Modification de la loi sur l’asile : « Je suis consterné »

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Mesdames et Messieurs les députées et députés au Conseil national
Palais Fédéral

3003 Berne

 

Concerne : modification de la loi fédérale sur l’asile – débat au Conseil national au cours de la session d’été 2005.

 

Mesdames et Messieurs les députés au Conseil national,

 

En ma qualité de citoyen suisse je m’adresse à vous pour vous demander de sauver l’image de notre pays dans le domaine du respect des droits de l’homme et de la notion d’État de droit.

 

La loi sur l’asile doit garantir une protection aux personnes persécutées et leur permettre de vivre dignement dans notre pays, aussi longtemps qu’elles sont menacées dans leur propre pays. Quant aux personnes qui ne peuvent pas être accueillies, elles doivent pouvoir quitter la Suisse dans la dignité et le respect de leurs droits.

 

C?est avec consternation que j’ai pris connaissance de décisions prises par le Conseil des États, lors de la révision de la loi sur l’asile, en mars 2005. Dans une procédure n?ayant pas respecté les normes légales, le Conseil des États a introduit dans la révision des dispositions qu’on peut raisonnablement considérer contraires à la constitution et aux conventions internationales signées par la Suisse.

 

Je suis convaincu que, dans le domaine de l’asile, la rigueur est nécessaire et que l’angélisme est dangereux. Il demeure, toutefois, que cette rigueur doit se fonder sur le respect des droits de l’homme et sur les principes fondamentaux de notre état de droit.

 

Je dois malheureusement constater que le projet issu des délibérations du Conseil des États viole manifestement ces principes, au moins sur trois points essentiels :

 

1. L’article 32, alinéa 2 lettre a (que le Conseil fédéral, suivi par le Conseil national, proposait de ne pas changer) a, néanmoins été modifié par le Conseil des États. Ces modifications sont inconciliables avec les traités internationaux qui nous lient, notamment ceux relatifs au droit d’asile. En effet, selon elles, l’autorité suisse n’entrera plus en matière sur une demande d’asile présentée par quelqu’un qui n’a pas pu, immédiatement ou dans un délai de 48 heures, lui présenter ses documents de voyage ou ses pièces d’identité. Pour tous les requérants d’asile qui n’entrent pas en Suisse par un aéroport (donc forcément munis d’un passeport), l’ancien droit prévoyait qu’ils devaient présenter leurs documents de voyage ou des documents permettant de les identifier. Comme, dans la plupart des cas, les demandeurs d’asile persécutés dans leur propre pays, ne peuvent pas obtenir ou détenir de pièces d’identité au sens de la nouvelle disposition, la nouvelle loi permettra de refuser l’entrée en matière sur leur demande.

2. Les articles 42, alinéa 2, 44 a et 82 qui prévoient la possibilité de priver d’aide sociale et d’aide d’urgence les personnes frappées d’une décision de renvoi exécutoire constituent – et le Tribunal fédéral a confirmé cette appréciation juridique – une violation des dispositions de l’article 12 de la constitution fédérale. Comme en outre une telle disposition ne saurait avoir d’autre effet que de faire entrer dans la clandestinité une large part de ceux dont nous voudrions qu’ils quittent la Suisse, une telle décision n’est pas seulement une faute juridique elle est aussi une erreur économique et une mesure contraire à une saine politique sécuritaire.

 

3. Cette violation du droit international et de la constitution est d’autant plus grave que l’article 17, alinéa 4, ne garantit plus aux demandeurs d’asile, l’accès à une consultation et à une représentation juridique dans les centres d’enregistrement ou dans les aéroports, comme la loi précédente. Aucun pays du monde civilisé ne connaît une telle violation du droit de se défendre contre les éventuels abus de droit commis par l’État.

 

En résumé, je suis consterné de découvrir que la Chambre Haute a pu voter, dans des conditions de procédure législative incorrectes et hâtives, une révision de la loi sur l’asile violant les valeurs essentielles qui ont fait la réputation de notre pays, dépositaire, je le rappelle, des conventions traitant des droits fondamentaux des être humains.

 

Je vous demande donc instamment, de faire en sorte que ce projet soit corrigé et retrouve une forme et un fond correspondant à l’idéal que la majorité des Suisses a de la démocratie, du respect des droits de l’homme et du maintien de l’Etat de droit.

 

Je vous remercie pour votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les députées et députés au Conseil national, l’assurance de ma haute considération.


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