I.D. Suisse ? à la lumière des droits des étrangers

~ 6 min

Exposé donné lors du ForumChristNet « I.D. Suisse » le 15 juin 2002 à Berne.

Introduction

Il existe un complexe de lois s?appliquant à l?étranger en Suisse, suivant sa situation personnelle et en fonction de sa nationalité.

Les étrangers ressortissant de l?union européenne sont soumis à l?ALCP (accord sur la libre circulation des personnes). Quant aux autres, ils sont soumis soit à la LSEE (loi sur le séjour et l?établissement sur les étrangers), soit à la LASI (loi sur l?asile).

L?accord sur la libre circulation des personnes ALCP

L?accord comporte un régime transitoire, contenant un système de contingentements et de préférences aux ressortissants suisses ou travaillant déjà en Suisse, avant que la libre circulation des personnes soit effective. Ce système évolutif devra durer 12 ans et ce n?est qu?au bout de la 13ème année que la libre circulation des personne sera introduite à titre définitif. Nous rappelons que la Suisse devra se prononcer dans 7 ans sur la reconduction de ces accords.

La principale ligne directive de cet accord est l?interdiction de discriminer une personne en raison de sa nationalité, de façon directe (« cherche travailleur suisse ») ou indirecte (accepter uniquement le diplôme délivré par une institution suisse). Les exceptions au principe de non-discrimination concernent: les droits politiques (éligibilité et droit de vote reconnus aux seuls ressortissants suisses), l?aide sociale et l?administration publique (les fonctionnaires doivent être de nationalité suisse, pour certaines fonctions).

L?étranger ressortissant de l?UE aura ainsi le droit d?entrer, de sortir et de séjourner librement en Suisse. Des limitations à ce droit ne pourront être imposées que pour des raisons d?ordre public, de santé publique ou de sécurité publique. Les personnes actives recevront une autorisation déclarative (ne fait que déclarer le droit), alors que les personnes passives (étudiants, malades, retraités) recevront une autorisation constitutive (sans celle-ci l?étranger n?a pas le droit de séjourner en Suisse). Les autorisations constitutives seront délivrées, si l?étranger apporte la preuve qu?il est couvert par un assurance maladie et qu?il a les ressources nécessaires pour vivre.

Le regroupement familial est admis de manière extrêmement large. Le mari chiapanais d?une française sera mieux loti que celui d?une suissesse en Suisse!

Loi sur le séjour et l?établissement des étrangers LSEE ? Loi sur les étrangers LEtr.

La LSEE « offre » actuellement 6 permis de séjour différents, soit les permis A, B, C, L, F, G. Tous les permis sauf le permis C sont des permis causaux, c?est-à-dire qu?il sont liés à une cause (place de travail, mariage, situation de détresse etc.) et qu?en conséquence, si la cause disparaît, le permis aussi. Actuellement c?est souvent le nombre d?année de permis A qui donne le B puis le C.

La LEtr., actuellement en discussion dans les Chambres fédérales est un projet de loi tendant à asseoir juridiquement la pratique de nos autorités en matière d?immigration. Ce projet, s?il est accepté – et il risque fort de l?être – sera soumis en votation si un référendum est lancé et abouti.

Cette nouvelle loi s?appliquera à tous les étrangers ne ressortissant pas à l?UE. Elle confirme le système binaire actuellement en vigueur. Soit pour être plus clair, il y a les « bons étrangers », les ressortissants de l?UE et les « mauvais », les autres, soit plus des 4/5ème de la planète.

L?autorisation de séjour ne sera octroyée au « mauvais étranger » que si aucun ressortissant de l?UE souhaite occuper le poste et si l?étranger est un spécialiste, car « l?admission des étrangers en vue de l?exercice d?une activité lucrative doit servir les intérêts de l?économie suisse ».

Les systèmes d?autorisation ne correspondront plus strictement aux permis A, B et C. Il n?y aura plus de transformation du permis A en B et ceci parce qu? « il ne faut pas stimuler au premier chef les intérêts économiques à court terme. Les dispositions légales devraient surtout éviter que l?entrée en Suisse des nouveaux étrangers en provenance des Etats tiers ne se traduise par une nouvelle vague d?immigration de main d?oeuvre peu qualifiée, présentant des problèmes accrus d?intégration. Il convient aussi d?éviter que les étrangers nouvellement entrés dans notre pays fassent une concurrence inopportune aux travailleurs en Suisse. (…) En outre, la politique d?admission doit favoriser une immigration qui n?entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme un marché du travail équilibré. »

Le travailleur pourra se déplacer d?un canton à l?autre. Il s?agit là d?une clause qui semble plus généreuse que le texte actuel, elle est là pour ne pas poser de problème à l?employeur suisse qui souhaiterai engager un étranger muni d?une autorisation de séjour dans un autre canton…

Le regroupement familial sera admis très restrictivement, le système actuel sera endurci au point que l?officier d?état civil pourra refuser de marier deux personnes s?il se doute qu?il s?agit d?un mariage en blanc (et vive l?arbitraire!).

Aspects répressifs de la LEtr

Les étrangers qui entrent en Suisse sans autorisation de séjour ou ceux qui ont reçu une réponse négative à leur demande de permis peuvent être détenus administrativement en Suisse, pour faciliter leur renvoi. Actuellement il existe 10?000 personnes détenues dont le seul crime est d?avoir voulu travailler dans notre si beau pays.

Et puis pour garder notre belle politique d?accueil, le projet de loi tend à renforcer les mesures de contraintes, dont plusieurs apparaissent aux yeux de certains comme contraire à la CEDH (Convention européenne des Droits de l?Homme), alors même que nous en sommes partie.

Jusqu?alors, la détention en vue du refoulement suite à une décision de non-entrée en matière ne pouvait avoir lieu que s?il existait un risque d?insoumission à la décision de renvoi, dans le projet, la décision de non-entrée en matière suffit. La détention en vue du refoulement sera également possible en cas d?absence de papiers valables et si ce sont les autorités qui se chargent de récupérer ces papiers, ce qui constitue une lacune du droit actuel… La détention en vue du refoulement sera en outre possible s?il existe un risque de fuite (ce qui existe déjà), en particulier en l?absence de collaboration pour l?obtention des documents de voyage (encore une lacune du droit actuel), ainsi un comportement passif peut engendrer une détention administrative.

Il y a lieu de préciser encore que si le renvoi est possible dans les 8 j. l?étranger peut renoncer à la procédure orale (procédure juridique où il est entendu). Or pour renoncer à un tel droit, il faudrait premièrement qu?il comprenne la langue du document et secondement qu?il connaisse le droit suisse, pour savoir à quel droit il renonce, ce qui n?est à l?évidence, pour la majorité des étranger, pas le cas.

En bref, il nous semble que ces mesures sont complètement disproportionnées, contraires à la CEDH et ne font que renforcer le sentiment d?injustice de l?étranger en Suisse.

Femmes migrantes et réfugiées

Cela n?étonnera personne, la femme est encore plus discriminée que l?homme, lorsqu?elle est migrante ou réfugiée en Suisse. Premièrement il n?y a aucune disposition légale qui tienne compte de la situation particulière de la femme. Elle est toujours au bénéfice d?un permis causal, il est rare qu?une femme d?un Etat tiers vienne en Suisse pour des études ou parce qu?elle est une spécialiste dans un domaine professionnel pointu. Elle obtient donc généralement son permis grâce à celui de son mari, avec le travers qu?elle préféra être battue plutôt que divorcer et retourner dans un pays où elle n?aura pas les moyens économiques de vivre.

Elle est aussi discriminée en matière d?Asile de façon indirecte. En effet, il n?est pas entré en matière sur une demande d?Asile, si le requérant ne fournit pas de papier d?identité, or la femme des pays du Tiers Monde n?a que rarement des papiers d?identité. De même la femme qui accueille des révolutionnaires met en jeu sa vie autant que celui qui se réclame d?une opinion dissidente dans un régime totalitaire, mais elle ne serait pas considérée comme étant en danger en raison d?agissements politiques, et n?obtiendra pas l?Asile, au contraire du militant qui aura fait part de son opposition au régime en vigueur.

Voilà en quelques mots, même si trop nombreux pour n?être qu?un résumé, pour ébaucher mon opinion sur nos prétendus bras ouverts aux étrangers. Sans pouvoir proposer de solutions concrètes face aux problèmes réels liés à l?émigration, je ne puis qu?encourager à rejeter clairement cette loi,. qui me paraît précisément contraire à la CEDH, soit inhumaine.

Chloé Bregnard, juillet 2002

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