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Il y a 12 ans, ChristNet publiait le livre « La Suisse, Dieu et l’argent ». Il traitait de l’utilisation problématique de l’argent en Suisse et mettait en lumière de nombreux dysfonctionnements sociaux et politiques. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Les auteurs du livre décrivaient la Suisse comme un pays dont la politique monétaire et les pratiques économiques jouissaient d’une réputation douteuse dans le monde entier. La liste des aspects problématiques était déjà longue à l’époque : évasion fiscale, flux financiers illégaux et privilèges fiscaux pour les riches. Un exemple éminent est encore aujourd’hui la pratique selon laquelle les banques gèrent l’argent des impôts de potentats étrangers et de régimes corrompus sans avoir à craindre de graves conséquences. L’évasion fiscale par les entreprises et le dumping fiscal au profit de groupes étrangers qui violent les droits de l’homme à l’étranger restent également un problème non résolu. Le livre souligne que de nombreux chrétiens en Suisse sont également soit impuissants soit indifférents face à ce comportement.

L’« esprit mercantile » suisse

Un épisode qui reflète la pensée économique cynique de la Suisse est la déclaration du directeur de la Chambre de commerce internationale (CCCI), il y a des années, lors d’un congrès : « La Suisse a un esprit de commerçant ». Il décrivait ainsi avec justesse une mentalité qui domine encore aujourd’hui. Un exemple tiré de la commune de Wengen, dans l’Oberland bernois, illustre cette attitude : le président de la commune soutient la construction d’un hôtel de luxe, car il est convaincu que seuls de tels projets attireront des personnes qui apporteront beaucoup d’argent. Cette vision du développement économique et de la prospérité montre à quel point la recherche d’avantages financiers est ancrée dans de nombreux secteurs de la société.

La corruption et la face cachée du monde financier

L’incapacité de la Suisse à lutter efficacement contre le blanchiment d’argent et les pratiques financières illégales est un autre thème central à ce jour. Il existe certes des lois comme la loi sur le blanchiment d’argent, mais les avocats en particulier ont été largement épargnés lors de leur application. De plus, les « clans » qui déplacent des fonds illégaux constituent un problème croissant. L’appel presque désespéré du procureur général de la Confédération à plus de police et à des contrôles plus stricts ne trouve guère d’écho au sein de la commission de sécurité de la Confédération.

Ou encore un autre exemple actuel : la commission d’enquête parlementaire (CEP) sur le cas de l’ancienne grande banque « Credit Suisse » a récemment montré que le traitement des banques et de leurs comportements fautifs a longtemps été trop laxiste – bien que des signaux d’alarme aient été émis très tôt. Cela reflète un problème fondamental : la recherche du profit et du pouvoir se fait souvent au détriment des normes éthiques et du bien public.

Les abus politiques et le pouvoir de l’argent

Des organisations telles que la « Déclaration de Berne » – aujourd’hui « Public Eye » – et le « Swiss Social Watch » ont à plusieurs reprises attiré l’attention sur les pratiques problématiques dans le cadre desquelles les partis reçoivent des dons importants de la part de personnes ou d’entreprises fortunées, sans que ceux-ci soient rendus suffisamment transparents. Ces organisations demandent des règles plus strictes et un véritable contrôle des dons aux campagnes électorales. Certes, il existe désormais des règles selon lesquelles les dons importants doivent être publiés lors des campagnes électorales ; mais l’autorité de contrôle chargée de surveiller ces flux financiers est volontairement réduite à la portion congrue. L’argent devrait donc continuer à avoir une influence importante et peu transparente sur les décisions politiques.

Une attitude particulièrement frappante de la société suisse vis-à-vis de l’argent est l’idée largement répandue que les dépenses sont considérées comme des « pertes » et que l’on ne tient pas compte du fait que, d’un autre côté, les recettes et les investissements favorisent la croissance économique et les existences. La question « Combien ça coûte ? » devient un frein central pour de nombreuses idées sociétales. Les investissements dans le bien commun ou dans un avenir durable n’y sont souvent pas suffisamment pondérés. Ce point de vue conduit à un rétrécissement supplémentaire de la vision de la prospérité, dans laquelle seuls les éléments visibles et immédiatement rémunérateurs sont considérés comme précieux.

Dettes et spéculation : un rapport divisé à l’argent

En Suisse, faire des dettes est presque une honte sociale. L’image de l’endettement comme échec moral marque la pensée de la population. Pourtant, le système en vigueur pour le désendettement est souvent si difficile que de nombreuses personnes restent prises au piège des dettes, sans réelle chance de s’en sortir. Il n’existe pas encore en Suisse de loi permettant aux particuliers d’effacer leurs dettes.

En revanche, la spéculation sur les marchés financiers – le transfert d’argent sans création de valeur réelle – ne semble pas poser de problème. En Suisse règne l’illusion largement répandue que l’argent peut être multiplié à l’infini sans nuire à autrui. Les conseils boursiers sont populaires et l’on suggère que tout le monde ne peut que gagner.

L’Église et l’argent : une relation ambivalente

Le rapport des Eglises à l’argent est également unilatéral. Dans de nombreuses réformes de l’Eglise de ces dernières années, c’est la gestion de la baisse des recettes fiscales qui a dominé de manière subliminale. La question de savoir comment l’Eglise peut gérer et préserver ses ressources financières fait l’objet d’un débat intense – le gain d’âmes, en revanche, n’est pas abordé.

Dans un article paru le 14 janvier 2025, la NZZ fait remarquer que le prosélytisme et la foi personnelle sont aujourd’hui souvent éclipsés par des considérations financières. Dans de nombreux cas, la question de savoir comment l’Eglise peut assurer sa stabilité financière est plus importante que l’orientation spirituelle. La question reste posée : Pourquoi ne consacre-t-on pas plus d’énergie au renouveau spirituel et à la diffusion de la foi plutôt qu’à la garantie de l’existence financière ?

L’influence de la fortune sur la position sociale et le pouvoir

Dans une société où la fortune est si fortement liée à la position sociale et au pouvoir, la question se pose de savoir quelle influence la prospérité matérielle doit avoir sur les décisions politiques et sociales. La politique peut-elle et veut-elle créer un équilibre dans ce domaine ?

La réponse à cette question est souvent peu claire en Suisse. Il y a certes quelques efforts pour lutter contre les inégalités et répartir la richesse de manière plus équitable, mais la résistance aux mesures correspondantes reste forte. Il reste à voir comment la Suisse se positionnera à l’avenir par rapport à une répartition plus juste et plus éthique des ressources.

Une boussole éthique pour les chrétiens

Pour conclure, la question se pose de savoir comment les chrétiens en Suisse doivent se comporter face à tous ces thèmes. Doivent-ils continuer à s’accommoder des normes sociales et des modèles économiques dominants ou s’engager dans une voie alternative qui mise davantage sur la justice et la responsabilité sociale et écologique ? La Bible invite les croyants à une gestion responsable de l’argent et de la richesse.

La voie des chrétiens devrait donc aussi consister à s’engager en faveur d’un système économique plus juste, qui n’assure pas seulement la prospérité des riches, mais qui profite aussi aux plus pauvres.

Il reste à espérer que la Suisse et ses citoyens, en particulier dans les milieux chrétiens, se posent davantage la question éthique de savoir comment la prospérité devrait être créée et répartie – et que la gestion de l’argent ne soit plus considérée comme une fin en soi, mais comme un moyen de promouvoir le bien-être de tous. Actuellement, par exemple, avec l’initiative pour la responsabilité de la création, qui est typiquement combattue par des arguments économiques à court terme lors de la campagne de votation. Il s’agit ici de prendre le contre-pied.


Cet article a d’abord été publié sur INSIST.

Photo de Claudio Schwarz sur Unsplash

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Environ 200 personnes se sont retrouvées samedi 23 novembre à la HET-Pro (St-Légier VD) pour la Journée Jacques Ellul. Face aux nombreuses crises de notre temps – écologiques, géopolitiques, migratoires etc. – et les idéologies dominantes – consumérisme, nationalisme, capitalisme, militarisme etc. – qui se révèlent inefficaces pour apporter des solutions, un sentiment d’impuissance peut s’installer.

Les participant-es ont pu constater que la pensée d’Ellul, 30 ans après son décès, demeure d’une étonnante actualité et apporte des pistes de réponses, qui restent cependant défiantes. Par leur présence, ils ont exprimé leur besoin d’y réfléchir collectivement. Avec la publication des interventions en juin 2025 (« Face aux désastres ») et un processus de compilation de propositions concrètes, une suite est d’ores et déjà donnée à cette journée.

Neuf intervenants de différentes disciplines – théologie, philosophie, sciences sociales, ingénierie, économie… – ont présenté différents aspects de la pensée prolifique de l’auteur bordelais, par le biais d’exposés, d’ateliers participatifs, d’une table ronde et d’un débat public.

En ouverture, Jacob M. Rollison, théologien et worker à L’Abri (Huémoz), a parlé sur la technique comme « puissance et désespoir de l’être humain ». Selon Ellul, la Technique se caractériserait par son auto-accroissement, en ce qu’une invention génère d’autres et induit de nombreuses applications, dont l’orientation échappe au contrôle de l’être humain. Tel un bolide sans volant, le développement technique foncerait en avant, sans sens, ni but, créant des catastrophes de plus en plus inévitables. Et de poser la question : « Pourquoi ne levons-nous pas le pied ? »

A la suite de ce diagnostic désespérant, Frédéric Rognon, professeur de philosophie à l’Université de Strasbourg et grand spécialiste d’Ellul, lance : « Pas d’espérance sans désespoir », précisant qu’il s’agit du désespoir face à l’incapacité des moyens humains et techniques de pallier les crises. Certes, la Technique confèrerait à l’Homme une puissance inouïe, mais qui serait foncièrement ambivalente (avec des effets positifs et négatifs indissociables) et auto-accroissante. A l’opposé, Ellul propose la « non-puissance », un renoncement à la puissance (technique) qui implique de ne pas faire tout ce qui est faisable. Comme modèle de cette non-puissance, il désigne Jésus, ce Dieu tout-puissant qui renonce à sa puissance pour se faire humain.

En conclusion de la matinée, David Bouillon, professeur à la HET-Pro, a donné un éclairage biblique sur le catastrophisme en rendant compte du commentaire d’Ellul « Le livre de Jonas » (La table ronde, 2024). L’histoire de ce prophète nous ferait prendre conscience que c’est l’amour de Dieu qui nous rend responsable pour accomplir notre mission. Face à la toute-puissance de la Technique, Dieu affirmerait Sa compassion avec tout le vivant. Là serait l’issue de notre « enfer » et de nos crises, là serait notre espérance.

Des ateliers participatifs

Lors de la Journée Jacques Ellul, les participant-es ont joué un rôle actif. En effet, les ateliers de l’après-midi ont été un moment fort de la journée, d’une durée de plus d’une heure pour permettre la création collective de pistes concrètes face aux défis abordés pendant la journée. Ce qui en ressort a été présenté et discuté en plénière lors de la table ronde. Ainsi, les organisateurs sont confiants que la journée a permis aux personnes présentes de grandir dans un engagement juste au sein de nos sociétés en crises.

Une publication à venir

Suite à cette journée, une publication regroupant la synthèse des exposés, les présentations des ateliers, ainsi que le résultat des discussions sera publié en juin 2025 :
« Face aux désastres – Avec Jacques Ellul, penser la crise et choisir l’espérance.»
Editions mennonites (dossier Christ seul), 96 pages. Les pré-commandes sont possibles dès maintenant.

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Le 24 novembre 2024, la Suisse votera sur une modification de la loi sur l’assurance maladie sous le titre « Financement uniforme du système de santé » (EFAS). Une fois de plus, on espère freiner les coûts de la santé.

« Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur l’homme un profond sommeil, de sorte qu’il s’endormit ». 1 
Lorsqu’Adam ouvrit les yeux, il vit devant lui EFAS. EFAS était parfaite et insurpassable dans sa beauté.

Peu après, le début de l’humanité a glissé dans la première grande crise. La maladie et la mort ont été initiées. Et bien qu’Adam et Eve fassent partie de l’histoire depuis longtemps, nous continuons aujourd’hui en Suisse, même après des millénaires, à lutter contre les conséquences de cette « pomme ». Un nombre infini de maladies et l’évitement de la mort marquent une grande partie de notre pensée. En 2023, les principales préoccupations des Suisses étaient la santé et les primes d’assurance maladie.2 Et les primes qui augmentent chaque année sont le reflet des coûts croissants générés par le système de santé en Suisse.

Depuis des décennies, on cherche désespérément les causes de cette hausse des coûts.

Les experts, les politiciens, les journalistes, oui, nous tous, connaissons les méchants : ce sont d’abord les hôpitaux trop chers, puis les médecins beaucoup trop bien payés, ensuite les médicaments et les implants extrêmement chers, oui, même les soins à domicile et la physiothérapie coûtent tout simplement trop cher, sans oublier les frais administratifs faramineux des assureurs-maladie. Que ces déclarations soient exactes dans le détail ou non, le fait est qu’à chaque discussion, que ce soit en privé, à la table des habitués ou dans l’« arène », les émotions montent.

Or, il est indéniable que les coûts augmentent. Il ne s’agit pas d’une explosion des coûts, mais plutôt d’une augmentation plus ou moins linéaire d’environ 4% par an, comme le montre le graphique suivant :3

Et ce ne sont pas seulement les coûts qui augmentent. Le nombre de prestations « consommées » évolue lui aussi continuellement à la hausse, comme le montrent les barres du graphique.

Le baromètre des préoccupations montre que notre plus grande préoccupation est la santé.

En règle générale, on répond à un souci et à un problème aussi important en agissant en tant que principal responsable. Rejeter la faute sur les autres est rarement une bonne solution. Et si nous nous appropriions le problème et que nous nous en occupions, en prenant par exemple au sérieux la question de la responsabilité individuelle ? Les autres sont-ils vraiment les seuls responsables de la misère du système de santé, comme indiqué ci-dessus ? Adam et Eve ont déjà essayé de faire comprendre à leur créateur qu’ils ne voulaient pas porter eux-mêmes la responsabilité. Chez Eve, la coupable était le serpent, chez Adam, c’était Eve.

Nous devrions donc nous-mêmes prendre les choses en main et donner une chance à la solution EFAS en adoptant une attitude positive et constructive et en faisant preuve de courage.

Après de nombreuses années de lutte entre les cantons, les assureurs-maladie et les soi-disant fournisseurs de prestations, EFAS a finalement abouti à une clé de répartition uniforme et claire pour les prestations ambulatoires, hospitalières et de soins. Les opposants au projet critiquent le fait que l’inclusion des prestations de soins, en particulier, entraînera une hausse des primes pour les caisses d’assurance maladie. C’est vrai, les primes vont augmenter. Mais comme nous le savons, elles augmentent depuis de nombreuses années et continueront d’augmenter à l’avenir, avec ou sans EFAS. Mais cela ne doit pas être une raison pour opposer enfin une bonne solution valable avec EFAS à un charivari de financement absurde qui dure depuis trop longtemps. Être orienté vers des solutions signifie chercher une nouvelle solution pour le prochain problème qui se pose. Et non pas de rester immobile par crainte de dommages éventuels.
Je peux également comprendre la crainte que la part de financement croissante ne donne plus de pouvoir aux caisses de maladie. Mais là aussi, il s’agit de relever ce défi et de réfléchir à la manière dont nous pouvons justement opposer quelque chose de constructif à ce problème.

En tant que médecin, je suis personnellement confiant dans le fait que nous assumerons de plus en plus notre responsabilité personnelle et que nous nous engagerons à l’avenir plus activement pour notre santé personnelle et notre bien commun. Même si EFAS n’est pas parfait et insurpassable à tous égards, cela vaut la peine de faire des pas responsables en ayant, dans un premier temps, un OUI clair à EFAS et, dans un deuxième temps, en enfilant maintenant nos baskets et en allant faire un tour de course à pied ☺ !

1. Genèse 2,21 ; traduction unitaire 1980
2. Baromètre des préoccupations CS 2023 ; https://www.credit-suisse.com/about-us/de/research-berichte/studien-publikationen/sorgenbarometer/download-center.html (accès 20241101)
3. OFSP Office fédéral de la santé publique, Tableau de bord de l’assurance-maladie ; https://dashboardkrankenversicherung.admin.ch/kostenmonitoring.html (accès 20241101)


Foto de Jair Lázaro sur Unsplash

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Les deux projets de loi sur le droit du bail sur lesquels nous voterons le 24 novembre 2024 risquent de faire encore grimper les loyers des logements.

Ces dernières années, on a assisté à une véritable explosion des loyers, en particulier dans les villes où les logements sont rares. L’une des principales raisons en est l’augmentation illégale du loyer après un changement de locataire. S’il n’y a pas d’augmentation de la valeur du logement (rénovation importante), les locataires suivants ont en fait droit au même loyer que leurs prédécesseurs. Mais de nombreuses personnes concernées ne le savent pas ou n’osent pas réclamer le loyer précédent. Car cela implique une longue procédure – et ce dans une relation de dépendance avec le bailleur. Qui veut se fâcher avec le bailleur ? Les bailleurs sont conscients de cette dépendance et osent parfois même, sans changer de locataire, simplement augmenter le taux d’intérêt de tous les locataires. Dans certains cas, ils y parviennent. Dans les régions où le logement est rare, le modèle des « chasseurs de logement » est également utilisé : Des entrepreneurs individuels proposent aux personnes qui ont peu de temps de trouver rapidement un logement grâce à leurs relations avec les bailleurs, à condition que le loyer initial ne soit pas contesté. Autre méthode : après le départ d’un locataire, l’appartement n’est plus loué qu’avec des contrats d’un an en chaîne. Les familles qui ont loué un tel appartement ne peuvent pas se permettre de contester le loyer, car dans ce cas, le contrat de location risque de ne pas être reconduit.

Les deux projets qui seront débattus le 24 novembre 2024 affaiblissent les droits des locataires, ce qui aggrave encore la situation sur le marché du logement.

Résiliation sans délai pour les colocations ?

Le premier projet demande des règles plus strictes en cas de sous-location « à cause de plateformes en ligne comme Airbnb ». Or, il est déjà interdit par la loi de sous-louer un appartement à des fins lucratives. Les propriétaires peuvent donc déjà empêcher que leur appartement atterrisse sur Airbnb. Le durcissement prévu touche en revanche les personnes qui vivent en colocation (WG). Tout changement de locataire devrait à l’avenir être signalé par écrit (courrier postal) dans les délais impartis. En cas d’oubli ou si l’annonce est faite par e-mail ou par téléphone, le locataire peut être résilié – et ce dans les 30 jours. C’est fou ! Avec cette modification de la loi, il s’agit sans doute plutôt de créer de nouveaux motifs de résiliation afin de pouvoir augmenter le loyer sans augmentation de valeur lors d’une nouvelle location.

Les deux projets qui seront débattus le 24 novembre 2024 affaiblissent les droits des locataires, ce qui aggrave encore la situation sur le marché du logement.

on à la résiliation facilitée en cas de « besoin personnel ».

Le deuxième projet prévoit que le motif de résiliation du bail ne doit plus être « urgent », mais seulement « important et actuel ». Cette modification du droit du bail vise elle aussi à se débarrasser plus rapidement des locataires afin de pouvoir exiger un loyer plus élevé lors de l’arrivée d’un nouveau locataire. Aujourd’hui déjà, la résiliation pour cause de besoin personnel est utilisée de manière abusive : Des appartements sont loués après une résiliation à des personnes de paille qui sont censées avoir un lien de parenté avec le bailleur, afin de pouvoir relouer les appartements peu de temps après à un taux d’intérêt plus élevé. L’acceptation de l’objet de la votation permettrait de développer ce genre d’arnaques.

Cet article de la « Republik » fournit une recherche très approfondie sur les projets de loi sur les loyers .

Foto de Scott Graham sur Unsplash

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Le 17 octobre, le monde entier célèbre la Journée internationale du refus de la misère. C’est précisément en période de conflit armé que le danger existe de mettre de côté la cause du développement durable et de la solidarité internationale au profit de son propre besoin de sécurité et de l’aide d’urgence immédiate. Pourtant, les chrétiennes et les chrétiens en particulier sont appelés à s’engager pour la justice dans une période d’insécurité et d’inégalités sociales croissantes. Avec le projet « Dimanche pour notre prochain », StopPauvreté propose une base pratique pour aborder ce thème dans les paroisses.

Préserver l’amour du prochain et le développement durable même en temps de crise
Il est compréhensible qu’en période d’incertitude, le besoin de sécurité soit davantage mis en avant. Ainsi, cette année, le Parlement suisse se penche intensivement sur la question d’une augmentation du budget militaire au détriment de la coopération internationale. Cela toucherait globalement les pays les plus pauvres et est profondément anti-solidaire. La sécurité et le développement étant étroitement liés, l’armée et la coopération au développement ne devraient pas être mises en opposition.

Ces tendances en politique reflètent souvent la pensée individuelle : même dans la vie personnelle, il n’est souvent pas facile de donner la priorité à son prochain en temps de crise. Mais ce sont justement les chrétiens qui sont appelés à s’engager pour les plus faibles, même dans des conditions difficiles, et à vivre activement l’amour du prochain. Ainsi, face à un monde où, selon la Banque mondiale, environ 700 millions de personnes vivent encore dans une extrême pauvreté (avec moins de 2,15 dollars par jour), nous ne pouvons pas rester inactifs.

Le « dimanche pour nos prochains »
Face aux crises mondiales, de nombreuses personnes se sentent impuissantes et frustrées. C’est pourquoi le rôle de la communauté et de l’Eglise est d’autant plus important, car l’engagement pour notre prochain est une tâche unie de la communauté de foi. Afin d’encourager les paroisses à se concentrer davantage sur le thème de la lutte contre la pauvreté, StopPauvreté et les organisations de soutien ont lancé pour la troisième fois un « Dimanche pour notre prochain ». Un matériel complet est disponible à cet effet, afin d’encourager une réflexion consciente lors des cultes et dans la vie quotidienne. Les paroisses qui s’inscrivent via StopPauvreté.ch ont accès gratuitement à un dossier contenant des suggestions de prédications, du matériel créatif et des idées d’actions concrètes.

Un petit pas – un grand effet
Les chrétiens peuvent faire la différence par la prière, la sensibilisation et le soutien financier de projets. StopPauvreté invite les Eglises de tout le pays à profiter du 17 octobre pour s’engager à nouveau en faveur d’un monde plus juste – dans la foi, dans les paroisses et au-delà. Elles peuvent ainsi montrer ensemble que foi et justice sont indissociables.


Contacts
Katia Aeby
Responsable communication & marketing
Tél. 076 330 76 50
katia.aeby@interaction-schweiz.ch

Anja Eschbach
Responsable de la campagne StopPauvreté, responsable de projet Dimanche pour notre prochain
Tél. 078 953 34 03
anja.eschbach@stoparmut.ch

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Comment puis-je agir en tant que chrétien(ne) ?

L’engagement pour la justice et la paix est profondément ancré dans la tradition chrétienne. Mais si nous regardons autour de nous et dans le monde d’aujourd’hui, celui-ci est marqué par des conflits sociaux, la pauvreté et même des conflits armés. Comment puis-je, en tant que chrétien(ne), contribuer à me rapprocher du Shalom, le grand projet de paix de Dieu pour nous les hommes ?

Il y a plus de 2500 ans, le prophète Michée appelait déjà à un engagement social en faveur de la justice : « Il t’a été dit, homme, ce qui est bon et ce que Dieu attend de toi : Pratiquer la justice, aimer le sens de la communauté et être attentif à ton Dieu ». (Michée 6,8) Ces paroles n’ont rien perdu de leur importance jusqu’à aujourd’hui, car où que nous regardions, nos sociétés sont marquées par de profonds clivages entre les hommes. Souvent, des caractéristiques telles que l’origine sociale, la culture, le sexe, la religion, les convictions politiques ou la propriété jouent un rôle. Ces clivages, ainsi que la volonté de pouvoir et de profit de certains groupes, conduisent souvent à des conflits armés, qui sont liés à des souffrances indescriptibles pour des millions de personnes. Pensons par exemple à la région du Sahel, à Israël/Palestine, à la Syrie, à l’Ukraine, à Haïti ou à l’Afghanistan, pour ne citer que quelques-unes des crises actuelles.

Les mêmes chances pour tous

Dans la conception chrétienne, Dieu a donné à tous les hommes la même dignité. Le principe de l’égalité des chances en découle. La Déclaration universelle des droits de l’homme commence par l’article suivant : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». (DUDH, 1er article) Les États s’engagent ainsi à offrir à tous les êtres humains les mêmes chances et possibilités. Au niveau individuel, il nous est demandé de traiter nos semblables avec respect et sur un pied d’égalité. Le principe de l’amour du prochain de Jésus met également l’accent sur les relations respectueuses entre les personnes et sur le soutien mutuel.

S’intéresser aux « autres ».

Mais que puis-je faire concrètement en tant que chrétien(ne) pour lutter contre l’injustice autour de moi et dans le monde ? Dieu prévoit pour chacune et chacun d’entre nous un rôle spécifique dans la vie. En rentrant en nous-mêmes et en laissant Dieu nous parler, nous pouvons découvrir quel est ce rôle et quelle est son importance pour la cohabitation pacifique au sein de la communauté. Le fait de m’intéresser à la personne qui est en face de moi m’aide à me débarrasser de mes préjugés à l’égard de ceux qui sont « différents ». Par exemple, en discutant avec une femme qui a dû fuir une zone de conflit, je peux commencer à m’intéresser à la justice mondiale. En montrant de l’empathie envers les personnes discriminées, je commence à m’ouvrir à une société dans laquelle le respect et l’amour doivent être vécus et où la foi et l’espoir de shalom peuvent continuer à s’épanouir parmi les gens.


Dieu prévoit pour chacune et chacun d’entre nous un rôle spécifique dans la vie. En rentrant en nous-mêmes et en laissant Dieu nous parler, nous pouvons découvrir quel est ce rôle et quelle est son importance pour la cohabitation pacifique au sein de la communauté.


Quel est le rapport entre les crises dans d’autres pays et moi ?

Pour apporter une contribution globale, il est certainement utile d’être curieux et de rencontrer des personnes d’autres cultures, de s’informer sur les événements politiques d’ailleurs et de se demander en quoi les crises dans d’autres pays me concernent. Car il ne suffit pas que nous allions bien personnellement, nous devrions aussi, en tant que chrétiens, nous montrer solidaires au niveau international. Pensons par exemple aux grands groupes qui ont leur siège en Suisse et qui portent la responsabilité des violations des droits de l’homme et des atteintes à l’environnement dues à leurs activités à l’étranger. La Coalition pour la responsabilité des multinationales, dont fait partie la campagne StopPauvreté, s’engage depuis de nombreuses années pour que l’État tienne ces multinationales responsables du respect des droits de l’homme et de la protection de l’environnement. La mise en réseau globale est ici une chance de s’engager avec d’autres et de construire des ponts.

Moi aussi, je peux être un bâtisseur de ponts

Dans l’étude « Ge-Na » sur la justice et la durabilité (www.glaubeklimahoffnung.net), à laquelle ont participé environ 2500 chrétiennes et chrétiens de Suisse et d’Allemagne, plus de 90% des personnes interrogées étaient d’accord pour dire que la foi chrétienne les motivait à s’engager pour la justice sociale. Ce résultat est encourageant et nous incite à poursuivre sur cette voie. Personnellement, je peux servir de bâtisseur de ponts pour une cohabitation pacifique en entretenant des relations respectueuses avec mes proches et en prenant si nécessaire leur défense, quelle que soit leur culture ou qu’ils soient riches ou pauvres. L’étape suivante n’est pas loin : se prononcer également au niveau social et politique en faveur des droits de l’homme et de la paix. Car pour se rapprocher du shalom, fruit de la justice, l’engagement commun de nous tous est nécessaire.


Cet article a été rédigé par Katia Aeby, responsable de la communication et du marketing chez Interaction, et est tiré du magazine ERF Medien de septembre 2024, le magazine imprimé mensuel d’ERF Medien.

Foto de Azzedine Rouichi sur Unsplash

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Après la nomination de Kamala Harris lors de la récente convention du parti démocrate américain, la situation de départ pour les élections présidentielles de novembre prochain est claire. Pour le parti démocrate, la baptiste Kamala Harris sera en lice avec le luthérien Tim Walz comme vice-président désigné, tandis que Donald Trump, qualifié d’« ami des chrétiens », entrera en lice avec son vice-président potentiel catholique James David Vance. Une sélection équilibrée pour les chrétiens ? A première vue, tout au plus. Il y a de bonnes raisons de ne pas se fier aux pieux emballages et de s’interroger sur la culture politique et le programme politique fournis. Et vérifier par la même occasion si et dans quelle mesure la propre foi chrétienne influence l’agenda politique personnel.

Prenons comme point de départ l’attentat condamnable perpétré contre le candidat à la présidence Donald Trump lors de la convention du parti républicain américain en juillet dernier (correction : l’attentat a eu lieu juste avant la convention du parti républicain américain. La rédaction de ChristNet). Pour Trump, l’interprétation était claire après le premier choc : il n’avait survécu à l’attentat contre sa vie que « grâce à la grâce de Dieu tout-puissant » : « D’une certaine manière, je me sentais très en sécurité, car j’avais Dieu de mon côté1 » .

Prier pour Donald Trump ?

Lors de la même convention du parti, l’évangéliste Franklin Graham a déclaré à propos de l’attentat contre Trump que Dieu avait épargné sa vie et a prié pour le possible futur président. Robert Jeffress, responsable de la « First Baptist » Megachurch à Dallas, aurait remercié Dieu d’avoir « protégé la vie de ce courageux leader, guerrier pour la vérité et ami des chrétiens du monde entier2 » . Joe Biden a également déclaré publiquement qu’il souhaitait prier pour Donald Trump.

Cela est alors allé trop loin pour le théologien américain William Schweiker. Le maître de conférences en éthique chrétienne à l’université de Chicago a déclaré qu’il aurait préféré que Biden demande à tout le monde de s’engager pour la paix et l’unité « plutôt que d’invoquer une puissance supérieure ». A la question de savoir si la survie de Trump de justesse était l’œuvre de Dieu, il a répondu : « Peut-être. Je ne le sais pas ». Dans une interview accordée au journal « Die Zeit », Schweiker a critiqué Trump pour avoir abusé de la foi chrétienne, alors qu’il n’est pas connu pour sa piété ni pour être un fidèle de l’église qui respecte la Bible. « Si quelqu’un se dit chrétien, il doit y avoir, au niveau personnel, une certaine cohérence entre sa foi et ses actes. Mais je ne vois tout simplement aucune humilité3 chez Trump » .

Jusqu’où va la foi chrétienne ?

J’irais encore un peu plus loin. Les hommes et les femmes politiques qui se disent chrétiens ou qui se réclament de la foi chrétienne devraient faire preuve d’un peu de foi non seulement dans leur environnement personnel, mais aussi dans leur agenda politique et leur culture politique. Le vice-président désigné de Trump, J.D. Vance, s’est converti au catholicisme il y a cinq ans. On peut toutefois douter que ses opinions sur la politique et sur ce à quoi devrait ressembler un État optimal soient vraiment « assez proches de la doctrine sociale catholique »4 , comme il le prétend.

Les quelques républicains du « Lincoln Project » qui sont critiques envers Donald Trump ne mâchent pas leurs mots à ce sujet. Dans le cadre de la convention républicaine, ils ont diffusé en boucle des clips rappelant les scandales de Trump. L’assaut de ses partisans sur le Capitole. A sa condamnation pour fraude, après avoir dissimulé dans ses documents commerciaux l’argent versé à une star du porno comme frais d’avocat. « Ce n’est pas un chrétien, ce n’est pas un leader », ont-ils souligné, “ne vous faites pas avoir”. Et : « Allez voter pour mettre fin à ses mensonges »5 : une antirecommandation pour Trump.

Si c’est le cas, pourquoi tant de chrétiens, même sérieux, tombent-ils malgré tout dans le panneau de Trump ? Premièrement, Trump sait quels thèmes il doit aborder pour gagner les chrétiens proches de la Bible à sa cause : par exemple l’avortement et le patriotisme. Deuxièmement, certains chrétiens américains suivent une foi individuelle qu’ils célèbrent dans le culte dominical, sans remettre en question leur agenda politique ancestral à la lumière de l’Évangile. Souvent, cette attitude est combinée à une préférence pour les personnalités qui prêchent aux gens ce qu’il faut. Comme on le sait, on n’apprend pas forcément à remettre en question ou à vérifier les faits présentés au cours d’un culte, cela nécessiterait des discussions approfondies. Ces chrétiens croyants n’ont-ils pas remarqué que Trump représente une culture politique haineuse ? Ils lui tiennent visiblement rigueur de ce point noir. Après tout, nous sommes tous des pécheurs.

L’avortement comme acte symptomatique

Eh bien, aucun chrétien sérieux ne peut être un partisan du (non-)droit à l’avortement. La vie doit être protégée, même si elle ne se développe que dans le ventre de la mère. Mais il ne suffit pas d’être contre l’avortement. La société doit créer un environnement qui rend l’avortement inutile ou qui l’autorise tout au plus en tant que dilemme éthique6.

Il faudrait dire aux démocrates que le (non-)droit à l’avortement n’est qu’en apparence une préoccupation féministe. Il se peut certes qu’il y ait des femmes qui utilisent l’avortement comme moyen de planification familiale. Mais il s’agit là d’une inconscience crasse, car il existe pour cela des moyens plus efficaces. Si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que ce n’est généralement pas la femme enceinte qui veut avorter, mais l’homme pour qui cette grossesse est inopportune ou l’homme qui a déjà pris la poudre d’escampette. Ou alors, c’est la pression qui pèse sur les femmes d’aujourd’hui pour qu’elles soient le plus possible à la disposition du monde du travail.

En d’autres termes, les avortements sont en général des actes purement symptomatiques. Derrière ces actes se cachent des questions et des problèmes qui devraient être abordés afin que l’avortement ne soit pas nécessaire. Mais pour cela, il faudrait des conditions sociales et sociétales appropriées, qui font généralement partie d’un agenda politique de gauche. C’est pourquoi j’ai plaidé dans un article précédent pour une collaboration entre les chrétiens évangéliques de droite et de gauche afin d’aborder de manière crédible le (non-)droit à l’avortement7 .

Les limites du patriotisme

Que Dieu bénisse l’Amérique, dit l’hymne non officiel des États-Unis8 . Cette chanson impressionnante célèbre les beaux paysages et la liberté qui règne dans ce pays. D’un point de vue chrétien, c’est tout à fait justifié, car les Etats-Unis ont été fortement marqués par le calvinisme et le piétisme. Les droits de l’homme et la démocratie sont l’expression logique d’une vision biblique et chrétienne de l’humanité. Les États-Unis sont considérés comme la plus grande démocratie moderne du monde. Il n’y a rien à redire à l’amour de ces valeurs.

Mais si l’on lit la Bible d’un peu plus près, on verra que Dieu ne veut pas seulement bénir les États-Unis, mais tous les peuples de la terre. Eux aussi doivent être bénis avec de beaux paysages qui ne sont pas exploités, avec la liberté, les droits de l’homme et la démocratie pour toutes les parties de la population. Après tout, tous les hommes ont été créés par Dieu. Avec Dieu, il n’y a pas d’Amérique d’abord. Même si chaque État doit et peut s’organiser lui-même, bien s’occuper de ses citoyens et encourager leur initiative personnelle, notre Créateur veut davantage : il veut encourager notre vision d’ensemble. De son point de vue, le monde est un village dans lequel tous devraient prendre soin les uns des autres.

Cette vision devrait également être intégrée dans notre politique migratoire, pour faire entrer en jeu un autre cheval de bataille de Donald Trump. Deux longues contributions ont été consacrées dans le forum à ce que pourrait être une politique migratoire globale9 . Les chrétiens au moins devraient mesurer les propositions des deux partis américains à l’aune de ces critères. Il ne suffit pas d’ériger des murs à la frontière.

Il est légitime que de nombreuses personnes s’inquiètent de la démocratie aux États-Unis. Le Project 2025 du think tank conservateur Heritage Foundation montre entre autres comment Trump pourrait étendre de manière significative les pouvoirs du président. Un ancien conseiller et un autre allié de Trump ont participé à l’élaboration de ce plan. Ils font partie des principaux auteurs de son nouveau programme électoral110 . L’annonce par Trump de son intention de gouverner en dictateur pendant une journée après sa réélection est-elle peut-être plus qu’une plaisanterie ? Va-t-on alors vers une « déportation massive et immédiate » des demandeurs d’asile, comme ses fans l’avaient demandé sur des pancartes en carton lors de la convention du parti ?

Pendant ce temps, dans la campagne électorale américaine, les deux camps se battent avec acharnement. Mais jusqu’à présent, la règle était la suivante : les candidats respectent la Constitution et même les adversaires politiques acharnés conservent un minimum de décence. Et lors de l’investiture devant le Capitole, on se serre la main. Lors de l’investiture de Donald Trump en janvier 2017, elle et son mari étaient venus malgré leur colère, car elle voulait honorer la démocratie et ses valeurs, écrivait Hillary Clinton avec le recul11 . Ce principe a été remis en question par Trump en 2020, après sa destitution. Kamala Harris se bat selon les règles démocratiques éprouvées, Donald Trump les ignore. Il ne devrait reconnaître l’issue de la prochaine élection que s’il gagne12 . Lors d’un meeting électoral en mars, Trump avait déclaré : « Si je ne suis pas élu, il y aura un bain de sang13 » .

Trump admire les hommes forts des régimes non démocratiques : ainsi Vladimir Poutine, Viktor Orban et le Nord-Coréen Kim Jong-un. Déjà pendant son mandat, il avait parlé d’un troisième et d’un quatrième mandat – en plaisantant. « Trump caresse-t-il l’idée d’une modification de la Constitution à la Poutine ou Hugo Chavez … pour prolonger son mandat14 ? Le commentateur du Bund Christoph Münger conclut : « L’enjeu de cette campagne électorale n’est pas un programme politique, mais d’empêcher un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Quelle que soit l’opinion que l’on a de Kamala Harris, que l’on approuve ou non ses projets en matière de politique étrangère, intérieure et économique, on ne peut que lui souhaiter bonne chance dans ce combat de boxe pour la démocratie ».

Les deux experts en politologie Adrian Vatter et Rahel Freiburghaus désignent dans une comparaison la « personnalité sombre » des politiciens populistes et utilisent pour cela les critères du narcissisme (amour de soi), de la psychopathie (troubles psychiques) et du machiavélisme (recherche absolue du pouvoir). En tête15 se trouvent Donald Trump, Aleksandar Vucic (Serbie) et Jean-Luc Mélanchon (France). Les problèmes n’existent donc pas seulement aux Etats-Unis, mais aussi tout près de chez nous.

Trump est une révélation

Encore une fois, comment les chrétiens peuvent-ils en arriver à voter pour Donald Trump ? Permettez-moi, pour conclure, d’avancer une thèse provocatrice.

Avec le spécialiste du Nouveau Testament Adolf Pohl, je suis d’avis que l’Antéchrist n’est pas (seulement) une personne particulière qui apparaîtra à la fin des temps et provoquera la fin du monde. Dans son interprétation de l’Apocalypse en deux volumes16, Pohl le décrit comme une figure de proue politique et/ou ecclésiastique qui présente des traits antichrétiens et qui est apparue ou apparaîtra à différentes époques. Lorsque l’« Apocalypse de Jean » a été lue dans les églises chrétiennes primitives, c’est l’empereur romain Néron qui s’est comporté comme l’antéchrist. Important : à l’époque, le dernier livre de la Bible n’était pas considéré comme une menace pour l’avenir, mais comme un livre de consolation qui promettait la victoire de la Bonne Nouvelle sur le mal et le méchant.

C’est ainsi que nous devrions nous aussi lire l’« Apocalypse ». Et s’attendre à ce que des leaders incarnant les traits de l’Antéchrist apparaissent régulièrement. Ils sont célébrés comme des figures messianiques, avec l’attente qu’ils puissent délivrer le peuple du mal. Mais en réalité, ils mentent et trompent, répandent des hérésies, séduisent leurs partisans et forment des coalitions pour accroître leur pouvoir. Si l’on analyse dans ce contexte le discours et les actes du candidat Donald Trump, on devrait être perplexe. Trump a fait du mensonge son outil politique dans la plus grande démocratie du monde.

Le christianisme intégré serait ici un bon facteur de protection. La théologie évangélique n’est pas la seule à pouvoir être séduite, la théologie libérale aussi. Tout comme une « théologie » charismatique qui repose avant tout sur des sentiments. Avec les chrétiens américains, nous avons besoin aujourd’hui aussi, comme facteur de protection, d’une théologie qui laisse la foi être marquée de manière conséquente par Jésus-Christ, le seul Seigneur du monde, et par la parole qu’il nous adresse, liée à une foi holistique qui, à partir de ce centre, englobe tous les domaines de la vie.

C’est peut-être pour cela que Donald Trump a été préservé par Dieu lors du récent attentat, afin que nous puissions apprendre cela à nouveau.


1. idea Magazin 30/31 2024
2. Medienmagazin PRO vom 15.7.24
3. Medienmagazin PRO vom 18.7.24
4. idea Magazin 30/31 2024
5. Der Bund, 18.7.24
6. Dans un dilemme éthique, deux positions éthiquement discutables s’opposent. Il s’agit alors de choisir la solution la moins discutable.
7. https://www.insist-consulting.ch/forum-integriertes-christsein/22-8-1-wie-weiter-mit-dem-un-recht-auf-abtreibung.html
8. https://www.youtube.com/watch?v=N-CCBaPxGaY
9. https://www.insist-consulting.ch/forum-integriertes-christsein/23-9-1-die-migration-neu-denken-lernen-teil-1.html / https://www.insist-consulting.ch/forum-integriertes-christsein/23-10-1-die-migration-neu-denken-lernen-teil-2.html
10. Der Bund, 11.7.24
11. Der Bund, 19.8.24
12. Der Bund, 3.8.24
13. Der Bund, 9.8.24
14. Der Bund, 3.8.24
15. Der Bund, 12.8.24
16. « Die Offenbarung des Johannes » de la Wuppertaler Studienbibel, 1977, Wuppertal, R. Brockhaus-Verlag


Foto de Clay Banks sur Unsplash

Cet article est d’abord paru sur INSIST.

~ 3 min

Le 21 septembre 2024, la « Plateforme Christianisme solidaire » invite à une journée d’écoute et d’échange pour chercher ensemble comment rester en dialogue malgré les divergences d’opinion.

Lors de rencontres de familles, discussions entre collègues ou encore soirée chez des ami-e-s, qui n’est pas régulièrement confronté à des échanges compliqués et émotionnels sur différents thèmes chauds ? Covid-19, conflit Russie-Ukraine ou Israël-Hamas, ou encore Donald Trump, pour ne citer que quelques exemples. Certains thèmes sont très émotionnels, et lorsque des compréhensions du monde sont fondamentalement différentes, on peine souvent à avoir un dialogue constructif. On préfère alors souvent plutôt éviter ces thèmes, mais alors chacun-etend à se renforcer dans ses opinions avec les personnes qui pensent de la même manière, parfois in real life, souvent online. Et l’espace commentaires des publications des médias en lignes ou réseaux sociaux présente aussi régulièrement un climat d’échange dysfonctionnel.

Comment expliquer cette mauvaise santé du dialogue citoyen et comment peut-on contribuer à l’améliorer ? C’est là-dessus que propose de travailler la Plateforme Christianisme solidaire, composée de six petites organisations chrétiennes actives en Suisse, dont fait partie ChristNet. L’événement aura lieu le samedi 21 septembre, tout près de la gare de Renens (plus d’infos et inscriptions sur l’affiche ci-contre).

La journée se voudra participative, avec une grande place donnée à des ateliers l’après-midi, suivis de leur restitution et discussion en plénière. Ces ateliers se baseront sur les apports de deux interventions lors de la matinée. Une première du sociologue Philippe Gonzalez (Université de Lausanne), ayant pour titre « Polarisation de l’espace public : causes et effets des expressions d’opinion fermées au dialogue ». La seconde est intitulée « La vérité vous rendra libre : discernement, indépendance et solidarité dans une société ébranlée par la digitalisation », livrée par le théologien Hansuli Gerber, du Mouvement International de la Réconciliation (MIR).

Le choix du thème s’est fait au cours de plusieurs rencontres entre des délégué-e-s des différentes associations, qui ont travaillé à partir des conclusions de la journée de l’année dernière sur les appartenances (malsaines ou qui favorisent la solidarité) et à partir de leurs préoccupations pour le monde actuel. A côté des autres crises que nous traversons (écologique, géopolitique, stagnation économique…), cette crise de la communication citoyenne nous semble aussi tout particulièrement préoccupante et importante à bien comprendre et à traiter. L’objectif sera de ressortir des pistes pour pouvoir contribuer à la solution plutôt qu’au problème, non seulement individuellement mais aussi collectivement (association, église, quartier…).

Si cette question vous paraît à vous aussi importante à discuter collectivement, n’hésitez pas à vous joindre à cette journée participative !

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~ 4 min

Dieu nous demande de nous engager pour notre prochain et pour la justice, ce qui, lorsque les causes de la misère et de l’injustice sont structurelles, exige également un engagement politique. Les églises jouent ici un rôle important de porte-parole et d’autorité éthique.

Ces dernières années, les Eglises ont subi des pressions lorsqu’elles ont élevé la voix sur des questions politiques. Elles n’osent plus guère s’exprimer sur le plan politique. Nous ne devons pas permettre que cette autorité éthique soit muselée et nous devons la soutenir et l’encourager. Daniel Winkler, qui s’engage en tant que pasteur à Riggisberg pour les réfugiés, soulignait le 5 juin 2024 dans sa chronique « Maulkörbe helfen nicht aus der Krise » (Les muselières ne permettent pas de sortir de la crise) parue dans le journal « Der Bund » : « Cela fait partie de la mission principale des Eglises de s’engager pour les plus faibles ».1

Depuis toujours, les églises ont pour rôle d’élever la voix lorsque les valeurs centrales du christianisme sont en danger. Selon Jésus, la loi centrale dont tout dépend est la suivante : Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même. Lorsque notre prochain est en danger ou que ses droits sont bafoués, nous sommes appelés à dénoncer l’injustice. L’Eglise, en tant qu’organisation de chrétiens, a donc aussi le devoir d’élever la voix. Elle l’a fait à maintes reprises par le passé, par exemple lorsque le droit d’asile était menacé pour les personnes persécutées ou lorsque la servitude pour dettes des pays du Sud entraînait détresse et misère.

La voix se heurte à une résistance et est refoulée

L’initiative sur la responsabilité des multinationales avait également pour but de protéger les droits et le bien-être des personnes défavorisées dans les pays du Sud et d’exiger des normes éthiques. Mais les milieux économiques concernés et leurs représentants – ainsi que les personnes qui n’étaient pas d’accord avec l’initiative – sont allés trop loin et ont organisé une campagne de dénigrement contre les églises en exigeant qu’elles cessent de s’impliquer. Les œuvres d’entraide ecclésiastiques se sont vues refuser l’argent de l’aide au développement si elles ne se contentaient pas d’organiser des projets d’aide mais s’engageaient également à modifier les causes structurelles de la misère, c’est-à-dire si elles formulaient des exigences politiques..2 La campagne de sensibilisation StopPauvreté, par exemple, n’a plus été soutenue par le DDC. L’information à ce sujet dans les écoles a également été interdite. Quiconque évoque notre coresponsabilité sociale face à l’exploitation est donc censuré. Les églises et les œuvres d’entraide ainsi que les médias chrétiens hésitent aujourd’hui à s’exprimer encore sur le plan politique. Ils ont peur de voir leurs dons diminuer et pratiquent ainsi l’autocensure. En 2022, à la suite de l’initiative sur la responsabilité des multinationales, le groupement d’églises nationales « Mouvement théologique pour la solidarité et la libération »3 s’est opposé à cette évolution en publiant un manifeste qui mérite réflexion : « Contre le silence des Eglises »4.

Soutenir l’autorité éthique – et rester en dialogue

Nous ne devons pas permettre que la dernière autorité éthique qui entrave l’exercice illimité du pouvoir soit muselée. C’est exactement la prédiction du premier descripteur du postmodernisme, Jean-François Lyotard, qui disait que si aucune vérité ni aucune éthique commune n’est plus acceptée et que tout devient arbitraire, alors le pouvoir n’est plus limité et reste le seul critère de prise de décision.

Les exigences bibliques et les normes éthiques sont claires. Nous ne devons pas attendre que tous les chrétiens soient d’accord pour élever la voix. Il est clair que nous rencontrons aussi de la résistance parmi les chrétiens lorsque cela devient désagréable pour la conscience ou lorsque notre prospérité est remise en question. Lorsque nous dénonçons et exigeons la repentance là où Mammon règne en maître devant Dieu, nous devons toujours nous attendre à des réactions violentes, parfois même de la part des milieux chrétiens.Notre tâche consiste à maintenir le dialogue, à écouter les contre-arguments, à valider les sensibilités et à développer des visions communes lorsque cela est possible. Mais nous ne devons pas nous laisser dissuader de protéger la vie, de nous engager pour les plus faibles et de rétablir la justice, y compris en politique. Nous ne devons pas en arriver au point où, dans de nombreux pays, les chrétiens et les églises, par réflexe minoritaire, s’isolent du « mauvais monde » et ne mènent plus qu’un combat pour leur propre groupe. Ce faisant, ils se jettent dans les bras de dirigeants qui sèment la haine et foulent aux pieds les droits de leur prochain.

Soutenons donc les églises et les médias chrétiens qui s’expriment aussi politiquement en faveur des valeurs chrétiennes et de l’amour du prochain.


1. Kirche unter Druck: Maulkörbe helfen nicht aus der Krise | Der Bund

2. https://www.nzz.ch/schweiz/cassis-verschaerft-regeln-fuer-entwicklungshilfe-staatsgelder-duerfen-nicht-in-polit-kampagnen-fliessen-ld.1604901

3. Theologische Bewegung für Solidarität und Befreiung – Kirche?

4. Stimme_der_Kirchen_Manifest_Pierre Buehler_dt_fr


Foto de Hansjörg Keller sur Unsplash

~ 7 min

Il y a un peu plus de 50 ans, la banane, ou plutôt son prix, a fait bouger une poignée de femmes. Celles que l’on appelle les femmes de la banane ont réfléchi à la raison pour laquelle la banane est si bon marché en Suisse, malgré son long trajet de transport. L’engagement de ces femmes a même provoqué la direction du commerce de détail de Migros. Tout cela a commencé par une question cruciale qui n’a rien perdu de son actualité.

La banane fait partie – plus que tout autre fruit – du répertoire de nos insultes. Ainsi, ce n’est pas un compliment si quelqu’un est qualifié de banane totale. Ou lorsqu’une politicienne ou un politicien utilise le mot « république bananière », il ne s’agit guère d’une destination de vacances lointaine et attrayante. La banane fait parfois l’objet de plaisanteries : « Pourquoi ta banane est-elle courbée ? » demande l’audacieuse fillette de 8 ans à son camarade d’école qui est en train de croquer le fruit à pleines dents. « Pour qu’elle rentre dans la peau », répond-elle aussitôt elle-même en souriant.

Quand les femmes de pasteurs posent la bonne question

Il n’est pas rare que de simples questions « pourquoi » soient à l’origine de changements. C’est ainsi que cette seule question a déterminé le destin des « femmes bananes » autour d’Ursula Brunner. Elle avait été déclenchée par le film « Bananera Libertad » de Peter von Gunten1 . Le commerce de la banane, encore plutôt inconnu au début des années 1970, a été discuté par des femmes de pasteurs lors de leurs rencontres régulières de femmes à Frauenfeld. Mais elles ne se sont pas contentées de parler. Les femmes passèrent à l’action : elles écrivirent de manière peu orthodoxe à la Fédération des coopératives Migros. Celle-ci ne pouvait pas accepter que des femmes posent une telle question.

L’histoire des « femmes bananes » est passionnante. Elle ressemble à une aventure qu’elles n’ont pas choisie. A l’époque, le géant du commerce de détail Migros a certes accepté de discuter, mais il n’était pas disposé à payer un prix d’achat plus élevé aux producteurs de bananes. Les femmes ont alors cherché le dialogue avec les consommatrices et les consommateurs dans la rue. Elles ont ainsi attiré l’attention dans de nombreuses villes suisses sur la situation accablante de la production de bananes. Ces actions ont eu un large écho et ont fait réfléchir de nombreuses personnes.

Entendre et répondre à l’appel – tout le reste n’est qu’un supplément.

Ce que ces femmes ne savaient pas à l’époque, c’est qu’avec leurs actions, elles posaient la première pierre de la cause des « produits équitables ». La Déclaration de Berne (aujourd’hui Public Eye) a été presque simultanément à l’origine de l’action Ujamaa pour le café – elle s’est prononcée en faveur d’un café équitable en quantité limitée – et de l’action « Du jute plutôt que du plastique » au milieu des années 1970. Un sac en jute portant l’inscription « Du jute plutôt que du plastique « 2 y a été lancé. Cette action est devenue le symbole de la sensibilisation à un mode de consommation plus prudent3 .
Puis, à la fin des années 1970, plusieurs ONG suisses ont fondé une société d’importation appelée OS3, aujourd’hui Claro Fair Trade, afin de vendre des produits équitables en Suisse. Enfin, dans les années 1990, différents labels de commerce équitable ont été introduits : le plus connu d’entre eux a été le label « Max Havelaar » en 1992. Il distingue aujourd’hui un grand nombre de produits du commerce de détail qui ont été produits dans des conditions équitables – entre autres la banane.

Lorsque le mouvement du commerce équitable a été accueilli par une population civile plus large dans les années 1980 – notamment par les ONG -, le cadre d’interprétation a toujours été la guerre froide. L’anthropologue culturel Konrad Kuhn affirme par exemple que les forts vents contraires contre la vente de produits du commerce équitable étaient en partie dus aux changements structurels que le mouvement entendait apporter4 . A l’époque de la guerre froide, les changements structurels étaient immédiatement interprétés de manière politique, indépendamment des problèmes réels. Ce cadre d’interprétation hautement politique s’est atténué après la fin de la guerre froide. Désormais, chaque mot n’était plus interprété politiquement. A partir de 1991, les aspects économiques ont pris plus d’importance.

Le parcours des « femmes bananes » était similaire à celui de la Vierge à l’Enfant : L’appel de leur époque avait trouvé ces femmes et elles avaient trouvé leur vocation. Elles ne faisaient pas de politique partisane, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles n’étaient pas politiques. La banane produite de manière équitable a été reprise par Max Havelaar en 1992. Mais deux décennies plus tôt, les « femmes bananes » avaient déjà donné des impulsions décisives au commerce équitable.

La question du pourquoi reste d’actualité aujourd’hui

Vouloir imiter aujourd’hui les « femmes bananes » reviendrait à se complaire dans le passé. La consommation de produits issus du commerce équitable est depuis longtemps au cœur de la société. Rétrospectivement, l’engagement des « femmes bananes » est sans aucun doute impressionnant.

Malgré et justement à cause de leur engagement, nous devrions également nous demander quels sont les problèmes actuels. Quels sont aujourd’hui les thèmes brûlants liés à la consommation – et au-delà ? Et surtout : avons-nous encore des lieux où nous pouvons poser ces questions ? Ou est-ce que ce sont surtout les concepts par lesquels nous voulons atteindre les gens pour nos idées et nos programmes qui sont au premier plan ?

Inspirée par les « femmes bananes », j’aimerais soulever ici l’une des questions du pourquoi d’aujourd’hui, dans l’espoir que d’autres s’en emparent et poursuivent la réflexion. Ma question est la suivante : pourquoi les paroisses et les organisations, et même notre carrière personnelle, sont-elles si fortement orientées vers la croissance et l’efficacité ? L’orientation vers des indicateurs de croissance est toujours liée directement ou indirectement à la production et à la consommation, même lorsque l’apparence extérieure de nos actions est qualifiée d' »authentique ». Pourquoi jouons-nous en fait ce jeu inauthentique dans les domaines les plus divers de la société, y compris les églises et les organisations ?

L’exemple de Hambourg

Un exemple doit donner des idées sur la manière dont on peut aujourd’hui mettre l’accent sur les personnes plutôt que sur la consommation et les programmes, sans pour autant discréditer les structures et la planification.

La gare de Hambourg voit arriver chaque jour 550 000 voyageurs dans un espace restreint. Les conflits ne sont pas rares. Par exemple, pendant la crise des réfugiés en 2016, de nombreux réfugiés ont notamment étalé leurs quelques affaires devant les magasins pour dormir, ce qui a à son tour empêché les passants de faire leurs achats et a donc affecté le chiffre d’affaires des magasins. Comment la mission de la gare gère-t-elle cette situation ?

Lors d’une visite chez le directeur de la mission de la gare de Hambourg, Axel Mangad, aucune déclaration de mission ni aucun argument de vente unique de cette organisation vieille de 140 ans ne sont cités. On pourrait presque avoir l’impression qu’il n’y a pas d’objectifs précis qui sont poursuivis, ce qui inquiéterait certainement l’un ou l’autre directeur.

Quand Axel Mangad raconte, on remarque que les gens sont au premier plan. Il raconte que la mission de la gare veut être flexible afin de pouvoir réagir à des changements rapides, comme par exemple une crise des réfugiés.

Ce ne sont pas des phrases toutes faites, le bâtiment récemment inauguré confirme ses explications : Un comptoir d’accueil se trouve au milieu de la pièce, afin que les collaborateurs soient immédiatement auprès des personnes en quête d’aide. Avec une porte pliante, la petite pièce pourrait par exemple être immédiatement transformée en petit café, si nécessaire. L’infirmerie voisine, occupée par du personnel soignant qualifié, sert aux personnes souffrant de troubles médicaux qui, par exemple, n’iraient pas consulter un médecin par honte des trajets habituels. Les personnes peuvent également y déposer leur téléphone portable pour le recharger. Cela semble banal, mais à quelle personne étrangère donnerait-on aujourd’hui son téléphone avec ses données personnelles ? Cela n’est possible que s’il existe une grande confiance de base. Le bâtiment nouvellement construit a bien sûr été soigneusement planifié. Mais le concept a été élaboré de manière à ce que l’accent soit mis non pas sur la consommation, mais sur les personnes et leur détresse.

Et si nous apprenions à penser d’abord aux personnes et ensuite seulement aux structures et aux chiffres ? Le contenu peut alors être totalement différent, comme pour les « femmes bananes » il y a 50 ans ou actuellement à la mission de la gare de Hambourg. Le point décisif est de poser les questions correctement.


1. cf. Brunner, Ursula : Bananenfrauen. Frauenfeld, 1999, en particulier les pages 16-38.

2. Le slogan « Jute au lieu de plastique » représente avec le jute les matériaux naturels, « Plastic » avec un c au lieu d’un k symbolisait l’étranger.

3. cf. Strahm : Der aktionserprobte Achtundsechziger im Team der EvB 1974-1978, (2008), pages 139-140 ; in : Holenstein, Anne-Marie ; Renschler, Regula ; Strahm, Rudolf : Le développement, c’est la libération. Erinnerungen an die Pionierzeit der Erklärung von Bern (1968-1985), Zurich, 2008 (pages 113-166).

4. cf. Kuhn, Konrad J. : Commerce équitable et guerre froide. Selbstwahrnehmung und Positionierung der Fair-Trade-Bewegung in der Schweiz 1972-1990, Berne, 2005, pages 115-117.

Cet article est paru pour la première fois le 01 juin 2024 sur Forum Integriertes Christsein.

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