé de quitter ses fonctions. Que Flavio Cotti ait eu des relations spécifiques avec la SBS, cela est pour moi nouveau ».

2 — La fin du parlement de milice

Les personnes élues par le peuple sont appelées représentants du peuple. En tous cas, c’est à souhaiter. Cela signifie que le parlementaire, dans son esprit politique, s’efforce de voir le peuple ou ce qu’on entend par ce joli terme.  Il repréente ce qui nous unit. Naturellement, tu sais que cela n’est qu’une demi-vérité. Bon nombre de politiciens à Berne ne sont pas seulement les représentants du peuple mais ils représentent en outre divers intérêts. Ils jouent ainsi un double rôle, qui est encouragé par notre système. « Le plus dur à Berne, c’est de rester fidèle à soi-même ».

Cette petite phrase, c’est un politicien bâlois qui l’a prononcée après 20 années passées au Conseil national. Le radical Félix Auer, ancien vice-directeur auprès de Ciba-Geigy n’est pas un rêveur mais un homme aux inclinaisons pragmatiques, il sait ce que signifie faire le grand écart entre les intérêts de la société et les intérêts personnels. Le grand incendie de Sandoz à Schweizerhalle au petit matin du 1er novembre 1986 a secoué la Suisse entière; cet incendie a rappelé au peuple la vulnérabilité de la nature. Pour Félix Auer cela a représenté un dilemme, devait-t-il prendre la parole au parlement en faveur de la population ou en faveur de l’industrie chimique ? « Ce fut un moment pénible », se souvient Félix Auer, qui a aujourd’hui 84 ans. Lui, l’homme de Ciba-Geigy  au Conseil national, a défendu sans compromis les intérêts de Sandoz. C’était, comme il le souligne, une situation exceptionnelle, les tentations par contre étaient nombreuses. « Lorsque j’ai été élu au Conseil national, on m’a proposé plusieurs siègles dans des conseils d’administration. Je les ai tous refusés. Je voulais me sentir libre, c’est une question de caractère: tout dépend de l’influence que ces relations d’intérêt ont sur les décisions politiques.  Mais naturellement, elles ont toujours une influence.

Ainsi parlent les anciens, ceux qui n’ont rien à perdre.

Puis, tu discutes avec des jeunes, ceux qui ont encore une carrière devant eux. Eux disent par exemple : « le rapport de dépendance ne restreint pas nécessairement la liberté de décision ». Voilà bien une phrase politique.

Une phrase qui siérait bien à Beat Walti; ce politicien pense que la dépendance vis-à-vis des donateurs est une construction de l’esprit. Walti est président du parti radical du canton de Zurich. En 2007, il était candidat au Conseil national. Comme un de ses collègues du parti radical le souligne, Walti s’est fait payer sa campagne politique par une grande banque zurichoise. Walti affirme seulement : « j’ai financé ma campagne par mes propres moyens mais il est vrai, aussi avec un grand nombre de dons. Je ne donnerai aucune indication au sujet des montants reçus ».

On entend toujours la même rengaine : c’est justement parce qu’ils ne sont pas des politiciens professionnels que nos représentants sont protégés contre les influences inopportunes. Nos représentants exercent leurs fonctions seulement comme une activité accessoire. C’est le système de milice.

Mais, jusqu’où s’étend aujourd’hui l’activité accessoire?

Une personne de bon conseil et au-dessus de tout soupçon dans ce domaine est Gerhard Pfister, un bourgeoisbien ancré dans l’économie. Il représente le PDC depuis 2003 au Conseil national et ayant siégé longtemps à la Commission des institutions politiques, il a pu suivre bon nombre de débats sur l’argent et la politique. « On parle du caractère de milice de notre système et on entend par là qu’une séparation entre la politique et l’économie n’est pas possible ». Cet argument est désormais douteux, estime Pfister. « On ne trouve presque plus de parlementaires de milice. Il n’y a presque plus personne qui exerce une activité bourgeoise et qui, ensuite, siège au parlement quelques semaines par année. La plupart sont des politiciens à plein temps, comme on peut le constater au travers de leurs revenus. A côté du salaire de parlementaire d’env. 100 000 francs par an, ils comprennent des rétributions pour l’engagement de ces parlementaires en faveur d’intérêts divers. Et, aussi pour des mandats au sein de conseils d’administration. On constate aussi comment ces politiciens décrochent ces mandats : ils ne sont pas intéressants parce qu’ils sont bons, mais parce qu’ils sont parlementaires. Les entreprises, les associations, les ONG et les syndicats ont par leur biais un accès direct au pouvoir législatif ». Otto Ineichen a été récemment élu politicien de l’année par la télévision suisse. Au-delà des consignes de son parti (PDC), Otto Ineichen a su s’engager pour une politique de la santé moins onéreuse et pour plus de places d’apprentissage pour les jeunes. Il souligne:  « L’influence des représentants d’intérêts spécifiques au parlement a fortement augmenté lors de ces dernières années. Nous perdons de plus en plus de vue l’intérêt général de notre société ». Marianne Kleiner fait aussi partie des parlementaires qui ne prennent aucun plaisir au jeu de dupes en politique. « Les trucs par derrière,  les mensonges, les petites tactiques – cela je ne veux pas l’apprendre, jamais » dit-t-elle. Cette radicale qui a grandi dans une famille bourgeoise bien connue dans l’arrière-pays d’Appenzell n’aime pas les manœuvres en coulisses. Elle raconte comment se font au parlement les contacts avec les lobbyistes. « Lorsque j’ai siégé à la Commission des affaires sanitaires, j’ai été approchée, voici comment cela se passe : à la Salle des pas perdus on est approché par quelqu’un et on se met à discuter. La personne nous invite à déjeuner. On demande de quoi il en retourne et la plupart du temps on en reçoit déjà l’explication. Si on accepte,  on devient membre d’un comité ou d’un conseil d’administration et on touche peut-être 50 000 ou 80 000 francs par année. Une belle somme d’argent en l’occurrence ». Pourrait-elle nous dévoiler quelques noms?

« Je ne le ferais pas! Je suis tout de même loyale », dit Kleiner. Elle respecte donc le devoir de confidentialité. Elle a décliné toutes les offres qui lui ont été faites « Je veux faire de la politique en gardant mon indépendance ».

Hilmar Gernet, ancien secrétaire général du PCD Suisse dit: « Tous ceux qui entrent dans un conseil d’administration ou dans une commission savent ce qu’on attend d’eux. En l’occurrence, qu’ils défendent  certains intérêts au parlement ». Gernet va publier au printemps un livre sur le financement de la politique. Actuellement il travaille en tant que directeur de la section Politique et économie auprès de la banque Raiffeisen. Il en est donc le lobbyiste en chef.

Un cas d’école d’un de ces représentants d’intérêts se nomme Eugen David. Ce politicien UDC siège depuis 22 ans au parlement. Une fois élu, il a rejoint des conseils d’administration, des comités consultatifs et des conseils de fondation. Actuellement, il remplit 16 mandats de cette nature. Pour la présidence du conseil d’administration de la caisse maladie Helsana, il a touché l’année dernière 126 000 francs (selon le Rapport de gestion). Lorsqu’Eugen David est questionné sur ses multiples connexions bien rémunérées, il donne une réponse, puis demande qu’elle ne soit pas publiée. Il veut voir imprimer quelque chose qu’il n’a pas dite. « Dans le cas contraire je vous demande expressément de renoncer à mes citations », écrit-t-il dans un e-mail. Auparavant, il s’est arrogé le droit de contrôler toutes les citations (ce qui est un procédé habituel). Quant à nous, nous refusons d’accéder à sa demande.

Christoph Blocher, qui siégeait autrefois au conseil d’administration de la Société de banques suisses, a dit un jour (en 1993, dans le journal « Cash ») : aujourd’hui les parlementaires qui siègent dans des conseils d’administration des grandes entreprises sont plus sous pression qu’avant. Les parlementaires doivent désormais suivre des instructions comme si ils étaient des marionnettes. Le respect vis-à-vis de l’indépendance des conseillers nationaux et des conseillers aux Etats était autrefois beaucoup plus marqué ».

Cela est-il vrai pour Caspar Baader, le président du groupe UDC au parlement ? Baader est membre du conseil d’administration de la Fenaco, il est aussi membre de la direction de Swissoil. Fenaco est un groupe qui pèse des milliards, est actif dans le secteur de l’agriculture et profite financièrement de la protection que l’Etat offre aux paysans. Le groupe s’érige dès lors contre l’ouverture des marchés qui se profile à l’horizon. Swissoil, l’organisation faîtière des négociants en pétrole, est comme son nom l’indique un acteur dans la lutte féroce qui a cours en matière de politique énergétique. Baader, qui tire une grande partie de ses revenus de ces deux mandats,  déclare : « les indemnités proposées chez Fenaco et Swissoil sont, en comparaison avec d’autres entreprises et associations, relativement modestes. Je ne dévoilerai pas de chiffres. La plupart des parlementaires représentent des intérêts divers, que ce soit pour l’économie, pour des ONG et d’autres organisations. Ces intérêts sont dûment déclarés au registre du parlement, chacun peut consulter qui entretient quelle relation. En cas de déclaration correcte, cela ne pose pas de problèmes pour notre démocratie. Par contre, parler ouvertement des indemnités perçues ne servirait qu’à alimenter le voyeurisme ».

3 — Omerta

Lorsque tu recherches en Suisse des infos sur le thème du financement de la politique, tu fais là une expérience particulière. Partout c’est le règne du silence. C’est comme si c’était indécent, dans notre pays, de parler des intérêts financiers en politique.

Seule la discrétion est prônée.

Stefan Brupbacher, secrétaire général du parti radical suisse, déclare : « nous ne fournissons pas de renseignement sur nos donateurs, car la confidentialité est un des éléments centraux de notre système politique. Etant donné que seuls le président du parti et moi-même connaissons les finances, un second élément s’en trouve renforcé, à savoir l’indépendance du groupe. Nous ignorons par exemple qui soutient tel ou tel politicien lors d’une élection. Celui qui exige de la transparence cherche à mêler les politiques dans son entourage à des combines douteuses, mais personne ne veut exposer nos politiciens à un soupçon généralisé. Car cela aurait pour effet de décourager encore plus les entrepreneurs de s’engager dans le système de milice. Ainsi, nous élevons des politiciens hors sol ».

Tim Frey, secrétaire général du PDC, déclare: « Dans le système de milice, un candidat est élu précisément en fonction de ses activités et des intérêts qu’il défend. Il est donc impossible, ou très rare, de pouvoir acheter après coup un politicien. Je ne connais personne au parlement qui modifie ses décisions parce qu’il tire ses revenus d’une organisation quelconque. C’est tout à fait impensable. Les politiciens ont déjà leur opinion arrêtée avant leur élection.

Impensable ? N’est-ce pas au contraire plausible? Si toutes ces rétributions n’amenaient pas de résultats tangibles, les entreprises et les associations ne les verseraient pas. Et si le montant de ces rétributions ne posait pas problème, alors on pourrait le divulguer en toute transparence.

En toute transparence ? Tim Frey pense que non. « Nous n’avons pratiquement aucun politicien professionnel en Suisse et nos parlementaires sont en premier lieu des citoyens qui exercent un emploi en plus de leur fonction. En bref, des citoyens ayant droit au respect de leur sphère privée, notamment en ce qui concerne leurs revenus ».

Pouvoir voter en connaissance de cause: c’est la base de toute démocratie. On te l’a enseigné à l’école. Et c’est ce que tu te dis maintenant.

«L’électeur informé était un concept élaboré en sciences politiques dans les années septante » répond Tim Frey. « Bon nombre de recherches empiriques ont démontré que les décisions des électeurs se prenaient le plus souvent sur la base d’une communication fondée sur des symboles ou des sentiments plutôt que sur des raisonnements intellectuels ».

Le PDC ne pense donc pas que les électeurs devraient savoir dans quels rapports de dépendance leurs politiciens se trouvent ?

« Ces dépendances sont visibles. Chaque comité consultatif, conseil d’administration ou conseil de fondation est inscrit au registre du parlement. C’est suffisant. Combien ces politiciens gagnent avec leurs mandats ? Cela n’intéresse personne. Lorsqu’un électeur pense qu’un politicien a été acheté, ce politicien est banni de ses intentions de vote. Le citoyen ne vote plus pour lui. Un point c’est tout. »

Les sentiments : c’est justement là que le bât blesse. Bon nombre de citoyens ne pensent-ils pas qu’à Berne quelque chose va de travers, qu’il y un genre de magouilles, quel que soit le nom qu’on lui donne ?  Or, ce sentiment diffus ébranle la confiance que le citoyen a dans la politique.

« Nos électeurs nous font confiance », répond  Tim Frey du PDC. Autrement, ils ne nous éliraient pas. Je connais mes électeurs. Le mode de financement de nos politiciens n’est pas un thème d’actualité. Le sujet est monté en épingle par deux ou trois journalistes ».

Et puis Tim Frey ajoute : une loi régissant les partis serait envisageable et, donc, on aurait un parlement professionnel, avec une loi qui interdirait aux politiciens d’accepter de l’argent. En parallèle il ajoute : tout cela n’apporterait pas un plus pour notre démocratie. Cette expérience, je l’ai faite par exemple au Mali  : ces réglementations sont souvent contournées. En Suisse, avec le droit d’association qui est très libéral, cela serait très facile. Notre système paraît quelque peu flou, on y reconnaît un certain bricolage, quelque chose d’amateur. Mais cela me paraît plus sympathique car on ne suggère à aucun moment une transparence qui n’existe pas.

La Suisse est donc différente du Mali. Mais comment les choses fonctionnent-elles en Suisse? Il existe un rapport du Conseil fédéral intitulé : « Moneypulation… ? ». Ce rapport a été rédigé en réponse au postulat du social-démocrate Andreas Gross, qui en 1995 avait exigé qu’une fois pour toutes, soit élucidée la question de l’apport d’argent dans la politique. Autremet dit, notre démocratie est-elle à vendre? Gross écrit : « Il est d’une importance vitale pour notre Etat de déterminer la valeur de cette thèse ».  ». Ce n’était pas le premier essai de la gauche en la matière et, comme l’écrivait le PS, ce ne serait pas non plus le dernier. Le Conseil fédéral a chargé la Chancellerie fédérale de mener une étude : trois ans plus tard, le « Rapport sur le rôle de l’argent dans la démocratie directe » était ficelé. Ses 126 pages ne contenaient… rien. La Chancellerie fédérale avait mené une enquête sur la question auprès de 16 partis, de 8 associations et de 21 autres organisations politiques. Avec ce questionnaire, les événements politiques des années 1994 et 95, ainsi que les élections au Conseil national de l’automne 1995, ont été passés sous la loupe, l’examen portant sur l’utilisation des moyens financiers. Une complète confidentialité fut assurée aux répondants les résultats ont été anonymisés. Finalement, sur les 45 organisations auxquelles on avait écrit, seules 12 ont répondu (le PS suisse faisant partie de la majorité silencieuse). Le Rapport conclut en faisant remarquer, en substance, qu’au vu des montants financiers, des budgets et des moyens financiers cités, il est présomptueux d’affirmer que l’argent ne joue aucun rôle dans la démocratie. Néanmoins, l’importance à accorder aux efforts financiers demeure peu claire ».

Lorsqu’en 2001 l’ancien conseiller national PS Pierre-Yves Maillard a relancé la question par une interpellation intitulée « Argent et démocratie. Liaisons dangereuses ». Le Conseil fédéral lui a répondu en se référant au le rapport laconique de la chancellerie. « Vu l’absence générale de transparence manifestée en la matière, le Conseil fédéral doute qu’une nouvelle enquête puisse apporter de nouveaux enseignements », écrit-il. Telle est donc la situation de notre nation : la plus haute instance, le gouvernement de ce pays, aimerait savoir qui finance chez nous la politique. Mais en vain. L’omerta ne sera pas rompue. Les débats politiques et la mise en lumière des flux d’argent suivent actuellement un schéma qui oppose la gauche à la bourgeoisie. La gauche prône la transparence, les bourgeois la rejettent. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans l’ère qui a précédé Blocher, l’UDC a mené le combat sur cette question aux côtés des sociaux-démocrates, avec une argumentation pareille en tous points : si on doit constamment lever des fonds, on se lie à ceux qui versent cet argent et on perd sa liberté. Donc, l’Etat devait financer  la politique. Aujourd’hui, l’UDC refuse formellement de dévoiler le nom de ses donateurs. L’attitude d’un parti vis-à-vis de la transparence semble donc toujours dépendre du profit qu’il retire lui-même, en secret, de ses propres donateurs.

4 — Des chiffres et des estimations

La question de savoir d’où provient l’argent demeure sans réponse. Tu tentes alors de prendre ce problème par l’autre bout de la lorgnette : à qui cet argent est-il destiné ?

Une partie va directement sur les comptes des politiciens.

Une part va aux centrales des partis (financement des partis).

Une partie sert à couvrir les frais des campagnes de votation.

Il existe des estimations dans ce domaine.

Commençons par les élections et prenons la campagne des élections au Conseil national de 2007, la plus coûteuse à ce jour. Hilmar Gernet la décrit dans son livre. Les partis ont dépensé environ 50 millions de francs pour les affiches, les annonces et les brochures. Les budgets consacrés à ces élections par les partis représentés au Conseil fédéral (plus les Verts) se sont montés à 16,6 millions de francs au total. Reste donc une lacune d’environ 34 millions de francs. Les candidats se sont, semble-t-il, procuré par eux-mêmes cette somme.

Auprès de qui ?! Nous ne le savons pas.

Le financement des partis donne également lieu à des estimations. Selon les données des secrétariats généraux, la situation est la suivante : chiffre d’affaires de l’UDC Suisse en 2009 : environ 2,5 millions de francs (Christophe Blocher ne verse rien à la caisse du parti, mais son aide financière va directement aux campagnes pour les élections et les votations). Le PS Suisse a dépensé l’an passé 4,83 millions de francs, dont 1,2 million de francs pour les campagnes électorales. Chiffre d’affaires du PLR Suisse en 2009 : environ 3 millions de francs. Le PDC compte un budget annuel de 2,5 millions de francs qui, les années d’élections, est augmenté d’un million de francs.

Comme tu peux le calculer, le travail de plus en plus coûteux effectué dans les centrales des partis représentés au Conseil fédéral s’élève donc à environ 12 millions de francs. Alors que le PS vit essentiellement des cotisations de ses membres, les partis bourgeois sont financés surtout par des dons. D’après Hilmar Gernet, les six principaux donateurs sont Credit Suisse, Novartis, Roche, Nestlé, une grande entreprise de construction et, jusqu’à l’année dernière l’UBS.

Pourtant, ces 12 millions de francs ne représentent que peu d’argent par rapport aux sommes utilisées dans le cadre des campagnes. La société Media Focus évalue chaque année le volume de la publicité politique dans les médias et son coût. En 2007, la sphère politique a passé pour 58 millions de francs d’annonces diverses. En 2008 pour 53 millions, l’année dernière, pour à peu près le même montant. Ce montant élevé, de 50 à 60 millions de francs par an, comprend toutefois les coûts inhérents aux campagnes de votations et d’élections cantonales et communales. Si tu tiens compte uniquement des campagnes nationales, la somme en jeu s’élève à environ 25 millions de francs par an.

Qui paie ces millions pour les votations et les élections ?

On te répond : les cercles intéressés.

Tu penses peut-être à Christophe Blocher ou à Walter Frey de l’UDC, ce qui n’est pas faux en soi. Bien que Walter Frey soit « un peu moins actif depuis huit ans », comme il le dit lui-même. Autrefois, lui et Christophe Blocher auraient supporté ces dépenses à part égale, alors qu’actuellement, Blocher est plus fortement impliqué. Blocher déclare qu’il ne veut pas s’exprimer sur ce sujet.

Puis, Economiesuisse vient à l’esprit. Economiesuisse est l’organisation faîtière de l’économie suisse. Economiesuisse représente l’agence la plus professionnelle pour les campagnes politiques en Suisse. Dans cette liste des puissants groupes d’intérêts, elle est suivie, à une certaine distance, par les syndicats et de nombreuses associations, telles que l’Union patronale, l’Union des arts et métiers, l’Union des paysans et des organisations environnementales. Ces dernières disposent de moins de moyens financiers, mais leurs nombreux membres leur donnent un moyen d’influence.

5 — L’association

Un jour, tu te retrouves assis en face d’un homme au visage rond et enjoué, qui porte une cravate à la mode et qui, au cours d’une conversation détendue, répond à tes questions. Cet homme se nomme Urs Rellstab. Il est directeur adjoint d’Economiesuisse. Avec un budget d’environ 15 millions de francs, cette fédération emploie plus de cinquante personnes.  Economiesuisse a ainsi un budget plus élevé que la totalité des partis politiques. Ce critère à lui seul démontre où se situent les rapports de force.

Mais le véritable instrument pour le combat politique est le fonds de campagne d’Economiesuisse. Urs Rellstab ne dit mot sur le montant de ce fonds. Il est cependant suffisamment alimenté pour qu’Economiesuisse puisse s’engager dans la bataille sur toutes les questions importantes. Lors de campagnes de moindre envergure, Economiesuisse engage un montant de 1 à 2 millions de francs, pour celles de moyenne importance, elle engage de 2 à 5 millions de francs et pour les campagnes majeures, comme celle sur la libre circulation des personnes, elle peut investir jusqu’à 10 millions de francs. On évalue à 15 millions de francs par an le montant à disposition pour des campagnes politiques. Depuis le vote sur le paquet fiscal, (il y a presque six ans, la Fédération des entreprises suisses n’a plus perdu aucun vote dans lequel elle était impliquée. On peut en déduire que l’argent est important. Très important. Urs Rellstab ne remet pas cela en question. « Quand il y a une votation aux résultats serrés, l’apport financier dans les dernières semaines peut se révéler être un facteur pertinent. Au cours de cette phase, il est important de répéter le message par des annonces dans les journaux ».

Tu demandes à cet homme de te fournir une liste de toutes les votations populaires et des montants financiers qu’Economiesuisse a engagés lors de ces campagnes. Urs Rellstab sourit d’un air entendu et dit : « Le montant que nous engageons lors d’une campagne politique, nous ne le rendons pas public. En tant qu’association faîtière de l’économie, nous ne pouvons pas mentir. Souvent, nos adversaires tentent de jouer à David et Goliath et, début d’une campagne, avancent des chiffres qui, finalement, n’ont rien à voir avec la réalité ».

Le politologue Hans-Peter Kriesi, de l’université de Zurich, a étudié il y a plus de vingt ans le rôle des associations économiques en Suisse. Dans son livre qui reste en grande partie d’actualité, Kriesi confirme la forte position occupée par les associations économiques : la Suisse pourrait fonctionner un certain laps de temps sans partis politiques, mais elle ne pourrait se passer des groupes d’intérêts. « L’implication des associations dans la politique va en Suisse bien au delà de leur reconnaissance juridique ». Selon la Constitution fédérale, lors de l’élaboration de la législation, les associations devraient , être que consultées et, le cas échéant, impliquées dans sa mise en œuvre. Or, elles fonctionnent comme des partis, comme si elles contribuaient à la formation de l’opinion et avaient un droit d’intervention. « Il est démontré que les associations en Suisse ne sont pas seulement en mesure de faire valoir leurs intérêts, mais qu’elles savent les concrétiser pour que soient prises des décisions contraignantes ». Naturellement, tu penses ici aux grandes multinationales car, ces dernières n’ont plus besoin des associations et font part de leurs exigences directement au gouvernement, comme nous avons pu le constater dans l’affaire UBS).

6 — A la commission

Nous le constatons, beaucoup d’argent est injecté dans les campagnes de votations. Mais cet argent n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne de décisions politiques. Une campagne lors d’une votation représente pour les groupes d’intérêts la toute dernière possibilité de gagner de l’influence. Il est plus efficace d’entamer cette démarche en amont, au début du processus législatif, c’est-à-dire dans les commissions. En effet, les commissions sont les ateliers du parlement. Elles représentent une charnière entre la société et l’Etat. C’est lors de ces commissions que se produit l’essentiel. C’est ici que les propositions de loi sont formulées et que toutes les décisions préliminaires sont prises. Le parlement devra certes voter sur les propositions des commissions mais la voie est déjà tracée. En même temps, le procédé de formation d’opinion y échappe à tout contrôle, car les délibérations y sont secrètes et les procès-verbaux confidentiels. En d’autres termes, les commissions représentent le parfait terrain d’action pour les groupes d’intérêts.

Il n’y a pas que les membres des commissions des partis bourgeois qui soient au service des entreprises et des associations ; des parlementaires de  gauche bénéficient aussi de mandats dûment rétribués, par exemple la conseillère aux Etats sociodémocrate Simonetta Sommaruga. Jusqu’en juin 2008, Sommaruga a présidé le conseil de fondation de l’œuvre d’entraide Swissaid tout en étant membre, au parlement, de la commission de politique extérieure. Dans cette commission, elle a fait partie de ceux qui ont décidé d’augmenter l’argent de la Confédération consacre à l’aide au développement de 0,4% à 0,5%, ce dont l’œuvre d’entraide a directement profité. Sommaruga percevait également une partie de ses revenus de cette institution.

Elle déclare : « Dans un parlement de milice, il est légitime de percevoir des regrenus supplémentaires du secteur politique. Un mandat de ce type permet en outre d’acquérir des connaissances spécialisées. Toutefois, on devrait rendre public l’ensemble des montants perçus. Il y a une profonde différence entre le fait de présider une œuvre d’entraide et de siéger dans un conseil d’administration, où la rémunération est dix ou même cinquante fois supérieure ». Sommaruga a reçu annuellement 4800 francs de la part de Swissaid.

Ceci est la principale différence entre la gauche et les partis bourgeois : les politiciens de gauche dévoilent combien d’argent est en jeu. Sur demande, le secrétaire général du PS Suisse nomme « tous les parlementaires qui sont employés par une association ». Ensuite, il indique également leurs revenus. Cinq parlementaires sont concernés, et leurs revenus provenant du travail associatif vont de 5000 francs par an (Evi Allemann)  à 50 000 francs annuels (Paul Rechtsteiner).

Est-ce que le montant en tant que tel joue un rôle ? Vraisemblablement penses-tu que oui, qu’il joue un certain rôle. Car  plus un politicien gagne d’argent en raison de ses liens avec des groupes d’intérêts,  plus la part de son revenu couverte par des mandats de ce type est importante, plus il est dépendant de ces groupes donateurs. Est-ce le cas ou  non ?

A l’autre bout de l’échiquier politique, tu rencontres Roland Borer conseiller d’Etat UDC, lequel fait de la politique depuis des années au sein de la Commission de la politique de sécurité. Dans cette commission, Borer s’est battu contre l’idée d’un registre fédéral des armes, il s’est aussi battu pour la privatisation de l’entreprise d’armement de la Confédération RUAG. En même temps, il a siégé au conseil d’administration d’une entreprise concurrente, Micro Technology Hérémence SA, dans laquelle Borer a investi des fonds personnels (jusqu’à ce que cette dernière soit vendue en 2008 à un acheteur norvégien).

Roland Borer déclare : « J’ai toujours déclaré ouvertement que j’étais au conseil d’administration de la MTH SA. Dans les moments cruciaux, je me suis abstenu de donner ma voix dans la commission. Pour moi, il était aussi évident que je ne pouvais pas accéder à la présidence de la Commission de la politique de sécurité ».

Pour toi il n’y a aucune possibilité de constater par toi-même combien les différentes influences orientent les commissions, car comme nous l’avons dit, tout est strictement confidentiel. Mais un jour, un journaliste romand, Titus Plattner a réussi à mettre en lumière un épisode significatif de ce processus. Cette anecdote démontre ce que signifie concrètement représenter les intérêts d’un groupe.

Le 10 février 2004, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats a siégé pour préparer la révision totale de la loi sur les douanes. Gregor Kündig, alors membre de la direction de l’association économique Economiesuisse, avait distribué à une sélection de parlementaires, une liasse de documents répertoriant trente points de la législation, partiellement reformulés selon les souhaits d’Economiesuisse et classés par ordre d’importance. Les sujets pourvus d’une étoile étaient considérés comme « importants »pour l’économie, les documents ayant deux étoiles étaient « très importants », et ceux avec trois étoiles étaient « absolument vitaux ». Lors des pourparlers sur le projet de révision, Eugen David, président de la commission, marque une longue pause à chaque article marqué par Economiesuisse. En effet, chaque modification du projet de loi doit être demandée par l’un des membres de la commission. Chaque fois, un membre s’annonce. Mais, tout d’un coup, cette machine bien huilée s’arrête. « Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter ? » demande Eugen David.

Silence

« Personne? »

Le silence persiste.

« Mais dites voir, c’est une proposition trois étoiles!. Quelqu’un devrait présenter une proposition à Economiesuisse ».

Finalement, un conseiller aux Etats répond à la demande du président de la commission. C’est une anecdote très représentative,  qualifiée par Economiesuisse de « tout à fait correcte ». Urs Rellstab explique : « Si on n’avait pas dit auparavant aux parlementaires qui sont les plus proches de nous, ce qui est essentiel, on serait parti sur une mauvaise voie. Les intérêts doivent s’articulés dans le processus politique. Nous y veillons ».

Rudolf Strahm, social-démocrate ayant siégé pendant treize ans au Conseil national et a présidé pendant un certain temps la Comission de l’économie et des redevances, a constaté que les membres bourgeois de la commission venaient avec, en main, des prises de position préparées à l’avance, comme il les décrit. Il a aussi remarqué un amusant jeu du chat et de la souris entre l’Administration fédérale et les groupes d’intérêts. Avant que qu’une nouvelle loi ne puisse être débattue en commission, il faut  en effet  préparer un message et un projet de loi. C’est l’affaire des spécialistes de l’administration. Or Rudolf Strahm raconte : «lorsque plusieurs demandes émanant de la commission ont une chance d’aboutir, il arrive que l’Administration propose des modifications de dernière minute. Les parlementaires qui représentent des groupes d’intérêts dans la commission, sont parfois pris au dépourvu par ces propositions de dernière minute et ne sont pas en mesure de décider si la modification va dans le sens de l’intérêt économique qu’ils représentent. Nous avons constaté qu’à la suite d’une proposition de dernière minute de l’administration, on a demandé une pause urgente de la séance de la commission. Les membres de la commission ont filé dans les couloirs, se sont emparés de leurs téléphones portables pour  demander l’avis  d’un lobbyiste de l’association économique ou du groupe concerné ».

Le parlement est faible à certains égards. Et celui qui est faible aime qu’un plus fort que lui lui tienne la main. C’est ce qu’affirme en substance Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir Suisse, le laboratoire d’idées des grandes entreprises suisses. « Le problème principal n’est pas qu’on puisse acheter les parlementaires ou que ceux-ci soient livrés pieds et poings liés à des groupes d’intérêts, le problème crucial c’est qu’ils sont souvent surchargés. Il  est presque impossible d’avoirune vue d’ensemble des affaires souvent complexes dont il faut traiter. Même les politiciens les plus zélés et les plus aguerris atteignent ainsi leurs limites. Cela laisse une chance aux lobbyistes, tout simplement parce que les parlementaires sont heureux que quelqu’un leur prête main-forte ». Selon Xavier Comtesse, celle qui profite le plus de cette faiblesse, c’est l’administration. « Elle dispose des ressources humaines nécessaires pour gérer les affaires. Elle peut tirer les ficelles en toute tranquillité ou presque ».

7 — Un cas unique en Europe

Peut-être penses-tu que la démocratie suisse est loin d’être parfaite. Mais tu le sais bien, les démocraties parfaites n’existent pas. Le financement de la politique n’est pas un problème typiquement suisse, dans d’autres pays aussi l’argent occupe une place très importante dans la vie publique. Il occupe souvent une place indue. Des scandales ne se sont-t-ils pas produits dans de nombreux pays ? L’affaire de l’argent sale en Allemagne a causé un tremblement de terre politique et à coûté le siège d’honneur de la CDU à Helmut Kohl ? N’y a-t-il pas eu l’affaire Elf-Aquitaine en France, où une courageuse juge d’instruction a pu démontrer qu’un groupe pétrolier avait investi près de 300 millions d’euros pour obtenir des faveurs politiques et avait permis à Roland Dumas, l’ancien ministre des affaires étrangères, d’entretenir à grands frais une maîtresse ?

Le premier mandat de Tony Blair n’a-t-il pas presque échoué lorsqu’il s’est avéré que le parti du Labour a reçu un million de livres des organisateurs du sport automobile  en échange des efforts consentis pour que la publicité pour les cigarettes soit maintenue sur les grands prix de Formule un.

Il n’y a que la Suisse qui n’ait pas encore connu de véritable scandale lié au financement des partis. Occasionnellement, tu entends l’argument selon lequel la supériorité de notre système helvétique serait ainsi démontrée. N’est-ce pas du cynisme ? En Suisse, il n’y a pas de scandales financiers, car l’achat de décisions politiques n’est pas prohibé. Aucun juge d’instruction ne peut donc entamer de  procédure. Aucun parti n’est tenu de laisser quiconque consulter ses comptes. Ce qui, à l’étranger cause des scandales retentissants se trouve être accepté par notre système juridique.

On peut bel et bien parler de spécificité helvétique. Il n’y a que chez nous que le financement de la politique ne fait l’objet de pratiquement aucune réglementation. Les parlementaires doivent certes déclarer les liens qu’ils entretiennent avec des groupes d’intérêts, mais les montants versés demeurent secrets. Par ailleurs les mandats d’avocat, les montants versés pour des consultations et d’autres formes de payements indirects pour des services rendus demeurent cachés. Dans la plupart des démocraties, ces dernières décennies, des mesures ont été prises pour que les puissants groupes financiers ne puissent pas influencer facilement les décisions politiques. Partout le critère central se nomme transparence. Parmi les derniers pays européens qui ont rendu obligatoire la publication de ces montants, on trouve les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Ainsi, depuis l’an 2000, tous les dons faits aux partis en Grande-Bretagne doivent être divulgués. Malgré cela, les Britanniques, forts d’une fière tradition libérale, s’en sortent avec un faible financement de la politique par l’Etat. Cette contribution par personne est sensiblement plus faible que celle déboursée par chaque contribuable suisse au titre de la contribution aux groupes politiques. La transparence et une contribution financière minimale par l’Etat  peuvent donc faire bon ménage.

Aujourd’hui, la politique suisse de financement des partis est perçue à l’étranger comme une sorte de relique. L’OSCE, dont fait partie la Suisse, comme chacun sait, constate dans son rapport sur les élections parlementaires de 2007 que l’obligation de publication en Suisse est insuffisante. Le rapport de l’ONU sur la corruption dans le monde de 2004 fait remarquer sèchement qu’en matière de transparence du financement des partis, la Suisse se trouve sur un pied d’égalité avec l’Albanie, les Bahamas ou encore le Sri Lanka.

Les politiciens suisses ne sont ni meilleurs ni pires que ceux d’autres pays. Tu le sais naturellement et tu veux volontiers croire que beaucoup d’entre eux s’efforcent d’assumer le mandat que les électeurs leur ont confié du mieux de leur capacité et de leur conscience. Malgré cela, la réputation des représentants du peuple est en train de se dégrader. Nos politiciens souffrent d’une perte d’autorité. Les soupçons de corruption finissent par entacher la crédibilité de notre système.

 


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