Les dommages causés aux pays pauvres par le secret bancaire

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Le secret bancaire, en particulier la distinction suisse entre la fraude et l’évasion fiscales (voir le texte « Le problème du secret bancaire ») a de graves conséquences pour les pays pauvres du monde.

– Oxfam a calculé en 2000 que les pays du Sud perdent 15 milliards de dollars par an en recettes fiscales à cause de l’évasion fiscale. En comparaison, le produit national brut du Burkina Faso est d’environ 4 milliards de dollars. Comme environ un tiers de tout l’argent du monde placé dans une banque étrangère se trouve en Suisse, et que 70 à 90 % de cet argent n’est pas imposé, on peut supposer que le secret bancaire, associé à la distinction suisse entre évasion et fraude fiscales, est responsable de la perte de milliards de dollars de recettes fiscales par an pour le Sud.

– Bien entendu, on ne peut pas supposer que l’argent des vols ne circulerait pas vers d’autres « refuges » si le secret bancaire suisse était aboli. Mais tout d’abord, grâce à la suppression de la contre-pression de la Suisse (notamment au sein de l’OCDE), la pression sur les paradis fiscaux restants augmenterait ensuite. Et deuxièmement : nous devons décider par nous-mêmes si nos actions sont justes devant Dieu ou non ! Nous achèterions tout aussi peu de biens volés avec la raison, sinon le voleur ne vendrait son butin qu’à un autre receleur… L’excuse « les autres le font aussi » ne compte pas devant Dieu.

– En comparaison, la Suisse donne environ 2,5 milliards de francs par an en aide publique et privée au développement. Nous rendrions donc un immense service à l’aide au développement si le secret bancaire était assoupli, au moins pour l’évasion fiscale.

– Le Conseil fédéral affirme que l’argent du Sud ne nous parvient qu’en raison de l’arbitraire des autorités fiscales et des lacunes du système bancaire. En fait, il existe certains pays où les travailleurs honnêtes sont traités injustement et ont un besoin légitime de protection. Mais il s’agit d’une minorité de plus en plus petite parmi tous ceux qui veulent échapper à une imposition correcte par des gouvernements démocratiquement élus. À qui faut-il accorder plus d’importance en matière de protection ? Nous pensons qu’en matière d’assistance mutuelle aux autorités étrangères dans les cas d’évasion fiscale, on peut faire une distinction entre les États constitutionnels et les régimes arbitraires, et que le secret bancaire (ou du moins la distinction entre l’évasion et la fraude fiscales) n’est pas nécessaire à la protection.

– Au contraire, notre secret bancaire et notre pratique de l’entraide judiciaire protègent avant tout les régimes corrompus eux-mêmes : la principale revue économique « Economist » a écrit en 1999 que l’on estime à 20 milliards de dollars les fonds des potentats (argent approprié par les dictateurs par la corruption ou le détournement du trésor public) qui se trouvaient en Suisse. Le clan Abacha dispose d’un total de 55 milliards de dollars à l’étranger. Ces dictateurs étaient même soutenus par nos gouvernements ou pouvaient aller et venir avec nous (comme Mobutu par exemple)…

– Le recouvrement de ces fonds est très difficile pour les gouvernements ultérieurs, surtout dans les pays les plus pauvres : les faits ne pourraient souvent être prouvés que si la Suisse fournissait des informations sur les clients, ce qu’elle ne fait pas en raison du secret bancaire. L’enquête n’aboutit donc souvent à rien. Les pays pauvres, en particulier, ont d’énormes difficultés à rassembler toutes les données nécessaires à une demande d’entraide judiciaire sur les fonds volés par leurs anciens dictateurs sans avoir accès aux comptes bancaires, car ils ne peuvent se permettre des enquêtes extrêmement coûteuses. La demande d’entraide judiciaire échoue donc souvent à ce stade.

– Nous constatons que le secret bancaire fait beaucoup plus de mal que de bien aux pays du Sud. Il serait donc préférable pour ces pays que le secret bancaire soit levé. En même temps, pour protéger les personnes persécutées par des autorités arbitraires, une clause pourrait être insérée dans la loi sur l’aide juridique, selon laquelle l’aide juridique ne serait accordée qu’aux gouvernements régis par l’État de droit et les principes démocratiques. Les critères devraient être définis plus précisément.

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