Les 7 thèses de ChristNet sur l’argent en Suisse

~ 7 min

Thèse 1

Chrétiens et non-chrétiens se laissent de plus en plus imprégner par la culture de la peur

Nous constatons, en particulier dans le monde occidental, un glissement vers une culture de la peur et de la méfiance : la peur de perdre ses propres biens et la sécurité matérielle dont on jouit, et la peur du prochain que l’on ne connaît pas. La prospérité croissante a exacerbé la peur de perdre nos biens. La notion économique de concurrence a pénétré la sphère privée, de sorte que le prochain est de plus en plus souvent perçu comme un concurrent. Qui plus est, l’individualisme croissant nous a extirpé des rapports sociaux qui nous conféraient naguère un sentiment de sécurité. Les craintes ressenties pour notre propre bien-être ont étouffé le souci du bien-être du prochain. Nous mettons ce fait en relation avec la parole de Jésus selon laquelle l’amour du plus grand nombre se refroidira (Mt. 24.12). En Suisse tout spécialement, nous sommes fortement marqués par la culture de la peur, comme en atteste le nombre particulièrement élevé de polices d’assurance par habitant.

Thèse 2
Désolidarisation : le partage nous pose problème, car nous avons peur pour notre propre bien-être et parce que nous sommes confrontés au coût toujours plus élevé découlant de la forme d’économie qui est la nôtre

La peur pour notre propre bien-être et la méfiance à l’égard du prochain se traduisent par une désolidarisation. La « liberté » est un concept qui a le vent en poupe, car nous cherchons à nous libérer de toute forme de responsabilité envers le prochain.

Nous ne sommes pas prêts à payer le prix des dégâts croissants causés par notre forme d’économie : même si les plus faibles ne se voient plus proposer d’emplois, et qu’ils deviennent des cas sociaux, nous avons tendance à leur rendre seuls coupables de leur situation ou à les appeler « profiteurs du système social ». Nous accordons volontiers foi aux théories selon lesquelles « chacun peut obtenir tout ce qu’il souhaite s’il fait seulement l’effort nécessaire ». Les chrétiens ne sont pas immunisés contre ces courants culturels, de sorte que l’évangile de prospérité et le compassionate conservativism nous paraissent attrayants.

Thèse 3
Parce que nous ne pouvons pas partager, nous sommes condamnés à la croissance

La Suisse est un des pays les plus riches du monde, nous avons en fait suffisamment pour tous, nous disposons de tout ce dont nous avons besoin. Néanmoins, nous aspirons avec entêtement à une croissance plus élevée du PIB, c’est-à-dire de la richesse (et sacrifions en chemin de nombreuses valeurs chrétiennes), bien que la Bible dise que nous ne devons pas accumuler de richesses (Jc 5). Ce principe ne s’applique pas uniquement à la vie personnelle, mais aussi aux nations tout entières, car nous voyons ci-après quelles en sont les répercussions.

Alors, pourquoi la croissance ? Nous affirmons avoir besoin de la croissance pour créer suffisamment d’emplois. Est-ce que le système que nous avons créé n’offre de travail à chacun que lorsque le PIB croît ? Sommes-nous, au cas contraire, incapables de donner à chaque être humain un travail qui ait un sens ? Nous affirmons aussi avoir besoin de la croissance pour financer notre prévoyance vieillesse. Mais ne pourrions-nous pas organiser cela autrement, par un meilleur partage ? Le Conseil fédéral affirme encore avoir besoin de la croissance pour éviter les foires d’empoigne à qui profitera la distribution. Sommes-nous même capables de partager l’abondance ? Ne pouvons-nous pas faire en sorte que chacun, dans ce qui a été gagné, reçoive suffisamment en échange des efforts déployés ? Ces problèmes peuvent, de notre avis, être résolus autrement avec un peu de sens commun et le sens du partage. Etant donné que nous ne sommes pas encore prêts pour cela, la Suisse reste « condamnée à la croissance ». En outre, nous continuons de croire dans notre vie personnelle que la richesse est synonyme de bonheur.

La consommation effrénée est par conséquent toujours bienvenue et encouragée. La société de consommation est devenue une pression idéologique sur les personnes, même si en fait nous avons déjà tout. Comment l’économie peut-être encore croître alors que la société se trouve dans l’abondance ? Les valeurs et les idéaux sont eux aussi inévitablement sacrifiés dans cette quête des possibilités de croissance.

Thèse 4
Nous nous accrochons à des biens injustement acquis

La Suisse n’a accepté que sous la pression massive de l’étranger de restituer les fonds juifs en déshérence. Aujourd’hui, nous nous agrippons au secret bancaire, même si nous savons que la majeure partie des quelque deux milliards et demi de francs de fortune de l’étranger placés sur les comptes suisses sont le fruit de l’évasion fiscale. Nous cherchons encore et toujours à nous justifier et déclinons toute responsabilité de notre part, bien que le secret bancaire ait été ancré dans la loi en 1934 dans le but précis d’attirer des fonds issus de l’évasion fiscale.

Michée 6.9-11 nous interpelle sur ce point : « Ecoutez l’annonce du châtiment et celui qui l’a décrété. Y a-t-il encore dans la maison du méchant des trésors mal acquis, et un épha trop petit, exécrable ? Serai-je sans reproche avec des balances fausses et avec des poids trompeurs dans le sac ? »

Thèse 5
« Mammon » est puissant en Suisse et a la mainmise sur notre pensée et notre politique

« Nul ne peut servir deux maîtres, car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6.24). Il nous semble que la pensée de rentabilité économique et le souci pour nos biens ont pris trop de poids par rapport à Dieu et à l’amour du prochain. Nos valeurs sont par conséquent déterminées de plus en plus par « Mammon ».  Ce faisant, la Suisse semble également sacrifier de nombreuses valeurs chrétiennes, telles que la famille, le dimanche, la miséricorde à l’égard des faibles, la justice et la morale.

Il nous faut vraiment nous décider. En tant que pays, repentons-nous, faisons le ménage dans nos vies, notre politique et nos banques. « Car l’amour de l’argent est la racine de tous les maux » (1 Ti 6.10), et il semblerait que nous en ressentions les conséquences aujourd’hui. Par contre, Dieu nous promet de s’occuper de nous si nous agissons dans la justice et l’adorons Lui (et non pas Mammon). Nous n’avons donc pas à craindre de perdre nos richesses ou des emplois, si nous faisons les pas nécessaires à nous séparer de l’injuste Mammon. La prévoyance de Dieu et Sa paix nous porteront.

Thèse 6
L’alternative : la confiance en Dieu et une politique de miséricorde à l’égard des plus faibles

Jésus nous a présenté, outre le salut par la foi, un amour radical pour le prochain et nous a commandé de placer au centre de toute notre action le bien-être de notre prochain (et donc le bien-être général). Nous voulons éveiller à nouveau cet amour pour le prochain, cet agapé, c’est-à-dire appeler chacun à y revenir et à contribuer à ce que le monde soit marqué par l’amour de Jésus. Dieu deviendra ainsi visible dans notre société. Une démarche qui commence au sein de la chrétienté, par une nouvelle sensibilité au bien-être du prochain, qui en fera un puissant multiplicateur de l’amour de Dieu.

On oublie souvent que l’amour du prochain n’est pas confiné à la sphère privée, mais qu’il doit être exercé de la même manière aux niveau de la société et de la politique. Les membres les plus faibles de la société nous semblent aujourd’hui particulièrement menacés du fait qu’ils n’ont pas de pouvoir et ne disposent guère de groupes d’influence. Pourtant, Jésus lui-même préconise de protéger les plus faibles, allant jusqu’à s’identifier pleinement à eux : « Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’étais étranger et vous m’avez recueilli ; […] j’étais en prison et vous êtes venu vers moi ». (Mt 25.35-36)

Pour ce faire, nous avons besoin de préserver notre confiance en Dieu, à commencer dans notre propre vie, en sachant qu’il pourvoira à nos besoins si nous agissons avec justice.

Thèse 7
Nous avons besoin d’une nouvelle miséricorde biblique

Le thème de la solidarité occupe une place prépondérante dans la Bible. Une importance centrale est accordée à la notion de « pauvre », qui désigne d’une part le dénuement matériel et l’oppression (on parle aussi de « misérables », « moindres », etc.), mais aussi, d’autre part, les pauvres en esprit, c’est-à-dire les humbles. Rares sont les passages où la pauvreté est mise en relation avec une culpabilité personnelle. On ne la trouve ainsi présentée que dans le livre des Proverbes et dans une affirmation du Nouveau Testament, savoir celui qui ne VEUT pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Pour le reste, la pauvreté est décrite comme un mal de la société, souvent en lien avec le préjudice social.

Nous ne pouvons bien entendu pas affirmer que de nos jours, les pauvres ne portent, de manière générale, aucune responsabilité dans leur situation, mais nous devons être prêts à examiner la question de plus près. Pour cette raison, l’Ancien aussi bien que le Nouveau Testament contiennent de multiples appels à protéger les pauvres (sur les plans physique et juridique), à partager avec eux et à faire justice. Car nous ne devons pas croire que nous ayons créé notre prospérité par nous-mêmes et que, partant, nous n’ayons pas besoin de partager quoi que ce soit.

Ainsi, premièrement, notre aptitude à la performance découle elle aussi de la grâce de Dieu, et tout ce que nous possédons nous vient de Dieu. Nous sommes donc tenus de gérer ce que nous avons reçu selon Sa volonté. Deuxièmement, tout être humain est doté de dons variables, qui peuvent également être convertis en salaire de manière variable. Nous devrions par conséquent permettre à chacun de vivre dignement. Une certaine redistribution était ainsi prévue dès l’Ancien Testament. Le prochain représente aussi, à l’heure actuelle, les pauvres vivant dans d’autres parties du monde. Nous sommes tenus de nous consacrer également à eux.

Nous sommes convaincus que la Suisse, d’un point de vue spirituel, tourne le dos à Dieu et à sa bénédiction en ne partageant pas sa prospérité avec les pauvres.

 


Photo by Michael Longmire on Unsplash

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.