Jésus en politique ? Les valeurs spirituelles que l’évangile de Jésus-Christ peut introduire dans la politique.
Exposé donné par Roland Hardmeier (Kloten) lors de la ConferenceChristNet du 1er février 2003 à Berne.
Introduction
Autrefois, je pensais que l?Evangile de Jésus n?avait pas d?influence sur la marche du monde. Ayant grandi dans un milieu chrétien conservateur, je voyais Jésus comme un Sauveur personnel mais il ne me serait jamais venu à l?idée de le considérer comme un homme faisant de la politique ! L?idée de changer le monde était pour moi en contradiction avec l?Evangile. A mon sens, la foi n?avait rien à voir avec les affaires du monde et c?était pour moi un moyen de fuir la réalité. Si j?avais reçu, il y a quelques années, une invitation à une conférence sur le thème: ?Jésus en politique ??, j?aurais répondu: ?Ce sujet n?a pas de sens, cela ne m?intéresse pas !?.
Aujourd?hui j?ai changé d?avis. Je suis convaincu que la vie et les enseignements de Jésus apportent une réponse pertinente aux défis éthiques et sociaux de notre temps.
A la suite du 11 septembre 2001, le chancelier allemand Gerhard Schröder a fait la déclaration suivante : ?Nous savons que les attentats de New York et Washington n?ont absolument rien à voir avec la religion??. Au contraire, le théologien catholique Hans Küng affirme: ?Pas besoin d?être religieux pour prendre la religion au sérieux. Une analyse de notre époque qui laisse de côté la dimension religieuse est lacunaire??1 .
En effet, on risque de tomber dans un extrême ou l?autre : une analyse de notre époque qui laisse de côté la dimension religieuse ? comme celle que fait Schröder ? est lacunaire ; mais une foi qui laisse de côté la dimension politique est également incomplète. La foi a une dimension politique de la même manière que la politique a une dimension religieuse.
Jim Wallis, chrétien évangélique américain et militant pour la paix, montre que les vieilles catégories politiques telles que nous les connaissons sont devenues inutilisables. L?analyse qu?il fait de la politique de son pays peut également s?appliquer au nôtre :
?Le mouvement de gauche progressiste est voué à l?échec car il est incapable d?intégrer les valeurs que revendiquent les mouvements cherchant à changer la société en profondeur. Il manque à la gauche la synthèse de la notion de responsabilité personnelle et celle du désir de changer la société.?
?Au contraire, les conservateurs nient l?existence d?injustices structurelles et d?oppression sociale. Lorsque l?on prêche le retour aux valeurs familiales tout en fermant les yeux sur les effets dévastateurs de la pauvreté, du racisme et du sexisme, on ne fait que déplacer la faute sur la victime.?2
Après avoir fait le procès de la Gauche et de la Droite, il continue:
?Les deux grands courants idéologiques sont incapables de résoudre la crise sociale à laquelle nous sommes confrontés à cause de la complexité de cette crise et de ses multiples facettes.?3
Ce dont nous avons besoin, c?est de construire un pont entre la gauche et la droite, un pont qui unirait les avantages de chacun des côtés en gommant leurs défauts.
Nous avons besoin d?introduire des valeurs spirituelles dans la politique, des valeurs qui nous donnent une force morale pour mettre le bien-être commun au centre des préoccupations politiques. Je crois que l?Evangile de Jésus-Christ permet de construire ce pont, dans la mesure où il est bien compris et vécu de manière radicale.
I. La situation sociale et politique au temps de Jésus
Au moment où Jésus a commencé son ministère, le peuple juif se trouvait dans un état de discorde profonde :
Le pouvoir politique du pays était réparti entre trois camps. Premièrement, les Romains, qui détenaient le pouvoir principal et auxquels les Juifs vouaient une haine viscérale. Deuxièmement, la famille royale d?Hérode, à laquelle les Romains laissaient une grande marge de man?uvre ; mais celle-ci en abusait en exploitant le peuple selon son bon plaisir. Troisièmement, les familles des grands prêtres dont le centre névralgique se trouvait dans le Temple.
Au niveau économique, le fossé entre riches et pauvres se creusait. Dans la couche supérieure, on trouvait les familles des grands prêtres et leurs acolytes. La classe moyenne pauvre était composée de la plus grande partie de la population. C?est de cette classe que venait Jésus et probablement la majorité de ses disciples. Finalement, dans la couche la plus défavorisée, on trouvait les mendiants, les lépreux et les vagabonds. Ces derniers ne possédaient même pas le minimum vital.
Face à cette situation d?infortune, les Juifs réagissaient de différentes manières :
· LA REVOLUTION. Les zélotes avaient choisi le chemin de la révolution. Ils haïssaient particulièrement les Romains et les Juifs « collabos ». Ils prônaient la « théologie de la libération » de leur temps.
· LE REFUS PARTIEL DE COOPERER. Les pharisiens et les docteurs de la loi refusaient partiellement de coopérer en développant l?art du compromis. Leur tentative de changer la situation à l?aide d?une pratique religieuse très stricte tombait plutôt dans un excès de bigoterie.
· LE REFUS TOTAL DE COOPERER. Les esséniens, dans un refus total de coopérer, avaient pris le chemin du désert. Ils vivaient dans un ghetto spirituel et refusaient de participer à la vie sociale.
· L?ADAPTATION AU SYSTEME. Les saducéens suivaient le système. Ils étaient issus de l?aristocratie ecclésiale et se révélèrent être des opportunistes. Ils tentaient de conserver leur pouvoir et avaient une vision du monde progressiste mais modérée.
· L?ATTITUDE ALTERNATIVE. Finalement, on trouvait également des Juifs qui s?efforçaient de suivre une voie médiane entre collaboration et refus de coopérer mais sans pour autant compromettre leur foi. Une minorité d?entre eux servaient Dieu et la société auprès des décideurs, mais la majorité menait une vie discrète.
Force est de constater qu?il existe beaucoup de points communs entre la société de l?époque et la nôtre. Comme aujourd?hui, il y avait au temps de Jésus un fossé entre riches et pauvres, puissants et faibles, personnes prêtes à user de la violence et pacifistes. Les nombreux parallèles entre la situation d?alors et d?aujourd?hui permettent de mieux comprendre le présent à la lumière du passé.
II. L?action radicale et révolutionnaire du Christ
Certains pensent que Jésus ne s?est jamais intéressé à la politique. Cependant, ce point de vue ne résiste pas à une analyse plus approfondie. Nous devons tout d?abord comprendre la situation particulière dans laquelle se trouvait Jésus. Il vivait dans une province romaine gouvernée par un régime dictatorial. N?ayant pas la citoyenneté romaine, Jésus n?avait aucun droit civique, ce qui rendait ses possibilités d?action politiques extrêmement limitées.
A première vue, les commandements de Jésus n?étaient pas de nature politique dans le sens où le centre de son message était la venue du Royaume de Dieu. Jésus appelait les gens à sa suite en les exhortant à mettre Dieu à la première place dans leur vie. Or, l?enseignement de Jésus est si radical qu?il possède de manière intrinsèque des implications au niveau politique. Dans la mesure où Jésus ne faisait pas de compromis et cherchait à changer le monde, il est devenu naturellement une figure politique.
?Si l?on affirme que le message messianique de Jésus à la nation juive n?avait pas de contenu politique, cela constitue une méprise dans la mesure où l?on spiritualise complètement l?Evangile et la venue du Royaume de Dieu.?4
Comment Jésus a-t-il réagi face à la situation d?infortune du peuple juif ? J?aimerais répondre à cette question en utilisant une série de mots clés accompagnés d?un verset biblique illustratif.
1. Non-violence (Matthieu 16.21-23[^i] )
Cet épisode reflète bien à quel point Jésus a été tenté d?opter pour la voie zélote. De plus, la personne et le message du Christ attiraient particulièrement les zélotes. Nous voyons, dans l?Evangile, qu?au moins un de ses disciples les plus proches était zélote. Depuis l?épisode de la tentation dans le désert jusqu?à son combat personnel précédent son arrestation, Jésus s?est battu contre l?envie de suivre l?option zélote. Le Fils de Dieu a su distinguer la voix du tentateur jusque dans les mots de Pierre le réprimandant violemment en disant: ?Arrière Satan !? lorsque ce dernier lui proposait de se battre à ses côtés.
Jésus aurait pu facilement mobiliser les Juifs contre les Romains. Les gens l?auraient suivi et les zélotes étaient prêts à se battre. La tentation d?accéder au pouvoir sans être serviteur et sans accepter la souffrance était réelle pour le Fils de Dieu. Mais Jésus avait choisi le chemin de la croix car il savait que c?était le chemin du Père. Il savait aussi que le combat armé contre les autorités romaines aurait conduit à un désastre. Effectivement, en 70 ap. J.-C., l?insurrection contre les Romains s?est soldée par la destruction de Jérusalem par les légions romaines. Ce combat n?apporta pas de grand changement à la situation du peuple juif.
Le réel obstacle à l?édification d?un monde où règne la justice et la paix est à chercher dans la nature même de l?Homme. La mission du Christ accomplie par sa mort sur la croix était de réconcilier les hommes avec Dieu et d?initier un changement profond dans le c?ur de chaque personne. Comment quelqu?un peut-il être porteur de paix lorsqu?il n?est pas en paix avec Dieu et avec ses prochains ?
2. Solidarité (Luc 4.16-19[^ii] )
Dans le « Manifeste de Nazareth », Jésus définit sa tâche. Il se savait appelé auprès des pauvres et des opprimés. Dans le Nouveau Testament, le terme de « pauvre » se réfère à deux groupes de personnes : ceux qui étaient devenus pauvres à cause du système ou suite à une catastrophe ; et ceux qui, démunis, cherchaient leur espérance en Dieu et qu?on appelait les « pauvres en esprit »5 . Dans l?Evangile de Luc, « pauvres » est un terme qui rassemble tous les types de défavorisés6 .
Jésus, dans le « Manifeste de Nazareth », se montra solidaire avec les pauvres et les opprimés. Son but était de les libérer et de les guérir. Jésus s?est toujours intéressé à chaque homme personnellement, mais il a porté une attention toute particulière à ceux qui se trouvaient en marge de la société ? que ce soit des femmes discriminées, des malades abandonnés ou autres marginaux. Jésus allait vers ces personnes, il leur rendait leur dignité, il les aimait.
Face aux marginaux, on avait à l?époque une étiquette pratique: on les appelait les « pécheurs ». Ces pécheurs étaient des prostituées, des collecteurs d?impôts, des malades, etc. Lorsque Jésus rencontrait un « pécheur », il voyait en lui un enfant de Dieu égaré. Jésus s?est attiré les foudres de l?establishment juif alors qu?il annonçait la grâce de Dieu aux « pécheurs » et qu?il annonçait le jugement aux « religieux ». Pourquoi cela ? Parce que les religieux, à cause de leur fierté, étaient devenus plus malades que les pécheurs!
Par son attitude solidaire, Jésus nous interpelle. Il a considéré les hommes de manière globale, le corps et l?âme étant autant important l?un que l?autre. Dans un même ordre d?idée, nous pouvons affirmer qu?il est faux de faire une différence entre un évangile personnel et un évangile social. Il n?y a qu?un seul Evangile, celui de Jésus7 .
Au travers de sa vie hors du commun, Jésus nous a donné un exemple concret de ce que la Bible appelle l?amour du prochain. Vivre cet amour du prochain signifie être solidaire avec les pauvres et les opprimés. Si Jésus vivait encore aujourd?hui, il élargirait certainement la notion d?amour du prochain en s?engageant en faveur des laissés-pour-compte du marché libre qui profite principalement aux riches pays du Nord et à une petite élite du Tiers Monde.
La plus grande partie de la population mondiale n?a jamais rien vu des soit-disant bénéfices de la mondialisation ? au contraire ! Aujourd?hui, nous vivons « global » : nous mangeons des bananes du Honduras, buvons du café du Brésil et portons des habits produits en Chine. Ainsi, malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, les personnes qui fabriquent ces produits de consommation sont nos prochains. Nous sommes reliés à eux par le biais du commerce mondial et sommes donc appelés à nous engager en leur faveur par amour du prochain. Celui qui veut suivre Christ de nos jours doit vivre un amour du prochain global !
3. Prophétie (Matthieu 21.12-13[^iii] )
L?épisode de l?expulsion des marchands du Temple nous montre que la violence était également une attitude possible. Le théologien mennonite John H. Yoder écrit à ce sujet dans son livre pionnier Die Politik Jesu :
« A présent, Jésus contrôle la suite des événements. Il n?aurait qu?à faire un pas de plus pour affermir ce pouvoir et se laisser porter par l?admiration des foules? Un coup d?Etat potentiel menaçait, il ne restait plus qu?à attaquer le fort romain voisin. Cependant, dans le nouvel ordre de Jésus, bien que l?ancienne nature de l?homme est honnie et doit être remplacée, il ne convient pas de le faire par les armes8 . »
Jésus suivait la ligne des prophètes de l?Ancien Testament en s?élevant contre les injustices. L?épisode de l?expulsion des marchands du Temple en est un bon exemple. La réaction du Christ constituait un acte de désobéissance civile, qui n?était pas seulement un acte religieux mais également un acte économique et politique :
C?était un acte religieux car Jésus voulait démontrer que les choses relatives à Dieu devaient rester sacrées. Le Christ était bouleversé par le fait que le Temple perde sa fonction de lieu de prière. Mais cet acte était aussi économique puisque le Temple n?était pas seulement le centre religieux mais aussi le centre économique du pays9 .
Finalement, l?expulsion des marchands du Temple était aussi un acte politique. Par son attaque contre le matérialisme débridé qui était devenu monnaie courante dans le Temple, le Christ s?en prenait au nerf sensible de l?aristocratie religieuse. Jésus les attaquait de front en dénonçant l?injustice de laquelle ils étaient responsables.
« L?acte prophétique de l?Eglise » développé dans la missiologie oecuménique10 et récemment dans la missiologie évangélique11 est dérivé des actions des prophètes de l?Ancien Testament comme de l?épisode de l?expulsion des marchands du Temple. Cet acte stipule que la tâche de l?Eglise n?est pas seulement d?annoncer l?Evangile mais aussi de mettre en lumière les situations d?injustice. Cependant, l?acte prophétique ne constitue pas une idée nouvelle car Martin Luther, par exemple, a lui aussi clairement dit que son devoir de prédicateur était de critiquer les injustices commises par les puissants12 .
Jésus s?est également comporté de manière solidaire et a eu des gestes et des paroles prophétiques. La solidarité et la prophétie sont en fait les deux faces d?une même pièce. Dans la mesure où les puissants sont co-responsables de la misère des pauvres, la solidarité de Jésus avec les exploités prend la forme, entre autres, d?une accusation prophétique. Jésus ne s?est pas seulement limité aux actions sociales au sein de l?Eglise mais s?est aussi battu contre les causes structurelles de la misère. N?est-ce pas finalement une manière d?agir résolument politique ?
4. Critique du pouvoir (Matthieu 20.25[^iv] )
Ce verset résume bien l?analyse politico-économique de Jésus13 . Rome et ses alliés abusaient de leur pouvoir. La Pax Romana était fondée sur l?oppression et l?exploitation. Face à cela, Jésus est dans le rôle d?un prophète. Dans l?Ancien Testament, c?est sous le règne de Salomon que l?activité des prophètes est maximale. Ces derniers mettaient en lumière la face cachée de l?opulence étatique du roi. La croissance économique et la prospérité avaient changé en profondeur la société juive et à la mort de Salomon la division du royaume provoqua une rupture éthico-sociale. Les propriétaires de capitaux s?assurèrent le pouvoir économique ce qui eut pour conséquence de créer un fossé entre riches et pauvres. Poussés par l?Esprit de Dieu, les prophètes de l?Ancien Testament condamnèrent cette situation et critiquèrent le pouvoir en se mettant, au nom de Dieu, du côté des pauvres et opprimés.
On retrouve chez Jésus la même critique du pouvoir, ce que souligne Jürgen Moltman: « Jésus était folie pour les sages, source de colère pour les religieux et trouble-fête pour les puissants14 . » Le Christ a critiqué le pouvoir mais ne s?est jamais positionné contre les autorités. On observe cela dans ses célèbres paroles : « Payez à l?empereur ce qui lui appartient et payez à Dieu ce qui lui appartient » (Marc 12.17, français courant). Par ces mots, Jésus reconnaît le droit à l?empire romain de percevoir des impôts. Même si un Etat ? comme l?Etat romain à l?époque ? a des aspects totalitaires, l?autorité publique reste indispensable. L?Etat ne doit cependant pas se montrer absolu. A travers l?affirmation « payez à Dieu ce qui lui appartient », Jésus refuse aussi le culte de l?empereur.
Tant les prophètes que Jésus ont développé au travers de l?amour de Dieu, une réflexion critique du pouvoir de leur nation. Nous pouvons en tirer la conclusion suivante pour aujourd?hui : il nous faut analyser la situation de statu quo contemporaine afin de prendre une distance critique par rapport à notre contexte personnel. C?est de cette manière que nous serons dans la meilleure disposition possible pour servir notre nation.
5. Service (Matthieu 20.26-28[^v] )
Dans ces paroles, Jésus présente une alternative au pouvoir : le service. Comme nous l?avons déjà souligné précédemment, Jésus avait très peu de possibilités d?agir au niveau politique. L?unique « chemin politique » existant était la création d?une société alternative. C?est pourquoi Jésus n?a pas seulement appelé à sa suite des personnes individuellement en leur annonçant la venue du Royaume de Dieu, mais a aussi commencé à rassembler le peuple à qui ce royaume est destiné15 . C?est lorsque des personnes commencent à se laisser transformer par Dieu individuellement et vivent cette transformation ensemble, en communauté, que le monde commence vraiment à changer.
Il est intéressant de constater comment Jésus a réagi à la situation d?infortune de son peuple : Il lui a donné un nouvel état d?esprit sur le plan spirituel et social. Pour cela, Jésus n?a choisi ni le chemin de la révolution ni celui du refus de coopérer. Il ne s?est pas non plus adapté au système en place et n?a proposé aucun programme politique. Comme le rappelle Ulrich Duchrow, la stratégie de Jésus consistait à construire une société alternative contrastant avec le système en place. Jésus a commencé par transformer les relations entre les hommes en leur donnant une relation à Dieu renouvelée ; il les a appelés à changer radicalement de comportement en suivant son exemple. Et c?est cela qui change le monde !
Si l?on prend le message du Christ au sens strict, il ne s?agit pas d?un programme politique. Cependant les effets d?un tel message devraient se faire ressentir au niveau politique également.
La vie de Jésus représente le meilleur exemple de cette voie alternative visant à changer le monde. Depuis le début, le Christ a affirmé à ses disciples qu?il était venu pour donner sa vie en rançon afin d?en sauver beaucoup (v. 28) et son amour radical a été poussé jusqu?à l?extrême par sa mort sur la croix. Lui, le Fils de Dieu, sans péchés, est mort d?une mort ignoble, cloué au poteau des criminels, considéré comme un insurgé juif. Le Christ ne s?opposait pas à l?injustice avec violence. Au contraire, il était capable de la faire taire et de la dépasser avec son amour, son service et son pardon. La vie de Jésus marque le début d?un nouvel art de vivre. Au travers de son existence, le Christ a montré comment transformer la haine en amour, le pouvoir en service et la ranc?ur en pardon.
III. Conclusion : principes pour l?Eglise, la société et la politique aujourd?hui
Dans cette dernière partie, j?aimerais souligner quelques principes basés sur les idées développées jusqu?ici, qui sont applicables à l?église, la société et la politique. En me basant sur les actes du Christ, j?aimerais tenter de définir quel est notre devoir dans la situation actuelle.
1. Annoncer la Bonne Nouvelle
Tout d?abord, notre tâche principale est l?annonce de la Bonne Nouvelle et de la grâce que Dieu nous a faite en Jésus-Christ.
Cela peut être résumé de la manière suivante :
- L?homme est crée à l?image de Dieu et, de ce fait, il possède une dignité innée et a droit à la justice et à la liberté.
- Cependant, l?homme est une créature déchue, coupable envers Dieu et qui a besoin de se réconcilier avec lui par l?action de Jésus-Christ notre Sauveur.
- Jésus est mort afin que nos péchés soient pardonnés. Nous sommes appelés à sa suite à travers la conversion et la foi en lui.
- Les chrétiens doivent élever leurs voix au sein de la société. Nous ne devons pas nous taire face aux questions comme l?avortement, l?homosexualité et devons dénoncer le matérialisme débridé, la libéralisation effrontée du marché et l?absence d?un commerce mondial équitable.
- Dieu aime ce monde et Il lui a prévu un avenir, dans le sens où il renouvellera tout l?Univers.
Un évangile qui tait une de ces vérités est un évangile incomplet.
2. Incarner la guérison
En tant qu?Eglise, notre deuxième devoir, qui doit forcément suivre le premier, est d?incarner la guérison que nous annonçons.
Lorsque la vie d?église ne représente pas une alternative à la situation actuelle de statu quo, alors elle ne mérite pas d?être prise au sérieux. L?Eglise a un rôle important à jouer et représente plus qu?un groupement d?individus suivant le Christ. L?Evangile se manifeste vraiment au travers d?une vie véritable en communauté, le but de cette dernière étant de changer le monde. L?appel de l?Eglise devrait être de devenir une preuve visible de la guérison divine. Le plus important est de développer l?amour du prochain. Dans ce sens, l?Eglise devrait montrer l?exemple en une manière de vivre alternative. La vie de ses membres devrait témoigner qu?il est possible de vivre dans l?amour, la solidarité et la justice et ce dans la vie de tous les jours. Jésus demande à ceux qui le suivent de vivre sans compromis. Dans un monde rempli de relations brisées, l?amour des chrétiens entre eux représente un témoignage évident aux yeux de tous..
3. Laisser Jésus régner sut tous les domaines de la vie
Finalement, nous devons annoncer l?Evangile de par le monde dans le but de laisser Jésus régner sur tous les domaines de notre vie.
En se retournant sur les ?uvres accomplies au cours de sa vie, Francis Schaeffer décrit ce qui lui permis de persévérer durant toutes ces années :
« Quand Jésus est vraiment reconnu comme Seigneur, alors il doit être Seigneur dans tous les domaines de notre vie : autant dans nos réflexions d?ordre spirituel (?) que dans tous les recoins de l?existence, y compris dans les questions intellectuelles, culturelles, législatives et dans l?autorité de l?Etat16 . »
Christ doit régner dans tous les domaines de notre vie : quelles en sont les implications?
· Dans le domaine religieux : lançons un appel à la conversion. Dieu demande à tous les hommes d?avoir une relation sereine avec lui, de laquelle dépend notre foi en Jésus-Christ et la reconnaissance de sa Seigneurie. Nombreux sont ceux qui rechignent à entendre cela ! Cependant, nous ne devons pas nous taire ! Il ne s?agit pas de mettre l?accent uniquement sur le message mais aussi et surtout sur la personne du Christ ressuscité. A quoi nous sert le sermon sur la montagne sans la personne qui l?incarne ?
· Dans le domaine social : continuons le combat contre les injustices structurelles. Le mal ne se trouve pas seulement dans les comportements individuels, mais aussi dans certaines institutions et certaines lois. Ces dernières doivent êtres combattues et/ou améliorées. Grâce à la démocratie, nous avons des moyens de pression qui étaient inexistants par le passé.
· Dans le domaine économique : cherchons à faire cesser l?exploitation. Le but doit être de développer un ordre économique juste dans lequel l?idée d?accumulation de biens est dénoncée comme inhumaine.
· Dans le domaine culturel : utilisons avec enthousiasme la créativité que le Créateur a mis en l?homme tout en restant dans les limites de ses préceptes moraux.
· Dans le domaine écologique : engageons-nous activement dans la préservation de la Création puisque celle-ci révèle le Seigneur.
L?amour radical de Jésus répond aux défis éthico-sociaux de notre époque. A travers sa vie et sa mort à la croix, le Christ nous a montré un chemin de pensée et d?action. L?amour de Dieu s?est révélé complètement dans la vie et la mort de Jésus et c?est là qu?il faut y chercher le sens et le but de nos actions. En se calquant sur Jésus, nous pourrons construire ce pont dont nous avons tellement besoin. La politique sera alors vécue à travers des valeurs spirituelles qui nous donneront la force morale de mettre le bien-être commun au centre de nos préoccupations politiques. Il faudra beaucoup de temps et d?efforts pour mettre en pratique l?Evangile et ses implications dans notre société contemporaine. Pourtant, même si le chemin est long, il en vaut la peine !
Bibliographie
Beyerhaus, Peter. 1996. Er sandte sein Wort: Theologie der christlichen Mission. Volume 1. ?Die Bibel in der Mission?. Wuppertal/Bad Liebenzell: Brockhaus/Verlag der Liebenzeller Mission.
Costas, Orlando E. 1989. Liberating News. A Theology of Contextual Evangelization. Grand Rapids: Eerdmans.
Cullmann, Oscar. 1961. Der Staat im Neuen Testament. Tübingen: Mohr (2ème éd. modif. Indications incomplètes).
Durchrow, Ulrich. 1997. Alternativen zur kapitalistischen Weltwirtschaft. Biblische Erinnerung und politische Ansätze zur Überwindung einer lebensbedrohenden Ökonomie. 2ème éd. révisée et augmentée. 1994. Gütersloh/Mainz: Gütersloher Verlagshaus/Matthias Gründewald-Verlag.
Houston, Tom. 1990. ?Gute Nachricht für die Armen?, in : Evangelisation mit Leidenschaft. Berichte und Impulse vom II. Lausanner Kongress für Weltevangelisation in Manila. Editeur : Horst Marquardt, Ulrich Parzany. Neukirchen-Vluyn: Aussaat. pp. 107-117.
Jeremias, Joachim. 1924. Jerusalem zur Zeit Jesu. Kulturgeschichtliche Untersuchung zur neutestamentlichen Zeitgeschichte. Leipzig: Pfeiffer.
Kirk, J. Andrew. 2000. What is Mission? Theological Explorations. Minneapolis: Fortress Press. (Edition originale Londres : Darton, Longman and Todd, 1999)
Kuzmic, Peter. 1986a. ?The Church and the Kingdom of God?, in : The Church. God?s Agent for Change. Editeur : Bruce J. Nicholls. Exeter: Paternoster. pp. 49-81.
Küng, Hans. 2000. Weltethos für Weltpolitik und Weltwirtschaft. München und Zürich: Piper. (Edition originale 1997)
Moltmann, Jürgen. 2002. Der gekreuzigte Gott. Das Kreuz Christi als Grund und Kritik christlicher Theologie. Gütersloh: Kaiser/Gütersloher Verlagshaus (Edition originale 1972)
Schaeffer, Francis. 1988. Die grosse Anpassung. Der Zeitgeist und die Evangelikalen. Bielefeld: Christliche Literatur-Verbreitung.
Sider, Ronald J. 1995. Denn sie tun nicht, was sie wissen. Die schwierige Kunst kein halber Christ zu sein. Moers: Brendow.
Sider, Ronald J. 1997c. Rich Christians in an Age of Hunger. Moving from Affluence to Generosity. 4ème éd. révisée. Dallas: Word.
Steuernagel, Valdir. 1990. ?Die brennenden Fragen der Welt?, in : Evangelisation mit Leidenschaft. Berichte und Impulse vom II. Lausanner Kongress für Weltevangelisation in Manila, hrsg. von Horst Marquardt und Ulrich Parzany. Neukirchen-Vluyn: Aussat. pp. 149-151.
Wallis, Jim. 1995. Die Seele der Politik. Eine Vision zur spirituellen Erneuerung der Gesellschaft. München: Claudius.
Yoder, John Howard. 1981. Die Politik Jesu – der Weg des Kreuzes. Maxdorf: Agape.
[^i]: « Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu?il fallait qu?il allât à Jérusalem, qu?il souffrît beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu?il fût mis à mort, et qu?il ressuscitât le troisième jour. Pierre, l?ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit: A Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t?arrivera pas. Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre: Arrière de moi, Satan! tu m?es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. »
[^ii]: « Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Esaïe. L?ayant déroulé, il trouva l?endroit où il était écrit: L?Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu?il m?a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m?a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, (4-19) Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur. »
[^iii]: « Jésus entra dans le temple de Dieu. Il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons. Et il leur dit: Il est écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. »
[^iv]: « Jésus les appela, et dit: Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les asservissent. »
[^v]: Il n?en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu?il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu?il soit votre esclave. C?est ainsi que le Fils de l?homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme la rançon de plusieurs.
1. Küng, Weltethos für Weltpolitik und Weltwirtschaft, 167.
2. Wallis, Die Seele der Politik, 22.
3. Wallis, Die Seele der Politik, 22.
4. Sidler, Denn sie tun nicht, was sie wissen, 166.
5. Sider, Rich Christians in an Age of Hunger, 41 ; Kirk, What is mission ?, 48 ; Wenk, Community-forming Power, 211-217.
6. Houston in ?Evangelisation mit Leidenschaft?, 109-112.
7. Kuzmic in ?Evangelisation mit Leidenschaft?, 109-112.
8. Yoder, Die Politik Jesu ? der Weg des Kreuzes.
9. Jeremias, Jerusalem zur Zeit Jesu, 16, 59
10. Beyerhaus, Er sandte sein Wort, Vol. 1, 225-234.
11. Costas, Liberating News, 63 ; Steuernagel in Evangelisation mit Leidenschaft, 150-152.
12. Duchrow, Alternativ zur kapitalistischen Weltwirtschaft, 206.
13. Duchrow, Alternativ zur kapitalistischen Weltwirtschaft, 177.
14. Moltman, Der gekreuzigte Gott, 29.
15. Kittel, Der Name II, 186-187.
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !