Archive d’étiquettes pour : simple life

~ 2 min

Week-end de la Conférence de jeunesse mennonite

Le dernier week-end de janvier 2015 les deux vétérans de la Journée sans achats, Tom Wieland, également inventeur d’appareils de fitness permettant de moudre de la farine et presser de l’huile, et Samuel Ninck-Lehmann, coordinateur de ChristNet, sont intervenus lors de la Conférence de la Jeunesse mennonite à Bienenberg (BL). Ils ont parlé devant 120 jeunes sur le thème «radicalement simple».

Ils sont intervenus à trois reprises: 1. exposé théorique avec bases bibliques sur l’argent et les biens matériels, informations sur la société de consommation ainsi que des pistes pour une vie simple; 2. célébration liturgique avec méditation sur Philippiens 2 (Jésus qui quitte sa gloire et s’humilie lui-même), répons et chants de Taizé; 3. interview de Tom et Samuel avec des questions du public via SMS.

Les nombreuses questions critiques, profondes et bien pensées nous ont montré que les jeunes étaient vraiment présents et se sont ouverts à ce thème.

Nous avons aussi distribué la feuille «Ma liste de shopping en question(s)» qui fait réfléchir à la pertinence de nos choix de consommation.

«Premier bénéficiaire du week-end»

«J’étais le premier bénéficiaire de ce week-end», a écrit Samuel aux organisateurs. En effet, cela lui aurait donné l’occasion pour approfondir et structurer son sujet préféré.

Par ailleurs, il aurait saisi à nouveau que la «vie simple» est un chemin dont l’objectif exigeant est, certes, posé par Jésus : «Vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres.» Mais un chemin sur lequel chacun-e se trouve à un autre point et dont le prochain pas est différent pour chacun-e. Il n’y aurait donc pas de raison pour juger l’autre sur la base de son style de vie!

Enfin, toujours selon Samuel, le thème de la vie simple devrait toujours être tourné vers autrui: «Si je vis simplement sans que cela profite à mes relations, je passe à côté d’un aspect essentiel de la foi chrétienne: l’amour du prochain!»

Intéressé-e par un exposé?

Si tu souhaites aborder le sujet de la vie simple dans ton Eglise, ton groupe de jeunes… n’hésite pas à nous contacter.


Ma liste de shopping en question(s)

~ 2 min

Compte-rendu d’Anne-Sylvie

Suite au cours « Just people !? » de StopPauvreté que nous avons organisé au premier semestre 2012, notre groupe a décidé de mener une action consistant à manger moins pendant 2 semaines pour donner l’argent économisé pour un projet de développement (ADENN). Deux d’entre nous ont décidé de ne manger qu’un bol de riz par jour par solidarité avec tous les gens vivant avec cette quantité de nourriture.

Cette expérience a été marquante sur beaucoup d’aspects. Tout d’abord elle nous a permis de nous rendre compte de l’abondance dans laquelle nous vivons et nous a appris à être plus reconnaissants pour la nourriture que Dieu nous donne en quantité.

Ensuite nous avons pu réaliser qu’avec peu de nourriture, nous devenions moins efficaces dans notre quotidien, en étant plus fatigués, sans énergie. Cette sensation de vivre dans notre chair ce que vivent tant de personnes dans le Sud nous a permis de réaliser à quel point la faim fait perdre des ressources aux pays pauvres.

Enfin, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois à midi pour un temps de méditation. Nous sommes restés interpelés par différentes nouvelles parues au cours de ces jours et en particulier par le fait que chaque ménage suisse jette l’équivalent d’un repas à la poubelle chaque jour et que le nombre de personnes dans le monde ne se nourrissant pas à leur faim est de 870 millions de personnes.

Par ailleurs, nous avons découvert quelques exhortations à plus de solidarité dont la Bible regorge. Ainsi, Paul nous interpelle à utiliser notre superflu pour servir ceux qui sont dans le besoin (2 Corinthiens 8.13).

Soyons donc dans la joie pour ce que nous avons et n’ayons pas peur de partager avec générosité ! Avec cette action « bol de riz », nous avons pu faire un petit pas dans cette direction.

Témoignage d’Alexandre

Manger moins, vivre plus: une semaine avec un bol de riz par jour

Faire l’expérience de quelques jours différents dans mon alimentation m’a beaucoup apporté. J’y ai ressenti le manque mais j’y ai aussi réalisé l’abondance dans laquelle je vis. Me priver pendant quelques jours m’a permis de voir tout ce dont je ne me prive pas au quotidien, tout ce qui me semble si naturel d’acquérir, de consommer, de jeter. Il m’a été possible ainsi de penser plus concrètement à tous les êtres humains sur cette terre qui vivent privés de tant de richesses et dont le quotidien est fait non pas d’abondance mais d’indigence.

L’expérience a été d’autant plus forte qu’elle était partagée par plusieurs personnes en même temps, comme une communion dans l’ascèse. Je ne peux que recommander ce régime (!) pour développer un esprit de justice dans nos vies et dans le monde, par la grâce de Dieu. Estimant que la vie chrétienne doit être marquée par des temps spéciaux qui donnent sens au passage du temps, je serais partant pour revivre cela chaque année!

~ < 1 min

Réflexions sur une gestion chrétienne de l’argent

Vaut-il mieux être riche ou pauvre ? Posséder beaucoup d’argent ou au contraire peu ?

Face à cette question, certains se fondent avant tout sur leur expérience personnelle et répondent, par exemple, que plus d’argent est tout simplement synonyme de plus de liberté. Ainsi, même s’ils venaient à en posséder trop, ils pourraient au besoin toujours brûler cet argent. Ou alors, ils rétorquent qu’ils ne souhaitent pas devenir riches car cela ne les rendrait pas heureux.

Devant cette même question, d’autres se basent non pas sur eux-mêmes mais sur leur prochain et affirment: si je suis riche, alors on peut simplement en déduire que je n’ai pas partagé autant que j’en aurais eu la possibilité. Etre riche n’est donc pas une bonne chose. Ou comme on a pu l’entendre: devenir riche n’est pas un pêché mais mourir riche en est un.

Cette question fondamentale nous place toutefois devant un choix qui n’a pas lieu d’être. Il ne s’agit pas d’être le plus riche possible, ni le plus pauvre possible. A la question « quel degré de richesse dois-je avoir ?», il existe un point de repère auquel nous pouvons nous rattacher. Nous ne devons devenir ni riches ni pauvres, mais avoir suffisamment pour vivre

~ < 1 min

La prospérité et la croissance économique durable sont les premiers objectifs fixés par le Conseil fédéral pour la législature 2004-2007.
Or, la Bible nous enseigne qu’il « y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20.35). En tant que chrétiens, nous sommes appelés à promouvoir une « économie du partage » afin de réduire la pauvreté.
Lors de ce Forum, qui s’inscrit dans la thématique ChristNet 2005-2006 « L’argent en Suisse », nous nous demanderons si la croissance n’a pas pris aujourd’hui autant d’importance du fait que nous ne sommes pas prêts à envisager de partager avec autrui.

 

De_Home_Social_5_25_2010_7_59_Teile_hilft_heile_DE

~ 7 min

Eric Divernois fait partie de ChristNet depuis plusieurs années et est engagé au sein du Groupe écologique. Dans ce cadre, il a écrit un texte sur le mode de vie simple. Eric est valaisan. Il a vécu quelques années dans une communauté de foi et de vie du Val de Travers : Fontaine Dieu.

Le non-contentement, une maladie contemporaine

Le slogan des Jeux Olympiques est : « toujours plus vite, plus haut, plus fort ! » Il est également utilisé dans les entreprises pour montrer leur motivation. Le non-contentement exprimé par là est propre à l?Occident. Il se manifeste notamment dans nos pays par les taux élevés de suicide, la consommation d?antidépresseurs etc.. En un sens, le non-contentement favorise le progrès, mais l?insatisfaction finit par devenir mortifère.

Les symptômes

Un des symptômes est le toujours plus. On est poussés au travail et dans plein de domaines à vouloir toujours plus. Ce n?est pas faux en soi, le problème est plus subtil. La notion de progrès participe de ce besoin à la fois légitime et illégitime. Plus on exige de la performance, plus celle-ci génère des besoins nouveaux et a un impact environnemental. Ceci accélère un processus négatif : fatigue, surmenage, dépression. On a toujours plus de responsabilité, on multiplie les contacts pour s?assurer un meilleur développement de soi et l?épanouissement de possibilités personnelles. On a des agendas surchargés. Est-ce vraiment bon pour l?homme ?

Un autre symptôme résident dans notre consommation de drogues au sens large du terme : les gens consomment des quantités extrêmes de café, de tabac ou d?alcool pour être performants.

Il y a une tendance à chercher des expériences spirituelles. Ce phénomène se retrouve également dans les milieux chrétiens. Dans nos milieux évangéliques, la théologie de l?abondance fait des ravages. On désire toujours plus sous prétexte que Dieu va nous bénir en croyant que Dieu va nous bénir matériellement. En somme, il existe une vision libérale et consumériste de Dieu que je ne voudrais plus appeler théologie, mais « égologie ».

 

Les racines

Le non-contentement est une attitude de notre c?ur et donc une affaire spirituelle. En résumant, on peut dire que l?être humain est confronté à trois problèmes majeurs : l?isolement, l?absurdité et la peur. Ces trois aspects sont liés de manière intime et aboutissent au désir, à l?ignorance et à la haine.

·        L?isolement : il s?agit d?une profonde solitude intérieure. Dans notre monde moderne, les gens sont de plus en plus isolés les uns des autres. Le progrès a cassé l?interdépendance entre les générations et les liens entre les personnes. On n?a plus besoin les uns des autres pour vivre. Ceci peut se manifester de différentes manières : certains passent leur journée devant l?ordinateur, d?autres se font livrer leurs courses commandées par Internet, etc.

·        L?absurdité : en Occident tout a été remis en question par le passé : notre vision du monde est bouleversée. Les grandes idéologies sont dépassées. Certains penseurs parlent de désillusionnement du monde qui se traduit par une profonde perte de sens. Que reste-t-il ? Il n?y a plus qu?à consommer. Aujourd?hui, les magasins sont construits comme des temples de la consommation et vantés comme de vrais paradis.

·        La peur : c?est une angoisse existentielle. Wolfgang a bien décrit cette réalité dans notre vie et notre monde. La peur résulte d?une inquiétude fondamentale face à un monde que l?on ne comprend pas, que l?on subit et dans lequel on est « jeté » comme disait Heidegger. L?histoire de l?Occident est minée par l?angoisse. Au Moyen-Âge, on avait peur du jugement dernier, on avait peur des catastrophes et de la fin des temps. Ainsi, la peur fut grande lors du passage de l?an mil. Plus récemment, le XXème siècle fut marqué par la peur d?une confrontation nucléaire, des menaces terroristes, de la crise financière et des bouleversements écologiques. Il faut réaliser que malgré notre posture chrétienne, nous sommes victimes de la peur du manque. Cette peur se cache derrière des préoccupations plus anodines : chômage, argent, etc. C?est souvent une peur inconsciente, mais moins on en est conscient, plus elle nous influence.

 

Les effets

Le non-contentement a des effets aux niveaux personnel, social, économique et environnemental.

·        Effets personnels : en vivant dans le non-contentement, nous renforçons notre avidité. Nous sommes avides de tout, toujours, en tout temps, plus vite et plus intensément. Ceci amène différentes formes de prédation, d?épuisement et de saturation. Un auteur a dit : « L?abondance de biens crée une pénurie de temps ». En effet, nous manquons tous de temps.

·        Effets sociaux : le non-contentement nous pousse à exiger plus des autres. Si, par exemple, je demande à obtenir dix tasses de café à petit prix à la place d?une seule, mais plus chère, j?augmente mes exigences face à la production et au prix, ce qui augmente la pression sur les salaires et sur les conditions de travail.

·        Effets économiques : l?avidité nous pousse à gagner plus, à augmenter les intérêts sur nos actions, à spéculer sur des produits financiers hautement rentables, afin d?assurer nos comptes en banque, nos intérêts et ceux de notre descendance. Mais cela conduit également à l?emballement économique et aux débâcles financières.

·        Effets écologiques : la pression environnementale générée par l?avidité est spectaculaire, parce qu?elle est multipliée par le nombre d?habitants de la planète et décuplée par le système. Si chacun exige le même taux de confort, il s?avère vite que tous nos désirs ne peuvent être satisfaits à l?infini dans un monde fini. Malheureusement, l?avidité est à la base de notre économie, laquelle nous fournit emplois et salaires?

 

Les médicaments de Dieu

Dans les médicaments proposés par Dieu, on trouve entres autres : la conversion, le renoncement, la reconnaissance et la louange, ainsi que la « trithérapie de Dieu » : l?amour, la foi et l?espérance.

·        La conversion : c?est un processus qui consiste en un retournement mental : il faut changer nos représentations, et ce changement concerne également l?univers affectif. La Bible parle de la « circoncision du c?ur ». En enlevant une couche superflue pour rendre le c?ur plus tendre, on procède à une simplification du c?ur.

·        Le renoncement : la conversion nous amène au renoncement. Il ne s?agit pas là avant tout de renoncer extérieurement à tous nos biens. Luther parlait de l?homme non

·        converti comme de celui qui est courbé sur lui-même. C?est à notre égoïsme fondamental que nous devons renoncer, et c?est difficile !

·        La reconnaissance et la louange : souvent, nous avons tendance à chanter des chants pour nous sentir bien. C?est pourtant une attitude qui nous fait glisser progressivement vers le consumérisme. Au contraire, l?essentiel dans la louange consiste à avoir un c?ur reconnaissant. C?est alors une louange de qualité.

·        L?amour, la foi et l?espérance : tout un programme. Il y a là des pistes très bibliques. Cependant, pour nous soyons changés, la confiance en Dieu est fondamentale. Intellectuellement, on croit, mais concrètement, on se rend compte qu?on n?a pas vraiment la foi. Quand nos sécurités tombent, nous voyons vraiment où nous en sommes. L?amour, la foi et l?espérance sont en quelque sorte les contreparties de l?isolement, du non-sens et du désespoir ou de l?angoisse.

 

Conclusion : assez pour vivre

En contestant le mécanisme du toujours plus, on pourrait donner l?impression de faire l?éloge de la médiocrité et de la paresse et de mettre en cause la notion de progrès. L?idée n?est pas de se complaire dans un contentement facile. Le contentement n?est pas comme ces chalets qui portent l?inscription « Samsuffit »1 . Il ne s?agit pas non plus de passer du « trop » au « trop peu », mais plutôt du « trop » à « l?assez ». Par exemple travailler assez pour vivre, et non vivre pour travailler ; manger assez sans tomber dans la sur-bouffe et consommer selon ses vrais besoins ; viser la qualité plutôt que la quantité ; avoir assez pour satisfaire ses vrais besoins. ` côté du « toujours plus », il y a « l?assez » : assez pour vivre, assez pour partager et surtout assez pour être reconnaissant dans la bienveillance, dans la confiance et dans l?espérance.

Questions

Comment concilier le contentement avec l?appel de Dieu à faire fructifier nos dons ?

Il y a un mécontentement légitime, qui est illustré par exemple par Paul lorsqu?il dit : « Je poursuis ma course vers le but »2 . Il va donc de l?avant. L?Evangile nous exhorte à porter du fruit. Dans la création, il y a l?idée de progrès et de développement. C?est la loi de la vie. Le problème est que Satan fait de même, mais d?une manière néfaste : il existe aussi une loi du progrès qui a des effets mortifères pour l?individu et l?environnement.

En fait, il convient de m?interroger sur ma motivation à aller plus loin et surmon attitude, plutôt que de renoncer à aller plus loin?

En fin de compte, c?est une question que chacun doit résoudre dans son c?ur.

En Suisse, avec ma femme, nous avons souvent chassé des démons présentant un aspect financier. Les gens étaient poussés à consommer plus, ils étaient esclaves de ces démons. Ce n?est pas une attitude, mais une possession démoniaque. Où mettre la limite ?

Il y a un aspect démoniaque sous-jacent aux motivations. Le spirituel sous-tend le psychique et l?influence. Je n?ai pas la compétence pour en dire plus.

Il y a un verset qui dit : « Là où est votre c?ur, là est votre trésor. »3 . Est-ce que Dieu appelle les gens à tout donner ou faut-il plutôt prendre ce passage comme un appel à bien dépenser notre argent ?

L?Evangile est radical. A mon avis, il y a les deux attitudes : François d?Assise, par exemple, a tout donné. Mais il y a aussi des gens qui ont des richesses et qui sont ouverts à Dieu et lui obéissent dans leurs dépenses.

Transcription : Anne-Sylvie Giolo, Samuel Ninck

Révision : Sarah Martinez

 


1. Ça me suffit.

2. Philippiens 3.14

3. Luc 12.34.

Photo by Muhammadtaha Ibrahim Ma’aji on Unsplash

~ 3 min

Souvent, la peur de manquer nous empêche de partager. Pourtant, Dieu nous promet de pourvoir à nos besoins. A Berne, pendant une année, un groupe de chrétien-ne-s a vécu selon le principe de l’ « assez » et renoncé au superflu : ça s’appelle cukup (« assez » en indonésien). A travers le silence, le chant et les enseignements, ils ont abordé les thèmes de la pauvreté et de la prospérité. Rahel Röthlisberger, médecin interne dans un hôpital, est l’une des initiatrices du projet.

Rahel, comment t’est venue l’idée de cukup ?

Après un stage de 3 mois dans un hôpital de campagne au Niger (Afrique), j’ai assisté à un congrès sur le thème « défi pauvreté, engagement chrétien dans un monde injuste ». J’ai été profondément bouleversée d’entendre parler du système mondial et des conséquences de l’injustice pour les plus pauvres des pauvres. En même temps, j’ai aussi été encouragée par l’exemple d’un homme qui a répondu à une nécessité flagrante, celle de créer des places de stage pour des jeunes sans emploi. Après la conférence, je n’avais qu’une question en tête : qu’est-ce que je peux faire concrètement ? J’ai prié avec deux collègues pour que Dieu nous donne des réponses concrètes et simples à appliquer au quotidien. Pour moi, cukup était une réponse.

Qu’est-ce qui te motive à partager ?

Pour moi, c’est une question de justice. En tant que personne voulant suivre Jésus, je considère aussi comme un devoir de partager tant qu’il y aura des hommes qui ont faim, qui ont soif, qui n’ont pas assez ou sont dans le besoin. Et cela concerne des millions de personnes. J’ignore quelle part de notre revenu nous reviendrait réellement si nous devions prendre en charge les conséquences financières des règles du commerce injustes, de l’exploitation des ressources naturelles, de notre production de gaz polluants et de ses incidences sur le climat ?

Mais on peut quand même se faire plaisir de temps en temps ?!

Dans le cadre du cukup, nous nous sommes rapidement rendus compte qu’ « assez » signifiait trouver un juste milieu : ne pas économiser et souffrir de manque en n’ayant « pas assez » pour vivre, mais se satisfaire d’un simple « assez » et redistribuer le « plus qu’assez ». Et pas à n’importe qui mais justement à ceux qui sont dans le besoin.

Est-ce que le projet cukup t’a aussi apporté quelque chose ?

J’ai découvert que le fait de renoncer mais aussi de demander et de recevoir est extrêmement enrichissant. Le partage nous oblige à entrer en relation avec les autres, nous apprend à être patients et à nous réjouir de ce que nous avons ! Je possède encore beaucoup, bien plus qu’assez ! Et puis, ça me touche beaucoup de voir qu’avec une somme qui me permettrait ici d’acheter un paquet de chewing-gum, mon amie du Niger peut s’acheter à manger pour toute une semaine au lieu de souffrir de la faim ou de n’avoir de véritable repas qu’une fois par semaine. Pour moi, la renonciation à cette somme modique n’est rien comparée à la joie de mon amie.

 

 CUKUP_invitation


Photo by Herson Rodriguez on Unsplash

~ 6 min

Se détacher des richesses (1er et 2e siècles)

La notion de « vie simple » est intrinsèque à la vie des premiers chrétiens : vendre ses biens et les partager est considéré comme quelque chose de normal. En se convertissant, on devient symboliquement frère car enfant d’un même Père. Ce n’est pas ici la pauvreté pour elle-même qui est recherchée mais l’abandon de la richesse au profit de ceux qui possèdent moins. L’histoire du jeune homme riche (Mat. 19.16-22) a interpellé les chrétiens tout au long de l’histoire de l’Eglise et ce texte a été interprété de manière fort diverse. Au Ier et au IIème siècle, cette histoire est interprétée de la manière suivante : ce n’est pas la richesse en tant que telle qui est mauvaise, mais l’attachement aux richesses qui empêche le salut. Pour les premiers chrétiens, il s’agit davantage d’une question de solidarité et de soutien fraternel. Mais la question du jeune homme riche revient fréquemment dans les discussions et l’on commence à se demander si les riches peuvent vraiment être sauvés. L’Eglise constate que les richesses sont utiles, mais qu’il faut dépouiller les âmes de tout désir charnel, c’est-à-dire l’amour désordonné de l’argent.

Le luxe : une usurpation (3e au 5e siècle)

Par la suite, des courants plus militants se développent, courants qui vont jusqu’à chercher le martyre en renonçant à tous les biens et au mariage. La possession de biens est considérée comme démoniaque. L’Eglise condamne ces courants que l’on retrouve pourtant, sous une forme ou sous une autre, tout au long de l’histoire du christianisme. Au IVe et au Ve siècle, Basile de Césarée interprète l’histoire du jeune homme riche en disant que celui-ci n’a pas respecté tous les commandements comme il le prétend puisque, malgré toutes ses richesses, il a laissé mourir de faim ses frères pauvres. Il est pratiquement impossible d’amasser autant de richesses sans violer certains commandements. Basile en conclut que le luxe est une usurpation. Il ne critique donc pas la richesse en elle-même, mais bien la taille de la fortune. D’autres concluent que l’accumulation de grosses fortunes est forcément productrice d’injustices. L‘idée selon laquelle nous ne serions pas les propriétaires des ressources terrestres, mais les gérants de ce que Dieu nous a confié se développe également à cette époque : les ressources globales doivent servir à l’usage de tous.

La pauvreté : un fait matériel

Lorsque le christianisme devient religion officielle de l’Empire, l’idée de martyre disparaît et elle est remplacée par le souci de fuir le monde. Les premiers monastères voient le jour. Ceux-ci permettent aux gens de quitter « le monde » et ses richesses, la perfection évangélique n’y étant pas possible, estiment les adeptes de ces courants monastiques. En même temps, la pauvreté augmente de manière notoire, du fait des famines successives et des épidémies. Les mouvements d’aide aux plus faibles et aux pauvres s’amplifient. Les riches se voient reprocher leurs richesses, acquises aux dépens des pauvres.

C’est à cette époque que l’Eglise commence à recevoir des héritages, qu’elle utilise pour soulager les souffrances des pauvres. L’aide caritative des Eglises s’institutionnalise et l’on assiste à la création des premiers hôpitaux pour accueillir les malades et les pauvres. La pauvreté est essentiellement perçue, à cette époque, sous l’angle matériel, et non plus comme une question spirituelle.

La recherche de la simplicité (11e et 12e siècles)

Aux XIe et XIIe siècles, de nouveaux ordres – qui prônent le retour à la pauvreté – voient le jour. L’objectif est de vivre la simplicité en communauté. Il est intéressant de noter qu’un double discours co-existe : d’un côté la hiérarchie ecclésiastique prône la pauvreté comme voulue par Dieu ; de l’autre côté l’augmentation du nombre de pauvres fait peur à l’Eglise. Les ermites, les gens qui sont sortis du monde, commencent à critiquer de plus en plus le clergé et les prêtres qui prônent la pauvreté sans pour autant la pratiquer. On assiste à l’émergence de mouvements dissidents et conflictuels. Au sein de cette controverse, deux hommes très importants : Saint François d’Assise et Saint Dominique. Tous deux parviennent à trouver des positions médianes : tout en restant attachés à l’Eglise institutionnelle, ils réussissent à ramener le pauvre au centre des préoccupations. Saint François d’Assise et Saint Dominique sont à l’origine de nombreuses aumôneries.

La peur du pauvre (14e siècle)

Au XIVe siècle, la question de la pauvreté du Christ fait surface. A-t-il vraiment vécu dans la pauvreté jusqu’au bout ? Ses disciples n’ont-ils vraiment rien possédé? Le Pape Jean XII déclare hérétique la doctrine selon laquelle le Christ aurait vécu dans une pauvreté absolue. Par la suite, le pauvre devient suspect. Le seul aspect qui rend la pauvreté acceptable, c’est la pratique de l’indulgence par laquelle les riches, avant de mourir, remettent une partie de leurs richesses aux pauvres, afin de s’ouvrir la porte du paradis. Mais le pauvre et la pauvreté sont de plus en plus perçus comme dangereux et le choix de la pauvreté comme mode de vie est de moins en moins accepté. On ne voit plus dans le pauvre l’image de Jésus. Même si certains continuent à s’exprimer en faveur des pauvres – comme Erasme de Rotterdam – la peur est telle que l’on commence à les enfermer.

Entre béatification de la pauvreté et critique social (17e au 20e siècle)

Au XVIIe siècle le service aux pauvres continue de se développer. L’Etat y prend une part de plus en plus active et préconise l’aide à domicile, mouvement qui prendra une grande envergure. Après la recherche de la vie simple, c’est maintenant le service aux pauvres qui est d’actualité. Avec l’avènement du siècle des Lumières, le choix de la vie simple devient insolite. Des monastères sont fermés, et la pauvreté des moines et le martyre, sont ouvertement critiqués. L’Eglise se retire de plus en plus du service public aux pauvres.

Au XVIIIe siècle, la pauvreté perd son statut d’idéal à suivre et laisse la place à une voie intermédiaire. Ni la pauvreté ni la richesse ne sont recherchées, mais une vie frugale. En même temps, le marché se développe ; son existence se fonde sur le principe de la diversité. L’inégalité des fortunes cimente la société en ce qu’elle n’existe que parce qu’il y a des pauvres qui ont besoin de travailler pour vivre. La pauvreté est de plus en plus perçue comme quelque chose de naturel. L’Eglise béatifie non plus la pauvreté du Christ, mais celle de l’être humain qui est nécessaire aux besoins de la société.

Avec la montée du socialisme au XIXe siècle, l’Eglise commence à critiquer les conditions de vie et de travail des ouvriers. La hiérarchie ecclésiastique critique l’exploitation de l’être humain. Cependant, cette critique sociale a souvent été étouffée par la branche traditionnelle de l’Eglise. Ce phénomène s’est poursuivi jusqu’à nos jours où l’Eglise continue à  « réprimer », plus ou moins vigoureusement, la théologie de la libération.

Conclusion

On constate ainsi, pour conclure, que, au cours de l’histoire, le regard de l’Eglise sur les pauvres, ainsi que sa réaction face à la pauvreté et l’injustice, n’ont cessé de changer. Quel regard portons-nous aujourd’hui sur les pauvres et sur la pauvreté ? Quelle est notre action en leur faveur? Peut-être sommes-nous appelés à trouver un juste milieu entre l’indigence et la richesse. Ne serait-ce pas celui de la suffisance ? De même, peut-être sommes-nous appelés à refaire nôtre l’idée de la gérance (Basile de Césarée), à savoir l’idée selon laquelle chacun serait appelé à gérer une partie de la fortune globale de Dieu en faveur de l’ensemble de l’humanité.

 

Lectures conseillées

CHRISTOPHE Paul, Les pauvres et la pauvreté. Des origines au XVe siècle. 1ère partie, Desclée, Paris, 1985.

CHRISTOPHE Paul, Les pauvres et la pauvreté. Du XVIe siècle à nos jours. 2ère partie, Desclée, Paris, 1987.

DOMMEN Edouard, Laisser des grappilles. Contre la convoitise, la fête !, Repères, Pain Pour le Prochain, 2000.

RAHNEMA Majid, Quand la misère chasse la pauvreté, Paris, Fayard; Acte Sud, 2003.

 

Transcription : Silvia Hyka/sn

Cet exposé est très largement inspiré des deux ouvrages suivants:

CHRISTOPHE Paul, Les pauvres et la pauvreté. Des origines au XVe siècle. 1ère partie, Desclée, Paris, 1985.

CHRISTOPHE Paul, Les pauvres et la pauvreté. Du XVIe siècle à nos jours. 2e partie, Desclée, Paris, 1987.

~ 4 min

La croissance économique : une notion relative

La croissance économique désigne la progression de la production et de la consommation de biens, c’est-à-dire l’augmentation mais aussi la diminution de ce « produit national ».

Il ne s’agit que de chiffres qui ne s’avèrent en fait pas aussi précis qu’il n’y paraît. Ils mesurent quelque chose de façon très précise mais partielle. Ils ne recouvrent que ce qui est réellement payé. C’est ainsi que le travail bénévole en famille, à la maison ou dans une association n’est pas pris en compte. Il en va de même pour les dégâts causés à l’environnement et l’économie grise. La croissance économique ne rend pas non plus compte de la sécurité dans laquelle nous vivons, ni de notre degré de liberté, de satisfaction ou de stabilité.

Ce « produit national » est ensuite divisé par le nombre d’habitants afin de servir à des comparaisons internationales, ce qui n’indique en rien comment il se répartit entre les habitants. Les chiffres de la croissance économique en Chine le montrent aujourd’hui clairement. Une petite minorité s’y enrichit tandis que l’immense majorité reste les mains vides.

La croissance économique inspire souvent de la méfiance. De quoi s’agit-il et d’où vient-elle ? Je ne suis pas économiste mais il me semble évident que la croissance économique ne tombe pas du ciel. Elle repose sur le travail d’hommes. Il est dans la nature de l’homme de toujours vouloir aller de l’avant et faire de nouvelles expériences. Cela permet d’augmenter la productivité de l’économie. Derrière la notion de croissance économique se cache donc le désir inhérent à l’homme d’aller de l’avant.

La croissance économique sert à la redistribution

La Bible ne parle pas explicitement de croissance économique. Mais on voit par exemple qu’Israël a prospéré sous Salomon, c’est-à-dire que la croissance économique était là. Cet épisode se déroula sous la protection et la bénédiction de Dieu. Nous savons que dans les économies nationales modernes, nous pouvons agir à plusieurs niveaux : enseignement, impôts, politique monétaire, recherche. La question de la répartition de ce bien-être y est essentielle.

Dans un monde où la population ne cesse de croître, la croissance économique est indispensable. Soyons réalistes : lorsque l’économie est en pleine croissance, c’est-à-dire à chaque fois que le gâteau s’agrandit, chacun reçoit un peu plus et tout le monde est satisfait, sans que ne se pose la question de la répartition et de l’équité. Au contraire, si l’économie décroît, alors cette astuce ne marche plus, les salaires stagnent, le taux de chômage augmente et l’on commence à se battre pour répartir le gâteau.

En tant que secrétaire syndicale, je constate quotidiennement que l’AVS dépend de la croissance économique. La dernière augmentation des primes remonte à trente ans ! Elle a été possible uniquement grâce à cette croissance.

Les limites de la croissance

Y a-t-il des limites à la notion de croissance économique ? Oui, bien sûr. Nous exploitons des ressources qui ne sont pas renouvelables. Nous consommons une quantité énorme de ressources et portons donc atteinte à notre environnement. Des méthodes de développement durable existent mais leur part dans la croissance économique est limitée. Tout le monde est d’accord sur le fait que l’économie mondiale ne peut croître de manière illimitée. Le « peak oil » est-il déjà atteint ? Cette question occupe aujourd’hui une place essentielle dans tous les journaux.

Nous constatons qu’une croissance économique modérée conduit à des problèmes sociaux et il est tentant de miser sur une hausse de celle-ci. Mais le système a ses limites car avant même d’avoir épuisé nos ressources, c’est notre propre existence que nous mettons en danger. La lutte de répartition conduit à des guerres, et plus les ressources s’amenuiseront, plus les conflits qui nous attendent deviendront graves.

Aujourd’hui, la question de la répartition ne se pose pas uniquement entre les pays pauvres et les pays riches mais aussi entre les générations. Ce que nous gaspillons aujourd’hui ne sera plus à la disposition de nos enfants.

Un complément important : le partage

La croissance économique ne peut pas être la seule solution pour répondre à toute une série de problèmes. En Suisse, société relativement égalitaire, il y a de nombreux « laissés pour compte », et leur nombre ne fait qu’augmenter. Evidemment, plus la croissance économique que nous affichons est basse, plus ces chiffres augmentent. Nous constatons aussi que notre croissance économique ne règle aucun des problèmes des pays pauvres.

Le partage est donc absolument indispensable. Nous ne pouvons pas y échapper. Cela concerne la Suisse et l’Europe mais également le reste du monde.

Nous sommes ici confrontés à des problèmes qui impliquent de très grosses sommes d’argent. La dimension caritative que Jacques Blandenier a mentionnée au cours de son intervention représente l’aide à l’échelle « microscopique ». Il faut également une dimension sociale politique, c’est-à-dire un partage organisé qui se traduit par la redistribution et la solidarité. En général, nous nous contentons d’observer de manière relative où se trouvent les situations de détresse. Mais pour ensuite pouvoir partager de manière organisée, il faut des lois, car tous ne sont pas disposés à apporter leur contribution.

La redistribution et le partage ont mauvaise presse. L’avarice est à la mode et dans certains milieux, le mot solidarité est utilisé comme une insulte. Dans cette même logique, le président d’UBS Ospel a qualifié d’irresponsables les critiques visant les hauts salaires que perçoivent les cadres.

On parle volontiers de responsabilité individuelle. On accuse souvent les pauvres d’être responsables de leur pauvreté. Lorsqu’ ensuite ces pauvres assument leur responsabilité et volent pour survivre, on les punit. On se moque fréquemment de moi lorsque je parle de partage et de redistribution.

Si nous écrivons au Conseil fédéral, alors il nous faut faire des propositions concrètes sur la manière de redistribuer car les membres du Conseil ne se pencheront pas d’eux-mêmes sur la question.

~ 6 min

En lisant la Bible, nous constatons que la pauvreté y occupe une place très importante. C’est un des thèmes centraux, voire une réalité biblique. Les lois d’Israël mettent un accent prioritaire sur le soutien à accorder aux pauvres et aux plus faibles – les malades, les personnes souffrant des circonstances de la vie et des circonstances politiques. Les prophètes aussi traitent de ces questions, dénoncent le mépris des pauvres et les inégalités sociales. Le soutien aux pauvres est en lien direct avec la foi :

Penses-tu affermir ton règne en essayant de surpasser les autres par les palais de cèdre? Souviens-toi de ton père : il a mangé et bu comme tout homme, mais il a exercé le droit et la justice et s’en est bien trouvé. Il faisait droit aux pauvres ainsi qu’aux malheureux, et s’en est bien trouvé. C’est par là que quelqu’un montre qu’il me connaît, l’Eternel le déclare. Mais toi, tu n’as d’yeux, de pensées, que pour t’assurer des profits et pour tuer des innocents, pour opprimer et pour traiter les gens avec brutalité. (Jérémie 22.15-17)

Les livres poétiques nous parlent aussi de la pauvreté ; pensons au livre de Job, mais aussi aux Proverbes et aux Psaumes, dont les auteurs crient constamment à Dieu. Israël a connu la précarité tout au long de son histoire, d’Abraham jusqu’à l’exil en Babylone et au-delà : famines, esclavage, dénuement dans le désert, pillages, guerres… C’était un peuple opprimé sans cesse, tout en vivant la bénédiction du Seigneur.

La pauvreté – un concept global

Dans l’Ancien Testament nous trouvons 10 termes différents signifiant la pauvreté, qui comprennent toutes les notions de ce qu’est la pauvreté. La pauvreté économique : la famine, la guerre, la pauvreté sociale, l’exclusion, la vulnérabilité parce qu’on ne peut pas résister aux autres ; la pauvreté psychologique : la peur, la solitude ; la pauvreté spirituelle – combien importante ! – : la crainte d’être abandonné par Dieu, la peur de la mort, la perte de tous les repères.

Il y a des situations où la pauvreté est la conséquence d’un comportement inadéquat. La Bible nous parle de la pauvreté qui découle de la paresse, et celle qui représente une punition de Dieu. Cependant, il serait faux de conclure que la pauvreté est systématiquement une malédiction. La Bible nous parle d’hommes aimés par Dieu, qui ont la foi et qui pourtant vivent dans la pauvreté. Pensons à Job et le psalmiste qui souffrent précisément à cause de leur foi.

Mais la richesse peut aussi être une bénédiction. La Bible ne méprise pas les biens matériels : au contraire, c’est souvent un signe d’amour de Dieu. Mais sachons que le jugement face à la richesse est extrêmement dur et que le danger constant de corruption dû à la richesse (Salomon) existe bel et bien.

Le Nouveau Testament nous parle aussi de la pauvreté. Pensons à la première béatitude de Jésus : « Heureux les pauvres. » (Luc 6.20) Matthieu ajoute : « Heureux les pauvres en esprit. » (Mat. 5.3) Ces deux versions nous montrent bien qu’il n’y a pas de coupure artificielle entre la pauvreté économique et spirituelle. Mais « heureux les pauvres » va tellement à contre-courant de notre pensée ! Pourtant, il ne s’agit pas ici d’une idéalisation des pauvres. Le pauvre est heureux à cause de son impuissance à s’en tirer tout seul. Il est dans une situation favorable parce qu’il a besoin de Dieu et qu’il va découvrir comment et combien Dieu pourvoit à ses besoins.

Dieu se range du côte du faible

La pauvreté est une souffrance et le Dieu de la Bible ne veut pas que Sa création souffre. Il n’est pas indifférent, lointain dans son ciel. Non, c’est un Dieu qui s’implique et qui ne veut pas le dénuement. Il s’engage dans un combat dans lequel Il prend position à nos côtés. Le texte fondateur à cet égard est sans doute celui du buisson ardent (Exode 3). Le Seigneur y dit : « J’ai vu la détresse de mon peuple en Egypte… Oui, je sais ce qu’il souffre. C’est pourquoi je suis venu… » (v.7s.)

Voyons aussi Abraham, qui vivait tranquillement dans son pays, riche, et qui a dû partir dans le désert et quitter la fausse sécurité pour connaître la vraie richesse qui se trouve en Dieu.

Prenons la Pâque que Jésus célèbre avec ses disciples. Lui, Dieu descendu sur terre, qui s’est dépouillé et a été humilié, est venu comme un serviteur, fidèle jusqu’à la mort (Phil. 2.8). Dieu se range du côté des faibles. Ce combat de Dieu, il ne le mène pas seul. Il le mène pour et avec son peuple, qu’il s’agisse d’Israël ou de l’Eglise. Il refuse la fatalité. Jésus dit lui-même que nous aurons toujours des pauvres autour de nous, et que nous pourrons leur faire du bien quand nous voudrons ! (Marc 14.7)

Combattre la pauvreté

Le combat contre la pauvreté prend deux formes conjointes :

La dimension caritative : l’amour et la compassion reflètent la personne même de Dieu. La notion du don et de la gratuité y sont présentes ; nous les retrouvons dans plusieurs commandements. Cela implique le refus du profit maximalisé.

La dimension socio-politique : c’est l’aspect de la prévention afin d’éviter que la paupérisation s’installe dans le peuple. Cela signifie par exemple combattre la corruption, instaurer des lois justes, refuser l’accumulation des richesses et comme suite logique instaurer l’année sabbatique (p.ex. Ex 21.2).

Il convient, à cet égard, de citer un événement biblique auquel on fait rarement référence (1 Rois 21). Le roi Achab convoite la vigne d’un homme, Naboth, qui ne veut pas la lui céder. Sur instigation de sa femme Jézabel, Achab fait condamner Naboth à mort sur des témoignages fictifs, et s’approprie la vigne. Dieu juge de manière extrêmement dure la logique de la loi du plus fort. Ceci est significatif : Jésus reprendra ses disciples et leur dira : « Qu’il n’en soit pas ainsi parmi vous. Au contraire: si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. » (Mat. 20.26)

Notre motivation

Pour agir différemment, Dieu nous donne deux motivations :

Les souvenirs : Tout au long de son histoire avec l’humanité, Dieu a instauré des fêtes pour aider les gens à se souvenir, comme p.ex. Pâques qui est le souvenir de la détresse subie en Egypte ; ou le repos du sabbat, qui est le souvenir de l’esclavage. Le message sous-jacent est le suivant : « Souviens-toi que même si tu n’es pas pauvre actuellement, tu es tout de même fondamentalement pauvre. » Dès lors, nous sommes appelés à ressembler à Dieu : « Soyez saints, car je suis saint. » (1P. 1.16). Dieu est miséricordieux, alors soyons miséricordieux, nous aussi. Jésus est descendu dans la pauvreté, alors soyons pauvres, nous aussi.

L’espérance : Après des siècles durant lesquels Israël vivait avec ses lois et ses prophètes, c’est le constat de l’échec. Cet échec fait surgir l’attente d’autre chose et fait naître l’espérance. C’est dans ce contexte qu’arrive Jésus, le Messie tant espéré. Ses premières paroles dans la synagogue de Nazareth confirment cet espérance. « [Le Seigneur] m’a désigné par l’onction pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres. » (Luc 4.18) Dès lors, l’Eglise devient le signe visible de ce monde à venir. Dans le livres des Actes nous lisons combien l’Eglise s’occupait des pauvres au point qu’il n’y avait plus de pauvres parmi eux (Ac. 4.34).

Christ qui s’est fait pauvre parmi nous est la source. C’est de Lui que doit jaillir la rivière qui sort de l’Eglise vers un monde en besoin. Dans les Epîtres, et surtout celles de Paul, le fait de donner la dîme et des dons pour secourir les pauvres prend une importance particulière. Paul nous rappelle alors qu’il s’agit d’un partenariat et d’une réciprocité.

Il y a deux termes qui nous parlent de justice : d’une part la justice devant Dieu, à savoir la justice que Dieu nous donne ; d’autre part la justice dans le sens d’équité, à savoir la juste relation entre hommes. Désormais, l’éthique chrétienne découle de notre foi, et notre conscience doit nous mener vers la justice et l’équité.

Littérature

Jacques Blandenier, Les pauvres avec nous – La lutte contre la pauvreté selon la Bible et dans l’histoire de l’Eglise. Dossier Vivre n°26. Je sème. Genève 2006.

~ 6 min

Principe

Les chrétiens sont nombreux à se demander s’il vaut mieux être riche ou être pauvre. Il existe une réponse à cette question, qui offre un repère clair : nous ne devons être ni pauvres ni riches ; nous devons avoir assez. Voici ce que dit Proverbes 30, 7-9 à ce sujet :

Mon Dieu, je te demande deux choses : ne me les refuse pas, avant que je meure ! Eloigne de moi la vanité et la parole mensongère ; ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire, de peur qu’étant rassasié, je ne te renie et ne dise : qui est l’Eternel ? Ou qu’étant dans la pauvreté, je ne commette un vol et ne porte atteinte au nom de mon Dieu.

Le mot d’ordre de l’ « assez » s’exprime également à travers l’épisode de la manne dans le désert : lorsque les Israélites ont voulu ramasser plus de manne que ce dont ils avaient besoin pour la journée, le surplus s’est avarié. On peut lire :

Les Israélites firent ainsi ; et ils en recueillirent les uns plus, les autres moins. On mesurait ensuite avec l’omer ; celui qui en avait plus n’avait rien de trop, et celui qui en avait moins n’en manquait pas. Chacun recueillait ce qu’il lui fallait pour sa nourriture. (Exode 16, 17-18)

Le style de vie inspiré de la manne se retrouve également dans la prière matérielle figurant dans le Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ».

Assez pour partager

Assez, c’est combien ? Assez représente à peu près la même quantité quelle que soit la personne, à savoir le nécessaire pour pouvoir mener une vie décente et juste. Une fois convaincus de la notion de l’assez, nous sommes très vite amenés à en envisager une seconde, également importante : la notion de partage. Un verset clé pour ce fait tout simple peut être trouvé notamment dans 2 Corinthiens 8 ,14 : « Afin que leur abondance pourvoie pareillement à votre indigence ». Le terme « assez » n’est certes pas mentionné, mais du fait que l’on ne parle pas de pauvreté/richesse, mais de manque/superflu, il est clair qu’une mesure entre ici en ligne de compte. Cet étalon de mesure est l’ « assez ».

Le partage est quelque chose de fantastique pour deux raisons tout à fait distinctes. Premièrement, le partage est utile à ceux qui ont plus qu’assez. Lorsque nous avons plus que le nécessaire, la Bible nous avertit que notre cœur tend à s’attacher à la prospérité. Or, l’amour de l’argent nous prive de notre liberté. Donc : lorsque nous sommes libérés du surplus, nous sommes davantage aptes à suivre Jésus, pour nous concentrer sur le bonheur et dépendre de Dieu1 . Depuis quelques années, les économistes ont enfin commencé à étudier d’un point de vue empirique et dénué de préjugé si l’argent fait vraiment le bonheur. La conclusion est claire : la croissance économique, l’accumulation d’argent, ne nous rend pas plus heureux.2

Cependant, le partage est bon pour une seconde raison également ; il ne profite pas uniquement à celui qui cède de ses possessions. Il sert bien entendu aussi à ceux qui ont moins qu’assez et, partant, qui relèvent du camp des bénéficiaires. (Aussi et surtout, le partage et la compensation créent un lien entre ces deux groupes). Une phrase anglaise exprime joliment le défi lancé à ceux qui ont plus que le nécessaire : « Living simply so that others may simply live » (« Vis simplement afin que d’autres puissent simplement vivre »).

On ne saurait trop insister sur l’importance que la Bible attache aux pauvres. Elle se retrouve telle un refrain récurrent de la loi donnée à Moïse, en passant par Job, les Psaumes, les Proverbes et les prophètes, jusqu’à Jésus, la première église, Paul et les autres auteurs d’épîtres : Dieu a un cœur pour les pauvres ; nous aussi devons en avoir un. Jim Wallis a découpé tous les passages de la Bible portant sur la pauvreté ; sa Bible s’est retrouvée complètement trouée.

Justice et miséricorde

Nous voulons donc partager pour deux raisons : la première est que le partage profite aussi bien à celui qui donne qu’à celui qui reçoit. La seconde repose à son tour sur deux fondements : la justice et la miséricorde. Lorsque nous partageons par justice, nous le faisons parce que la portion donnée en partage est une dette à proprement parler. Ainsi, le pouvoir au sein des institutions économiques internationales, telles que l’OMC ou le FMI, est injustement réparti à la faveur des pays riches. De ce fait, ces pays peuvent aménager les règles du jeu de façon à ce qu’eux-mêmes en retirent le plus d’avantages. Nous pouvons donc partager avec les pays du Sud afin de réparer cette injustice.

S’agissant du partage par miséricorde, on ne cherche pas à savoir qui est responsable de la pauvreté ; ce peut être le riche, le pauvre lui-même ou encore aucun des deux. Le partage par miséricorde part simplement d’une constatation : mon prochain souffre de carences, donc je partage. Les deux motivations sont importantes, et les deux figurent à de nombreuses reprises dans la Bible. Sous une forme concentrée notamment chez Zachée, lequel dit :

« Voici Seigneur : je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort de quelque chose à quelqu’un, je lui rends le quadruple ». (Luc 19,8)

Il donne de sa fortune parce qu’il a agi injustement, mais aussi parce qu’il a les moyens de partager avec les pauvres.

Mise en pratique : niveaux personnel et politique

Comment pouvons-nous mettre en pratique la notion de l’assez sur les plans personnel et politique ? Au niveau personnel, nous pouvons commencer à mener notre vie dans un cercle fermé de l’assez :3 

Dans un cercle fermé de l’assez, nous avons convenu avec nous-mêmes et avec Dieu de ce qui est suffisant pour nous. Le revenu peut dès lors être réparti en deux pots : le pot de l’assez et le pot du superflu. Lorsqu’on vit dans un cercle ouvert de l’assez, sans que les proportions de l’assez aient été définies, les désirs et les besoins s’adaptent à la hausse du revenu.

CUKUP – Assez pour vivre, assez pour partager

Pour la mise en pratique personnelle du partage, il est également important que nous nous intéressions aux pauvres dans tout ce qui les touche, à travers des rencontres, études bibliques, films, etc. Nous avons abordé quelques-uns de ces aspects dans un groupe dénommé « cukup », que nous avons fondé à Berne (« cukup » signifie « assez » en indonésien). Pendant une année, nous – c’est-à-dire huit personnes – essayons de vivre selon le principe de l’ « assez », en faisant don du superflu. Cela est plus simple à faire à plusieurs. Aussi, nous nous rencontrons une fois par mois pour prendre ensemble le repas du soir et partager nos impressions. Il nous importe d’aborder le thème de la pauvreté et de la prospérité à travers le silence, le chant et les enseignements. Un passage d’Esaïe 58, en particulier, nous dirige dans notre démarche :

C’est partager ton pain avec ceux qui ont faim, et offrir l’hospitalité aux pauvres sans abri, c’est donner des habits à celui qu’on voit nu, ne pas te détourner de ton prochain. Alors, comme l’aurore, jaillira ta lumière (v. 7 s.).

Par le passé, nous avons étudié le Jubilée et les Béatitudes, ainsi que des principes bibliques de gestion financière. La « Fête Cukup » en a été le point fort, avec des repas, un jeu de boules, une brocante et un cours de danse dont les bénéfices ont été reversés au profit d’un projet dans les bidonvilles de Manille.

Mise en pratique à l’échelon politique

La mise en œuvre à l’échelon politique est tout aussi importante. Malheureusement, le Conseil fédéral a cité l’accroissement de la prospérité comme le premier objectif de son programme de législature. A l’opposé, la notion de l’ « assez » place la lutte contre la pauvreté, en particulier la pauvreté absolue, en tout première priorité, et considère un accroissement de la prospérité pour les gens qui ont de toute façon déjà plus qu’assez comme étant plutôt dangereux et non comme étant utile.

Une façon importante ce combattre la pauvreté consiste à attaquer le problème à sa racine en octroyant davantage de pouvoir aux pays du Sud pour la définition de l’ordre économique mondial. Une autre utopie politique qui peut être formulée en lien avec la notion de l’assez est le principe du revenu de base4 . Cette idée, à savoir que chacun doit avoir accès à une part fondamentale des ressources, indépendamment de son mode de vie, peut également être mis en lien avec le fantastique commandement de l’année de jubilée dans Lévitique 25.

 

Traduction : Sarah Martinez

1. Pour l’approfondissement de la réflexion sur la question: Matthieu 6, 24 ; 1 Timothée 6, 6-10 ; Marc 10, 21 ; Hébreux 13, 5

2. Voir Easterlin, R. (éd.) : Happiness in Economics, Cheltenham, 2002

3. Ce concept a été énoncé par Earl Pitts et Craig Hill. Leur ouvrage « Biens, richesses & argent » est disponible auprès de Sam Music (www.sam-music.com).