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Le 16 août 2011, un comité interpartis a lancé l’initiative populaire «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS». ChristNet soutient activement cette initiative, parce qu’elle apporte une contribution concrète à la tâche biblique consistant à instaurer une justice sociale et à combler le fossé entre pauvres et riches.

Redistribution: un principe biblique

Un des thèmes de prédilection de la Bible est le comblement du fossé entre pauvres et riches. Les riches en particulier sont mis à contribution. Nous pouvons lire que nous devons «ouvrir la main au pauvre» (Dt 15.7-11). Les Proverbes nous mettent en garde: «Celui qui fait la sourde oreille quand le malheureux appelle à l’aide, appellera lui-même à l’aide sans obtenir de réponse.» (Pr 21.13)

Dans le Nouveau Testament, Jésus s’identifie aux pauvres dans la parabole sur le jugement dernier: «Chaque fois que vous avez fait cela au moindre de mes frères que voici, c’est à moi-même que vous l’avez fait.» (Mt 25.31-46) Paul insiste même: «Ordonne à ceux qui sont riches dans le présent système de choses… de travailler au bien, d’être riches en belles œuvres, d’être généreux…» (1 Tm 6.17-18).

Pour combler le fossé entre pauvres et riches, la Bible préconise, certes, avant tout la solidarité individuelle et le don d’aumônes. Mais l’Ancien Testament prévoit aussi une redistribution ancrée dans la loi.

Le jubilé

Un exemple en est le jubilé: selon la loi juive, toute parcelle vendue par nécessité doit être restituée à son propriétaire d’origine tous les 50 ans (Lv 25.8-31). Lors de la conquête de Canaan, chaque famille avait à l’origine reçu une portion du territoire. La «réforme foncière» périodique pendant l’année du jubilé devait préserver cette répartition équitable de la terre.

Ainsi, le jubilé était un fondement visant à éviter l’injustice structurelle et à permettre à chacun de subvenir à ses besoins. Car dans la société israélite à vocation agricole, qui perdait sa terre perdait sa base de subsistance.

Injustice sociale

L’invitation biblique à ne pas accumuler de biens et à distribuer les richesses n’est suivie que de manière très limitée dans notre société: les grandes fortunes, qui se transmettent de génération en génération, sont une des principales raisons de la concentration de la richesse entre les mains d’un nombre toujours plus restreint de personnes.

Il s’ensuit une pauvreté persistante1 et des problèmes sociaux, tandis que le fossé entre pauvres et riches continue de se creuser. La Suisse compte parmi les pays où l’inégalité en matière de distribution des richesses est la plus flagrante.2

AVS et impôt sur les successions

Il est avéré que l’AVS, avec son régime de répartition sans accumulation de capitaux, les recettes servant immédiatement à financer les rentes, contribue fortement à lutter contre l’injustice sociale. De plus, elle concrétise la notion de solidarité en tissant un lien entre les jeunes (et moins jeunes) travailleurs et les rentiers.3 Le renforcement de l’AVS va donc dans le sens de la pensée biblique.

De plus, l’imposition des très grandes suc-cessions (à partir de 2 millions) peut contribuer à la mise en œuvre du principe du jubilé. De fait, elle permet de réinjecter une partie des fortunes familiales au profit de la collectivité et participe ainsi à une répartition plus juste des richesses.

Voici donc une opportunité de suivre l’appel biblique, d’ouvrir la main aux pauvres et d’ordonner aux riches d’être généreux. Saisissons-la!


1. Selon Caritas, la Suisse compte près d’un million de pauvres.

2. Les deux seuls pays où la répartition de la richesse est plus inégale qu’en Suisse sont Singapour et la Namibie (Global Wealth Databook. Credit Suisse, Zurich, 2010).

3. Contrairement au 2e et au 3e piliers, où chacun accumule son capital vieillesse individuel.

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Il y a quatre ans, les partis et les candidats ont dépensé quelque 50 millions de francs au titre de la publicité électorale. De cette somme, plus de la moitié provient de l’UDC. Je pense que pour la suite, non seulement la somme, mais la part de l’UDC vont encore augmenter. Croire que les candidats et les partis dépensent davantage aux Etats-Unis est une erreur : en effet, pour les élections présidentielles de 2008 (y compris pour les primaires), le montant par habitant dans ce pays s’élevait à 5 francs, tandis qu’en Suisse, on a dépensé plus de 6 francs pour les élections parlementaires de juin à octobre 2007.

Mammon (dé-) fait les rois

Mammon joue donc un rôle important en Suisse, surtout en ce qui concerne les initiatives, de même que lors des votations et des élections. C’est dans ce domaine que les milliardaires pèsent de tout leur poids. En Suisse, les dépenses en matière de publicité électorale sont même déductibles des impôts : plusieurs législations cantonales le prévoient explicitement, et dans les autres cantons, les dépenses des partis peuvent s’effectuer au travers d’une fondation…

Il devient donc urgent pour la Suisse de légiférer sur le financement des partis, des votations et des élections. Il s’agit premièrement de limiter le montant des dépenses, puis de garantir la transparence des flux financiers.

Limiter le montant des dépenses ne sera probablement pas accepté, mais une loi sur le financement réduirait néanmoins la possibilité pour les milliardaires et les banques d’influencer la politique de manière aussi incontrôlée, ceci en particulier dans le contexte d’une loi sur la transparence.

Contrôler les dépenses électorales

Les opposants à de telles lois, qui proviennent naturellement des milieux ayant profité de la situation jusqu’à ce jour, se défendent en avançant principalement comme argument la violation de la sphère privée au cas où le financement de la politique serait rendu transparent. Il est vrai qu’en Suisse, la peur de l’autre est grande, raison pour laquelle la sphère privée est privilégiée. Il faudrait communiquer clairement sur le fait qu’il n’appartiendrait pas à n’importe quel citoyen de savoir qui finance quoi, mais uniquement à une instance de contrôle spécifique. Mais même ainsi, la peur de l’Etat demeurerait grande en Suisse.

De plus, il est dérangeant d’admettre que nous sommes effectivement influencés par la publicité. Dans leurs commentaires concernant les motions parlementaires en faveur d’une transparence accrue, des citoyens évoquent toujours à nouveau le fait qu’ils ont leur propre opinion et qu’ils ne laissent pas du tout influencer. Si tel était le cas, on ne dépenserait pas des sommes aussi énormes en publicité. En outre, on observe régulièrement, lors de votations ou d’élections, que les intentions de vote recueillies au cours des sondages changent au gré des campagnes. Selon une étude de l’Université de Zurich, les votants encore indécis quelques semaines avant un scrutin se prononcent très nettement pour l’UDC au moment de voter.

Une indifférence coupable

Une loi définissant un financement réglementé et transparent de la politique ne peut voir le jour que si sommes suffisamment humbles pour admettre que nous sommes fortement influençables, et si les Suisses prennent conscience, en admettant leur erreur, qu’ils se laissent régir par l’argent. Car le véritable problème ne réside pas dans le manque de transparence, mais dans l’indifférence par rapport à cet aspect. Lorsque cette situation changera, la transparence sera rapidement établie.


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Les entreprises et les associations rétribuent des politiciens triés sur le volet. Que font ces politiciens en retour ? Et quelles sommes sont en jeu ? Cela, le citoyen moyen ne le saura jamais.

1 —Une démocratie parfaite

Peut-être penses-tu que la Suisse est une démocratie normale.

Le peuple élit régulièrement ses représentants, qui se déplacent à Berne 4 à 5 fois par année, y  réservent une chambre d’hôtel et, chaque matin, se rendent au Palais fédéral pour y décréter ou changer des lois ou encore, pour y soumettre leurs propositions. Ce sont des agriculteurs, des enseignants, des avocats, qui apportent ainsi leurs connaissances et les mettent à profit dans leurs travaux politiques. Leur siège au parlement représente pour eux une activité secondaire et ils ne perçoivent guère qu’une indemnité pour ce travail. Ces gens appartiennent à tel ou tel parti, c’est pourquoi chaque citoyen sait d’emblée quels intérêts ils défendent. Tout cela ne semble-t-il pas être un système parfait ? Peut-être même penses-tu que nous possédons la meilleure démocratie au monde.

C’est alors que tu entends l’histoire suivante :

C’est l’histoire de Félix Gutzwiller. Il est conseiller aux Etats (PLR) représentant le canton de Zurich depuis une bonne dizaine d’années  au parlement. Il est un politicien très connu des médias et est par ailleurs professeur d’université. Il a la réputation d’être très compétent. Ce politicien éveille tout particulièrement la confiance des téléspectateurs en tenant une rubrique dans l’émission de la télévision suisse alémanique « 10 vor 10 ». Ce personnage en vue, apprends-tu, siégeait au Comité consultatif du Credit Suisse jusqu’en automne 2007. Ce conseil, dissous entre-temps, était convoqué deux fois par année. Lors de ses séances, il procédait à des « évaluations sur des thèmes  et des évolutions », comme l’avait indiqué l’attaché de presse de la banque. Rétribution accordée pour cette activité : 100 000 francs. C’est beaucoup d’argent pour deux séances. Ce qui peut passer pour un magnifique cadeau est en réalité une affaire rondement menée. Lorsqu’au parlement par exemple, est votée un nouveau droit des actions, le Credit Suisse peut s’attendre à ce que ses intérêts soient dûment pris en considération. Lorsque beaucoup de personnes s’emportaient contre le marché concus avec les autorités américaines à propos du secret bancaire en août dernier, Félix Gutzwiller est descendu dans l’ « arène » pour  défendre, impassible,les intérêts des grandes banques. Et alors que toi tu te demandes si cet imbroglio n’est pas déjà de la corruption, tu entends dire que Gutzwiller, qui a eu vent de ces recherches, décroche lui-même le téléphone pour déclarer : « Je n’étais guère à mon aise ».

Le sentiment de malaise se répand. Il y a deux semaines à peine, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l’accord passé avec les Etats-Unis en vue de régler le différend fiscal était illégal. La Suisse s’est alors engagée à fournir aux autorités américaines les données de 4450 clients de l’UBS  afin de se préserver d’une plainte pénale et, partant, d’éviter l’effondrement de la banque. Or, cet accord parvient tout de même devant le parlement et sera avalisé après coup.

Jusqu’à ce jour, l’UBS pouvait avoir confiance dans le parlement. Ainsi, le PLR possède avec son cercle d’amis :  « Amis du PLR » une puissante association de soutien. C’est un club de la finance mondiale présidé par Peter Wuffli,ancien responsable de l’UBS. On notera qu’il y a aussi la participation de Walter Kielholz , ancien président du Credit Suisse ou encore de Kaspar Villiger, président actuel de l’UBS. Auprès du PDC, le club de soutien financier homologue se nomme  « Association pour le soutien de la sphère scientifique, économique et politique ». Mais depuis peu, les premiers politiciens du clan bourgeois se rebellent contre l’emprise sur les grandes banques. Le conseiller national radical Philippe Müller  exige de son parti qu’il se démarque de cette généreuse association:  « jusqu’à présent, nous avons fait fausse route ». Son collègue de parti Otto Ineichen ajoute : « depuis que je suis parlementaire, je n’ai encore jamais constaté d’efforts aussi massifs et ciblés des lobbyistes que pendant la campagne menée actuellement par les grandes banques. Elles veulent s’assurer qu’en matière de régulation bancaire, tout se déroule selon leurs attentes ».

Alors, tu commences à te poser certaines questions. Ce sont il est vrai de vieilles questions, des questions qui se posent telle une légère poussière sur notre système. A maintes reprises ces questions sont évoquées à haute voix, mais invariablement elles restent sans réponses.

Quels sont les destinataires de ces versements?

Qui verse cet argent?

Combien faut-t-il mettre d’argent sur la table pour obtenir telle ou telle influence?

Personne ne souhaite en parler. On essaie de noyer le poisson. Mais non, mais non, en Suisse tout est parfaitement en ordre.

Certains toutefois en parlent et fournissent des informations. Ce sont ceux qui n’ont plus rien à perdre: les anciens. Depuis longtemps ils ont quitté  l’arène politique, ils ne font plus d’apparitions publiques, ils n’ont plus besoin de se faire du souci pour leur image. Ils disent ce qu’ils pensent. Des relations de dépendance? Bien sûr qu’il y en a.

Et ils racontent des histoires.

Par exemple l’histoire de Flavio Cotti. Il a commencé en tant que conseiller communal et est parvenu à se hisser tout en haut, au Conseil fédéral. C’est une histoire de luttes, de planifications, de bonheur, d’intrigues, d’alliances qui offrent un soutien au momentopportun. Cette histoire bien entendu, parle aussi d’argent et de la façon dont il est utilisé. Flavio Cotti passe sa maturité au gymnase des Bénédictins de Sarnen en 1959, puis dans les années 1960, il étudie le droit à Fribourg. Il est par ailleurs membre d’une association d’étudiants catholiques. Il y fait la connaissance de Franz Lusser, fils d’Augustin Lusser qui avait longtemps siégé comme conseiller d’Etat PDC de Zoug. Plus tard, Franz Lusser deviendra secrétaire général de la Société de Banques Suisses (devenue entre-temps l’UBS). Flavio Cotti a 25 ans lorsqu’il rejoint les rangs des conseillers communaux de la ville de Locarno, et trois ans plus tard, il réussit son entrée au Grand conseil du Tessin, puis en 1975 au gouvernement cantonal. Huit ans plus tard, Flavio Cotti se retire et touche une rente de 100 000 francs. Il est alors âgé de 44 ans et il a de plus grands projets en vue. Il dit à son entourage qu’il veut devenir conseiller fédéral.

En automne 1983, Flavio Cotti obtient de haute lutte un siège au Conseil des Etats. A peine se trouve-t-il au parlement qu’il est élu président du PDC Suisse. Il prend ainsi le relais du Valaisan Hans Wyer, Presque du jour au lendemain, le « petit nouveau » se retrouve numéro un du parti. Ce Tessinois jusqu’alors peu connu se retrouve en première page des journaux. Désormais, il peut envisager la fonction la plus élevée. Comment tout ceci s’est-t-il produit si rapidement ? Dans les caisses du parti il y avait un trou béant. Parallèlement à l’élection de Cotti comme président du PDC, la Société de Banques Suisses a fait don, à la demande de son secrétaire général Franz Lusser, d’un versement de 350 000 en faveur du parti. Tant Lusser que Philippe de Weck, membre du conseil d’administration de la banque, faisaient partie du PDC. Ces détails sont fournis par un témoin qui avait suivi de près ces tractations et qui souhaite préserver son anonymat.

Ce témoin ajoute que ce payement de la SBS était lié à la condition que Flavio Cotti devienne président du parti. « Pour les banques, Hans Wyer n’était pas la bonne personne : trop social, trop occupé par des thèmes liés à la famille, trop éloigné de la sphère économique ». Les banques voulaient le Tessinois avide de pouvoir.

Ceci est une information, rien de plus. Elle provenant d’une source fiable mais anonyme. Est-ce la vérité ? Une grande banque suisse aurait versé 350 000 francs à un parti pour qu’il change de président. Il n’y a pas de preuves, mais il y a des participants et ce qu’ils ont à raconter longtemps après les faits.

Hans Wyer, l’ancien président du parti dit en substance: « j’ai bientôt 84 ans et à cet âge on n’a plus toute sa mémoire, Je ne peux pas reconstruire tout cette affaire. Mais connaissez-vous un parti qui échappe à toute influence ?»

Arnold Koller, en son temps président du groupe PDC et devenu plus tard conseiller fédéral, déclare: « Je dois malheureusement dire que je n’ai pas beaucoup de souvenirs à ce sujet, je ne saurais dire quel était précisément mon rôle lors du remplacement de Hans Wyer par Flavio Cotti. Une quelconque influence de la SBS ne m’est pas connue. Mais naturellement en politique, beaucoup de choses sont possibles ». Tout à coup, il éclate de rire. Puis il reprend son sérieux et ajoute: « Tout ce que je peux dire, c’est que je ne savais rien ». Flavio Cotti, quivit non loin de Locarno, au-dessus du lac Majeur, n’était pas joignable par téléphone.

Et celui qui sait tout sur les dons et les payements de la SBS en son temps, le secrétaire général Franz Lusser, qui a tenu sa fonction des années durant, dit dans le fil de la discussion: « Oui, cette banque a déjà débloqué des moyens financiers en faveur du PDC mais non, au grand jamais cela était couplé à de quelconques conditions. Jamais ? Vraiment? Mettrait-il sa main au feu que cet argent qui autrefois a passé de la SBS au PDC n’était pas lié à la condition que le parti  désigne Flavio Cotti comme son président?

Franz Lusser ne dit ni oui ni non.

Il répond au conditionnel:  « je ne pourrais pas me l’imaginer. Je ne verrais pas non plus pourquoi… Wyer menait une politique équilibrée, il avait de la compréhension pour les questions économiques. Wyer avait sauf erreur  lui-même décidé de quitter ses fonctions. Que Flavio Cotti ait eu des relations spécifiques avec la SBS, cela est pour moi nouveau ».

2 — La fin du parlement de milice

Les personnes élues par le peuple sont appelées représentants du peuple. En tous cas, c’est à souhaiter. Cela signifie que le parlementaire, dans son esprit politique, s’efforce de voir le peuple ou ce qu’on entend par ce joli terme.  Il repréente ce qui nous unit. Naturellement, tu sais que cela n’est qu’une demi-vérité. Bon nombre de politiciens à Berne ne sont pas seulement les représentants du peuple mais ils représentent en outre divers intérêts. Ils jouent ainsi un double rôle, qui est encouragé par notre système. « Le plus dur à Berne, c’est de rester fidèle à soi-même ».

Cette petite phrase, c’est un politicien bâlois qui l’a prononcée après 20 années passées au Conseil national. Le radical Félix Auer, ancien vice-directeur auprès de Ciba-Geigy n’est pas un rêveur mais un homme aux inclinaisons pragmatiques, il sait ce que signifie faire le grand écart entre les intérêts de la société et les intérêts personnels. Le grand incendie de Sandoz à Schweizerhalle au petit matin du 1er novembre 1986 a secoué la Suisse entière; cet incendie a rappelé au peuple la vulnérabilité de la nature. Pour Félix Auer cela a représenté un dilemme, devait-t-il prendre la parole au parlement en faveur de la population ou en faveur de l’industrie chimique ? « Ce fut un moment pénible », se souvient Félix Auer, qui a aujourd’hui 84 ans. Lui, l’homme de Ciba-Geigy  au Conseil national, a défendu sans compromis les intérêts de Sandoz. C’était, comme il le souligne, une situation exceptionnelle, les tentations par contre étaient nombreuses. « Lorsque j’ai été élu au Conseil national, on m’a proposé plusieurs siègles dans des conseils d’administration. Je les ai tous refusés. Je voulais me sentir libre, c’est une question de caractère: tout dépend de l’influence que ces relations d’intérêt ont sur les décisions politiques.  Mais naturellement, elles ont toujours une influence.

Ainsi parlent les anciens, ceux qui n’ont rien à perdre.

Puis, tu discutes avec des jeunes, ceux qui ont encore une carrière devant eux. Eux disent par exemple : « le rapport de dépendance ne restreint pas nécessairement la liberté de décision ». Voilà bien une phrase politique.

Une phrase qui siérait bien à Beat Walti; ce politicien pense que la dépendance vis-à-vis des donateurs est une construction de l’esprit. Walti est président du parti radical du canton de Zurich. En 2007, il était candidat au Conseil national. Comme un de ses collègues du parti radical le souligne, Walti s’est fait payer sa campagne politique par une grande banque zurichoise. Walti affirme seulement : « j’ai financé ma campagne par mes propres moyens mais il est vrai, aussi avec un grand nombre de dons. Je ne donnerai aucune indication au sujet des montants reçus ».

On entend toujours la même rengaine : c’est justement parce qu’ils ne sont pas des politiciens professionnels que nos représentants sont protégés contre les influences inopportunes. Nos représentants exercent leurs fonctions seulement comme une activité accessoire. C’est le système de milice.

Mais, jusqu’où s’étend aujourd’hui l’activité accessoire?

Une personne de bon conseil et au-dessus de tout soupçon dans ce domaine est Gerhard Pfister, un bourgeoisbien ancré dans l’économie. Il représente le PDC depuis 2003 au Conseil national et ayant siégé longtemps à la Commission des institutions politiques, il a pu suivre bon nombre de débats sur l’argent et la politique. « On parle du caractère de milice de notre système et on entend par là qu’une séparation entre la politique et l’économie n’est pas possible ». Cet argument est désormais douteux, estime Pfister. « On ne trouve presque plus de parlementaires de milice. Il n’y a presque plus personne qui exerce une activité bourgeoise et qui, ensuite, siège au parlement quelques semaines par année. La plupart sont des politiciens à plein temps, comme on peut le constater au travers de leurs revenus. A côté du salaire de parlementaire d’env. 100 000 francs par an, ils comprennent des rétributions pour l’engagement de ces parlementaires en faveur d’intérêts divers. Et, aussi pour des mandats au sein de conseils d’administration. On constate aussi comment ces politiciens décrochent ces mandats : ils ne sont pas intéressants parce qu’ils sont bons, mais parce qu’ils sont parlementaires. Les entreprises, les associations, les ONG et les syndicats ont par leur biais un accès direct au pouvoir législatif ». Otto Ineichen a été récemment élu politicien de l’année par la télévision suisse. Au-delà des consignes de son parti (PDC), Otto Ineichen a su s’engager pour une politique de la santé moins onéreuse et pour plus de places d’apprentissage pour les jeunes. Il souligne:  « L’influence des représentants d’intérêts spécifiques au parlement a fortement augmenté lors de ces dernières années. Nous perdons de plus en plus de vue l’intérêt général de notre société ». Marianne Kleiner fait aussi partie des parlementaires qui ne prennent aucun plaisir au jeu de dupes en politique. « Les trucs par derrière,  les mensonges, les petites tactiques – cela je ne veux pas l’apprendre, jamais » dit-t-elle. Cette radicale qui a grandi dans une famille bourgeoise bien connue dans l’arrière-pays d’Appenzell n’aime pas les manœuvres en coulisses. Elle raconte comment se font au parlement les contacts avec les lobbyistes. « Lorsque j’ai siégé à la Commission des affaires sanitaires, j’ai été approchée, voici comment cela se passe : à la Salle des pas perdus on est approché par quelqu’un et on se met à discuter. La personne nous invite à déjeuner. On demande de quoi il en retourne et la plupart du temps on en reçoit déjà l’explication. Si on accepte,  on devient membre d’un comité ou d’un conseil d’administration et on touche peut-être 50 000 ou 80 000 francs par année. Une belle somme d’argent en l’occurrence ». Pourrait-elle nous dévoiler quelques noms?

« Je ne le ferais pas! Je suis tout de même loyale », dit Kleiner. Elle respecte donc le devoir de confidentialité. Elle a décliné toutes les offres qui lui ont été faites « Je veux faire de la politique en gardant mon indépendance ».

Hilmar Gernet, ancien secrétaire général du PCD Suisse dit: « Tous ceux qui entrent dans un conseil d’administration ou dans une commission savent ce qu’on attend d’eux. En l’occurrence, qu’ils défendent  certains intérêts au parlement ». Gernet va publier au printemps un livre sur le financement de la politique. Actuellement il travaille en tant que directeur de la section Politique et économie auprès de la banque Raiffeisen. Il en est donc le lobbyiste en chef.

Un cas d’école d’un de ces représentants d’intérêts se nomme Eugen David. Ce politicien UDC siège depuis 22 ans au parlement. Une fois élu, il a rejoint des conseils d’administration, des comités consultatifs et des conseils de fondation. Actuellement, il remplit 16 mandats de cette nature. Pour la présidence du conseil d’administration de la caisse maladie Helsana, il a touché l’année dernière 126 000 francs (selon le Rapport de gestion). Lorsqu’Eugen David est questionné sur ses multiples connexions bien rémunérées, il donne une réponse, puis demande qu’elle ne soit pas publiée. Il veut voir imprimer quelque chose qu’il n’a pas dite. « Dans le cas contraire je vous demande expressément de renoncer à mes citations », écrit-t-il dans un e-mail. Auparavant, il s’est arrogé le droit de contrôler toutes les citations (ce qui est un procédé habituel). Quant à nous, nous refusons d’accéder à sa demande.

Christoph Blocher, qui siégeait autrefois au conseil d’administration de la Société de banques suisses, a dit un jour (en 1993, dans le journal « Cash ») : aujourd’hui les parlementaires qui siègent dans des conseils d’administration des grandes entreprises sont plus sous pression qu’avant. Les parlementaires doivent désormais suivre des instructions comme si ils étaient des marionnettes. Le respect vis-à-vis de l’indépendance des conseillers nationaux et des conseillers aux Etats était autrefois beaucoup plus marqué ».

Cela est-il vrai pour Caspar Baader, le président du groupe UDC au parlement ? Baader est membre du conseil d’administration de la Fenaco, il est aussi membre de la direction de Swissoil. Fenaco est un groupe qui pèse des milliards, est actif dans le secteur de l’agriculture et profite financièrement de la protection que l’Etat offre aux paysans. Le groupe s’érige dès lors contre l’ouverture des marchés qui se profile à l’horizon. Swissoil, l’organisation faîtière des négociants en pétrole, est comme son nom l’indique un acteur dans la lutte féroce qui a cours en matière de politique énergétique. Baader, qui tire une grande partie de ses revenus de ces deux mandats,  déclare : « les indemnités proposées chez Fenaco et Swissoil sont, en comparaison avec d’autres entreprises et associations, relativement modestes. Je ne dévoilerai pas de chiffres. La plupart des parlementaires représentent des intérêts divers, que ce soit pour l’économie, pour des ONG et d’autres organisations. Ces intérêts sont dûment déclarés au registre du parlement, chacun peut consulter qui entretient quelle relation. En cas de déclaration correcte, cela ne pose pas de problèmes pour notre démocratie. Par contre, parler ouvertement des indemnités perçues ne servirait qu’à alimenter le voyeurisme ».

3 — Omerta

Lorsque tu recherches en Suisse des infos sur le thème du financement de la politique, tu fais là une expérience particulière. Partout c’est le règne du silence. C’est comme si c’était indécent, dans notre pays, de parler des intérêts financiers en politique.

Seule la discrétion est prônée.

Stefan Brupbacher, secrétaire général du parti radical suisse, déclare : « nous ne fournissons pas de renseignement sur nos donateurs, car la confidentialité est un des éléments centraux de notre système politique. Etant donné que seuls le président du parti et moi-même connaissons les finances, un second élément s’en trouve renforcé, à savoir l’indépendance du groupe. Nous ignorons par exemple qui soutient tel ou tel politicien lors d’une élection. Celui qui exige de la transparence cherche à mêler les politiques dans son entourage à des combines douteuses, mais personne ne veut exposer nos politiciens à un soupçon généralisé. Car cela aurait pour effet de décourager encore plus les entrepreneurs de s’engager dans le système de milice. Ainsi, nous élevons des politiciens hors sol ».

Tim Frey, secrétaire général du PDC, déclare: « Dans le système de milice, un candidat est élu précisément en fonction de ses activités et des intérêts qu’il défend. Il est donc impossible, ou très rare, de pouvoir acheter après coup un politicien. Je ne connais personne au parlement qui modifie ses décisions parce qu’il tire ses revenus d’une organisation quelconque. C’est tout à fait impensable. Les politiciens ont déjà leur opinion arrêtée avant leur élection.

Impensable ? N’est-ce pas au contraire plausible? Si toutes ces rétributions n’amenaient pas de résultats tangibles, les entreprises et les associations ne les verseraient pas. Et si le montant de ces rétributions ne posait pas problème, alors on pourrait le divulguer en toute transparence.

En toute transparence ? Tim Frey pense que non. « Nous n’avons pratiquement aucun politicien professionnel en Suisse et nos parlementaires sont en premier lieu des citoyens qui exercent un emploi en plus de leur fonction. En bref, des citoyens ayant droit au respect de leur sphère privée, notamment en ce qui concerne leurs revenus ».

Pouvoir voter en connaissance de cause: c’est la base de toute démocratie. On te l’a enseigné à l’école. Et c’est ce que tu te dis maintenant.

«L’électeur informé était un concept élaboré en sciences politiques dans les années septante » répond Tim Frey. « Bon nombre de recherches empiriques ont démontré que les décisions des électeurs se prenaient le plus souvent sur la base d’une communication fondée sur des symboles ou des sentiments plutôt que sur des raisonnements intellectuels ».

Le PDC ne pense donc pas que les électeurs devraient savoir dans quels rapports de dépendance leurs politiciens se trouvent ?

« Ces dépendances sont visibles. Chaque comité consultatif, conseil d’administration ou conseil de fondation est inscrit au registre du parlement. C’est suffisant. Combien ces politiciens gagnent avec leurs mandats ? Cela n’intéresse personne. Lorsqu’un électeur pense qu’un politicien a été acheté, ce politicien est banni de ses intentions de vote. Le citoyen ne vote plus pour lui. Un point c’est tout. »

Les sentiments : c’est justement là que le bât blesse. Bon nombre de citoyens ne pensent-ils pas qu’à Berne quelque chose va de travers, qu’il y un genre de magouilles, quel que soit le nom qu’on lui donne ?  Or, ce sentiment diffus ébranle la confiance que le citoyen a dans la politique.

« Nos électeurs nous font confiance », répond  Tim Frey du PDC. Autrement, ils ne nous éliraient pas. Je connais mes électeurs. Le mode de financement de nos politiciens n’est pas un thème d’actualité. Le sujet est monté en épingle par deux ou trois journalistes ».

Et puis Tim Frey ajoute : une loi régissant les partis serait envisageable et, donc, on aurait un parlement professionnel, avec une loi qui interdirait aux politiciens d’accepter de l’argent. En parallèle il ajoute : tout cela n’apporterait pas un plus pour notre démocratie. Cette expérience, je l’ai faite par exemple au Mali  : ces réglementations sont souvent contournées. En Suisse, avec le droit d’association qui est très libéral, cela serait très facile. Notre système paraît quelque peu flou, on y reconnaît un certain bricolage, quelque chose d’amateur. Mais cela me paraît plus sympathique car on ne suggère à aucun moment une transparence qui n’existe pas.

La Suisse est donc différente du Mali. Mais comment les choses fonctionnent-elles en Suisse? Il existe un rapport du Conseil fédéral intitulé : « Moneypulation… ? ». Ce rapport a été rédigé en réponse au postulat du social-démocrate Andreas Gross, qui en 1995 avait exigé qu’une fois pour toutes, soit élucidée la question de l’apport d’argent dans la politique. Autremet dit, notre démocratie est-elle à vendre? Gross écrit : « Il est d’une importance vitale pour notre Etat de déterminer la valeur de cette thèse ».  ». Ce n’était pas le premier essai de la gauche en la matière et, comme l’écrivait le PS, ce ne serait pas non plus le dernier. Le Conseil fédéral a chargé la Chancellerie fédérale de mener une étude : trois ans plus tard, le « Rapport sur le rôle de l’argent dans la démocratie directe » était ficelé. Ses 126 pages ne contenaient… rien. La Chancellerie fédérale avait mené une enquête sur la question auprès de 16 partis, de 8 associations et de 21 autres organisations politiques. Avec ce questionnaire, les événements politiques des années 1994 et 95, ainsi que les élections au Conseil national de l’automne 1995, ont été passés sous la loupe, l’examen portant sur l’utilisation des moyens financiers. Une complète confidentialité fut assurée aux répondants les résultats ont été anonymisés. Finalement, sur les 45 organisations auxquelles on avait écrit, seules 12 ont répondu (le PS suisse faisant partie de la majorité silencieuse). Le Rapport conclut en faisant remarquer, en substance, qu’au vu des montants financiers, des budgets et des moyens financiers cités, il est présomptueux d’affirmer que l’argent ne joue aucun rôle dans la démocratie. Néanmoins, l’importance à accorder aux efforts financiers demeure peu claire ».

Lorsqu’en 2001 l’ancien conseiller national PS Pierre-Yves Maillard a relancé la question par une interpellation intitulée « Argent et démocratie. Liaisons dangereuses ». Le Conseil fédéral lui a répondu en se référant au le rapport laconique de la chancellerie. « Vu l’absence générale de transparence manifestée en la matière, le Conseil fédéral doute qu’une nouvelle enquête puisse apporter de nouveaux enseignements », écrit-il. Telle est donc la situation de notre nation : la plus haute instance, le gouvernement de ce pays, aimerait savoir qui finance chez nous la politique. Mais en vain. L’omerta ne sera pas rompue. Les débats politiques et la mise en lumière des flux d’argent suivent actuellement un schéma qui oppose la gauche à la bourgeoisie. La gauche prône la transparence, les bourgeois la rejettent. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans l’ère qui a précédé Blocher, l’UDC a mené le combat sur cette question aux côtés des sociaux-démocrates, avec une argumentation pareille en tous points : si on doit constamment lever des fonds, on se lie à ceux qui versent cet argent et on perd sa liberté. Donc, l’Etat devait financer  la politique. Aujourd’hui, l’UDC refuse formellement de dévoiler le nom de ses donateurs. L’attitude d’un parti vis-à-vis de la transparence semble donc toujours dépendre du profit qu’il retire lui-même, en secret, de ses propres donateurs.

4 — Des chiffres et des estimations

La question de savoir d’où provient l’argent demeure sans réponse. Tu tentes alors de prendre ce problème par l’autre bout de la lorgnette : à qui cet argent est-il destiné ?

Une partie va directement sur les comptes des politiciens.

Une part va aux centrales des partis (financement des partis).

Une partie sert à couvrir les frais des campagnes de votation.

Il existe des estimations dans ce domaine.

Commençons par les élections et prenons la campagne des élections au Conseil national de 2007, la plus coûteuse à ce jour. Hilmar Gernet la décrit dans son livre. Les partis ont dépensé environ 50 millions de francs pour les affiches, les annonces et les brochures. Les budgets consacrés à ces élections par les partis représentés au Conseil fédéral (plus les Verts) se sont montés à 16,6 millions de francs au total. Reste donc une lacune d’environ 34 millions de francs. Les candidats se sont, semble-t-il, procuré par eux-mêmes cette somme.

Auprès de qui ?! Nous ne le savons pas.

Le financement des partis donne également lieu à des estimations. Selon les données des secrétariats généraux, la situation est la suivante : chiffre d’affaires de l’UDC Suisse en 2009 : environ 2,5 millions de francs (Christophe Blocher ne verse rien à la caisse du parti, mais son aide financière va directement aux campagnes pour les élections et les votations). Le PS Suisse a dépensé l’an passé 4,83 millions de francs, dont 1,2 million de francs pour les campagnes électorales. Chiffre d’affaires du PLR Suisse en 2009 : environ 3 millions de francs. Le PDC compte un budget annuel de 2,5 millions de francs qui, les années d’élections, est augmenté d’un million de francs.

Comme tu peux le calculer, le travail de plus en plus coûteux effectué dans les centrales des partis représentés au Conseil fédéral s’élève donc à environ 12 millions de francs. Alors que le PS vit essentiellement des cotisations de ses membres, les partis bourgeois sont financés surtout par des dons. D’après Hilmar Gernet, les six principaux donateurs sont Credit Suisse, Novartis, Roche, Nestlé, une grande entreprise de construction et, jusqu’à l’année dernière l’UBS.

Pourtant, ces 12 millions de francs ne représentent que peu d’argent par rapport aux sommes utilisées dans le cadre des campagnes. La société Media Focus évalue chaque année le volume de la publicité politique dans les médias et son coût. En 2007, la sphère politique a passé pour 58 millions de francs d’annonces diverses. En 2008 pour 53 millions, l’année dernière, pour à peu près le même montant. Ce montant élevé, de 50 à 60 millions de francs par an, comprend toutefois les coûts inhérents aux campagnes de votations et d’élections cantonales et communales. Si tu tiens compte uniquement des campagnes nationales, la somme en jeu s’élève à environ 25 millions de francs par an.

Qui paie ces millions pour les votations et les élections ?

On te répond : les cercles intéressés.

Tu penses peut-être à Christophe Blocher ou à Walter Frey de l’UDC, ce qui n’est pas faux en soi. Bien que Walter Frey soit « un peu moins actif depuis huit ans », comme il le dit lui-même. Autrefois, lui et Christophe Blocher auraient supporté ces dépenses à part égale, alors qu’actuellement, Blocher est plus fortement impliqué. Blocher déclare qu’il ne veut pas s’exprimer sur ce sujet.

Puis, Economiesuisse vient à l’esprit. Economiesuisse est l’organisation faîtière de l’économie suisse. Economiesuisse représente l’agence la plus professionnelle pour les campagnes politiques en Suisse. Dans cette liste des puissants groupes d’intérêts, elle est suivie, à une certaine distance, par les syndicats et de nombreuses associations, telles que l’Union patronale, l’Union des arts et métiers, l’Union des paysans et des organisations environnementales. Ces dernières disposent de moins de moyens financiers, mais leurs nombreux membres leur donnent un moyen d’influence.

5 — L’association

Un jour, tu te retrouves assis en face d’un homme au visage rond et enjoué, qui porte une cravate à la mode et qui, au cours d’une conversation détendue, répond à tes questions. Cet homme se nomme Urs Rellstab. Il est directeur adjoint d’Economiesuisse. Avec un budget d’environ 15 millions de francs, cette fédération emploie plus de cinquante personnes.  Economiesuisse a ainsi un budget plus élevé que la totalité des partis politiques. Ce critère à lui seul démontre où se situent les rapports de force.

Mais le véritable instrument pour le combat politique est le fonds de campagne d’Economiesuisse. Urs Rellstab ne dit mot sur le montant de ce fonds. Il est cependant suffisamment alimenté pour qu’Economiesuisse puisse s’engager dans la bataille sur toutes les questions importantes. Lors de campagnes de moindre envergure, Economiesuisse engage un montant de 1 à 2 millions de francs, pour celles de moyenne importance, elle engage de 2 à 5 millions de francs et pour les campagnes majeures, comme celle sur la libre circulation des personnes, elle peut investir jusqu’à 10 millions de francs. On évalue à 15 millions de francs par an le montant à disposition pour des campagnes politiques. Depuis le vote sur le paquet fiscal, (il y a presque six ans, la Fédération des entreprises suisses n’a plus perdu aucun vote dans lequel elle était impliquée. On peut en déduire que l’argent est important. Très important. Urs Rellstab ne remet pas cela en question. « Quand il y a une votation aux résultats serrés, l’apport financier dans les dernières semaines peut se révéler être un facteur pertinent. Au cours de cette phase, il est important de répéter le message par des annonces dans les journaux ».

Tu demandes à cet homme de te fournir une liste de toutes les votations populaires et des montants financiers qu’Economiesuisse a engagés lors de ces campagnes. Urs Rellstab sourit d’un air entendu et dit : « Le montant que nous engageons lors d’une campagne politique, nous ne le rendons pas public. En tant qu’association faîtière de l’économie, nous ne pouvons pas mentir. Souvent, nos adversaires tentent de jouer à David et Goliath et, début d’une campagne, avancent des chiffres qui, finalement, n’ont rien à voir avec la réalité ».

Le politologue Hans-Peter Kriesi, de l’université de Zurich, a étudié il y a plus de vingt ans le rôle des associations économiques en Suisse. Dans son livre qui reste en grande partie d’actualité, Kriesi confirme la forte position occupée par les associations économiques : la Suisse pourrait fonctionner un certain laps de temps sans partis politiques, mais elle ne pourrait se passer des groupes d’intérêts. « L’implication des associations dans la politique va en Suisse bien au delà de leur reconnaissance juridique ». Selon la Constitution fédérale, lors de l’élaboration de la législation, les associations devraient , être que consultées et, le cas échéant, impliquées dans sa mise en œuvre. Or, elles fonctionnent comme des partis, comme si elles contribuaient à la formation de l’opinion et avaient un droit d’intervention. « Il est démontré que les associations en Suisse ne sont pas seulement en mesure de faire valoir leurs intérêts, mais qu’elles savent les concrétiser pour que soient prises des décisions contraignantes ». Naturellement, tu penses ici aux grandes multinationales car, ces dernières n’ont plus besoin des associations et font part de leurs exigences directement au gouvernement, comme nous avons pu le constater dans l’affaire UBS).

6 — A la commission

Nous le constatons, beaucoup d’argent est injecté dans les campagnes de votations. Mais cet argent n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne de décisions politiques. Une campagne lors d’une votation représente pour les groupes d’intérêts la toute dernière possibilité de gagner de l’influence. Il est plus efficace d’entamer cette démarche en amont, au début du processus législatif, c’est-à-dire dans les commissions. En effet, les commissions sont les ateliers du parlement. Elles représentent une charnière entre la société et l’Etat. C’est lors de ces commissions que se produit l’essentiel. C’est ici que les propositions de loi sont formulées et que toutes les décisions préliminaires sont prises. Le parlement devra certes voter sur les propositions des commissions mais la voie est déjà tracée. En même temps, le procédé de formation d’opinion y échappe à tout contrôle, car les délibérations y sont secrètes et les procès-verbaux confidentiels. En d’autres termes, les commissions représentent le parfait terrain d’action pour les groupes d’intérêts.

Il n’y a pas que les membres des commissions des partis bourgeois qui soient au service des entreprises et des associations ; des parlementaires de  gauche bénéficient aussi de mandats dûment rétribués, par exemple la conseillère aux Etats sociodémocrate Simonetta Sommaruga. Jusqu’en juin 2008, Sommaruga a présidé le conseil de fondation de l’œuvre d’entraide Swissaid tout en étant membre, au parlement, de la commission de politique extérieure. Dans cette commission, elle a fait partie de ceux qui ont décidé d’augmenter l’argent de la Confédération consacre à l’aide au développement de 0,4% à 0,5%, ce dont l’œuvre d’entraide a directement profité. Sommaruga percevait également une partie de ses revenus de cette institution.

Elle déclare : « Dans un parlement de milice, il est légitime de percevoir des regrenus supplémentaires du secteur politique. Un mandat de ce type permet en outre d’acquérir des connaissances spécialisées. Toutefois, on devrait rendre public l’ensemble des montants perçus. Il y a une profonde différence entre le fait de présider une œuvre d’entraide et de siéger dans un conseil d’administration, où la rémunération est dix ou même cinquante fois supérieure ». Sommaruga a reçu annuellement 4800 francs de la part de Swissaid.

Ceci est la principale différence entre la gauche et les partis bourgeois : les politiciens de gauche dévoilent combien d’argent est en jeu. Sur demande, le secrétaire général du PS Suisse nomme « tous les parlementaires qui sont employés par une association ». Ensuite, il indique également leurs revenus. Cinq parlementaires sont concernés, et leurs revenus provenant du travail associatif vont de 5000 francs par an (Evi Allemann)  à 50 000 francs annuels (Paul Rechtsteiner).

Est-ce que le montant en tant que tel joue un rôle ? Vraisemblablement penses-tu que oui, qu’il joue un certain rôle. Car  plus un politicien gagne d’argent en raison de ses liens avec des groupes d’intérêts,  plus la part de son revenu couverte par des mandats de ce type est importante, plus il est dépendant de ces groupes donateurs. Est-ce le cas ou  non ?

A l’autre bout de l’échiquier politique, tu rencontres Roland Borer conseiller d’Etat UDC, lequel fait de la politique depuis des années au sein de la Commission de la politique de sécurité. Dans cette commission, Borer s’est battu contre l’idée d’un registre fédéral des armes, il s’est aussi battu pour la privatisation de l’entreprise d’armement de la Confédération RUAG. En même temps, il a siégé au conseil d’administration d’une entreprise concurrente, Micro Technology Hérémence SA, dans laquelle Borer a investi des fonds personnels (jusqu’à ce que cette dernière soit vendue en 2008 à un acheteur norvégien).

Roland Borer déclare : « J’ai toujours déclaré ouvertement que j’étais au conseil d’administration de la MTH SA. Dans les moments cruciaux, je me suis abstenu de donner ma voix dans la commission. Pour moi, il était aussi évident que je ne pouvais pas accéder à la présidence de la Commission de la politique de sécurité ».

Pour toi il n’y a aucune possibilité de constater par toi-même combien les différentes influences orientent les commissions, car comme nous l’avons dit, tout est strictement confidentiel. Mais un jour, un journaliste romand, Titus Plattner a réussi à mettre en lumière un épisode significatif de ce processus. Cette anecdote démontre ce que signifie concrètement représenter les intérêts d’un groupe.

Le 10 février 2004, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats a siégé pour préparer la révision totale de la loi sur les douanes. Gregor Kündig, alors membre de la direction de l’association économique Economiesuisse, avait distribué à une sélection de parlementaires, une liasse de documents répertoriant trente points de la législation, partiellement reformulés selon les souhaits d’Economiesuisse et classés par ordre d’importance. Les sujets pourvus d’une étoile étaient considérés comme « importants »pour l’économie, les documents ayant deux étoiles étaient « très importants », et ceux avec trois étoiles étaient « absolument vitaux ». Lors des pourparlers sur le projet de révision, Eugen David, président de la commission, marque une longue pause à chaque article marqué par Economiesuisse. En effet, chaque modification du projet de loi doit être demandée par l’un des membres de la commission. Chaque fois, un membre s’annonce. Mais, tout d’un coup, cette machine bien huilée s’arrête. « Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter ? » demande Eugen David.

Silence

« Personne? »

Le silence persiste.

« Mais dites voir, c’est une proposition trois étoiles!. Quelqu’un devrait présenter une proposition à Economiesuisse ».

Finalement, un conseiller aux Etats répond à la demande du président de la commission. C’est une anecdote très représentative,  qualifiée par Economiesuisse de « tout à fait correcte ». Urs Rellstab explique : « Si on n’avait pas dit auparavant aux parlementaires qui sont les plus proches de nous, ce qui est essentiel, on serait parti sur une mauvaise voie. Les intérêts doivent s’articulés dans le processus politique. Nous y veillons ».

Rudolf Strahm, social-démocrate ayant siégé pendant treize ans au Conseil national et a présidé pendant un certain temps la Comission de l’économie et des redevances, a constaté que les membres bourgeois de la commission venaient avec, en main, des prises de position préparées à l’avance, comme il les décrit. Il a aussi remarqué un amusant jeu du chat et de la souris entre l’Administration fédérale et les groupes d’intérêts. Avant que qu’une nouvelle loi ne puisse être débattue en commission, il faut  en effet  préparer un message et un projet de loi. C’est l’affaire des spécialistes de l’administration. Or Rudolf Strahm raconte : «lorsque plusieurs demandes émanant de la commission ont une chance d’aboutir, il arrive que l’Administration propose des modifications de dernière minute. Les parlementaires qui représentent des groupes d’intérêts dans la commission, sont parfois pris au dépourvu par ces propositions de dernière minute et ne sont pas en mesure de décider si la modification va dans le sens de l’intérêt économique qu’ils représentent. Nous avons constaté qu’à la suite d’une proposition de dernière minute de l’administration, on a demandé une pause urgente de la séance de la commission. Les membres de la commission ont filé dans les couloirs, se sont emparés de leurs téléphones portables pour  demander l’avis  d’un lobbyiste de l’association économique ou du groupe concerné ».

Le parlement est faible à certains égards. Et celui qui est faible aime qu’un plus fort que lui lui tienne la main. C’est ce qu’affirme en substance Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir Suisse, le laboratoire d’idées des grandes entreprises suisses. « Le problème principal n’est pas qu’on puisse acheter les parlementaires ou que ceux-ci soient livrés pieds et poings liés à des groupes d’intérêts, le problème crucial c’est qu’ils sont souvent surchargés. Il  est presque impossible d’avoirune vue d’ensemble des affaires souvent complexes dont il faut traiter. Même les politiciens les plus zélés et les plus aguerris atteignent ainsi leurs limites. Cela laisse une chance aux lobbyistes, tout simplement parce que les parlementaires sont heureux que quelqu’un leur prête main-forte ». Selon Xavier Comtesse, celle qui profite le plus de cette faiblesse, c’est l’administration. « Elle dispose des ressources humaines nécessaires pour gérer les affaires. Elle peut tirer les ficelles en toute tranquillité ou presque ».

7 — Un cas unique en Europe

Peut-être penses-tu que la démocratie suisse est loin d’être parfaite. Mais tu le sais bien, les démocraties parfaites n’existent pas. Le financement de la politique n’est pas un problème typiquement suisse, dans d’autres pays aussi l’argent occupe une place très importante dans la vie publique. Il occupe souvent une place indue. Des scandales ne se sont-t-ils pas produits dans de nombreux pays ? L’affaire de l’argent sale en Allemagne a causé un tremblement de terre politique et à coûté le siège d’honneur de la CDU à Helmut Kohl ? N’y a-t-il pas eu l’affaire Elf-Aquitaine en France, où une courageuse juge d’instruction a pu démontrer qu’un groupe pétrolier avait investi près de 300 millions d’euros pour obtenir des faveurs politiques et avait permis à Roland Dumas, l’ancien ministre des affaires étrangères, d’entretenir à grands frais une maîtresse ?

Le premier mandat de Tony Blair n’a-t-il pas presque échoué lorsqu’il s’est avéré que le parti du Labour a reçu un million de livres des organisateurs du sport automobile  en échange des efforts consentis pour que la publicité pour les cigarettes soit maintenue sur les grands prix de Formule un.

Il n’y a que la Suisse qui n’ait pas encore connu de véritable scandale lié au financement des partis. Occasionnellement, tu entends l’argument selon lequel la supériorité de notre système helvétique serait ainsi démontrée. N’est-ce pas du cynisme ? En Suisse, il n’y a pas de scandales financiers, car l’achat de décisions politiques n’est pas prohibé. Aucun juge d’instruction ne peut donc entamer de  procédure. Aucun parti n’est tenu de laisser quiconque consulter ses comptes. Ce qui, à l’étranger cause des scandales retentissants se trouve être accepté par notre système juridique.

On peut bel et bien parler de spécificité helvétique. Il n’y a que chez nous que le financement de la politique ne fait l’objet de pratiquement aucune réglementation. Les parlementaires doivent certes déclarer les liens qu’ils entretiennent avec des groupes d’intérêts, mais les montants versés demeurent secrets. Par ailleurs les mandats d’avocat, les montants versés pour des consultations et d’autres formes de payements indirects pour des services rendus demeurent cachés. Dans la plupart des démocraties, ces dernières décennies, des mesures ont été prises pour que les puissants groupes financiers ne puissent pas influencer facilement les décisions politiques. Partout le critère central se nomme transparence. Parmi les derniers pays européens qui ont rendu obligatoire la publication de ces montants, on trouve les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Ainsi, depuis l’an 2000, tous les dons faits aux partis en Grande-Bretagne doivent être divulgués. Malgré cela, les Britanniques, forts d’une fière tradition libérale, s’en sortent avec un faible financement de la politique par l’Etat. Cette contribution par personne est sensiblement plus faible que celle déboursée par chaque contribuable suisse au titre de la contribution aux groupes politiques. La transparence et une contribution financière minimale par l’Etat  peuvent donc faire bon ménage.

Aujourd’hui, la politique suisse de financement des partis est perçue à l’étranger comme une sorte de relique. L’OSCE, dont fait partie la Suisse, comme chacun sait, constate dans son rapport sur les élections parlementaires de 2007 que l’obligation de publication en Suisse est insuffisante. Le rapport de l’ONU sur la corruption dans le monde de 2004 fait remarquer sèchement qu’en matière de transparence du financement des partis, la Suisse se trouve sur un pied d’égalité avec l’Albanie, les Bahamas ou encore le Sri Lanka.

Les politiciens suisses ne sont ni meilleurs ni pires que ceux d’autres pays. Tu le sais naturellement et tu veux volontiers croire que beaucoup d’entre eux s’efforcent d’assumer le mandat que les électeurs leur ont confié du mieux de leur capacité et de leur conscience. Malgré cela, la réputation des représentants du peuple est en train de se dégrader. Nos politiciens souffrent d’une perte d’autorité. Les soupçons de corruption finissent par entacher la crédibilité de notre système.

 


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Le texte suivant, extrait de «Le lion de lumière – une parole pour la Suisse», touche un point sensible de la situation spirituelle et politique en Suisse. Ces dernières années ont mis en exergue l’actualité brûlante de la vision que l’auteur développe. Nous, ChristNet, croyons que la Suisse doit maintenant prendre une décision; en tant que pays et chacun-e individuellement. Choisirons-nous de rester accrochés à la fausse sécurité procurée par Mammon ou bien de nous abandonner en toute confiance aux mains de Dieu qui pourvoit?

Appelés à aimer la miséricorde

L’Eglise de Suisse sera connue dans le monde entier comme une Eglise de miséricorde.

Faire preuve de miséricorde, c’est exprimer l’amour de Dieu dans toute sa profondeur. Notre Dieu veut non seulement que nous marchions dans la miséricorde, mais II nous ordonne aussi d’aimer la miséricorde: «On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien; et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu.» (Michée 6.8)

Mammon: l’amour des biens

Il faut que le dieu Mammon soit affronté. Et pour que cela se produise, l’Eglise de Suisse doit cesser de vénérer l’argent et d’être à son service; elle doit commencer à marcher dans l’esprit opposé. Car «l’amour de l’argent» est intimement lié à l’égoïsme et à la cupidité endémiques que l’on retrouve dans la théologie déformée du matérialisme. Le matérialisme est un esprit qui fait des ravages et qui accorde plus de valeur aux choses qu’aux personnes. Ceux qui se trouvent sous son pouvoir négligent et oppriment les faibles pour obtenir leur drogue temporelle.

Jésus: l’amour des personnes

Le matérialisme, ou l’amour de l’argent, est la principale force qui motive presque toute notre société et, tragiquement, une grande partie de l’Eglise aussi. Un jour, l’esprit de l’antéchrist gagnera l’affection du monde entier en contrôlant ce que les hommes aiment le plus: l’argent. L’Evangile de Jésus-Christ est à l’opposé de cet esprit qui souille et pollue… car son message ne se rapporte en rien aux biens et aux possessions; il est totalement orienté vers les personnes. Tout dans le message et l’exemple que Jésus nous a laissés parle de relever ceux qui sont brisés et de donner à ceux qui ne peuvent rendre en retour… en particulier les pauvres, les exclus et les faibles. Ainsi, Jésus toucha personnellement les lépreux, si méprisés à son époque, et II nous ordonne d’aller et de faire de même. «Celui qui déclare demeurer en lui doit marcher aussi comme lui [le Seigneur] a marché.» (1 Jean 2.6) Si notre bouche le confesse, notre marche doit aussi le refléter!

Miséricorde ou argent:
à nous de choisir

Le véritable Evangile se soucie des âmes, pas du commerce! L’esprit de miséricorde est l’antithèse de l’esprit de cupidité. Aujourd’hui, de nombreuses personnes, même au sein de l’Eglise, sont à un point critique… elles doivent décider: vont-elles servir le Dieu de Miséricorde ou le dieu de l’argent? C’est à nous de choisir!

Jésus nous l’explique clairement: Nul ne peut servir deux maîtres; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. (Matthieu 6:24)

Scott MacLeod est musicien et responsable du ministère de rue ProVision International (USA). Extrait autorisé du livret «Le lion de lumière» (Editions Schleife, Winterthour, pp. 33-34. www.schleife.ch)

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Réflexions sur une gestion chrétienne de l’argent

Vaut-il mieux être riche ou pauvre ? Posséder beaucoup d’argent ou au contraire peu ?

Face à cette question, certains se fondent avant tout sur leur expérience personnelle et répondent, par exemple, que plus d’argent est tout simplement synonyme de plus de liberté. Ainsi, même s’ils venaient à en posséder trop, ils pourraient au besoin toujours brûler cet argent. Ou alors, ils rétorquent qu’ils ne souhaitent pas devenir riches car cela ne les rendrait pas heureux.

Devant cette même question, d’autres se basent non pas sur eux-mêmes mais sur leur prochain et affirment: si je suis riche, alors on peut simplement en déduire que je n’ai pas partagé autant que j’en aurais eu la possibilité. Etre riche n’est donc pas une bonne chose. Ou comme on a pu l’entendre: devenir riche n’est pas un pêché mais mourir riche en est un.

Cette question fondamentale nous place toutefois devant un choix qui n’a pas lieu d’être. Il ne s’agit pas d’être le plus riche possible, ni le plus pauvre possible. A la question « quel degré de richesse dois-je avoir ?», il existe un point de repère auquel nous pouvons nous rattacher. Nous ne devons devenir ni riches ni pauvres, mais avoir suffisamment pour vivre

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Exposé de Hanspeter Nüesch lors de la ConférenceChristNet 2007 « La Suisse – connue pour sa générosité ? ».

 

J’habite dans un village de 100 habitants. Parmi eux, plus de 70 sont pauvres. A peu près 30 d’entre nous ont une situation variable mais que l’on peut qualifier de bonne. Les sept personnes les plus riches dépensent à elles seules deux tiers de l’argent à disposition. Elles consomment la moitié des ressources énergétiques dont dispose la commune. Elles sollicitent les services du médecin de village plus de 330 jours par an, si bien qu’il ne lui reste que 30 jours pour s’occuper des 93 autres habitants. Et à l’avenir, les sept personnes aisées s’enrichiront encore et les 93 pauvres s’appauvriront.

« Mon village », c’est le monde en miniature. Parmi les personnes ici présentes, la plupart, si ce n’est toutes, font partie des 7 % de riches. Et le fossé entre nous autres, Suisses privilégiés, et la majeure partie de la population mondiale se creuse chaque année un peu plus. En moyenne, un pasteur gagne au moins 4500 francs par mois en Suisse, en Russie ce chiffre passe à 450, soit un dixième, en Chine il tombe à 150 francs, soit un trentième, et à Cuba à 45 francs par mois, soit un centième de ce que touche un pasteur suisse. Le travail que nous menons depuis des années avec plusieurs centaines de pasteurs exerçant dans ces pays nous permet d’affirmer que ces chiffres correspondent à la réalité. .

Si le village que nous venons de décrire était le vôtre, vous feriez certainement quelque chose pour lutter contre ces inégalités au niveau des richesse ? Comme ces problèmes touchent les habitants de pays lointains tels que le Rwanda ou Cuba, nous nous sentons souvent moins concernés. Il faut que ça change.

S’il est un thème maintes fois évoqué dans l’Ancien Testament au point d’y occuper une place prédominante (à côté de l’idolâtrie), c’est bien celui de l’urgence face à la pauvreté et le point de vue de Dieu par rapport à l’injustice. Dans l’Evangile de Luc, un verset sur sept est consacré à la gestion correcte et responsable des biens qui nous sont confiés. Le sermon sur la montagne révèle une inversion des valeurs dominantes (Matthieu 5.3-12) : les riches en tous genres, les personnes infatuées ou satisfaites d’elles-mêmes, les personnes influentes et celles qui se croient cool ne sont soudain plus aussi cool aux yeux de Dieu. Au contraire, Jésus fait l’éloge des catégories de personnes qui peinent à trouver un emploi sur le marché suisse du travail : ceux qui se sentent pauvres, faibles et dépendants de Dieu, ceux qui se tiennent en retrait, ceux qui sont modestes, les doux qui donnent toujours la priorité aux autres et préfèrent tendre l’autre joue plutôt que de renvoyer les coups. Jésus ajoute qu’au travers des pauvres et des déshérités, c’est lui-même que nous rencontrons. « Ce que vous avez fait au moindre de mes frères, c’est à moi-même que vous l’avez fait », ou pas fait justement (Matthieu 25.40-43).

Jésus a fait du double commandement d’aimer  – aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même (Matthieu 22.37-40) – le commandement le plus important pour ses disciples. On ne peut pas aimer Dieu sans aimer son prochain. Et on ne peut pas aimer son prochain sans démontrer l’amour par des gestes pratiques. Paul souligne le fait que l’amour de Dieu se répand dans nos cœurs à travers l’Esprit Saint qui nous a été donné (voir Romains 5.5). Les Chrétiens remplis de l’Esprit Saint témoignent de leur amour en aidant pleinement leurs semblables. Ce qui implique également de les conduire à Jésus. C’est là la plus grande preuve d’amour. Mais ce n’est pas la seule. L’amour de Dieu doit aussi se manifester de manière concrète. Donner des preuves d’amour concrètes à ceux qui sont dans le besoin, c’est leur apprendre à connaître Dieu et son amour. Nos actes ont plus d’effet que nos paroles, mais ils doivent malgré tout être accompagnés d’explications afin de permettre aux hommes de comprendre la source de l’amour et de se tourner directement vers cette source divine.

Le premier fruit de la présence de l’Esprit Saint, c’est l’amour (Galates 5.22). Qu’ont fait les premiers Chrétiens après avoir été remplis de l’Esprit Saint et transformés le jour de Pâques ? Ils ont tout partagé entre eux. Les plus riches ont vendu leurs biens afin de partager le produit avec les plus pauvres (Actes 2.44). Jim Wallis explique dans God’s Politics que notre pauvreté spirituelle est directement liée à notre faible propension au partage et que la clef pour en sortir se trouve dans un engagement en faveur des pauvres et de la justice sociale. Jim Wallis déclare: « La question n’est pas que quelques personnes agissent en faveur d’autrui, mais que nous parvenions tous à la guérison ».

Une guérison complète, c’est ainsi que Jésus a décrit sa mission dans Luc 4.18 : « L’Esprit du Seigneur repose sur moi parce qu’il m’a désigné par l’onction pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé pour proclamer aux captifs la libération, aux aveugles le recouvrement de la vue, pour apporter la délivrance aux opprimés et proclamer l’année de grâce accordée par le Seigneur ». Et Jésus nous a donné à nous, ses enfants, la même mission : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20.21). A la différence fondamentale qu’il est bien évidemment le seul à avoir pu racheter nos pêchés par sa mort. Seul Jésus a pu offrir une vie nouvelle à Lazare. Cependant, il nous confie une tâche : celle de libérer Lazare de son linceul.

Demandons-nous: où se trouvent ceux qui, prisonniers de plusieurs linceuls,, se trouvent privés de la liberté que le Christ a promise à tous les hommes ? Peut-être s’agit-il de pauvreté matérielle, peut-être de structures injustes, peut-être de formes d’oppression, peut-être d’abus commis par ceux qui détiennent le pouvoir, peut-être de catastrophes. Qui sait, peut-être nous retrouverons nous un jour à la place de ces pauvres, de ces prisonniers et opprimés qui dépendent de l’aide de leurs frères et sœurs ?

Et la Suisse

La Suisse est riche, très riche, du moins sur le plan matériel. Elle a pour mission de partager sa richesse avec le reste du monde. Elle a au moins autant besoin de donner que les pauvres ont besoin de recevoir. Celui qui donne se bénit lui-même. Notre pauvreté spirituelle est également due au fait que nous ne mettons pas nos dons au service des autres. Quelle bénédiction ce serait pour la planète si nous utilisions généreusement les talents dont nous avons été dotés pour apaiser la misère dans le monde (voir Matthieu 25) ! Un franc suisse a tellement plus de valeur à l’étranger. Je rejoins Scott MacLeod (Le Lion de lumière) lorsqu’il affirme que Dieu nous a donné, à nous autres Suisses, le don de la charité. Seulement, nous n’exploitons ce don que de façon très insuffisante. Au sein de Campus pour Christ, nous nous sommes plus d’une fois rendu compte que lorsque nous étions dans des impasses sur le plan matériel mais que nous poursuivions malgré tout nos efforts pour les nécessiteux de Cuba, de la Corée du Nord, de Russie ou encore du Rwanda, Dieu lui-même nous aidait à ressortir de la misère. Nous avons souvent eu l’impression de recevoir davantage que ce que nous avions donné, non pas sous forme de biens matériels, mais de biens spirituels. Donner aux pauvres, c’est donner à Dieu. Or, « nous ne donnerons jamais trop à Dieu ». D’une manière ou d’une autre, il nous rend toujours plus que ce que nous donnons aux pauvres et donc à lui. Nous serions vraiment sots de ne pas commencer à donner généreusement, au cas où nous ne l’aurions pas fait jusqu’à présent.

« Donnez, et il vous sera donné : on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis ». Luc 6, 38

Il y a 25 ans, des personnes partageant les mêmes convictions ont constaté que des courants spirituels partaient de la Suisse vers les quatre coins du monde. Cette vision des choses m’a fortement marqué dans mes activités de coordinateur de projet. Plus que jamais, je suis persuadé que notre pays a les moyens de contribuer grandement à accomplir au cours des prochaines années et dans le monde entier la mission de Jésus-Christ. Cependant, nous autres Suisses devons partager notre richesse avec les miséreux dans le monde de manière bien plus généreuse que par le passé. Je pense qu’un renouveau spirituel sera alors plus proche que jamais dans notre pays.


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La crise financière, surtout en Suisse, est aussi une crise de la foi : qui vient en premier, Dieu ou Mammon ?

Même peu de temps avant la grande crise, le Conseil fédéral et les milieux proches des banques pensaient que la crise passerait à côté de la Suisse. Et selon le baromètre des préoccupations du Credit Suisse de septembre 2008, les banques (après la police et le Tribunal fédéral) ont le troisième niveau de confiance de la population parmi toutes les institutions. Dans probablement aucun autre pays du monde, les banques n’ont autant de pouvoir qu’en Suisse. Cela explique aussi pourquoi l’UBS a été renflouée à hauteur de plus de 60 milliards de francs en une nuit sans discussion parlementaire et sans aucune condition, comme c’est rarement le cas dans le reste du monde occidental. Notre gouvernement n’a même pas pris de participation dans le capital de la banque pour pouvoir influencer la façon dont elle fait des affaires, mais a simplement « éliminé les déchets ».

C’est un signal dévastateur pour les banques : continuez à spéculer, nous vous aiderons si ça ne marche pas. La façon précédente de faire des affaires est ainsi confirmée. Cependant, sur le plan économique et moral, cette situation est destructrice. En outre, le siège de la société créée pour le renflouement a été déplacé vers le paradis fiscal des îles Caïmans. C’est aussi un signal moral.

Dans le même temps, l’UBS était l’une des banques les plus touchées au monde, avec 60 milliards de francs de pertes, et l’un des plus grands spéculateurs sur le marché des subprimes à haut risque. On savait depuis 2005 que la bulle immobilière aux États-Unis allait éclater. Mais dans la course à des rendements encore plus élevés, tous les investisseurs et les banques ont fermé les yeux et espéré s’en tirer à bon compte ou pouvoir s’en sortir à temps. C’était comme à la roulette, où tout est mis en jeu à chaque nouveau tour. La croyance en Mammon était plus grande que la vérité. En achetant des obligations de pacotille, le Conseil fédéral a poursuivi cette conviction : La croyance que le prix de ces actions désormais sans valeur finirait par remonter et que nous ne perdrions rien.

L’UBS elle-même se défend aujourd’hui contre une loi visant à renforcer sa base d’équité, même si c’était son problème. Elle n’a rien appris et veut continuer à suivre un cours à haut risque. Pas plus tard qu’en décembre, l’actuel nouveau PDG de l’UBS, Oswald Grübel, a déclaré que la crise n’avait rien à voir avec un risque excessif ou de mauvaises incitations sous forme de primes.

La crise financière est donc aussi une crise de foi : voulons-nous continuer à croire à l’augmentation de la richesse ou voulons-nous poursuivre d’autres objectifs ? Après tout, une grande partie de la valeur créée n’était que virtuelle. Soudain, des billions de francs avaient disparu dans le monde entier. Cela me rappelle fortement Matthieu 6.19 : « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les mites et la rouille corrompent, et où les voleurs percent et volent ». Nous ne devrions pas non plus être comme le riche céréalier qui a construit des granges de plus en plus grandes et qui a vu son âme revendiquée du jour au lendemain (Luc 12.16-21).

Markus Meury, chronique dans le magazine Insist, n° 3, avril 2009. www.insist.ch.


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Rahel Röthlisberger est médecin assistant près de Berne. Elle est l?une des initiatrices du projet « cukup » lancé en 2006. Rahel est membre de ChristNet depuis déjà de nombreuses années.

Je prie depuis longtemps pour que les trois valeurs confiance en Dieu, contentement et miséricorde soient mises en valeur en Suisse. C?est pourquoi je me réjouis de pouvoir aujourd?hui participer à ce Forum. Je vais vous faire part du chemin qui m?a conduit vers plus de miséricorde; c?est un chemin très personnel qui n?est pas nécessairement identique pour tous.

Une devise : apporter la bonne nouvelle aux pauvres

Il y a quelques années de cela, ma foi était en pleine remise en question et je conclus un accord avec Dieu pour qu?il donne un sens à ma vie. Il me transmit le verset Esaïe 61.1 pour que j?en fasse ma devise personnelle: « L’esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, car l’Éternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux? » C?est alors que j?ai commencé à travailler bénévolement dans un centre de réhabilitation pour toxicomanes. Cependant, j?étais triste car je sentais que j?atteignais rapidement mes limites et que je n?arrivais pas à faire plus.

J?avais toujours rêvé d?aider les plus pauvres en Afrique et je suis donc partie faire un stage de 3 mois sur ce continent. Ces 3 mois m?ont permis de me rendre compte que j?avais le mal du pays et que je n?étais pas faite pour travailler à l?étranger. Mais ils m?ont également permis de découvrir ce qu?est la pauvreté extrême : de nombreux malades, souvent nu-pieds, et de nombreux nourrissons mourants. Et pourtant, nous ignorons tout de cela en Suisse. J?ai demandé à mes amis africains comment ils faisaient pour s?en sortir. Ils me racontèrent l?histoire d?une femme malade qui n?avait pas d?argent pour se soigner. « Nous avons prié Dieu pour lui demander ce à quoi nous pouvions renoncer. Malgré notre aide, seule la moitié de la somme fut réunie. » Cela s?avéra malgré tout suffisant car le prix fut négocié à la baisse. A quand remonte la dernière fois où j?ai agi de la sorte ? Ils prient souvent pour de l?argent et Dieu veille. J?acquis la conviction profonde que je ne pouvais pas continuer à vivre comme avant.

 

Des conteneurs pour l?Afrique

De retour en Suisse, je me suis sentie déprimée car j?avais perdu le sens que j?avais donné à ma vie, celui d?aider les pauvres. C?est à ce moment que mon chemin croisa celui d?un vieil homme qui s?était jusqu?alors occupé du transport de conteneurs vers l?Afrique et se sentait à présent trop vieux pour continuer. Il me demanda si je souhaitais poursuivre son travail. Je répondis par l?affirmative. L?image suivante fut source de motivation pour moi : je me voyais devoir traverser un fleuve en marchant sur des pierres posées au fond. Et Dieu me disait: « Je t?accompagne mais c?est à toi d?oser faire chaque pas ».

C?est ainsi qu?arriva le moment du premier transport: 1,5 tonnes de matériel médical qui devait « immédiatement » être expédié. Mais je n?avais ni le temps ni l?argent pour m?en occuper. Je rencontrai alors un autre homme d?un certain âge dont le passe-temps était d?organiser le transport de conteneurs. Je n?avais qu?à l?aviser 4 jours à l?avance et il prenait gratuitement en charge l?ensemble de la logistique.

En outre, les partenaires africains réclamèrent un générateur d?électricité. Je ne savais même pas de quoi il s?agissait. Deux jours plus tard je reçus un appel téléphonique où l?on me demandait si j?avais besoin d?un générateur, valeur à l?état neuf CHF 20’000 ! En fin de compte, ce transport put se dérouler quasiment sans accroc.

 

cukup : une expérience

En 2005, je pris part à la Conférence du Jeûne Fédéral 2005 du PEV. Dans l?hôtel de luxe Olten, les discussions tournaient autour au thème « Défi pauvreté ». Moi et plusieurs autres jeunes présents étions passionnés par le sujet mais nous nous demandions comment agir concrètement. Nous avions beau avoir la volonté de faire quelque chose, nous étions conscients de dépendre de notre société. A travers la prière, l?idée nous est venue de mener une expérience : vivre pendant un an le plus simplement possible (avec un « budget de nécessité ») et redistribuer le reste.

Ce projet s?avéra plein d?événements inattendus : lorsque nous décidâmes, par exemple, de ne pas partir en vacances pour économiser de l?argent, on nous prêta gratuitement une maison de vacances de 20 places. Lorsque mon vélo se cassa, quelqu?un m?offrit un vélo 21 vitesses que je n?aurais jamais acheté moi-même.

Il fallut ensuite s?occuper du deuxième transport de conteneur, deux fois plus important que le premier. Tous les frais furent couverts car une amie m?indiqua que la DDC payait l?intégralité du transport de matériel militaire réutilisé à des fins humanitaires. Et lorsque, prise par mon travail de médecin assistant, je n?arrivai plus du tout à trouver le temps de préparer ce transport, le voisinage tout entier vint me donner un coup de main. J?aimerais encourager tout le monde à s?aventurer sur le chemin de la miséricorde vécue.

Défis

Je dois avouer que j?ai souvent atteint les limites de mes capacités et que le temps m?a plus d?une fois fait défaut. Grâce à la protection de Dieu, plusieurs accidents se sont avérés sans gravité. J?ai également rencontré des difficultés à l?hôpital car mes collègues avaient l?impression que je ne prenais pas suffisamment au sérieux mon travail. J?ai fini par chercher un poste ailleurs mais j?ai du essuyer plusieurs refus. Une collègue attira mon attention sur un médecin de campagne chrétien à qui j?ai donc envoyé une candidature spontanée. Toute tremblante et pleine d?hésitation, j?ai évoqué au détour d?une phrase mon engagement pour l?Afrique. Lors de l?entretien d?embauche, il commença tout de suite par me demander ce que cela impliquait. Lorsque je lui répondis que je cherchais un travail qui me laisse suffisamment de temps pour continuer à organiser des transports il se montra particulièrement intéressé et m?engagea à la condition que je poursuive avec les conteneurs !

 

Pour finir : de petits pas

En conclusion, je souhaiterais réitérer mon v?u de voir les Suisses se préoccuper moins de questions matérielles. Il y a des chrétiens sur cette planète qui luttent au quotidien pour leur survie. Je vous encourage à demander à Dieu comment vous pouvez agir sur ce sujet. De petits pas suffisent comme j?ai souvent pu le constater avec satisfaction. J?ai dit à Jésus : « Voici mes deux petits poissons. Prends-les ». Et il en a fait de grandes choses. Là où je ne me doutais de rien, Dieu est intervenu.

La prière, le silence et l?adoration ont été de grandes sources d?inspiration pour moi. J?y passe souvent des heures. Ce sont des moments qui me donnent du courage et me permettent d?aller de l?avant.

Rahel Röthlisberger

Transcription : Samuel Ninck

Traduction : Vincent Thonnart


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Berne/Bâle, 23.9.07 ? Près de 100 participants ont pris part à la conférence ChristNet « La Suisse – connue pour sa miséricorde », samedi à Berne. ont participé. Dans la campagne électorale actuelle, marquée par la confrontation et la haine, ChristNet est convaincu que la politique suisse a besoin de plus de clémence, non seulement sur le plan du contenu mais aussi sur celui du style.

La mission de la Suisse : partager généreusement

Le matin, Hanspeter Nüesch, responsable du Campus pour le Christ, a parlé de la bénédiction du partage. La Suisse est matériellement très riche. Le salaire d’un pasteur cubain, par exemple, est environ cent fois moins élevé qu’en Suisse. Ainsi, des montants qui semblent modestes ici pourraient être une énorme bénédiction ailleurs. Si, à l’avenir, nous, les Suisses, partageons nos richesses de manière beaucoup plus généreuse avec les nécessiteux du monde, alors, soupçonne-t-il, un renouveau spirituel dans notre pays n’est pas loin.

Appelés à la pitié

Scott MacLeod, musicien et directeur du ministère ProVision dans le Tennessee (USA), a partagé comment la parabole des moutons et des chèvres de Matthew 25 a révolutionné son ministère. La charité pratique (« j’avais faim et tu m’as donné à manger ») est présentée comme la condition du salut, qui l’a conduit, lui et son équipe, à aider les plus pauvres dans leur ville.

Il a ensuite partagé sa vision pour la Suisse, qui a été publiée dans « Le Lion de lumière » [1]. Il y identifie deux courants de l’histoire suisse : D’une part, la tradition des mercenaires qui étaient prêts à défendre des idéologies invisibles pour l’argent, ce qui a conduit à une surévaluation des choses jusqu’à aujourd’hui (matérialisme). D’autre part, la tradition de la miséricorde, qui a commencé avec l’accueil des huguenots au XVIe siècle et comprend la création de la Convention de Genève pour la protection des civils, ainsi que la fondation de la Croix-Rouge. Vous serez connus dans le monde entier pour votre miséricorde », conclut-il de façon encourageante.

Miséricorde : où en est la Suisse ? Et que pouvons-nous faire ?

Dans le cadre de mini-présentations et d’ateliers politiques, divers domaines de la politique suisse ont été examinés en vue d’une plus grande clémence et des mesures concrètes ont été recherchées.

1. 7 thèses de ChristNet sur l’argent en Suisse

Une analyse de la situation met en lumière une culture de la peur, de la désolidarisation, du manque de volonté de partager, de l’accrochage à des biens injustes et de la domination de Mammon. Les alternatives sont : Confiance en Dieu, une politique de miséricorde et une nouvelle miséricorde biblique. Les sept thèses avec explications peuvent être commandées sur ChristNet.

2. sacrifice de valeurs sur l’autel de l’économie

Françoise Hänggi, géographe, a utilisé la nouvelle stratégie de formation du canton de Berne pour montrer comment la pensée économique prend également le dessus en Suisse. Selon leur vision, l’objectif le plus important est la promotion de la compétence économique. Cela signifie que la compétence sociale et des valeurs telles que la capacité à gérer les conflits, la volonté de se réconcilier et la non-violence sont sacrifiées au profit de la performance économique.

3. Le secret bancaire met un frein à la clémence

Markus Meury, sociologue, a souligné que les comptes bancaires suisses contiennent 2,5 billions de francs de fonds de fraude fiscale. La soustraction fiscale n’étant pas punissable en Suisse, aucune assistance juridique n’est offerte aux États qui en souffrent. Depuis deux ans, ChristNet s’est engagé dans un groupe de chrétiens qui cherchent à prendre des mesures spirituelles et politiques pour abolir cette injustice.

4. La miséricorde et l’aide au développement

Béatrice Steiner, experte en développement, a souligné que l’aide suisse au développement, avec 0,39% du revenu national, est encore bien en dessous des 0,7% recommandés par l’ONU. De plus, l’aide au développement est compensée par un volume de commandes pour les entreprises suisses, grâce auquel plus d’un même montant retourne en Suisse.

5. Concurrence fiscale

Thomas Tichy, politologue, a reconnu que la concurrence fiscale entre les pays et les cantons peut avoir un effet positif sur l’efficacité de la politique fiscale. Mais il s’adresse principalement aux grandes entreprises et aux grandes propriétés, qui bénéficient d’un traitement préférentiel grâce à des forfaits fiscaux. En même temps, elle conduit souvent à une extrême austérité de la part de l’État, l’aide aux plus faibles et l’éducation étant les premières à en souffrir.

6. pétition « Assez pour partager ?

Samuel Ninck, coordinateur de ChristNet, a présenté la pétition de ChristNet et ses motivations : Le Conseil fédéral définit la croissance économique et la création de richesses comme le premier objectif législatif 2003-2007. Mais l’écart de richesse en Suisse et dans le monde ne cesse de s’accroître. C’est pourquoi ChristNet demande au Conseil fédéral de placer le partage au centre de sa politique. (http://www.christnet.ch/Home.aspx?docid=521&lang=de)

7. Style de vie simple et frugalité

Tom Wieland vit dans la banlieue de Berne dans une yourte mongole. Dans son atelier, il a encouragé les participants à rechercher la simplicité comme Jésus. Cela, a-t-il dit, est un signe fort de valeurs non matérielles dans une société de consommation et, dans notre culture du jetable, c’est un plus pour notre environnement.

8. Journée de la consommation, du commerce équitable et du Chouf-nüt

Matthias Stürmer, économiste d’entreprise et informaticien, et Samuel Ninck, coordinateur de ChristNet, ont montré dans l’atelier comment notre comportement de consommateur peut affecter nos voisins (par exemple, les couturières du tiers monde) et la création. Ici, la pitié signifie être conscient de ces liens et commencer à acheter des produits issus du commerce équitable et du label écologique. La journée du Chouf-nüt, le dernier samedi de novembre, est l’occasion de réfléchir à ce sujet.

Un résumé du travail de ChristNet

L’ambiance à la conférence était extrêmement positive. Un participant a souligné la pertinence pratique des présentations et des ateliers : « La foi est devenue vraiment concrète de cette façon.

Pour ChristNet, cette conférence est un résumé du travail accompli depuis sa fondation il y a sept ans. Dès le début, ChristNet a été guidé par la promotion de la charité dans la société et la politique : « Charité : bien fondée, engagée » est le slogan.

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Appelés à aimer la miséricorde

L’Eglise de Suisse sera connue dans le monde entier comme une Eglise de miséricorde.

Faire preuve de miséricorde, c’est exprimer l’amour de Dieu dans toute sa profondeur. Notre Dieu veut non seulement que nous marchions dans la miséricorde, mais II nous ordonne aussi d’aimer la miséricorde : On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu (Michée 6:8).

Mammon : l’amour des biens

Il faut que le dieu Mammon soit affronté. Et pour que cela se produise, l’Eglise de Suisse doit cesser de vénérer l’argent et d’être à son service ; elle doit commencer à marcher dans l’esprit opposé. Car «l’amour de l’argent» est intimement lié à l’égoïsme et à la cupidité endémiques que l’on retrouve dans la théologie déformée du matérialisme. Le matérialisme est un esprit qui fait des ravages et qui accorde plus de valeur aux choses qu’aux personnes. Ceux qui se trouvent sous son pouvoir négligent et oppriment les faibles pour obtenir leur drogue temporelle.

Jésus : l’amour des personnes

Le matérialisme, ou l’amour de l’argent, est la principale force qui motive presque toute notre société et, tragiquement, une grande partie de l’Eglise aussi. Un jour, l’esprit de l’antichrist gagnera l’affection du monde entier en contrôlant ce que les hommes aiment le plus : l’argent. L’Evangile de Jésus-Christ est à l’opposé de cet esprit qui souille et pollue… car son message ne se rapporte en rien aux biens et aux possessions ; il est totalement orienté vers les personnes. Tout dans le message et l’exemple que Jésus nous a laissés parle de relever ceux qui sont brisés et de donner à ceux qui ne peuvent rendre en retour… en particulier les pauvres, les exclus et les faibles. Ainsi, Jésus toucha personnellement les lépreux, si méprisés à son époque, et II nous ordonne d’aller et de faire de même. Celui qui déclare demeurer en lui doit marcher aussi comme lui (le Seigneur) a marché (1 Jean 2:6). Si notre bouche le confesse, notre marche doit aussi le refléter !

Miséricorde ou argent – à nous de choisir

Le véritable Evangile se soucie des âmes, pas du commerce ! L’esprit de miséricorde est l’antithèse de l’esprit de cupidité. Aujourd’hui, de nombreuses personnes, même au sein de l’Eglise, sont à un point critique… elles doivent décider : vont-elles servir le Dieu de Miséricorde ou le dieu de l’argent ? C’est à nous de choisir !

Jésus nous l’explique clairement : Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon (Matthieu 6:24).

Tiré de : MacLeod, Scott : « Le lion de lumière », Editions Schleife, Winterthour : 2001. p. 33s.


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