Archive d’étiquettes pour : switzerland

~ 4 min

Pourquoi nous disons oui à la loi sur les médias – même si ce n’est pas avec enthousiasme.

Un paysage médiatique sain, c’est-à-dire un éventail de maisons d’édition indépendantes et diversifiées, avec des journalistes bien formés, est essentiel pour une démocratie comme la Suisse. En effet, il doit y avoir un débat public sur les thèmes politiques afin que tout le monde puisse être entendu et que des solutions communes puissent être trouvées. C’est la seule façon de trouver ce qu’il y a de mieux pour tous nos prochains. En même temps, ce n’est qu’ainsi que l’on peut découvrir la vérité. Ou comme le magazine en ligne Republik l’a formulé de manière pertinente : « La plus grande performance d’un système médiatique sain est justement ce que beaucoup lui reprochent : la production d’un mainstream. Ce qui signifie : un ensemble de faits, de valeurs et de règles de comportement communs, sur lesquels on peut ensuite se disputer. Si le mainstream se brise, on ne se dispute plus sur différentes interprétations de la réalité, on vit dans différentes réalités ».

Facebook ne remplace pas une salle de rédaction

Celui qui s’informe principalement dans les réseaux sociaux court rapidement le risque de rester coincé dans sa propre réalité (également appelée bulle). En effet, les « nouvelles » consommées quotidiennement et affichées dans le flux de Facebook, Twitter et autres ne sont pas les mêmes contenus que ceux affichés aux voisins et autres compatriotes. Ils sont composés individuellement pour chaque utilisateur par l’algorithme d’un grand groupe. Ce ne sont pas les rédactions locales qui décident de ce qui est pertinent, mais les programmeurs d’une entreprise qui a atteint sa taille grâce aux recettes publicitaires et qui en dépend toujours. Toutefois, on peut aussi tomber dans une bulle en consommant un (toujours le même) autre média.

Le pouvoir des médias doit rester réparti

Si les nombreux médias indépendants continuent d’être repris par les quelques grands acteurs ou rachetés quasiment comme des jouets par des milliardaires, nous rendons également un mauvais service à notre système démocratique. La formation de l’opinion est alors soumise aux intérêts des groupes et de leurs actionnaires, ainsi qu’aux intérêts des propriétaires individuels. Il n’est alors plus possible d’avoir des opinions divergentes ou de critiquer certains pouvoirs et les rapports de force de la société. Ce que cela signifie lorsque les médias, et donc la formation de l’opinion, sont entre les mains d’un petit nombre de personnes devient évident dans de plus en plus de pays : nous avons pris conscience du problème avec des magnats des médias comme Rupert Murdoch, qui a aidé Margaret Thatcher à percer en Grande-Bretagne, puis avec l’empire médiatique (ou le quasi-monopole) de Silvio Berlusconi en Italie, les entreprises de médias en Europe de l’Est et maintenant aussi les groupes de médias toujours plus grands en Europe de l’Ouest. En Amérique latine également, les médias sont en grande partie aux mains de la classe supérieure conservatrice. La formation démocratique de l’opinion est ainsi déformée et des intérêts particuliers obtiennent le pouvoir d’orienter la pensée de la population dans une certaine direction ou de réprimer les opinions critiques et les minorités.

Minimiser la dépendance vis-à-vis des fonds privés

La situation est également problématique pour la démocratie locale : une étude de l’université de Zurich a montré que lors de l’initiative sur la responsabilité des multinationales, les groupes de médias suisses ont publié beaucoup plus d’articles contre que pour l’initiative. Il est évident que les groupes de médias ne voulaient pas se mettre à dos leurs annonceurs solvables, qui auraient été touchés par l’acceptation de l’initiative. On peut ainsi se demander si, à l’avenir, les initiatives qui menacent les intérêts économiques des grands groupes auront une chance. Les subventions publiques peuvent tout à fait servir à minimiser de telles dépendances.

Le meilleur possible à l’heure actuelle

Pendant des années, une solution de subventionnement a été élaborée, d’innombrables groupes d’intérêts ont influencé le travail, les propositions ont été transmises de part et d’autre, jusqu’à ce qu’il en résulte finalement ce qui nous est présenté aujourd’hui comme loi sur les médias et sur lequel nous voterons en février. Désormais, la presse suisse sera soutenue à hauteur de 180 millions de francs par an (au moins pour les sept prochaines années), contre 50 millions auparavant. Les petits médias en ligne recevront 30 millions, les grands recevront une grande partie des 70 millions destinés à la distribution, et Keystone-SDA, l’école de journalisme, le Conseil de la presse, etc. recevront 30 millions supplémentaires. Personne n’est vraiment enthousiasmé par le produit final – c’est le propre des compromis. En fait, ce sont surtout les petits médias indépendants qui devraient être financés. Mais le Parlement suisse est ainsi fait que les lobbies économiques et les grands groupes peuvent exercer une forte influence. C’est probablement aussi parce que le financement des partis n’est pas transparent – une distorsion de la législation à laquelle on s’est attaqué depuis longtemps à l’étranger. Ainsi, la présente loi est la meilleure possible dans nos circonstances non épurées, même s’il est choquant que les grandes entreprises de médias reçoivent encore plus d’argent. Mais si elle est rejetée, aucune meilleure loi ne sera possible dans un avenir proche. Et ainsi, la concentration du pouvoir dans la formation de l’opinion se poursuivra.

Notre préoccupation particulière est que le discours public ne soit pas seulement celui des plus bruyants, mais aussi celui des minorités, des personnes économiquement faibles et d’autres groupes marginalisés. La question se pose donc de savoir si la nouvelle loi sur les médias favorise ou entrave cette préoccupation. Nous pensons qu’elle atteint cet objectif. Plus ou moins.

https://www.republik.ch/2022/01/05/mediengesetz/befragung


Photo by AbsolutVision on Unsplash

~ 5 min

Le 28 février 2016, nous sommes appelés à voter sur l’initiative dite «de mise en œuvre». L’objectif des initiants, c’est de donner du poids à l’initiative «sur le renvoi» acceptée par le peuple le 28 novembre 2010, d’élargir la liste des délits conduisant à un renvoi1 et d’exclure toute dérogation pour les cas de rigueur.

D’un point de vue chrétien, ce projet est inacceptable, tant pour son contenu que pour sa forme.

Ne pas regarder l’apparence

L’initiative de mise en œuvre renforce le présupposé de base déjà présent dans l’initiative sur le renvoi qui veut que les étrangers soient punis plus sévèrement que les Suisses. La Bible, au contraire, souligne que tous les humains doivent être traités équitablement par les tribunaux; il ne faut pas les juger selon des critères externes, tel que leur nationalité. C’est ce que fait le roi Josaphat, quand il réorganise la jurisprudence: «Maintenant, que la crainte de l’Eternel soit sur vous. Veillez sur vos actes, car il n’y a chez l’Eternel, notre Dieu, ni injustice, ni favoritisme, ni acceptation de pots-de-vin» (2 Chroniques 19,7).

Les livres de sagesse confirment cette pensée: «Il n’est pas bien d’être partial dans un jugement.» (Proverbes 24,23). La situation spécifique des étrangers est traitée de manière extrêmement claire dans la loi de Moïse: «Il y aura une seule loi et une seule règle pour vous et pour l’étranger en séjour parmi vous» (Nombres 15,16). Il apparaît donc clairement que le contenu de l’initiative de mise en œuvre, tout comme sa sœur ainée, l’initiative sur le renvoi, est en contradiction avec une des valeurs bibliques fondamentales.

Être soumis aux autorités

C’est aussi formellement que l’initiative présente un problème d’un point de vue chrétien. Les initiants ont lancé leur initiative avant même la fin du processus législatif au parlement, lui reprochant de ne pas respecter la volonté du peuple. Ils auraient eu la possibilité d’attaquer le projet de loi par un référendum afin d’obtenir un nouveau projet. Ils mettent ainsi de côté le Parlement élu par le peuple. En outre, le texte de l’initiative prive les tribunaux de toute marge d’appréciation, en imposant une sévérité inconditionnelle sans aucune exception pour les cas de rigueur. Par là, les initiants dédaignent l’interaction salutaire entre les trois pouvoirs publics (le Conseil fédéral, le parlement et les tribunaux) et tentent d’imposer de manière absolue leur façon de voir à toutes les institutions.

La Bible nous met en garde contre une telle attitude de méfiance et de mépris envers les autorités. Paul écrit par exemple: «Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu» (Romains 13,1). Ce verset doit bien sûr être utilisé avec prudence, car on en a souvent abusé pour justifier l’oppression du peuple. Dans notre système politique actuel, nous pouvons interpréter cette soumission aux autorités comme un respect des institutions, ce qui implique la séparation existante des pouvoirs.

Un tel respect n’exclut pas une attitude critique envers les institutions, surtout quand elles servent à l’oppression des plus faibles, ni de faire pression pour produire des changements. En affaiblissant de manière détournée la séparation des pouvoirs, on ne sait pas quelle oppression l’initiative de mise en œuvre cherche à combattre. Elle crée plutôt de nouvelles injustices pour nos contemporains étrangers.

Vaincre le mal par le bien

Les commentaires des lecteurs des quotidiens en ligne montrent que cette initiative séduit en raison d’un sentiment largement répandu selon lequel «ceux qui sont vraiment coupables» ne sont pas punis et qu’ils tirent profit de notre système pénal pour vivre à nos dépens («tourisme criminel»2 ).

Il est vrai que notre système juridique, comme tout système humain, n’est pas parfait et qu’il y aurait beaucoup de choses à améliorer. Mais l’initiative ne change rien aux injustices existantes, elle en génère au contraire de nouvelles. Ainsi, par exemple, elle met le génocide et l’abus des prestations sociales sur un pied d’égalité et accepte qu’un père de famille qui a grandi ici soit renvoyé. A l’inverse, Paul nous exhorte: «Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien» (Romains 12,21). En tant que chrétiens, nous sommes appelés à discuter ouvertement des injustices de notre système et à apporter des propositions d’amélioration constructives.

Il convient aussi de se rappeler que Jésus s’identifie aux marginaux et aux exclus, par exemple dans la parabole du jugement dernier (les boucs et les brebis): «j’étais étranger et vous m’avez accueilli;… j’étais en prison et vous êtes venus vers moi» (Matthieu 25,35–36). Cette affirmation prend une signification toute nouvelle en relation avec l’initiative de mise en œuvre: Jésus ne nous rencontre pas seulement dans l’étranger, mais aussi dans l’étranger criminel (emprisonné). Pouvons-nous, qui sommes chrétiens, dans ces circonstances vraiment exiger que de telles personnes soient renvoyées, et en plus sans condition?

Aimer la vérité

Ce sentiment très répandu d’injustice repose souvent aussi sur de fausses informations. Ainsi, un sondage non représentatif sur le blog3 de Newsnet.ch montre que les participants surévaluent nettement la criminalité générale (Suisses et étrangers) par rapport à la réalité.4 Cela montre combien la peur est grande et à quel point ce problème est surestimé; la discussion se déroule trop souvent sur des bases éloignées des faits réels. En tant que chrétiens, «enfants de lumière», nous sommes chargés d’aimer la vérité et d’accepter les faits, même s’ils nous dérangent et ne correspondent pas à nos préjugés idéologiques.


1. L’initiative impose le même renvoi pour des délits aussi différents que le génocide, le viol, l’effraction, la possession de drogues et l’abus des prestations sociales.

2. Malheureusement, l’initiative n’offre justement aucun recours pour lutter contre le tourisme criminel. Celui qui n’habite pas ici et entre illégalement en Suisse pour commettre un délit n’a évidemment pas peur d’un renvoi.

3. «So kriminell sind Ausländer wirklich» (en allemand), blog.derbund.ch/datenblog/index.php/11293/so-kriminell-sind-auslaender-wirklich; consulté le 5.2.2016.

4. Proportion de Suisses et d’étrangers dénoncés: estimés par les lecteurs (Ø): 10,9% (Suisses), 16,4% (étrangers); valeur réelle: 0,7% (Suisses), 2,2% (étrangers); consulté le 5.2.2016.

~ 2 min

L’initiative populaire «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires!» des Jeunesses socialistes veut limiter les spéculations boursières avec les matières premières agricoles et les denrées alimentaires. Seuls les acteurs travaillant directement avec les matières premières (producteurs, transformateurs, etc.), doivent pouvoir utiliser des produits financiers afin d’assurer les prix et les délais sur les matières premières et les denrées alimentaires. Dès 2013, ChristNet a promu ce sujet lors de la publication du livre «La Suisse, Dieu et l’argent»1 .

Les crises de la faim entre 2007 et 2008, ainsi que la flambée consécutive des prix des denrées alimentaires on plongé plus de 100 millions de personnes dans la faim. Beaucoup en sont morts. Un pourcentage considérable de la spéculation alimentaire est effectué depuis la Suisse, en particulier à Genève.

Même s’il n’est pas clairement établi à quel point ces mouvements spéculatifs ont contribué au déclenchement des crises alimentaires de ces dernières années, cette initiative populaire nous donne l’occasion de réduire ce pourcentage. Car une chose est claire: les personnes prévalent toujours sur le profit.

Ne nous laissons pas contaminer par la peur qui redoute la perte d’emplois ou de profits en cas d’acceptation de l’initiative.

Les raisons pour dire oui

  • Lutter contre la faim: les fluctuations des prix sur les marchés des matières premières ont des conséquences dramatiques sur les pays en voie de développement. Les personnes qui doivent utiliser entre 50 et 90% de leur salaire pour la nourriture tombent dans la famine. Chez les enfants, la malnutrition n’est pas un problème passager, mais engendre des dommages à vie. Une régulation plus stricte de la spéculation peut briser ces fluctuations excessives des prix.
  • Adéquat: de nombreuses études démontrent que les spéculations ont des effets négatifs sur la stabilité des prix des denrées alimentaires.
  • Comportement moutonnier: les spéculateurs boursiers ont tendance à un comportement moutonnier, ce qui renforce les fluctuations des prix. Dans le cas des denrées alimentaires, cela a, selon les circonstances, des conséquences particulièrement dramatiques dans les pays en voie de développement. C’est pourquoi les régulations pour les denrées alimentaires doivent être plus strictes que pour d’autres biens.
  • En cas de doute, favoriser les personnes: Lorsque les méthodes scientifiques ne peuvent répondre à la question de savoir dans quelle mesure la spéculation sur les denrées alimentaires affecte les prix, les intérêts de toutes les personnes concernées doivent être évalués. Il va alors de soi que les personnes souffrant de la faim prévalent sur les spéculateurs boursiers devant renoncer à des gains en capitaux.
  • Application réaliste: L’initiative est facilement applicable en n’engendre pas de bureaucratie. La différenciation entre la spéculation et le «hedging» (qui garantit les prix) est déjà aujourd’hui appliquée dans différents marchés.

1 Notamment au chap. 1.7 «On ne joue pas avec la nourriture!» (Pain pour le prochain) et chap. 1.6 «Les matières premières, un commerce juteux» (Benjamin Gräub). In: La Suisse, Dieu et l’argent. Dossier Vivre n° 36, Edititons Je Sème, St. Prex, 2013.

~ 2 min

Seulement la peur des réfugiés et la croissance économique ?

Avec les élections nationales du 18 octobre 2015, la question se pose à nouveau : « À quoi devrait ressembler la Suisse de demain ? Deux sujets dominent maintenant la discussion sur les élections : Les réfugiés et la croissance économique.

Les médias rendent compte quotidiennement des flux de réfugiés, et beaucoup d’entre nous rencontrent aujourd’hui des Érythréens et des Syriens dans leur vie quotidienne. Mais la principale préoccupation ne semble pas être le bien-être de ces personnes, mais la manière dont nous pouvons nous défendre contre elles…

Après le « choc du franc », la Suisse s’attendait à une récession, mais il est maintenant peu probable qu’elle se produise. Néanmoins, la peur des pertes fait en sorte que les candidats sont sélectionnés principalement en fonction de leur convivialité économique. Cependant, au cours des quatre dernières années, tout a été subordonné à la promotion économique, c’est-à-dire à la création de richesses. Devrions-nous maintenant sacrifier encore plus à cela ?

C’est tout ce que nous représentons encore aujourd’hui ?

La défense contre les étrangers et l’augmentation de la richesse matérielle sont-elles les seules choses qui nous importent encore ? Si l’on considère la baisse de la participation aux élections cantonales à Zurich, Bâle-Campagne et Lucerne, on pourrait le penser. Le fait que les partis qui n’ont pas mis en avant les questions ci-dessus ont pu mobiliser moins d’électeurs en est le signe.

En tant que chrétiens, d’autres sujets

Nous, les chrétiens, aurions d’autres sujets qui sont importants pour nous, par exemple :

  • Un environnement qui fait que même nos enfants s’émerveillent de la grandeur de Dieu
  • Une mobilité modérée dans laquelle les villes n’étouffent pas et dans laquelle nous pouvons vivre en toute sécurité
  • Une économie et une société qui ne reposent pas sur la lutte de tous contre tous ni sur l’accumulation par le stress, mais qui laissent de la sécurité et du temps pour les relations
  • La protection du dimanche comme un don de Dieu, afin que nous puissions respirer et cultiver des relations
  • Des écoles et des hôpitaux dotés de ressources suffisantes et accessibles à tous sur un pied d’égalité
  • La justice avec nos semblables du Sud, en les protégeant de l’exploitation et de la spéculation alimentaire, même si notre économie en tire moins de profit.

Allons voter, si ces questions sont également importantes pour nous !

Par exemple, ce qui est en jeu :

  • La protection du dimanche
  • La transformation du système énergétique
  • La législation environnementale
  • La loi sur la protection des locataires
  • Les mesures d’accompagnement des accords bilatéraux qui nous protègent des salaires de misère
  • et ainsi de suite.

Ou voulons-nous seulement nous réveiller quand nous n’aurons plus tout cela ? Mobilisons nos amis, choisissons d’y aller !


Apparu pour la première fois sur : Livenet.ch, 28.9.2015

 

~ 4 min

Fin 2014, 60 millions de personnes étaient en train de fuir leur pays, un chiffre record. Les quotas d’accueil exceptionnellement élevés en Suisse et en Europe témoignent du fait qu’énormément de personnes ont fui pour sauver leur vie, menacées par des conflits internes et la guerre civile en Syrie et en Érythrée. Il est aussi clair que, à l’ère du Natel et d’Internet, les informations concernant l’Occident (pour la Syrie), respectivement le Nord (pour l’Érythrée) sont facilement accessibles. En outre, les contacts avec ceux «qui ont réussi» se sont fortement simplifiés.

De grands défis aux origines multiples

Actuellement, des drames terribles se jouent en mer Méditerranée. Chaque année, plusieurs milliers de personnes y perdent leur vie. Qui en est responsable? Les passeurs, avides et sans scrupules, car ils prennent trop de risques? Les «migrants économiques», naïfs, car ils croient les promesses d’une richesse facile? L’UE, car en verrouillant ses frontières, elle force les bateaux de réfugiés à prendre les routes les plus risquées? Nous tous, car nous attendons de notre gouvernement la protection des frontières et la conservation de notre bien-être?

Les médias nous donnent souvent l’impression que c’est essentiellement l’Europe qui est confrontée à un flux énorme de réfugiés. Cependant, l’image qui ressort d’une comparaison au niveau mondial est quelque peu différente:

Top 3 des pays d’accueil1. 
chiffres absolus pour 1000 habitants
1. Turquie 1.59 millions 1. Liban 232
2. Pakistan 1.51 millions 2. Jordanie 87
3. Liban 1.15 millions 3. Nauru 39
Suisse 0.015 millions2. Suisse 2

La Suisse est-elle donc réticente à l’accueil de réfugiés? Pas forcément! Le taux de protection, c’est à dire le nombre d’acceptations de demande d’asile, et les admissions en cours, a augmenté l’année passée de 58 %. Et notre pays a assuré au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés l’accueil d’un contingent relativement élevé de 3000 personnes en quête de protection. Cependant, au regard des 4 millions de réfugiés au Proche Orient3. , certaines ONG demandent un accueil allant jusqu’à 100’000 personnes…

La Confédération et les cantons doivent faire face à de grands défis. Le nombre élevé de demandes implique une hausse du besoin d’hébergement. Alors que l’extrême-droite évoque une énorme crise («chaos de l’asile»; «l’armée aux frontières»), nombreux sont les cantons qui réagissent heureusement de manière pragmatique et innovante. Ainsi, le Tessin a mis en place un partenariat avec les hôteliers, l’Argovie et Berne ont installé des tentes miliaires.

Des réponses bibliques

Que dit la Bible sur ces sujets complexes? Tout d’abord, les thématiques de la persécution, la fuite, l’exil et la patrie sont étonnement présentes dans la Bible. Depuis Genèse 4 jusqu’à l’Apocalypse, les hommes ont été sur les routes. Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Jésus et bien d’autres ont été, durant des périodes plus ou moins longues, des étrangers dans des pays étrangers. Dès lors, ce n’est pas un hasard que l’éthique biblique pose la question de notre attitude face aux étrangers. On trouve des textes à ce propos dans la Loi de Moïse4. .

Quant au Nouveau Testament, il met en avant des valeurs telles que l’hospitalité5. , la miséricorde, la générosité et le renoncement. Il est aussi intéressant de souligner que, dans la Bible, le prochain n’est pas uniquement – ou n’est justement pas – celui qui nous est «le plus proche», notre concitoyen. Dans la parabole qui illustre le plus grand commandement, le prochain qui donne son aide vient du peuple méprisé des Samaritains. Et le texte qui instaure l’amour du prochain dans l’Ancien Testament dit: «Si un étranger vient séjourner dans votre pays, [… vous] le traiterez comme l’un de vous; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers en Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu».6.

Beaucoup de réfugiés sont en danger de mort et ont besoin de protection. D’autres cherchent une vie meilleure et tentent de remplacer leur désespoir par des perspectives d’avenir. Quant à nous qui sommes nés dans un des pays les plus riches du monde, avons-nous le droit de juger ces «réfugiés économiques»? Dieu les aime autant que nous. «Nous les bons, eux les méchants», cette vision n’est pas correcte. Ni sa réciproque, d’ailleurs. Dieu amène les réfugiés à nos portes et nous met au défi comme Lazare l’a fait pour l’homme riche dans la parabole de Jésus7. .

Gardons cela à l’esprit: d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur histoire, ce sont des êtres humains. Nos prochains. Ils méritent de recevoir toute notre compassion.


1. HCR, Tendances Mondiales 2014. unhcr.org/556725e69.html (en anglais).

2. Calcul sur la base de «Statistique en matière d’asile 2014», Secrétariat d’Etat aux migrations. www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home/publiservice/statistik/asylstatistik/jahresstatistiken.html (consulté le 11.8.2015).

3. Secrétariat d’Etat aux migrations, «Crise humanitaire en Syrie». www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home/asyl/syrien.html (consulté le 30.7.2015).

4. Lévitique 17–19 et Deutéronome 23–24.

5. «Ne négligez pas de pratiquer l’hospitalité. Car plusieurs, en l’exerçant, ont accueilli des anges sans le savoir» (Hébreux 13.2).

6. Lévitique 19.33–34.

7. Luc 16,19-25.

~ < 1 min

Prière de 40 jours pour la politique migratoire

En vue des élections nationales du 18 octobre, ChristNet propose de «Prier + Voter» pendant 40 jours, comme il l’a fait il y a quatre ans. Cette fois, ce temps est placé sous le thème de la «migration». Ainsi, nous voulons offrir aux chrétien-ne-s l’opportunité de se préparer personnellement aux élections et de prier afin que le monde politique suisse devienne plus accueillant envers les migrant-e-s.

Souhaites-tu une Suisse empreinte d’amour dans le domaine de la migration? Alors participe, dès aujourd’hui à ce mouvement de prière entre le 9 septembre et le 18 octobre!

 

~ 4 min

A tour de rôle, de nombreux cantons ont aboli l’impôt successoral pour les descendants directs.

Ceci en réaction à la pression malsaine de la concurrence fiscale et afin de courtiser les contribuables les plus riches. Ainsi, alors même que les fortunes privées sont en augmentation, les recettes qu’encaissent les cantons au titre de cet impôt ne cessent de reculer, passant de 1,5 milliards de francs en 1999 à 974 millions en 2010.

Ces 20 dernières années ont été marquées par des coupes fiscales continues.

Impôts sur les revenus, sur la fortune, sur les successions, sur les dividendes, etc. En 2001 déjà, la part du revenu allouée aux impôts et aux taxes par les 20  % les plus pauvres et les 20% les plus riches de la population était presque équivalente, soit 23 %contre 24,5 % environ. Etant donné que de nombreuses baisses cantonales ne sont entrées en vigueur qu’après cette date, on peut partir du principe que la « flat tax », à savoir une imposition où riches et pauvres paient le même taux, est d’ores et déjà une réalité.

Ces baisses fiscales ont provoqué une véritable crise fiscale.

Presque tous les cantons ont en effet restreint les services de base (éducation, santé etc.). Or, s’il existe un véritable capital-vie pour les personnes démunies, il s’agit bien de l’éducation. Les économies dans ce domaine se font donc au détriment de l’égalité des chances.

Le fossé entre riches et pauvres se creuse.

En Suisse comme ailleurs, la transmission de grandes fortunes de génération en génération constitue l’un des facteurs favorisant le plus la concentration des richesses : entre 1980 et 2010, le pourcentage de la fortune nationale aux mains du 0,1 % le plus riche a grimpé de 14 à 21,5 %1. . Dans aucun pays de l’OCDE (hormis les États-Unis), la concentration des fortunes n’est plus marquée qu’en Suisse2 . Pis, les 25 % les moins bien lotis ont subi, entre 2003 et 2010, une baisse de leur revenu réel3 – et ceci malgré la pression croissante au travail et une productivité accrue.

Dès lors, le commandement biblique selon lequel les richesses doivent être distribuées plutôt qu’accumulées, n’est guère respecté dans notre société. Pourtant, lorsque l’argent et le pouvoir sont accaparés par quelques-uns, la démocratie souffre. Car seuls les plus riches peuvent s’offrir le marketing politique dans la durée (partis, campagnes électorales, votations, médias, laboratoires d’idées, etc.). Ainsi, les moins favorisés auront plus de peine à se forger une opinion en toute connaissance de cause, à s’exprimer et à être entendus. L’accumulation quasi-illimitée de richesses crée des dépendances importantes (chasse aux riches, concurrence fiscale entre cantons) et peut mettre en péril l’égalité du droit.

Aujourd’hui, nous avons besoin d’une sorte de Jubilé biblique4 .

Celui-ci est censé rétablir l’égalité des chances et de nous libérer des dépendances néfastes. Lors du Jubilé, tous les cinquante ans, les Israélites rendaient aux propriétaires initiaux la terre vendue en raison de la pauvreté. Cette mesure empêchait l’accumulation des richesses, brisait les dépendances néfastes et redonnait aux pauvres une chance pour la vie. Aujourd’hui, l’éducation est le véritable capital de départ des populations pauvres. Dès lors, il est urgent de donner plus de moyens aux cantons afin qu’ils puissent préserver l’égalité des chances. L’impôt successoral y contribue.

La pauvreté sévit parmi les seniors.

Cette réalité est souvent méconnue, car dans cette même catégorie d’âge se trouvent également les individus les plus fortunés qui tirent donc la moyenne des revenus et de la fortune vers le haut. En effet, l’AVS ne couvre pas les besoins vitaux comme le requiert l’article 112 de la Constitution fédérale ! Pis, en raison du vieillissement démographique, ses prestations risquent d’être diminuées à l’avenir.

D’un autre côté, augmenter les cotisations sociales revient à instaurer une sorte de « flat tax » (impôt sans progression) qui grève lourdement les bas revenus. Or, l’AVS met en œuvre la solidarité biblique, puisque la population active est directement solidaire des retraités. Afin d’assurer sa pérennité, il faut trouver de nouvelles sources de financement, dont l’impôt successoral.

L’impôt successoral est l’impôt le plus juste.

Celui qui hérite d’un bien n’a rien fait pour le mériter, alors que les salaires, fruits d’un dur labeur, sont, eux, imposés. C’est injuste ! Grâce à l’impôt successoral, les fortunes familiales contribuent à nouveau au bien-être de la collectivité et à une distribution plus équitable des richesses.

La franchise élevée de 2 millions de francs sur le corps héréditaire exempte la plupart des héritages.

En effet, seuls 2 à 3 % des héritages seront concernés en Suisse. Pour les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que pour les exploitations agricoles, des réductions particulières sont prévues afin de garantir leur survie.


1. Union syndicale suisse : SGB-Verteilungsbericht 2015 – Eine Analyse der Lohn-, Einkommens- und Vermögensverteilung in der Schweiz. (Résumé en français). Dossier n° 107. 2015. verteilungsbericht.ch.

2. Credit Suisse: Global Wealth Report 2014. Zurich, 2014, Tableau 1, p. 30. publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/?fileID=60931FDE-A2D2-F568-B041B58C5EA591A4.

3. Voir « Répartition de la richesse en Suisse ». Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat du 7 décembre 2010 déposé par Jacqueline Fehr (10.4046). estv.admin.ch (Webcode = d_05662_fr).

4. Voir Lévitiques 25.8–31. Plus à ce sujet : Lukas Amstutz: « Le jubilé dans la Bible et en théologie. » In La Suisse, Dieu et l’argent. Dossier Vivre n° 36. Editions Je sème, St-Prex. 2013. P. 163–181. medias-lafree.ch/documents/suisse-dieu-et-argent.pdf.

~ 5 min

L’État et la fiscalité dans la Bible

Il est difficile de comparer l’État moderne avec les formes étatiques des temps bibliques. Aujourd’hui, le progrès technique et la mobilité permettent une organisation collective dont on n’aurait même pas rêvé à l’époque. La famille et le clan prenaient alors largement le dessus sur l’État.

Mais même à cette époque, des législations et des organisations collectives existaient. Ainsi, l’Ancien Testament reconnaît la nécessité de mener diverses tâches collectivement. Ceci concernait non seulement la vie religieuse, mais aussi le droit, la construction des routes et la sécurité. De même, la redistribution des richesses fait partie des lois de l’Ancien Testament, dès l’Exode et plus encore dans les Prophètes, en passant par les livres des Rois.

Si Jésus, dans le Nouveau Testament, reconnaît l’État comme une réalité fondamentalement nécessaire, il ne donne aucune indication quant à sa forme et son organisation.

Le défi de la pauvreté

Dans le message biblique, la solidarité est un thème récurrent dont la notion du « pauvre » est centrale. Même si certains passages engagent la responsabilité du pauvre pour sa pauvreté, ceux-ci sont rares : d’une part, dans les Proverbes, d’autre part, chez Paul, lorsque celui-ci recommande : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Thess. 3.10). Mais bien plus souvent, la pauvreté est présentée comme un mal de société accompagné de l’injustice sociale, voire de l’oppression.

Dès lors, aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament sont pleins d’exhortations à protéger les pauvres (physiquement, mais aussi juridiquement) et à partager nos richesses avec eux. Ainsi, nous lisons au sujet des pauvres : « Tu lui ouvriras ta main et tu lui prêteras de quoi pourvoir à ses besoins » (Deut. 15.8). Et dans Proverbes 21.13 : « Celui qui ferme son oreille au cri du plus faible criera lui aussi, et il n’aura pas de réponse. » Quant à Jésus, il explique à ses disciples selon quelle jauge ils seront jugés: « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger » (Matt. 25.35).

Les mesures fiscales de l’État

Afin de réduire et combattre la pauvreté, la Bible recommande d’abord l’engagement personnel sous forme d’aumônes. Ensuite, elle connaît également certaines formes de redistribution imposées par la loi :

  • Tous les trois ans, la dîme ne servait pas seulement au paiement des Lévites, mais aussi à diminuer la pauvreté (Deut. 14.28–29).
  • Le glanage après les récoltes était réservé aux pauvres (Lév. 19.10).
  • Tous les sept ans, les champs devaient rester en friche. Le fruit en résultant appartenait aux pauvres (Ex. 23.11).
  • Tous les sept ans, les dettes devaient être effacées, afin qu’il n’y ait pas « de pauvres parmi vous » (Deut. 14.4).
  • Aucun intérêt ne pouvait être exigé aux autres Israélites (Deut. 23.20).
  • Le jubilé : Le livre des Lévitiques ordonne de rendre tous les 50 ans aux propriétaires initiaux la terre vendue en raison de la pauvreté. Cette année « jubilée » permettait de rétablir une répartition équitable des terres (celle-ci remontant à l’occupation du pays de Canaan, lorsque chaque famille avait reçu son lopin de terre). En effet, dans l’agriculture de subsistance qui prévalait à l’époque, perdre son terrain constituait le premier pas décisif vers la paupérisation. Cette réforme foncière périodique permettait aux bénéficiaires de recommencer à zéro et à la société de prévenir l’injustice structurelle (Lév. 25.8–31).

Amour du prochain et solidarité

Dans le Nouveau Testament, le message central est l’amour du prochain qui se traduit concrètement par la solidarité. Des éléments pratiques pour sa mise en œuvre se trouvent dans le sermon sur la montagne, dans la parabole du bon Samaritain et dans la parabole du jugement des nations où Jésus indique selon quels critères ses disciples seront jugés (Matt. 25.31ss.).

Même si Jésus met en avant l’amour actif individuel, il ne dévalorise pas pour autant la solidarité collective. A aucun moment, il ne critique des régulations étatiques en faveur des pauvres et adopte même l’idée du Jubilé lors de son sermon à Nazareth (Luc 4.18). Ainsi, dans le Nouveau Testament, la solidarité garde toute sa signification personnelle et collective.

Des idées pour une fiscalité biblique

Une fiscalité fondée sur les principes bibliques de solidarité et de justice pourrait suivre les orientations suivantes :

Relever les défis collectifs

Pour certains besoins, les meilleures réponses sont collectives – étatiques ou supranationales. Tel est le cas pour l’accès aux prestations de base – santé, sécurité et éducation –, la conservation de la nature et de la subsistance humaine. Il est illusoire de vouloir répondre à ces besoins en s’en remettant uniquement aux forces du marché et à l’engagement privé de l’être égoïste qu’est le homo oeconomicus. Afin de relever ces défis en commun, il est indispensable de percevoir des impôts.

Le taux et la forme de l’impôt

Le message biblique ne donne pas d’indication générale quant au taux de la fiscalité. Celui-ci dépend du contexte et des besoins en présence. En principe, la fiscalité doit être aussi basse que possible et aussi élevée que nécessaire. Dès lors, une imposition progressive semble indiquée. Même si la Bible ne parle que d’impôts linéaires (la dîme), elle donne aussi des indications pour des impôts progressifs. Ainsi, Jésus valorise davantage les deux petites pièces de la veuve que les grands dons des riches qui, eux « ont pris de leur superflu » (Marc 12.42–43).

Réduire le fossé entre riches et pauvres

Ceci est possible grâce à un impôt successoral élevé et à la redistribution des revenus. Lorsque l’égalité des chances est renforcée et un impôt successoral perçu, les autres mécanismes redistributifs ne seront plus que secondaires. Cependant, il faut garder à l’esprit que les différences de revenus étaient bien moindres aux temps bibliques qu’aujourd’hui.

Une nouvelle éthique du travail

On entend souvent dire que des impôts trop élevés saperaient la rentabilité de l’emploi, de l’investissement et de l’innovation. Mais si le travail ne sert plus qu’à gagner beaucoup, on peut se poser une autre question : quelle est notre motivation, notre éthique du travail ? Ne pourrait-on envisager que les personnes fortunées retirent une satisfaction importante de la cession d’une grande partie de leur salaire à la collectivité plutôt que de l’utiliser uniquement à leur propres fins ? Ceci d’autant plus que le lien entre revenu et performance est devenu hautement aléatoire. Certains capitaines de l’économie engrangent des salaires jusqu’à 500 fois supérieur à celui d’une caissière d’un supermarché. C’est démesuré. Nous avons donc besoin d’une nouvelle vision. La question prioritaire ne devrait plus être combien nous devons céder, mais combien nous pouvons garder et combien il nous faut effectivement pour vivre.

Conclusion : une confiance critique

Du point de vue de la justice et de la solidarité bibliques, payer ses impôts avec générosité se justifie de nombreuses manières. Beaucoup de raisons nous incitent également à faire confiance à l’État en tant qu’outil de redistribution des richesses, sans pour autant se voiler la face sur la façon dont sont gérées les finances et les dépenses publiques. A tout moment, l’État est en effet appelé à honorer la confiance que les contribuables placent en lui, en agissant de façon responsable, une approche qui est ancrée dans la Bible : « Un roi affermit le pays par la justice mais celui qui reçoit seulement des présents le ruine » (Prov. 29.4).

~ 5 min

Ces derniers temps, plusieurs initiatives populaires bénéficiaient de 60 à 70 % d’opinions favorables une année avant le scrutin pour ne récolter au final qu’entre 20 et 40 % de oui. Systématiquement, les adversaires ont monté de véritables propagandes à coup de millions afin d’insuffler aux électeurs la peur de manquer.

Jusqu’à aujourd’hui, la population réservait un accueil favorable à l’impôt successoral. Laisserons-nous des arguments fallacieux nous intimider, à mesure que le jour de la votation approche ? Deux livres ont d’ores et déjà été publiés pour dénigrer l’impôt successoral. Lorsqu’il s’agit de nos richesses, nous succombons trop souvent à la panique. Quant à nous, Chrétiens, serons-nous prêts à chercher d’abord « le royaume de Dieu et Sa justice » plutôt que de suivre la logique financière et nous abandonner à nos craintes ?

Voici les arguments les plus fréquemment invoqués contre l’impôt successoral, ainsi que nos réponses.

« Les impôts ne cessent d’augmenter. »

Voici les résultats d’une étude publiée par l’administration fiscale fédérale en 2004 : entre 1990 et 2001, les taxes et les impôts des 20 % des ménages les plus riches ont baissé de 4300 francs par an, tandis que pour les 20 pourcents les plus pauvres, ils ont augmentés de 650 francs… Cela s’explique par le fait que, globalement, les impôts ont baissé, tandis que les cotisations sociales (AVS/AI), les émoluments et autres taxes liés aux prestations ont stagné voire augmenté. Aujourd’hui, nous sommes, de fait, soumis au régime de la « flat tax », à savoir une imposition sans progression.

« L’impôt successoral nous plume tous. »

L’impôt successoral ne touche que 2 à 3 pourcents de toutes les successions en Suisse, en raison de la franchise qui exempte toutes les fortunes nettes (donc après déduction des dettes, hypothèques et emprunts) en deçà de 2 millions de francs. Grâce à cette franchise prévue par l’initiative, environ 97 % de tous les héritages sont exemptés de l’impôt.

« Arrêtons de plumer toujours plus les riches ! »

Le contraire est vrai. Ce sont les classes les moins bien loties qui passent toujours plus à la caisse, alors que, dans le même temps, les revenus élevés n’ont cessé d’augmenter. Après paiement des impôts – même progressifs –, il leur reste toujours plus d’argent. Malgré notre fiscalité progressive, la charge fiscale des riches n’augmente donc plus.

« L’impôt successoral est le fruit de la jalousie et contrevient donc au dixième commandement ! »

La concentration accrue des fortunes crée des problèmes toujours plus grands. C’est pour cela que l’Ancien Testament prévoit, dans le cadre du Jubilé, que tous les 50 ans, la propriété foncière retourne aux sans-terre. L’impôt successoral représente une réponse moderne à la même problématique.

« Ce sont les riches qui paient déjà le plus d’impôts ! »

Cette affirmation en dit plus long sur le clivage croissant entre hauts et bas revenus que sur une imposition prétendument injuste.

« Les riches quittent le pays si nous introduisons l’impôt successoral ! »

Même avec un impôt successoral, les riches ont assez d’avantages pour rester en Suisse. D’ailleurs, les impôts sur les successions sont souvent plus élevés à l’étranger.

« Il n’est pas juste d’imposer les successions, car la richesse est une bénédiction de Dieu ! »

Certes, l’Ancien Testament présente la richesse souvent (pas toujours) comme une bénédiction de Dieu. Cependant, il convient de considérer que Dieu bénit afin que nous puissions être une bénédiction (voir Abraham dans Exode 12.2). N’oublions pas que Dieu a justement introduit le Jubilé (cf. ci-dessus) et que la Bible parle à de nombreuses reprises de la nécessité de redistribuer les richesses.

« Dieu veut que l’argent reste dans la famille ! »

Jésus n’a pas fondé son ministère sur le clan. Au contraire, il a plutôt pris ses distances par rapport aux exigences de sa famille. L’accumulation des grandes fortunes familiales crée les problèmes susmentionnés et justifie, de loin, la redistribution telle que voulue par l’initiative pour l’impôt successoral et pour l’AVS.

« La famille est plus importante que tout ! »

S’il s’agit de soutenir les familles, il faut les rendre viables, ce qui implique un soutien actif aux moins favorisées d’entre elles. Or, pour cela, les cantons ont besoin de ressources. Aujourd’hui, ces derniers ont plutôt tendance à diminuer ce genre d’aides (subsides aux assurances-maladie, etc.) ! L’impôt successoral palliera ce manque d’une manière efficace.

« La succession assure l’avenir économique des enfants ! »

A partir de 2020, en raison du vieillissement démographique, seul un tiers de toutes les successions ira à des descendants âgés de moins de 50 ans. Par ailleurs, l’initiative prévoit de ponctionner uniquement des héritages très élevés. On ne saurait prétendre que les héritiers d’une personne léguant plus de 2 millions de francs ont à craindre pour leur survie…

« Les successions ont déjà été imposées en tant que revenus et fortunes ! »

L’argument de la double imposition n’est pas pertinent. L’argent en circulation est toujours imposé à plusieurs reprises : d’abord en tant que salaire, ensuite lors des achats (TVA), puis en tant que bénéfice du magasin, etc.

De plus, les grandes fortunes ne sont pas juste le fruit de revenus, mais aussi d’héritages antérieurs, de l’augmentation des prix immobiliers, des gains sur les capitaux et sur les spéculations (tous deux exemptés d’impôts).

Une succession est obtenue sans contre-prestation. Dès lors, il paraît entièrement justifié de l’imposer.

Par ailleurs, les impôts sur la fortune sont en général très bas !

« L’impôt successoral menace les PME et les exploitations agricoles, il détruit l’emploi ! »

Le texte de l’initiative est clair : « Lorsque des entreprises ou des exploitations agricoles font partie du legs ou de la donation et qu’elles sont reprises pour au moins dix ans par les héritiers ou les donataires, des réductions particulières s’appliquent pour l’imposition afin de ne pas mettre en danger leur existence et de préserver les emplois. »

En cas d’acceptation de l’initiative, le Parlement, à majorité de droite, prendra bien soin de décharger les entreprises familiales, en octroyant un rabais d’impôt (p.ex. 5 % au lieu de 20 %) et une franchise plus élevée (p.ex. CHF 50 mios). Par ailleurs, les sciences économiques nous apprennent que la redistribution des richesses est un facteur créateur d’emplois. En effet, lorsque les pauvres reçoivent plus d’argent, ils le dépensent tout de suite pour couvrir leurs besoins les plus urgents, tandis que les riches auraient tendance à le mettre de côté…

« L’État n’a pas besoin de toujours plus de recettes ! »

L’État, c’est qui ? C’est nous !

Par ailleurs, les finances publiques ont déjà subi un régime minceur sans concession, si bien que les économies se sont désormais au détriment de services essentiels, à commencer par la santé et l’éducation.

« Chacun est en mesure d’économiser pour ses vieux jours ! »

Malheureusement, ceci ne correspond pas à la réalité. Si quelqu’un gagne 3000 francs par mois, il n’a pas beaucoup de marge pour épargner.

« Les vieux sont plus riches aujourd’hui qu’avant ! »

Ceci est vrai si on regarde les moyennes. Mais celles-ci sont faussées par le nombre accru de seniors super-riches. En effet, certaines familles ont accumulé des fortunes gigantesques. L’impôt successoral permettrait un rééquilibrage bienvenu.

« C’est enlever l’autorité fiscale aux cantons ! »

La concurrence fiscale entre cantons a provoqué une course aux baisses d’impôts, et fait d’importants dégâts. L’impôt successoral représente une opportunité d’avancer ensemble, ce qui profite à tous !

~ 3 min

Genève, 20 avril 2015 – L’impôt successoral dont le peuple suisse votera le 14 juin, est un impôt juste, solidaire et… biblique. Tel est l’avis de ChristNet, laboratoire d’idées chrétien. En effet, déjà l’Ancien Testament demande aux nantis de partager leur propriété foncière avec les défavorisés. Par ailleurs, ChristNet entend identifier l’impôt le plus juste grâce à un sondage qui se veut un accent contre le discours ambiant prônant des coupes fiscales à répétition.

Le 14 juin prochain, le peuple votera sur l’initiative populaire pour l’introduction d’un impôt successoral. Celle-ci représente un appel à la Suisse solidaire avec l’objectif de générer davantage de rentrées pour l’AVS, première œuvre sociale de notre pays, et encourager les cantons dans leurs efforts en faveur de l’éducation et de la santé. Aujourd’hui, ces deux buts sont menacés. Pourtant, une AVS sûre et un accès assurés à l’éducation et à la santé sont essentiels, justement pour les moins favorisés.

La Bible prescrit de favoriser les pauvres

Même la Bible appelle les fortunés à partager leurs richesses avec les pauvres. Ainsi, le livre des Lévitiques instaure le Jubilé (Lév. 25.8–31): tous les cinquante ans, les Israélites rendaient aux propriétaires initiaux la terre vendue en raison de la pauvreté. De cette manière, les pauvres se retrouvaient à pied d’égalité dans la lutte pour la subsistance. Aujourd’hui, le capital de départ des couches défavorisées consiste en l’éducation et la santé. Quant à l’AVS, la Constitution fédérale requiert qu’elle couvre les besoins vitaux des personnes âgées – ce qui n’est pas le cas actuellement.

Comme aux temps bibliques, les fortunés sont appelés à assumer leur responsabilité pour le bien commun. Il est vrai que certaines personnes aisées sont solidaires individuellement et créent des fondations ou des œuvres d’entraide. Malheureusement, notre pays subit la tendance du repli sur la sphère privée. L’État, autrefois le plus grand œuvre de solidarité, est devenu sujet de méfiance et est, ainsi, privé de sa capacité de lutter efficacement contre la pauvreté.

Baisses d’impôts: une tendance dangereuse

Aujourd’hui, la concurrence fiscale et les baisses d’impôts sont devenus les maîtres mots dans la politique financière suisse. Dès lors, celle-ci a cessé d’empêcher les écarts entre riches et pauvres. Ceci ne menace pas uniquement la paix sociale, mais aussi la démocratie. Car là où l’argent est accaparé par quelques-uns, le pouvoir politique aussi se concentre en peu de mains. Et lorsque les médias sont pilotés par le business, la liberté de pensée est mise à mal.

L’impôt successoral rétablit un certain équilibre entre les fortunés qui ont accédé à des fortunes héritées sans contrepartie, et les moins favorisés. Ceci en accord avec le message biblique. C’est pour cette raison que ChristNet recommande vivement de voter OUI le 14 juin.

Sondage: Quel est l’impôt le plus juste?

ChristNet a lancé un sondage pour établir quel est l’impôt le plus juste. Ici, le public est invité à distribuer des notes de 1 à 5 aux différents types d’impôts, tel que l’impôt sur les revenus, sur la fortune, sur la consommation et, justement, sur les successions.

Actuellement, après deux semaines et 31 réponses, l’impôt sur la fortune occupe le premier rang avec 139 points. L’impôt successoral ne suit qu’en 5e position (129 pts) dans un mouchoir de poche avec les quatre précédents. Les impôts les moins appréciés sont, pour l’instant, la TVA (98 pts) et les émoluments pour prestations étatiques (90 pts), toutes deux des formes d’impôt non progressives qui grèvent plus lourdement le budget des pauvres que des riches.

Comme expliqué ci-dessus, ChristNet considère l’impôt successoral comme l’impôt le plus équitable et espère que son «poulain» rattrape le retard pendant la suite du sondage. En attendant, ChristNet, par ce sondage «autrement plus positif», entend mettre un accent contre le discours ambiant qui prône des coupes fiscales à répétition.