Travail : prendre encore le peu aux pauvres – qu’est-ce qui a pris au Conseil national ?

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Dieu veut que tous les hommes aient de quoi vivre. Dans le Deutéronome 15,4, il est même dit « qu’il n’y ait pas un seul pauvre parmi vous ». L’objectif d’une politique économique devrait donc être de rétablir cette situation, du moins pour tous les hommes de bonne volonté. Or, en décembre, le Conseil national a chargé le Conseil fédéral de supprimer les salaires minimums cantonaux là où il existe des conventions collectives de travail nationales. Cela équivaut à une baisse de salaire pour ceux qui ont déjà très peu et met nombre d’entre eux dans le besoin.

Un salaire devrait suffire à faire vivre une famille. On devrait le penser. Mais pour de nombreuses familles en Suisse, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, plus de 150 000 adultes vivaient dans la pauvreté en 2020, malgré un travail rémunéré. Avec la forte inflation en 2022, leur marge de manœuvre s’est entre-temps encore réduite. Près de 100’000 enfants vivaient également dans ces ménages. Selon l’Office fédéral de la statistique1, en 2014 déjà, un enfant sur 20 en Suisse était concerné par la pauvreté monétaire et un enfant sur six était menacé de pauvreté. Cela s’explique notamment par le fait que les femmes élevant seules leurs enfants sont surreprésentées dans cette statistique.

Menace de baisse des salaires

Un nombre particulièrement élevé de personnes déjà touchées par la pauvreté travaillent dans des secteurs où des baisses de salaire menacent en raison de l’annulation des salaires minimums cantonaux mentionnée plus haut. C’est le cas par exemple des 15 000 personnes travaillant dans la restauration, où les salaires minimaux fixés par les CCT sont plus bas que les salaires minimaux cantonaux. Dans le coûteux canton de Genève, ces employés gagnent aujourd’hui 4000 francs par mois, à Neuchâtel 3687, à Bâle-Ville 3728. Avec la nouvelle réglementation, nombre d’entre eux risquent de voir leur salaire baisser jusqu’au salaire minimum CCT de 3582 francs et de tomber ainsi dans la pauvreté. La situation est très similaire chez les coiffeurs et les coiffeuses.

On atteint ainsi l’objectif inverse de celui qui est visé. Ou bien le bien-être des personnes, en particulier de celles qui en ont le plus besoin, n’est-il pas un objectif pour la majorité du Parlement ? De quoi s’agit-il réellement pour ces représentants du peuple ?

Mieux regarder au lieu de penser idéologiquement

La majorité parlementaire a argumenté que les salaires minimums cantonaux étaient une ingérence dans les accords privés des partenaires sociaux. Cette argumentation est surprenante étant donné que toute la législation nationale et cantonale fixe en fait le cadre des accords privés. Qu’est-ce qui est le plus important ? Le bien-être des pauvres ou l’idéologie de la non-intervention ?

Les partisans ont souligné le renforcement du partenariat social grâce à la nouvelle réglementation. Un mauvais esprit, à notre époque où, en raison de la baisse du degré d’organisation, les syndicats sont régulièrement perdants dans ce partenariat.

L’Union des arts et métiers a également déclaré que de nombreuses entreprises ne pourraient pas se permettre de payer des salaires minimums et que de nombreux emplois pourraient ainsi être perdus. La science économique a depuis longtemps réfuté cette façon de penser : En Grande-Bretagne, un salaire minimum légal a été introduit en 1999 et augmenté chaque année. Des études scientifiques2 ont montré que, dans l’ensemble, cela n’a pas détruit d’emplois, mais a plutôt eu tendance à en créer davantage. Cela s’explique par le fait que les personnes peu rémunérées ne peuvent pas thésauriser l’argent supplémentaire, mais le dépensent généralement sur place. Des expériences similaires ont été faites aux États-Unis3 et à Genève, aucun effet négatif sur le marché du travail n’a été constaté.

Réorienter la politique économique

Notre politique économique doit être fondée sur des connaissances scientifiques et non sur des idéologies. Et elle doit garder à l’esprit le nombre total d’emplois. Les salaires minimums permettent d’en créer davantage. Si la politique économique doit profiter à quelqu’un, qu’elle profite d’abord à ceux qui en ont le plus besoin. Si cela n’est pas atteint ou si, comme dans le cas présent, le peu qu’ils ont est retiré aux plus pauvres, cela doit être considéré comme un échec total de la politique.

Il est alors grand temps de revoir les comptes et de réorienter la politique économique : Les objectifs doivent être redéfinis et rendus compréhensibles aux acteurs.

Mais peut-être faut-il aussi se demander dans quelle mesure nous prenons au sérieux l’amour du prochain en tant que société. Dans quelle mesure nous préoccupons-nous encore de la vie des personnes défavorisées dans la société ? C’est peut-être même la question décisive !


1 : https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home.assetdetail.1320142.html

2 : https://www.boeckler.de/de/boeckler-impuls-grossbritannien-loehne-und-jobs-stabilisiert-10342.htm

3 : https://www.letemps.ch/economie/six-enseignements-salaire-minimum

(Image : Ricardo Gatica sur Pixabay)

Cet article a été publié pour la première fois en allemand le 01 mars 2023 dans le Forum Integriertes Christsein.

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