Sénégal : la rupture par la démocratie

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Plus de 9 mois se sont écoulés depuis les élections présidentielles ayant porté au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants sénégalais avec un programme de rupture concernant la corruption, la répartition des richesses, l’emploi de jeunes- jusqu’à maintenant poussés par le désir de partir pour l’Europe à leur risques et périls.

Les élections législatives suivant les élections présidentielles se sont tenues le 17 novembre 2024 afin de donner une majorité aux nouvelles autorités. Une large victoire s’en est dégagée pour le PASTEF1 , le parti au pouvoir qui réitère le même score de 54% des présidentielles.

Fondamentalement, le pays a changé depuis le début de l’année en ce sens qu’il est possible d’affirmer assez clairement que le Sénégal est maintenant une démocratie libérale, que le gouvernement est non corrompu, et que la justice est indépendante appliquant l’Etat de droit.

Une des premières mesures prises par les nouvelles autorités a été de libérer l’accès aux poissons pour les pêcheurs sénégalais faisant face à de gros navires étrangers prenant possession depuis des années de leurs ressources halieutiques, secteur économique important pour l’emploi et l’alimentation du pays.2 Comme autres actions une baisse des prix des denrées alimentaires de base (pain, riz, huile etc.) a été appliquée, la nomination d’une commission pour renégocier les contrats d’exploitation de pétrole et de gaz avec les multinationales pour une meilleure redistribution en faveur de la nation, ou encore des interventions contre l’appropriation à des fins personnelles et la construction abusives de logements collectifs et privés.

Il demeure encore bien du chemin à parcourir dans un pays où l’argent est concentré entre quelques mains

La dernière base militaire française au Sénégal sera fermée comme annoncé par le président fin novembre … comme ça devrait être fait depuis l’indépendance. Sans toutefois rompre les accords de défense liant les 2 pays ni de volonté de rompre les ponts avec Paris à l’inverse des pays voisins que sont le Burkina Faso, le Mali et le Niger.3 Une coopération avec la Russie est encouragée, mais devrait concerner que l’économie et la promotion de la paix et non une collaboration militaire.4 L’idée est celle d’un Sénégal à relations multilatérales assurant ainsi sa souveraineté. A suivre cependant.

Il demeure encore bien du chemin à parcourir dans un pays où l’argent est concentré entre quelques mains : le salaire mensuel moyen étant de 100’000.- FCFA (CHF 150.-) permettant de vivre très modestement. Si nous prenons pour exemple une station touristique, lieu de haute concentration d’argent, où le développement du l’immobilier de haut de gamme est important : les gens y reçoivent pour la plupart ces salaires moyens pour des prix d’hôtels et de restaurants très élevés en proportion, les Sénégalais dans l’ensemble vivant dans des logements rudimentaires dans cette même région, les routes principales – centres compris – étant en mauvais état, celles de traverses laissées à la terre, les soins hors de prix pour la majorité des Sénégalais qui meurent jeunes (75% de la population du pays a moins de 35 ans). Au niveau national, le chômage se monte à 20% ; 30% pour les jeunes5.

Besoin de modération au sein des affrontements politiques

Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, est doux, modéré de ton, avec un premier ministre Ousmane Sonko beaucoup moins diplomate, souvent radical dans sa façon de communiquer.

Ousman Sonko aurait dû naturellement occuper le siège de président de la République s’il n’avait pas été déclaré inéligible sous l’ancien régime, et c’est finalement intéressant d’avoir comme président une personne au relief adoucissant, choisi à l’origine comme candidature de substitution.

On a besoin de cette modération dans un pays où les tensions politiques -voire les violences lors des élections récentes élections législatives- demeurent bien présentes. Un basculement s’est opéré lors des élections présidentielles, avec la perte du pouvoir par toute la classe dirigeante ; s’ajoute la dénonciation par le nouveau leadership de l’ampleur de la corruption passée, de la mal gouvernance tel que celui-ci exprime le découvrir dans la gestion actuelle des affaires.

Comme partout dans le monde et dans d’autres domaines que la politique, il y a également confrontation avec le problème de la vérité concernant les faits. Il y a affirmation du contraire de ce que l’autre partie exprime, laissant entrevoir qu’une des 2 parties recourt à une fausse information.

Le 27 septembre Ousman Sonko fait état d’une corruption généralisée ayant cours dans l’ancien régime, incluant les sommes touchées par le FMI, ce par le moyen de falsification des comptes.6 3 semaines plus tard le précédent président Macky Sall répond que ces propos sont ‘’faux, entièrement faux’’, qu’il a laissé ‘’tous les indicateurs au vert’’.7 Ce dernier, suite aux résultats des élections législatives dans lesquels il s’était engagé, dénonce des fraudes massives et évoque la saisie de la justice à cette fin8 pour ensuite quelques heures plus tard féliciter ses adversaires pour leur victoire.9 Quelles déclarations faut-il retenir ? La difficulté comme aux Etats-Unis et partout dans le monde, comme pour le complotisme, c’est qu’il est difficile pour le simple citoyen de déterminer de lui-même ce qui est vrai ou faux puisque pas relié lui-même directement aux faits ou aux dossiers concernés. On est plongé dans une crise de confiance quant aux informations reçues, faute à la fois de convention sur un corpus d’informations reconnues fiables et de foi en des institutions reconnue comme crédibles.

Un besoin criant de changement

Depuis le début de l’année 2024, des centaines de Sénégalais sont morts en mer ou portés disparus en tentant de gagner l’Europe par les îles Canaries, ‘’préférant mourir en mer plutôt que de mourir socialement au Sénégal’’10 , 600 ont été secourus en seulement 10 jours en novembre. Beaucoup de personnes attendent encore ardemment que le changement puisse s’opérer tout de suite pour améliorer les conditions de vie souvent misérables pour la population.

Encourageons prions pour que l’espérance suscitée par les perspectives concrètes de changement, que regardent les autres pays africains et qui ne peut pas échouer en regard de la situation urgente que vivent tant de personnes, puisse être transcendée en un nouveau modèle africain plus juste et plus équitable.


1. PASTEF Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité.

2 Chiffres du 2ème trimestre 2024

3. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/27/au-senegal-les-nouvelles-autorites-face-au-fleau-de-la-peche-illegale_6235885_3212.html

4. https://www.france24.com/fr/afrique/20241129-le-pr%C3%A9sident-s%C3%A9n%C3%A9galais-assure-que-la-france-va-devoir-fermer-ses-bases-au-s%C3%A9n%C3%A9gal

5. https://fr.africanews.com/2024/08/30/la-russie-et-le-senegal-renforcent-leurs-liens-bilateraux/

6. https://www.france24.com/fr/afrique/20240926-s%C3%A9n%C3%A9gal-ousmane-sonko-promet-enqu%C3%AAtes-corruption-g%C3%A9n%C3%A9ralis%C3%A9e-sous-ancien-r%C3%A9gime

7. https://www.rfi.fr/fr/afrique/20241016-s%C3%A9n%C3%A9gal-j-ai-laiss%C3%A9-un-pays-aux-indicateurs-au-vert-r%C3%A9pond-macky-sall-aux-accusations-du-gouvernement-sonko

8. https://www.infos15.com/legislatives-2024-la-coalition-takku-wallu-senegal-denonce-des-irregularites-et-annonce-un-recours.html

9. https://www.rts.sn/actualite/detail/politique/macky-sall-felicite-pastef-et-appelle-a-lunite-nationale-apres-les-legislatives

10. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/08/05/les-jeunes-preferent-mourir-en-mer-que-mourir-socialement-au-senegal_6268891_3212.html

Foto de Imani Bahati sur Unsplash

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