Revenu de base: combien de chrétiens sont-ils chauds à cette idée ?

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Zurich/Genève, 24 mai 2016 – «Revenu de base inconditionnel – le paradis sur terre?» Voici la question abordée par ChristNet lors de son Forum samedi passé à Zurich. Philipp Hadorn, conseiller national (PS) et chrétien engagé, a revendiqué de meilleurs salaires, tout en défendant les règles du marché libre. Quant à la rappeuse «Big Zis», elle a prôné des valeurs chrétiennes. 

Le 5 juin prochain, l’initiative populaire en faveur d’un revenu de base inconditionnel (RBI) sera soumis au vote. Lors du ForumChristNet, les participants pouvaient déjà anticiper ce scrutin et indiquer, sur un «Thermomètre RBI», leur degré de sympathie ou de scepticisme face à ce sujet. Les positions étaient très dispersées, ce qui représentait des conditions idéales pour garantir un après-midi de débats contradictoires et nuancés.

Suisse solidaire ou jalouse?

Heiner Schubert, pasteur réformé, a ouvert les feux avec une impulsion biblique créative. En effet, il a dessiné, en direct, la parabole biblique des ouvriers dans le vignoble avec des traits rapides, pleins d’humour et un calme remarquable. «Dans le royaume de Dieu, la performance n’est pas reine», a précisé M. Schubert. «Tous les ouvriers, qu’ils aient travaillé toute la journée ou uniquement pendant une heure, reçoivent le même revenu de base.»

De même dans la communauté Don Camillo à Montmirail (NE) dont il fait partie, chacun reçoit un revenu de base. Et ça marche. Pourtant, ce revenu n’est pas inconditionnel, temporise-t-il. «Nous nous sommes engagés à vivre ensemble pendant un certain temps et à prendre soin les uns des autres.» Malgré ses sympathies pour le RBI, M. Schubert s’est montré sceptique quant à savoir si la Suisse, en tant que communauté solidaire, serait assez forte et disposerait de la cohésion nécessaire pour éviter qu’une culture de la jalousie se développe.

Une confiance de base pour tous

Ensuite s’est tenu la table ronde avec Franziska Schläpfer, membre du comité d’initiative, qui défend le RBI. Cette rappeuse, connue sous le nom de «Big Zis», est mère de trois enfants. Elle comprend le RBI comme l’expression d’une confiance inconditionnelle à l’instar de l’amour que portent les parents à leurs enfants. Elle a incité le public à se voir comme participant à une communauté de personnes où chacun s’entraide plutôt que de se concurrencer. «Nous avons tous besoin les uns des autres.»

Avec beaucoup de franchise, cette femme de 39 ans a évoqué des périodes de vie où elle s’est retrouvée sur la pente glissante et où elle avait, certes, besoin d’un peu de pression et d’incitation de l’extérieur. «Mais, conclut-elle, le plus important étaient les gens qui me faisaient confiance et qui croyaient en moi.»

Une utopie politiquement insensée

Le socialiste et syndicaliste Philippe Hadorn est d’accord avec l’objectif d’augmenter l’égalité des chances: «Les abus, c’est lorsque le capital génère des profits au dépens de l’emploi.» Selon lui, la justice sociale est une valeur centrale de la foi chrétienne. Quant au RBI, il le perçoit comme une utopie qui peut, certes, engager un débat de société important, mais qui est insensé en tant que projet constitutionnel. M. Hadorn craint que le Parlement actuel, «dominé par les intérêts économiques», risquerait d’abuser du RBI pour démanteler complètement l’Etat social. Il plaide de poursuivre la vision d’un emploi plus juste par des moyens plus pragmatiques, de renforcer les assurances sociales et de promouvoir une répartition plus juste des revenus.

Et Mme Heiniger dans tout ça?

Suite au désistement de la conseillère nationale PLR Doris Fiala, adversaire du RBI, sa place a été mis à disposition du public. Dès lors, plusieurs personnes l’ont occupée spontanément pour amener un point de vue critique. Ainsi, Mme Heiniger, une Zurichoise bénéficiaire de l’AI a témoigné de son inquiétude face au RBI: «2500 francs? Ca ne suffira jamais. Pourtant, je ne peux pas aller travailler», a-t-elle objecté. Sur quoi Daniel Straub, membre du comité d’initiative, a rejoint la table ronde pour assurer que personne ne recevrait moins qu’aujourd’hui. Et d’inciter Madame Heiniger à prendre de l’assurance: «Vous aussi, vous travaillez! Par exemple, en participant à cette table ronde.» Justement, notre conception du travail se bornerait au travail rémunéré. «Voici une vision étroite et démodée», conclut M. Straub.

Ce Forum animé et surprenant s’est terminé avec des discussions en groupe, une prière et un rap spontané de «Big Zis». Pour conclure, les participants ont été appelés à revoir leur position sur le thermomètre du RBI et de l’adapter au cas échéant. Les marques ont évolué globalement vers le haut et illustent ainsi un léger réchauffement des sympathies en faveur du revenu de base inconditionnel.

ChristNet ne prend pas position

ChristNet est d’avis que le débat provoqué par le revenu de base inconditionnel est important et pertinent. Celui-ci permet de discuter de sujets chrétiens essentiels tels la justice sociale, la solidarité et la valeur de chacun. Cependant, le laboratoire d’idées ne prend pas position quant à l’iniviative soumise au vote le 5 juin.


Thermomètre RBI après le Forum (chaque PostIt représente une voix).