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Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire des Conventions de Genève, qui constituent le fondement du droit international humanitaire. La Suisse, fière de son rôle de gardienne de ces conventions, a une responsabilité particulière dans la protection et la promotion du droit international humanitaire.

Mais comment concilier cette responsabilité avec le refus de la Suisse d’adhérer au traité d’interdiction des armes nucléaires (wikipédia) ? Un traité qui identifie clairement les conséquences inhumaines des armes nucléaires et interdit leur utilisation ainsi que la menace de leur utilisation.

Les armes nucléaires vont à l’encontre des principes fondamentaux du droit international humanitaire : elles tuent sans discernement, violent le principe de proportionnalité, causent des souffrances indicibles et privent les êtres humains de leur droit le plus fondamental à la vie et à la sécurité. Aucun pays au monde ne serait à l’abri des conséquences humanitaires catastrophiques de l’utilisation d’armes nucléaires.

Même d’un point de vue chrétien, l’utilisation d’armes nucléaires est difficile à justifier. Cette forme de destruction massive est en contradiction avec les principes chrétiens fondamentaux tels que l’amour du prochain, la dignité humaine, la justice, la promotion de la paix et la non-violence. C’est pourquoi de nombreuses églises et associations chrétiennes internationales soutiennent le traité d’interdiction des armes nucléaires, dont le Conseil œcuménique des églises et l’église catholique. Le pape François a clairement pris position à ce sujet et parle d’une « fausse logique de la peur » qui sous-tend la possession de telles armes. Pour lui, non seulement l’utilisation d’armes nucléaires est un « crime », mais leur possession est déjà « immorale » 1 . L’Alliance évangélique mondiale est également favorable à la non-prolifération des armes nucléaires, mais il n’y a pas d’accord sur une interdiction totale.

Les arguments des partisans des armes nucléaires se basent principalement sur la théorie de la dissuasion : la possession d’armes nucléaires doit dissuader les agresseurs potentiels de lancer une attaque. Un exemple cité est celui de l’Ukraine qui, selon certains analystes, n’aurait probablement pas subi d’attaque russe si elle n’avait pas remis son arsenal nucléaire en 1994. Cette stratégie militaire est connue sous le nom de Mutual Assured Destruction (MAD) et c’est également l’une des raisons pour lesquelles il n’y a pas eu de confrontation directe entre les superpuissances que sont les Etats-Unis et l’URSS pendant la guerre froide. Dans ce scénario, les armes nucléaires n’auraient jamais dû être utilisées, car personne n’oserait attaquer un État nucléaire.

Mais l’idée que la paix mondiale puisse être assurée uniquement par la dissuasion – c’est-à-dire par la peur d’une destruction mutuelle – est à mon avis douteuse et instable. Cette stratégie est extrêmement risquée, car elle ne laisse aucune place à l’erreur, dont les conséquences seraient catastrophiques. Je souhaite donc une paix basée sur une autre vision : sur le droit international et sur le respect mutuel entre tous les peuples et les membres de la famille humaine – ou, dans une perspective chrétienne, sur l’amour du prochain.

Mais l’idée que la paix mondiale puisse être assurée uniquement par la dissuasion – c’est-à-dire par la peur d’une destruction mutuelle – est à mon avis douteuse et instable.

Si la Suisse n’a pas adhéré au traité d’interdiction des armes nucléaires, bien qu’elle ait participé activement aux négociations préparatoires, ce n’est sans doute pas tant parce qu’elle accorde beaucoup d’importance à la théorie de la dissuasion. Elle considère plutôt que l’utilité du traité pour le désarmement nucléaire est incertaine. Une adhésion n’apporterait aucun avantage concret et présenterait des inconvénients en matière de politique étrangère et de sécurité (voir le rapport du Conseil fédéral). Cette décision est un pur calcul de realpolitik : on ne veut pas fâcher inutilement ses alliés.

S’il est en principe judicieux de ne pas contrarier les alliés, cela ne devrait pas être le cas lorsqu’il s’agit de questions aussi fondamentales que le désarmement nucléaire. Peu importe que nos exigences soient acceptées ou non, nous devrions à mon avis faire partie des efforts mondiaux visant à interdire les armes nucléaires. C’est précisément parce que la Suisse a une forte tradition humanitaire qu’elle devrait montrer l’exemple dans ce domaine.

La décision de ne pas adhérer au traité d’interdiction des armes nucléaires constitue une rupture avec la tradition humanitaire de la Suisse et porte atteinte à notre crédibilité en tant qu’acteur humanitaire. Cette tradition est fortement imprégnée de la pensée chrétienne. Henri Dunant, fondateur du Comité international de la Croix-Rouge (1863) et premier secrétaire de la section genevoise de l’Alliance évangélique, en est un exemple éminent. Dunant, un chrétien profondément croyant, a été bouleversé par la souffrance des blessés après la bataille de Solférino (1859). Ses convictions religieuses l’ont motivé à s’engager dans l’aide humanitaire et à fonder une organisation qui agirait de manière neutre et indépendante dans les conflits afin de porter secours à tous les blessés. Cette tradition marque encore aujourd’hui l’engagement humanitaire de la Suisse et devrait continuer à nous inspirer – et en particulier les chrétiens. Une adhésion au traité serait une reconnaissance claire de notre responsabilité humanitaire et une poursuite de notre engagement de longue date en faveur du désarmement nucléaire.

Avec l’Alliance pour l’interdiction des armes nucléaires, je demande à la Suisse d’assumer sa responsabilité humanitaire. Car qui, si ce n’est la Suisse, devrait se porter garant du respect du droit international humanitaire ?

1.  : https://www.swissinfo.ch/ger/papst-nennt-atomwaffen-anschlag-auf-menschheit/45388980

Photo: Flickr Commons, Public Domain (Link)

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Les trois quarts des chrétiens évangéliques ont voté pour Donald Trump lors des deux dernières élections présidentielles. Une réflexion sur les raisons pour lesquelles de nombreux évangéliques américains soutiennent l’actuel candidat républicain à la présidence, bien qu’il se comporte à l’encontre de leurs valeurs morales.

Je ne me souviens pas de la dernière fois qu’un (ex-)président ou un candidat à la présidence des États-Unis a dit aussi rarement la vérité, a répandu autant de haine au lieu de l’amour et s’est ainsi tourné aussi clairement contre les valeurs fondamentales du christianisme. Qu’est-ce qui a pris à la chrétienté évangélique (blanche) américaine ?

La peur de la ruine ?

Donald Trump se présente comme une personnalité forte, un leader qui se bat pour que les États-Unis restent une nation chrétienne. Les Américains évangéliques blancs comptent sur le leader républicain pour défendre les Etats-Unis en tant que nation chrétienne. Selon une étude 1 , quatre personnes interrogées sur cinq estiment que les États-Unis devraient être une nation chrétienne, ce qui, selon des chercheurs comme Anthea Butler, est aussi une façon de s’appuyer sur une identité protestante blanche patriotique 2 . En ce sens, ils se sentent menacés par l’arrivée massive et illégale de migrants d’Amérique latine, qui pourrait modifier la domination protestante. 3 Ils craignent que la culture chrétienne soit mise en danger par la libéralisation des mœurs et la liberté d’afficher son orientation sexuelle (voir la culture LGBTQ). Et surtout par une population qui fréquente de moins en moins les églises et qui affiche son sécularisme.

De nombreux évangéliques se rendent compte qu’ils sont de plus en plus minoritaires et se sentent menacés par une culture en mutation dans leur environnement. Ce sentiment est renforcé par des « bulles » sur les réseaux sociaux, qui ont tendance à se radicaliser jusqu’à la paranoïa : Les théories du complot les plus absurdes sont avalées par une partie anxieuse de la population, sans se soucier de leur véracité. Car ces théories confirment leurs craintes, les nomment et donnent également un nom aux responsables. Cela leur donne de l’espoir, car il y a la perspective qu’avec l’élimination des « méchants », le problème disparaîtra également. Q-Anon est l’expression la plus parlante de cette pananoïa, qui voit le grand mal dans le gouvernement qui fait croître toutes ces menaces. Ces peurs renforcent la tendance à se jeter dans les bras d’un « sauveur ». Et Donald Trump se présente comme celui qui lutte contre ce système. C’est aussi la raison pour laquelle il a pu affirmer sans aucune preuve que l’élection avait été volée et inciter le Parti républicain à se purger de ses opposants.

Ce phénomène de radicalisation de la peur dans une culture en mutation rapide (et pas seulement chez les chrétiens), associé au rêve de l’homme fort à la tête du gouvernement « qui rétablira l’ordre », avait déjà été prédit en 1990 par le sociologue Anthony Giddens dans son ouvrage « The consequences of modernity ». L’Europe, même la Suisse, n’est pas épargnée par ce phénomène.

Quelles valeurs, quelles priorités ?

Beaucoup de chrétiens évangéliques ne réalisent pas qu’ils se laissent séduire par un menteur notoire 4. Avant sa campagne présidentielle de 2016, il était pour l’avortement, 5 se vantait d’abuser des femmes, 6 etc. Depuis qu’il s’est rendu compte qu’il avait besoin des évangéliques pour être élu, il fait tout ce qu’ils veulent entendre et prétend même que la Bible est son livre préféré. 7

Le problème est qu’une partie des chrétiens évangéliques est plus conservatrice que les principales valeurs bibliques. L’avortement, l’homosexualité et d’autres thèmes sexuels sont plus importants pour beaucoup que la loi suprême que Jésus nous a enseignée (Matthieu 22), à savoir l’amour pour Dieu et pour le prochain, dont tout doit découler. Or, l’amour du prochain est bafoué par Trump : Il prêche la haine et le mépris des minorités (« Les Mexicains sont des violeurs » ; « Les migrants de Springfield mangent les animaux domestiques des autochtones »), des plus faibles et des opposants 8 au lieu de l’amour du prochain et cultive le mensonge au lieu de la vérité.

C’est précisément celui qui se présente comme le gardien des chrétiens qui érode et détruit ainsi l’une des valeurs centrales de la culture chrétienne. La vérité est subordonnée à l’idéologie, comme si tous les moyens étaient bons pour « sauver ». L’idée que tout est de toute façon construit sert de justification. Nous sommes ainsi pleinement dans la postmodernité selon Jean-François Lyotard 9 : s’il n’y a plus de vérité, et donc plus d’objectivité éthique ni d’autorité, alors l’épanouissement des puissants a le champ libre. La vérité est un obstacle gênant pour les puissants, mais les défavorisés en dépendent pour ne pas passer sous les fourches caudines.

Mais les chrétiens devraient être les gardiens de la vérité, car les soi-disant « vérités alternatives » sont des mensonges. Surtout si l’on se réfère aux Dix Commandements qui sont réintroduits dans les écoles de Louisiane 10 . La vérité n’est pas ce que l’on aimerait croire ou ce qui correspond toujours à sa propre vision du monde. La vérité doit être recherchée et vérifiée. Et elle doit être réclamée ! Si les chrétiens ne le font plus, ils ne sont plus le sel de la terre. Sans vérité, le mensonge et la méfiance envers nos semblables prennent le dessus. La cohabitation n’est donc plus possible.

Sommes-nous, nous chrétiens, aveuglés par la peur de notre propre survie ? Sommes-nous prisonniers de la lutte pour notre communauté (« nous contre les autres ») au lieu de nous préoccuper des valeurs chrétiennes pour l’ensemble de la société ? Il semble que nous ne soyons plus le sel de la terre. Bien trop peu de chrétiens osent élever la voix et revendiquer les valeurs chrétiennes centrales. En 2019, le rédacteur en chef de « Christianity Today » a décrit Trump comme inapte en raison de sa moralité et de ses valeurs, ce qui l’a placé sous le feu des critiques. 11

Justification de tout – jusqu’où ?

Un pasteur américain, interrogé par un ancien diplomate français sur la moralité de Donald Trump, a répondu que l’ancien président était comme le roi David, qui avait lui aussi péché 12 . Le roi David est un modèle de foi en raison de sa relation personnelle avec Dieu, décrite dans les Psaumes, et du repentir qui suit les péchés qu’il a commis. Donald Trump ne s’est jamais repenti 13 .

La multiplication des procédures judiciaires interminables a pour effet de placer le candidat Trump dans un rôle de victime et donne à ses partisans l’image d’une chasse à courre dont il sortirait renforcé. Les partisans de Trump y voient les tentacules d’un système malsain qui a tout fait pour entraver le chemin du sauveur. Même la prise d’assaut du Capitole ne semble pas l’avoir remis en question. Jusqu’où peut-il aller ? Y a-t-il une limite ? Pour l’instant, cela ne semble pas être le cas.

Le christianisme sortira-t-il de cette impasse ? Il semble que les chrétiens soient les premiers à avoir besoin de prière.


1. Pew Research Center 2022 cité dans RTS Religion
2. https://www.rts.ch/play/tv/rtsreligion/video/rtsreligion-video-les-usa-une-nation-vraiment-chretienne?urn=urn:rts:video:14750003
3. https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231227-la-crise-migratoire-se-poursuit-%C3%A0-la-fronti%C3%A8re-entre-le-mexique-et-les-%C3%A9tats-unis
4. https://www.tagesschau.de/faktenfinder/trump-bilanz-uswahl-fakenews-101.html; aujourd’hui encore, il répand régulièrement des contre-vérités sans sourciller, par exemple sur le manque de soutien des États du Sud pour faire face à l’ouragan Hélène, ce qui incite même les représentants républicains des régions concernées à rectifier publiquement le tir.
5. https://www.fr.de/politik/donald-trump-abtreibung-verbot-roe-v-wade-oberster-gerichtshof-us-wahlen-us-politik-zr-92994479.html
6. https://en.wikipedia.org/wiki/Donald_Trump_sexual_misconduct_allegations
7. https://www.zdf.de/nachrichten/politik/ausland/trump-bibel-verkauf-100.html
8. Il qualifiait régulièrement Hillary Clinton de corrompue, Kamala Harris de « marxiste, communiste, fasciste, socialiste », c’est-à-dire en quelque sorte tout et son contraire, tant qu’elle était connotée comme étant le mal.
9. Jean-François Lyotard – Wikipedia
10. https://www.srf.ch/news/international/us-buergerrechtler-empoert-zehn-gebote-im-klassenzimmer-gesetz-in-louisiana-erntet-kritik
11. https://en.wikipedia.org/wiki/Mark_Galli
12. Témoignage de G. Araud, ancien ambassadeur de France aux USA, sur la chaîne LCI
13. Trump: ‘Why Do I Have to Repent or Ask for Forgiveness If I Am Not Making Mistakes?’ (Video) | Politics

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Le 17 octobre, le monde entier célèbre la Journée internationale du refus de la misère. C’est précisément en période de conflit armé que le danger existe de mettre de côté la cause du développement durable et de la solidarité internationale au profit de son propre besoin de sécurité et de l’aide d’urgence immédiate. Pourtant, les chrétiennes et les chrétiens en particulier sont appelés à s’engager pour la justice dans une période d’insécurité et d’inégalités sociales croissantes. Avec le projet « Dimanche pour notre prochain », StopPauvreté propose une base pratique pour aborder ce thème dans les paroisses.

Préserver l’amour du prochain et le développement durable même en temps de crise
Il est compréhensible qu’en période d’incertitude, le besoin de sécurité soit davantage mis en avant. Ainsi, cette année, le Parlement suisse se penche intensivement sur la question d’une augmentation du budget militaire au détriment de la coopération internationale. Cela toucherait globalement les pays les plus pauvres et est profondément anti-solidaire. La sécurité et le développement étant étroitement liés, l’armée et la coopération au développement ne devraient pas être mises en opposition.

Ces tendances en politique reflètent souvent la pensée individuelle : même dans la vie personnelle, il n’est souvent pas facile de donner la priorité à son prochain en temps de crise. Mais ce sont justement les chrétiens qui sont appelés à s’engager pour les plus faibles, même dans des conditions difficiles, et à vivre activement l’amour du prochain. Ainsi, face à un monde où, selon la Banque mondiale, environ 700 millions de personnes vivent encore dans une extrême pauvreté (avec moins de 2,15 dollars par jour), nous ne pouvons pas rester inactifs.

Le « dimanche pour nos prochains »
Face aux crises mondiales, de nombreuses personnes se sentent impuissantes et frustrées. C’est pourquoi le rôle de la communauté et de l’Eglise est d’autant plus important, car l’engagement pour notre prochain est une tâche unie de la communauté de foi. Afin d’encourager les paroisses à se concentrer davantage sur le thème de la lutte contre la pauvreté, StopPauvreté et les organisations de soutien ont lancé pour la troisième fois un « Dimanche pour notre prochain ». Un matériel complet est disponible à cet effet, afin d’encourager une réflexion consciente lors des cultes et dans la vie quotidienne. Les paroisses qui s’inscrivent via StopPauvreté.ch ont accès gratuitement à un dossier contenant des suggestions de prédications, du matériel créatif et des idées d’actions concrètes.

Un petit pas – un grand effet
Les chrétiens peuvent faire la différence par la prière, la sensibilisation et le soutien financier de projets. StopPauvreté invite les Eglises de tout le pays à profiter du 17 octobre pour s’engager à nouveau en faveur d’un monde plus juste – dans la foi, dans les paroisses et au-delà. Elles peuvent ainsi montrer ensemble que foi et justice sont indissociables.


Contacts
Katia Aeby
Responsable communication & marketing
Tél. 076 330 76 50
katia.aeby@interaction-schweiz.ch

Anja Eschbach
Responsable de la campagne StopPauvreté, responsable de projet Dimanche pour notre prochain
Tél. 078 953 34 03
anja.eschbach@stoparmut.ch

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Pour les chrétiens, il est clair que la communauté étatique a le droit et le devoir de prélever des impôts afin de financer les tâches de la collectivité à tous les niveaux. Jésus disait déjà qu’il fallait rendre à Dieu ce qui lui appartient et à l’État ce qu’il revendique.

Dans un État de droit démocratique, nous pouvons participer à la définition de ce qui peut être exigé et à quelles fins. Que peut-on donc exiger en plus des impôts sur le revenu et la fortune ? L’impôt sur les successions est de la compétence des cantons. Il a été de plus en plus réduit dans la plupart des cantons. Un impôt sur les successions pourrait toutefois apporter beaucoup s’il était transformé en impôt national. Les héritages sont perçus par les héritiers sans que ceux-ci n’aient rien apporté en contrepartie. Il s’agit donc pour les héritiers de revenus sans emploi. L’impôt sur les successions serait l’impôt le plus juste. C’est ce que disait notre ancien ministre des finances, le conseiller fédéral Kasper Villiger, que j’ai eu l’occasion de voir à la commission des finances du Conseil national, lorsque la Confédération a présenté en 2003 un programme d’allègement budgétaire pour assainir les finances fédérales.

Une première tentative échoue

Comme l’ensemble du Conseil fédéral n’avait pas la volonté de proposer sérieusement cet impôt fédéral, j’avais alors déposé une initiative parlementaire au Conseil national. Celle-ci n’ayant pas non plus abouti, le PEV, le PS et les Verts ont lancé une initiative populaire : « Imposer les successions de plusieurs millions pour notre AVS (réforme de la fiscalité successorale) ». L’exigence centrale était que les successions à partir de 2 millions de francs soient soumises à l’impôt sur les successions. Un tiers des recettes aurait été versé aux cantons, deux tiers à l’AVS. Politiquement et médiatiquement, nous avons été combattus avec véhémence. En 2015, le rejet a eu lieu avec seulement 29% de voix favorables. Le moment n’était manifestement pas venu.

L’initiative actuelle n’est pas réaliste

Actuellement, l’impôt sur les successions est redevenu un point de discorde. Les jeunes socialistes apportent une nouvelle proposition avec leur initiative populaire « Pour une politique climatique sociale financée équitablement par l’impôt (Initiative pour un avenir) », qui a abouti. Celle-ci demande l’introduction d’un impôt concordataire de 50% sur les fortunes supérieures à la franchise de 50 millions de francs. Les recettes seraient utilisées en faveur de la protection du climat. Des entrepreneurs à succès comme Peter Spuhler ont annoncé avec engagement qu’ils devraient quitter la Suisse en raison de cette demande. Cette forme d’impôt sur les successions ne serait pas supportable pour eux. Certaines personnes concernées mentionnent qu’elles pourraient vivre avec un impôt sur les successions moins élevé. Des membres connus du PS ont déjà déclaré qu’ils ne pouvaient pas soutenir la revendication de leur jeune parti.

Si l’initiative populaire devait être acceptée, elle ferait en réalité un flop. Les plus riches quitteraient notre pays et l’objectif d’obtenir plusieurs milliards par an pour la Confédération et les cantons ne serait pas atteint. Les chances de l’initiative de la JS ne devraient pas être grandes ; mais on ne sait jamais à l’avance comment le peuple et les cantons vont décider.

Sur le plan politique, il faut sérieusement exiger d’opposer un contre-projet à cette initiative de la JUSO.

Une prochaine tentative vaut la peine

Le 18 avril 2024, le conseiller national PEV Marc Jost (Berne) a déposé une initiative parlementaire « Impôt de solidarité AVS sur les successions de plusieurs millions ». Le texte est le suivant : « La Confédération prélève, en faveur du financement de l’AVS, un impôt sur les successions de plusieurs millions de francs des personnes physiques. L’impôt est taxé et perçu par les cantons. Les articles 112 et 129b de la Constitution fédérale doivent être adaptés en conséquence ».

Cette intervention va maintenant être soumise à la Commission de l’économie et des redevances (CER) du Conseil national. Si celle-ci constate à la majorité la nécessité d’agir, l’intervention passe à la CER du Conseil des États. Si celle-ci approuve également la nécessité d’agir, la commission du Conseil national peut préparer un projet avec le concours de l’administration fédérale. L’intervention est cosignée par des membres de plusieurs partis. On attend avec impatience la suite des événements au niveau parlementaire.

Il est important de viser un impôt national modéré sur les successions. L’affectation à l’AVS serait évidente. Si la pénalisation du mariage – les couples de retraités ne reçoivent que 1,5 rente de vieillesse – pouvait enfin être supprimée ou du moins atténuée, ce serait une bonne chose du point de vue de la politique sociale.

Ce qui est important : l’impôt sur les successions est à nouveau à l’ordre du jour. Notre engagement en vaut la peine.


Cet article a d’abord été publié sur INSIST.

Photo de Claudio Schwarz sur Unsplash

 

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L’argument principal de l’initiative sur la biodiversité, sur laquelle le peuple suisse votera le 22 septembre 2024, traite de la diversité des espèces et des habitats en tant que base de la vie humaine. Cette phrase semble d’abord un peu exagérée. Pourtant, dans les premiers versets de la Bible, nous trouvons une histoire qui confirme cette affirmation.

Dans le récit de la création, en Genèse 1, 1-31, nous lisons comment Dieu a jeté jour après jour les bases de la vie humaine. Il a d’abord créé la lumière. Ensuite, il a séparé l’eau de la terre.Ensuite, il a planté la terre et formé les astres dans le ciel.Ensuite, les oiseaux, les poissons et les animaux terrestres ont donné vie à la terre encore jeune.
Lorsque l’homme est arrivé au sommet de la création, il a trouvé un habitat parfait. La nourriture et l’eau potable ne manquaient pas. Le sol était fertile et l’air était pur. Une incroyable diversité d’animaux et de plantes y pullulait. Pour les protecteurs de la nature d’aujourd’hui, cet état serait probablement l’idéal absolu.

Dépendance à l’égard de la nature
Bien entendu, il n’est pas possible de revenir à cet état de jardin d’Eden de la Création et l’initiative pour la biodiversité ne parle pas non plus d’un idéal à atteindre absolument. L’initiative et l’histoire de la création nous rappellent toutefois que l’homme dépend directement de la nature et de son état.
Plus les habitats dans lesquels l’homme évolue sont riches en espèces, plus il est facile de se nourrir, par exemple.Au fil des millénaires, l’homme a développé des pratiques culturelles qui facilitent la culture et la reproduction des plantes ainsi que l’élevage des animaux.L’ensemble de l’agriculture, de l’apiculture, de la pêche et de la sylviculture repose sur ces connaissances dites technologiques et écologiques ou bioculturelles, qui se transmettent de génération en génération.
La perte de biodiversité entraîne donc également la perte d’un savoir ancestral sur la collaboration avec la nature. Or, nous avons impérativement besoin de ce savoir, par exemple pour développer de bonnes stratégies d’adaptation au changement climatique.

La mission de Dieu méprisée

« Et Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre, et soumettez-la à ⟨vous⟩ ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui se meuvent sur la terre ! » (EBF, Genèse 1, 28).

L’homme a donc reçu l’ordre sans équivoque d’assujettir la terre et de dominer les plantes et les animaux.
Or, un bon souverain se soucie de ses sujets et ne les exploite pas à des fins égoïstes.Grâce à sa topographie, la Suisse compte 160 types d’habitats et 56 009 espèces indigènes.Malheureusement, le pays alpin n’accorde pas assez de valeur à cette richesse en espèces et en habitats.
Selon l’Office fédéral de l’environnement, sur 10 844 espèces indigènes dont la menace a été évaluée, 35% sont menacées ou déjà éteintes. Sur les 160 types d’habitats, 48 pour cent sont menacés et les autres sont protégés. La Suisse est donc en queue de peloton en termes de zones protégées par rapport à nos pays voisins et présente une menace nettement plus élevée pour les espèces animales et végétales. La perte de biodiversité en Suisse montre que la population ne répond pas à l’ordre de Dieu de gouverner avec soin.

Devenir des souverains soigneux
En acceptant l’initiative sur la biodiversité le 22 septembre 2024, la population suisse redonnerait à la biodiversité la valeur qui lui est due depuis la nuit des temps. En effet, chaque être vivant possède une valeur inhérente qui doit être respectée. En votant OUI dans les urnes, le peuple protégerait sa base de vie, préserverait le savoir bioculturel et assumerait enfin son rôle de maître attentif de la création.
En tant que chrétiens, nous avons en outre la responsabilité de rappeler constamment cette mission à nos semblables.
L’initiative est un encouragement pour tous à mettre en œuvre au quotidien des mesures concrètes pour la protection de la biodiversité et à adopter un mode de vie plus durable afin de préserver la Terre dans sa diversité et sa richesse pour les générations futures.


Sources
Arguments, fiche d’information sur la biodiversité : www.initiative-biodiversite.ch (état au 18 août 2024)
Questions et réponses : www.initiative-biodiversite.ch (état au 18 août 2024)
Prise de position sur l’initiative biodiversité

Photo: Knut Burmeister

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Le 21 septembre 2024, la « Plateforme Christianisme solidaire » invite à une journée d’écoute et d’échange pour chercher ensemble comment rester en dialogue malgré les divergences d’opinion.

Lors de rencontres de familles, discussions entre collègues ou encore soirée chez des ami-e-s, qui n’est pas régulièrement confronté à des échanges compliqués et émotionnels sur différents thèmes chauds ? Covid-19, conflit Russie-Ukraine ou Israël-Hamas, ou encore Donald Trump, pour ne citer que quelques exemples. Certains thèmes sont très émotionnels, et lorsque des compréhensions du monde sont fondamentalement différentes, on peine souvent à avoir un dialogue constructif. On préfère alors souvent plutôt éviter ces thèmes, mais alors chacun-etend à se renforcer dans ses opinions avec les personnes qui pensent de la même manière, parfois in real life, souvent online. Et l’espace commentaires des publications des médias en lignes ou réseaux sociaux présente aussi régulièrement un climat d’échange dysfonctionnel.

Comment expliquer cette mauvaise santé du dialogue citoyen et comment peut-on contribuer à l’améliorer ? C’est là-dessus que propose de travailler la Plateforme Christianisme solidaire, composée de six petites organisations chrétiennes actives en Suisse, dont fait partie ChristNet. L’événement aura lieu le samedi 21 septembre, tout près de la gare de Renens (plus d’infos et inscriptions sur l’affiche ci-contre).

La journée se voudra participative, avec une grande place donnée à des ateliers l’après-midi, suivis de leur restitution et discussion en plénière. Ces ateliers se baseront sur les apports de deux interventions lors de la matinée. Une première du sociologue Philippe Gonzalez (Université de Lausanne), ayant pour titre « Polarisation de l’espace public : causes et effets des expressions d’opinion fermées au dialogue ». La seconde est intitulée « La vérité vous rendra libre : discernement, indépendance et solidarité dans une société ébranlée par la digitalisation », livrée par le théologien Hansuli Gerber, du Mouvement International de la Réconciliation (MIR).

Le choix du thème s’est fait au cours de plusieurs rencontres entre des délégué-e-s des différentes associations, qui ont travaillé à partir des conclusions de la journée de l’année dernière sur les appartenances (malsaines ou qui favorisent la solidarité) et à partir de leurs préoccupations pour le monde actuel. A côté des autres crises que nous traversons (écologique, géopolitique, stagnation économique…), cette crise de la communication citoyenne nous semble aussi tout particulièrement préoccupante et importante à bien comprendre et à traiter. L’objectif sera de ressortir des pistes pour pouvoir contribuer à la solution plutôt qu’au problème, non seulement individuellement mais aussi collectivement (association, église, quartier…).

Si cette question vous paraît à vous aussi importante à discuter collectivement, n’hésitez pas à vous joindre à cette journée participative !

Inscription

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Dieu nous demande de nous engager pour notre prochain et pour la justice, ce qui, lorsque les causes de la misère et de l’injustice sont structurelles, exige également un engagement politique. Les églises jouent ici un rôle important de porte-parole et d’autorité éthique.

Ces dernières années, les Eglises ont subi des pressions lorsqu’elles ont élevé la voix sur des questions politiques. Elles n’osent plus guère s’exprimer sur le plan politique. Nous ne devons pas permettre que cette autorité éthique soit muselée et nous devons la soutenir et l’encourager. Daniel Winkler, qui s’engage en tant que pasteur à Riggisberg pour les réfugiés, soulignait le 5 juin 2024 dans sa chronique « Maulkörbe helfen nicht aus der Krise » (Les muselières ne permettent pas de sortir de la crise) parue dans le journal « Der Bund » : « Cela fait partie de la mission principale des Eglises de s’engager pour les plus faibles ».1

Depuis toujours, les églises ont pour rôle d’élever la voix lorsque les valeurs centrales du christianisme sont en danger. Selon Jésus, la loi centrale dont tout dépend est la suivante : Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même. Lorsque notre prochain est en danger ou que ses droits sont bafoués, nous sommes appelés à dénoncer l’injustice. L’Eglise, en tant qu’organisation de chrétiens, a donc aussi le devoir d’élever la voix. Elle l’a fait à maintes reprises par le passé, par exemple lorsque le droit d’asile était menacé pour les personnes persécutées ou lorsque la servitude pour dettes des pays du Sud entraînait détresse et misère.

La voix se heurte à une résistance et est refoulée

L’initiative sur la responsabilité des multinationales avait également pour but de protéger les droits et le bien-être des personnes défavorisées dans les pays du Sud et d’exiger des normes éthiques. Mais les milieux économiques concernés et leurs représentants – ainsi que les personnes qui n’étaient pas d’accord avec l’initiative – sont allés trop loin et ont organisé une campagne de dénigrement contre les églises en exigeant qu’elles cessent de s’impliquer. Les œuvres d’entraide ecclésiastiques se sont vues refuser l’argent de l’aide au développement si elles ne se contentaient pas d’organiser des projets d’aide mais s’engageaient également à modifier les causes structurelles de la misère, c’est-à-dire si elles formulaient des exigences politiques..2 La campagne de sensibilisation StopPauvreté, par exemple, n’a plus été soutenue par le DDC. L’information à ce sujet dans les écoles a également été interdite. Quiconque évoque notre coresponsabilité sociale face à l’exploitation est donc censuré. Les églises et les œuvres d’entraide ainsi que les médias chrétiens hésitent aujourd’hui à s’exprimer encore sur le plan politique. Ils ont peur de voir leurs dons diminuer et pratiquent ainsi l’autocensure. En 2022, à la suite de l’initiative sur la responsabilité des multinationales, le groupement d’églises nationales « Mouvement théologique pour la solidarité et la libération »3 s’est opposé à cette évolution en publiant un manifeste qui mérite réflexion : « Contre le silence des Eglises »4.

Soutenir l’autorité éthique – et rester en dialogue

Nous ne devons pas permettre que la dernière autorité éthique qui entrave l’exercice illimité du pouvoir soit muselée. C’est exactement la prédiction du premier descripteur du postmodernisme, Jean-François Lyotard, qui disait que si aucune vérité ni aucune éthique commune n’est plus acceptée et que tout devient arbitraire, alors le pouvoir n’est plus limité et reste le seul critère de prise de décision.

Les exigences bibliques et les normes éthiques sont claires. Nous ne devons pas attendre que tous les chrétiens soient d’accord pour élever la voix. Il est clair que nous rencontrons aussi de la résistance parmi les chrétiens lorsque cela devient désagréable pour la conscience ou lorsque notre prospérité est remise en question. Lorsque nous dénonçons et exigeons la repentance là où Mammon règne en maître devant Dieu, nous devons toujours nous attendre à des réactions violentes, parfois même de la part des milieux chrétiens.Notre tâche consiste à maintenir le dialogue, à écouter les contre-arguments, à valider les sensibilités et à développer des visions communes lorsque cela est possible. Mais nous ne devons pas nous laisser dissuader de protéger la vie, de nous engager pour les plus faibles et de rétablir la justice, y compris en politique. Nous ne devons pas en arriver au point où, dans de nombreux pays, les chrétiens et les églises, par réflexe minoritaire, s’isolent du « mauvais monde » et ne mènent plus qu’un combat pour leur propre groupe. Ce faisant, ils se jettent dans les bras de dirigeants qui sèment la haine et foulent aux pieds les droits de leur prochain.

Soutenons donc les églises et les médias chrétiens qui s’expriment aussi politiquement en faveur des valeurs chrétiennes et de l’amour du prochain.


1. Kirche unter Druck: Maulkörbe helfen nicht aus der Krise | Der Bund

2. https://www.nzz.ch/schweiz/cassis-verschaerft-regeln-fuer-entwicklungshilfe-staatsgelder-duerfen-nicht-in-polit-kampagnen-fliessen-ld.1604901

3. Theologische Bewegung für Solidarität und Befreiung – Kirche?

4. Stimme_der_Kirchen_Manifest_Pierre Buehler_dt_fr


Foto de Hansjörg Keller sur Unsplash

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Il y a un peu plus de 50 ans, la banane, ou plutôt son prix, a fait bouger une poignée de femmes. Celles que l’on appelle les femmes de la banane ont réfléchi à la raison pour laquelle la banane est si bon marché en Suisse, malgré son long trajet de transport. L’engagement de ces femmes a même provoqué la direction du commerce de détail de Migros. Tout cela a commencé par une question cruciale qui n’a rien perdu de son actualité.

La banane fait partie – plus que tout autre fruit – du répertoire de nos insultes. Ainsi, ce n’est pas un compliment si quelqu’un est qualifié de banane totale. Ou lorsqu’une politicienne ou un politicien utilise le mot « république bananière », il ne s’agit guère d’une destination de vacances lointaine et attrayante. La banane fait parfois l’objet de plaisanteries : « Pourquoi ta banane est-elle courbée ? » demande l’audacieuse fillette de 8 ans à son camarade d’école qui est en train de croquer le fruit à pleines dents. « Pour qu’elle rentre dans la peau », répond-elle aussitôt elle-même en souriant.

Quand les femmes de pasteurs posent la bonne question

Il n’est pas rare que de simples questions « pourquoi » soient à l’origine de changements. C’est ainsi que cette seule question a déterminé le destin des « femmes bananes » autour d’Ursula Brunner. Elle avait été déclenchée par le film « Bananera Libertad » de Peter von Gunten1 . Le commerce de la banane, encore plutôt inconnu au début des années 1970, a été discuté par des femmes de pasteurs lors de leurs rencontres régulières de femmes à Frauenfeld. Mais elles ne se sont pas contentées de parler. Les femmes passèrent à l’action : elles écrivirent de manière peu orthodoxe à la Fédération des coopératives Migros. Celle-ci ne pouvait pas accepter que des femmes posent une telle question.

L’histoire des « femmes bananes » est passionnante. Elle ressemble à une aventure qu’elles n’ont pas choisie. A l’époque, le géant du commerce de détail Migros a certes accepté de discuter, mais il n’était pas disposé à payer un prix d’achat plus élevé aux producteurs de bananes. Les femmes ont alors cherché le dialogue avec les consommatrices et les consommateurs dans la rue. Elles ont ainsi attiré l’attention dans de nombreuses villes suisses sur la situation accablante de la production de bananes. Ces actions ont eu un large écho et ont fait réfléchir de nombreuses personnes.

Entendre et répondre à l’appel – tout le reste n’est qu’un supplément.

Ce que ces femmes ne savaient pas à l’époque, c’est qu’avec leurs actions, elles posaient la première pierre de la cause des « produits équitables ». La Déclaration de Berne (aujourd’hui Public Eye) a été presque simultanément à l’origine de l’action Ujamaa pour le café – elle s’est prononcée en faveur d’un café équitable en quantité limitée – et de l’action « Du jute plutôt que du plastique » au milieu des années 1970. Un sac en jute portant l’inscription « Du jute plutôt que du plastique « 2 y a été lancé. Cette action est devenue le symbole de la sensibilisation à un mode de consommation plus prudent3 .
Puis, à la fin des années 1970, plusieurs ONG suisses ont fondé une société d’importation appelée OS3, aujourd’hui Claro Fair Trade, afin de vendre des produits équitables en Suisse. Enfin, dans les années 1990, différents labels de commerce équitable ont été introduits : le plus connu d’entre eux a été le label « Max Havelaar » en 1992. Il distingue aujourd’hui un grand nombre de produits du commerce de détail qui ont été produits dans des conditions équitables – entre autres la banane.

Lorsque le mouvement du commerce équitable a été accueilli par une population civile plus large dans les années 1980 – notamment par les ONG -, le cadre d’interprétation a toujours été la guerre froide. L’anthropologue culturel Konrad Kuhn affirme par exemple que les forts vents contraires contre la vente de produits du commerce équitable étaient en partie dus aux changements structurels que le mouvement entendait apporter4 . A l’époque de la guerre froide, les changements structurels étaient immédiatement interprétés de manière politique, indépendamment des problèmes réels. Ce cadre d’interprétation hautement politique s’est atténué après la fin de la guerre froide. Désormais, chaque mot n’était plus interprété politiquement. A partir de 1991, les aspects économiques ont pris plus d’importance.

Le parcours des « femmes bananes » était similaire à celui de la Vierge à l’Enfant : L’appel de leur époque avait trouvé ces femmes et elles avaient trouvé leur vocation. Elles ne faisaient pas de politique partisane, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles n’étaient pas politiques. La banane produite de manière équitable a été reprise par Max Havelaar en 1992. Mais deux décennies plus tôt, les « femmes bananes » avaient déjà donné des impulsions décisives au commerce équitable.

La question du pourquoi reste d’actualité aujourd’hui

Vouloir imiter aujourd’hui les « femmes bananes » reviendrait à se complaire dans le passé. La consommation de produits issus du commerce équitable est depuis longtemps au cœur de la société. Rétrospectivement, l’engagement des « femmes bananes » est sans aucun doute impressionnant.

Malgré et justement à cause de leur engagement, nous devrions également nous demander quels sont les problèmes actuels. Quels sont aujourd’hui les thèmes brûlants liés à la consommation – et au-delà ? Et surtout : avons-nous encore des lieux où nous pouvons poser ces questions ? Ou est-ce que ce sont surtout les concepts par lesquels nous voulons atteindre les gens pour nos idées et nos programmes qui sont au premier plan ?

Inspirée par les « femmes bananes », j’aimerais soulever ici l’une des questions du pourquoi d’aujourd’hui, dans l’espoir que d’autres s’en emparent et poursuivent la réflexion. Ma question est la suivante : pourquoi les paroisses et les organisations, et même notre carrière personnelle, sont-elles si fortement orientées vers la croissance et l’efficacité ? L’orientation vers des indicateurs de croissance est toujours liée directement ou indirectement à la production et à la consommation, même lorsque l’apparence extérieure de nos actions est qualifiée d' »authentique ». Pourquoi jouons-nous en fait ce jeu inauthentique dans les domaines les plus divers de la société, y compris les églises et les organisations ?

L’exemple de Hambourg

Un exemple doit donner des idées sur la manière dont on peut aujourd’hui mettre l’accent sur les personnes plutôt que sur la consommation et les programmes, sans pour autant discréditer les structures et la planification.

La gare de Hambourg voit arriver chaque jour 550 000 voyageurs dans un espace restreint. Les conflits ne sont pas rares. Par exemple, pendant la crise des réfugiés en 2016, de nombreux réfugiés ont notamment étalé leurs quelques affaires devant les magasins pour dormir, ce qui a à son tour empêché les passants de faire leurs achats et a donc affecté le chiffre d’affaires des magasins. Comment la mission de la gare gère-t-elle cette situation ?

Lors d’une visite chez le directeur de la mission de la gare de Hambourg, Axel Mangad, aucune déclaration de mission ni aucun argument de vente unique de cette organisation vieille de 140 ans ne sont cités. On pourrait presque avoir l’impression qu’il n’y a pas d’objectifs précis qui sont poursuivis, ce qui inquiéterait certainement l’un ou l’autre directeur.

Quand Axel Mangad raconte, on remarque que les gens sont au premier plan. Il raconte que la mission de la gare veut être flexible afin de pouvoir réagir à des changements rapides, comme par exemple une crise des réfugiés.

Ce ne sont pas des phrases toutes faites, le bâtiment récemment inauguré confirme ses explications : Un comptoir d’accueil se trouve au milieu de la pièce, afin que les collaborateurs soient immédiatement auprès des personnes en quête d’aide. Avec une porte pliante, la petite pièce pourrait par exemple être immédiatement transformée en petit café, si nécessaire. L’infirmerie voisine, occupée par du personnel soignant qualifié, sert aux personnes souffrant de troubles médicaux qui, par exemple, n’iraient pas consulter un médecin par honte des trajets habituels. Les personnes peuvent également y déposer leur téléphone portable pour le recharger. Cela semble banal, mais à quelle personne étrangère donnerait-on aujourd’hui son téléphone avec ses données personnelles ? Cela n’est possible que s’il existe une grande confiance de base. Le bâtiment nouvellement construit a bien sûr été soigneusement planifié. Mais le concept a été élaboré de manière à ce que l’accent soit mis non pas sur la consommation, mais sur les personnes et leur détresse.

Et si nous apprenions à penser d’abord aux personnes et ensuite seulement aux structures et aux chiffres ? Le contenu peut alors être totalement différent, comme pour les « femmes bananes » il y a 50 ans ou actuellement à la mission de la gare de Hambourg. Le point décisif est de poser les questions correctement.


1. cf. Brunner, Ursula : Bananenfrauen. Frauenfeld, 1999, en particulier les pages 16-38.

2. Le slogan « Jute au lieu de plastique » représente avec le jute les matériaux naturels, « Plastic » avec un c au lieu d’un k symbolisait l’étranger.

3. cf. Strahm : Der aktionserprobte Achtundsechziger im Team der EvB 1974-1978, (2008), pages 139-140 ; in : Holenstein, Anne-Marie ; Renschler, Regula ; Strahm, Rudolf : Le développement, c’est la libération. Erinnerungen an die Pionierzeit der Erklärung von Bern (1968-1985), Zurich, 2008 (pages 113-166).

4. cf. Kuhn, Konrad J. : Commerce équitable et guerre froide. Selbstwahrnehmung und Positionierung der Fair-Trade-Bewegung in der Schweiz 1972-1990, Berne, 2005, pages 115-117.

Cet article est paru pour la première fois le 01 juin 2024 sur Forum Integriertes Christsein.

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~ 8 min

De nombreuses personnes ressentent une insécurité croissante. La mondialisation, la complexité de nombreux contextes et la numérisation laissent de plus en plus de gens perplexes. Et les guerres aux frontières de l’Europe sont une réalité que nous pensions avoir dépassée.

Dans ce contexte de désarroi et d’impuissance, les extrêmes qui nous promettent sécurité et clarté se renforcent. Dans de nombreux pays, les forces populistes et nationalistes de droite connaissent une forte croissance. Les dictateurs ont le vent en poupe, car ils proposent des solutions simples à des questions complexes. Que se passe-t-il actuellement dans notre monde, notre culture et notre société ?

Normalité

Ce que beaucoup de personnes vivent actuellement comme déstabilisant et éprouvant, c’est la perte de la normalité. « En sociologie, la normalité désigne ce qui va de soi dans une société, ce qui ne doit plus être expliqué ni faire l’objet de décisions. Ce qui va de soi concerne les normes sociales et les comportements concrets des personnes. Elle est transmise par l’éducation et la socialisation ». (Wikipedia) Nous sortons d’une longue phase de normalité sociale. Beaucoup de choses étaient clarifiées, considérées comme « normales » et largement acceptées. Il n’était pas nécessaire de réfléchir constamment à la manière de rester dans la norme. Dans la normalité normalisée, on peut se mouvoir sans souci, car de nombreuses décisions nous sont épargnées. La normalité crée de la sécurité, de l’orientation et de la sûreté. Elle est notre zone de confort. La normalité est une sorte d’intersection unificatrice de la société.

« En sociologie, la normalité désigne ce qui va de soi dans une société, ce qui ne doit plus être expliqué ni faire l’objet de décisions. Ce qui va de soi concerne les normes sociales et les comportements concrets des personnes. Elle est transmise par l’éducation et la socialisation »

Perte de la normalité

Depuis des années, nous constatons que le champ de la normalité se rétrécit – et que l’insécurité augmente. L’intersection se réduit parce que la diversité de la société s’accroît. Ce qui était considéré comme clair depuis des décennies est renégocié et remis en question. Nous assistons à la perte de la normalité à un rythme rarement vu auparavant. Je citerai ci-après quelques exemples qui expriment cette incertitude et cette perte de normes.

Notre langage

Comment pouvons-nous encore parler ? Soudain, une phrase ou un mot déclenche une shitstorm. Ai-je encore le droit d’utiliser des termes qui m’ont été familiers toute ma vie ou est-ce que je discrimine quelqu’un ? Un restaurant peut-il encore s’appeler « Zum Mohren » ? Faut-il changer le nom d’une rue si elle porte le nom d’un général de la Première Guerre mondiale ? Le gender menace également la normalité de notre langue. Le flux linguistique change et de nouvelles terminaisons doivent être créées. Même dans l’une des dernières bibles pour enfants, le contre-sens est systématique, ce qui rend la lecture à haute voix franchement stimulante.

Culture et nationalité

Une autre incertitude concerne les questions de culture et de nationalité. Mes enfants peuvent-ils encore aller au jardin d’enfants déguisés en « Indiens » pour le carnaval ? En tant que Suisse, ai-je le droit de porter des dreadlocks, de mettre un sombrero et de cuisiner une paella – ou est-ce déjà une appropriation culturelle ? Les cloches d’une église peuvent-elles encore sonner dans un village ou s’agit-il désormais de troubles à l’ordre public ? La famille classique avec mère, père et enfants est-elle encore la norme ou est-elle remplacée par des modèles familiaux alternatifs ? Et puis, la crise de la Corona nous a en outre arrachés de manière inattendue à notre normalité quotidienne.

Conséquences

L’une des conséquences de cette perte de normalité est la nostalgie croissante de nombreuses personnes pour l’ancienne normalité. Et beaucoup de ceux qui promettent un retour aux anciennes normes connaissent une affluence, qu’il s’agisse d’un parti radical ou d’une religion fondamentaliste. Une autre conséquence est le repli sur soi et donc l’abandon de l’insécurité à l’extérieur. Le sentiment d’appartenance à ceux qui déplorent également la perte de la normalité s’accroît, tout comme une nette démarcation vis-à-vis de ceux qui exigent ces nouvelles clarifications. Le clivage au sein de la société s’accroît ainsi. Les gens deviennent plus xénophobes, car ce sont « les étrangers » qui menacent nos normes avec leur culture, leurs coutumes et leurs valeurs. Et en même temps, les étrangers deviennent plus mécontents parce que leur statut social et le manque de ressources les empêchent de reconstruire leur propre normalité familière. La force d’attraction de sa propre normalité est donc aussi l’une des raisons pour lesquelles l’intégration ne réussit souvent que difficilement. En effet, l’intégration signifie pour les étrangers qu’ils doivent renoncer à leur normalité pour adopter la nôtre. Mais la normalité s’acquiert au fil des décennies et des générations et ne peut pas être simplement échangée. Et ceux qui ont vécu l’expulsion, la guerre ou la fuite ressentent d’autant plus le besoin de retrouver une normalité familière. Le manque de volonté d’intégration ne doit pas signifier le rejet de la nouvelle culture, mais exprime plutôt la forte attirance pour ce qui est familier, qui se manifeste dans sa propre culture, sa propre langue, ses propres traditions et coutumes. Dans tout cela, il y a une schizophrénie dans notre société : d’un côté, on veut un individualisme maximal, la réalisation de ses propres besoins et points de vue. Et d’un autre côté, on veut beaucoup de normalité et un maximum d’intersection dans la société. Mais on ne peut pas avoir les deux à long terme. Comment gérons-nous, en tant que chrétiens et en tant qu’églises, la perte de la normalité ?

1. percevoir le côté obscur de la normalité

Jusqu’à présent, j’ai décrit les avantages de la normalité. L’histoire le montre : La normalité a aussi été un instrument de pouvoir, un outil d’oppression. La normalité a du sang sur les doigts. Elle était le terreau sur lequel on marginalisait, excluait, diffamait, dénonçait, criminalisait et emprisonnait. « Aryen » était considéré comme normal dans l’idéologie nazie et c’est pourquoi les juifs étaient considérés comme de la vermine à exterminer. « Être blanc » était considéré comme normal et c’est pourquoi les personnes à la peau foncée pouvaient être tenues en esclavage. « Être catholique » était considéré comme normal et c’est pourquoi on pouvait persécuter les protestants. L’homme à l’image de Dieu était considéré comme normal et c’est pourquoi de nombreuses églises interdisaient aux femmes d’enseigner et de diriger. L’hétérosexualité est considérée comme normale dans de nombreux pays et c’est pourquoi, dans certains d’entre eux, les personnes queer sont condamnées à la prison à vie ou à la mort. Au vu de ces exemples, la perte de la normalité a aussi du bon, car elle détruit des structures d’oppression et des mécanismes d’exclusion bien établis.

2. les chrétiens ont depuis longtemps quitté le domaine de la normalité

L’histoire de la religion de Yahvé est fondamentalement l’histoire d’un départ et d’une sortie de la normalité. Abraham, en tant que père de la religion juive, entend Dieu lui dire : « Va-t’en de ton pays, quitte ta patrie et ta parenté, et va dans le pays que je te montrerai ! » (Gn 12,1). Le pays, la patrie et la parenté sont l’incarnation de la normalité. Mais c’est précisément de cette normalité qu’Abraham a dû partir vers l’étranger, vers l’inconnu, vers l’incertain. Et jusqu’à aujourd’hui, l’Exode sous Moïse est pour les Juifs leur expérience constitutive en tant que peuple et en tant que religion. Le peuple de Dieu est et reste un peuple en partance, un peuple en errance, un peuple à l’étranger. Dans le Nouveau Testament aussi, Pierre confirme cette étrangeté des chrétiens : « Vous savez, chers frères et sœurs, que vous n’êtes dans ce monde que des étrangers et des gens de passage » (1Pierre 2,11). Et Paul parle du fait que nous avons notre droit de cité dans les cieux (Ph 3,20). La normalité terrestre est devenue pour nous une identité céleste. Le mot grec pour l’Eglise (Ecclesia) signifie littéralement « ceux qui sont appelés à sortir ». Nous sommes appelés à sortir des normes de la société terrestre. Nous ne tirons pas notre appartenance, notre patrie, notre attachement et notre sécurité du domaine de la normalité terrestre, mais de la force de notre identité céleste. Ce qui est normal pour nous, chrétiens, ne s’oriente pas vers des normes terrestres, mais vers des valeurs célestes. Non pas au consensus social, mais au style de vie de Jésus. En tant que citoyen du ciel, j’aurais dû commencer bien plus tôt à m’opposer aux structures de pouvoir de la normalité, à me ranger du côté des discriminés, des défavorisés, des étrangers et des oubliés, et à m’opposer à l’effet anesthésiant de la normalité.

3. l’importance de la solidarité

La perte de la normalité est suivie par la perte de la solidarité. La consommation d’énergie plus élevée pour une vie avec moins de normalité doit être compensée quelque part. En conséquence, nous nous concentrons sur nous-mêmes et devons trouver de nouveaux repères. Souvent, cela se fait au détriment de la solidarité, du bénévolat et de l’entraide. Tout le monde veut des petits pains frais le dimanche matin, mais personne ne veut les faire cuire à 4 heures du matin. Tout le monde veut pouvoir se rendre aux urgences le dimanche, mais de moins en moins de personnes sont prêtes à travailler le week-end. Tout le monde est reconnaissant que ses enfants soient encouragés dans un club de sport, mais dans de nombreux endroits, il manque des entraîneurs ou des entraîneuses bénévoles. Je constate un recul dramatique de la solidarité dans notre société. Et la raison n’est pas que les gens sont si impies, méchants et égocentriques, mais la perte de la normalité est vécue comme si déstabilisante et épuisante qu’il ne reste plus d’énergie ni de capacité. En tant que chrétiens, nous ne créerons pas une nouvelle normalité ! Mais nous pouvons façonner une culture de la solidarité. Nous pouvons montrer à notre entourage, à chaque pas, ce que signifie être solidaire. Nous pouvons donner l’exemple en montrant que notre solidarité ne se nourrit pas de la normalité, mais des valeurs du ciel et de la présence du Saint-Esprit dans notre vie. Nous ne pouvons pas redevenir solidaires seulement lorsque nous avons retrouvé notre zone de confort. La solidarité désigne une attitude d’attachement aux – et de soutien aux – idées, activités, besoins et objectifs d’autres personnes et créatures. Ce n’est rien d’autre que l’amour du prochain. Que diriez-vous alors si, en tant qu’enfants de Dieu, nous aidions à remettre en question la normalité là où elle est utilisée abusivement comme instrument de pouvoir pour dominer, discriminer, exploiter ou vivre aux dépens des êtres humains ou de cette création ? Et si nous nourrissions notre propre sentiment de sécurité, de sûreté et d’appartenance moins de la normalité qui nous entoure, mais bien plus de la conscience de rester des étrangers dans ce monde, dont la patrie, la famille et le droit de cité se trouvent dans le royaume de Dieu et dans notre Père céleste ? Et que se passerait-il si, malgré la perte de normalité, nous nous efforcions d’autant plus d’être solidaires ? Si nous laissions une odeur de solidarité partout où nous sommes et si nous renforcions ainsi notre société au milieu de la perte de normalité ? Voilà les trois choses que je souhaite aux chrétiens.

Cet article est paru pour la première fois dans le magazine Bienenberg Hiver/printemps 2024.

Photo de Christian Erfurt sur Unsplash

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La popularisation mondiale d’Internet dans les années 90 a été un véritable exploit. Le courrier électronique permettait soudain de joindre facilement des amis et de leur transmettre des documents ; les sites web permettaient de diffuser le message de son entreprise ou de son institution auprès d’un public plus large. Avec les médias sociaux, l’IA et la falsification des images et des sons, ce monde fascinant de l’information a perdu son innocence. Aujourd’hui, une société de désinformation menace et devient un danger croissant pour nous tous. Existe-t-il des issues ?

En tant que journaliste, j’ai participé dès le début à la mise à disposition d’Internet pour tous. Le sifflement et le bourdonnement lors de l’établissement d’une connexion ne fascinaient pas que moi, mais aussi mes enfants. Je les ai introduits peu à peu dans ce monde fascinant. Au début, cela allait de pair avec une limite de temps stricte. Ceux qui voulaient rester plus longtemps sur Internet devaient le payer avec leur propre argent de poche.

Pour la diffusion du message chrétien, de nouvelles possibilités s’ouvraient d’un coup, en particulier dans les régions peu développées de notre monde. Dès que les connexions Internet étaient disponibles, le missionnaire ne devait plus nécessairement être présent en personne. Il pouvait facilement transmettre ses textes – comme les traductions de la Bible – par voie numérique. Il est devenu possible de proposer des cours numériques à une large population, même dans le Sud du monde. Un nouveau monde de l’information !

L’âge d’or de Facebook

Pour l’étudiant Mark Zuckerberg et ses amis, Facebook n’était au départ qu’un gag destiné à attiser la concurrence pour attirer les jolies étudiantes. Mais il a rapidement senti qu’il était possible de faire plus avec les médias sociaux. Finalement, le tout pouvait être associé à la publicité et ainsi être financé. En 2007, le CEO de Facebook, âgé de 23 ans, était déjà milliardaire. En bourse, la jeune entreprise attirait de plus en plus l’attention des capitalistes. En peu de temps, Facebook valait 15 milliards de dollars.

Au début, il n’y avait pas encore de fonction « J’aime », « personne ne pouvait mesurer sa valeur personnelle aux pouces cliqués par les autres « 1 . Le défilement infini n’existait pas non plus.Une fois que l’on avait lu toutes les réactions de ses connaissances, la contribution saisie – le post – était arrivée à sa fin. »Aucun algorithme ne contrôlait les messages, ils apparaissaient simplement dans l’ordre dans lequel ils avaient été publiés ».

Jessica King décrit ainsi cette période faste de Facebook : « Il ne s’agissait pas non plus de plonger dans un monde parallèle manipulé dans lequel toutes les autres personnes mènent des vies apparemment plus passionnantes.Au lieu de cela, nous utilisions la plate-forme pour participer au quotidien banal des autres, … créer des groupes avec des noms amusants, … se souhaiter un bon anniversaire et rechercher les profils de personnes que l’on ne voyait habituellement que de loin à l’université. C’était un outil pour créer et intensifier les liens ».Donc un effet similaire à celui qui avait été amorcé avec l’introduction d’Internet.

Le début de la fin

Le 9 février 2009, Facebook a introduit le bouton Like.
Jessica King a réagi en publiant le message suivant : « Ceux qui aiment ce post sont stupides ».La réaction a été immédiate : « Plusieurs personnes ont déjà cliqué sur le petit pouce, et pour la première fois, j’ai ressenti le petit coup de dopamine de l’affection numérique. Bientôt, je me suis demandé pourquoi certains posts fonctionnaient mieux que d’autres, j’ai essayé d’optimiser mes performances.Je me comparais aux autres et ressentais une légère pointe de honte lorsque j’obtenais moins de likes que mes camarades d’études ».
Parallèlement au lancement du bouton « Like », Facebook a atteint un million d’utilisateurs en Suisse.Désormais, la plateforme était de plus en plus dirigée. Jessica King constate que Facebook associait de plus en plus souvent d’autres formats à ses propres contributions, avec « des publicités, des actualités et des contributions de pages jusqu’alors inconnues, ‘qui pourraient me plaire' ». En 2011, Facebook a décidé de ne plus lister les contributions étrangères par ordre chronologique, mais sous le contrôle d’algorithmes.C’est ainsi qu’a commencé le défilement interminable à la recherche d’une contribution encore plus passionnante sur le sujet.Jessica King décrit ainsi son expérience : « Je restais désormais de plus en plus longtemps assise devant l’écran, faisant défiler et défilant, prise dans le monde du géant bleu ».

Mark Zuckerberg a alors commencé à développer son entreprise. Il a avalé des concurrents comme Instagram et Whatsapp et a payé respectivement 1 et 19 milliards de dollars pour cela. « Le fait que le profit devienne de plus en plus important, nous le ressentions au quotidien », explique Jessica King à ce sujet. »Alors qu’au début Facebook diffusait encore une esthétique austère, la plateforme a été de plus en plus bardée de publicités tapageuses, de flux déroutants et de sidebars incontrôlables ».

Lorsque le printemps arabe a éclaté en 2011, Facebook et son concurrent Twitter ont porté les protestations de Tunisie dans le monde entier. Jessica King se réjouit : « On croyait de plus en plus au pouvoir politique de Facebook – on pouvait même renverser des dictateurs avec lui ! Nous avons posté notre soutien, utilisé pour cela à partir de 2013 des hashtags2 que Facebook avait introduits, et nous pensions avoir aidé les opprimés du monde entier grâce à cet activisme numérique ».

En 2014, le symbole # a été élu mot de l’année en Suisse. En 2014, les hashtags les plus importants n’étaient pas des thèmes liés à l’injustice dans notre monde, mais par exemple #IceBucketChallenge. Sous cette adresse, des personnes du monde entier se sont vidées de l’eau glacée sur la tête et ont documenté leur geste par un clip vidéo, dans l’espoir d’obtenir le plus de likes possible. Parmi les hashtags les plus connus figure #MeToo, qui s’est répandu sur les réseaux sociaux depuis la mi-octobre 2017 dans le sillage du scandale Weinstein et a déclenché un mouvement social en faveur des droits des femmes en cas d’agression sexuelle.

Avec les nouvelles possibilités mentionnées, la plateforme Facebook était toutefois devenue incontrôlable.Les abus se sont généralisés. Jessica King déclare à propos de l’évolution de 20 ans de Facebook que la plateforme Internet s’est transformée d’un charmant village numérique en un danger pour les démocraties, et que Mark Zuckerberg est passé d’un jeune entrepreneur enfantin à un surcapitaliste au sang froid qui doit s’expliquer devant le Congrès américain.

Chez Google, les données de chaque requête de recherche sont enregistrées. « Cela inclut la localisation, les termes de recherche, le comportement de recherche et les clics sur les pages web », écrit Debby Blaser dans le magazine INSIST. « Sur de nombreux sites web, les utilisateurs sont ‘suivis’ en enregistrant, à l’aide de l’adresse IP, qui a visité le site web. Grâce à ces données, il est possible d’afficher sur Facebook, dans une publicité, exactement la basket que j’ai regardée récemment sur Zalando. Ce qui est pratique pour les annonceurs, certains utilisateurs le considèrent toutefois comme une intrusion dans leur vie privée3« .

Les médias asociaux deviennent un terrain de jeu pour les indignations

Les médias sociaux permettent aux utilisateurs de se faire rapidement une opinion sur tous les sujets possibles et imaginables et de la partager ensuite avec d’autres. En cas d’approbation massive, la diffusion de cette opinion s’accroît et peut déclencher des processus qui ne peuvent plus guère être contenus.

La journaliste Alexandra Föderl-Schmid, spécialiste du Proche-Orient au « Süddeutsche Zeitung », a récemment tenté de se suicider. Il lui a été reproché d’avoir, dans au moins trois cas, repris in extenso des explications d’institutions publiques sans le déclarer en conséquence. Elle aurait ainsi commis un plagiat – un péché mortel pour les journalistes. Le portail allemand « Nius » a alors engagé le « chasseur de plagiat » Stefan Weber pour découvrir d’autres plagiats, notamment dans la thèse de la journaliste. Weber réalise des expertises sur des travaux universitaires contre de l’argent. « Les analyses de Weber mettent régulièrement des personnes célèbres en difficulté », écrit à ce sujet la journaliste Raphaela Birrer, qui ajoute : « Souvent, ses accusations sont toutefois injustifiées ».

Pour elle, dans de tels débats et expertises, « il ne s’agit plus depuis longtemps d’honnêteté intellectuelle ou de normes universitaires.Il s’agit de motifs politiques, de vendetta, de diffamation ».

Les médias asociaux se prêtent parfaitement à la diffusion de ces indignations. Bien qu’une enquête ait montré que les accusations concernant la thèse d’Alexandra Föderl-Schmid n’étaient pas fondées, des commentaires haineux ont été publiés, préconisant la tentative de suicide et des attaques personnelles de mauvais goût. Les opinions étaient déjà faites et ne se laissaient pas ébranler par quoi que ce soit. Raphaela Birrer commente l’indifférenciation et l’indignation suscitées par le cas Föderl-Schmid : « Elles fournissent involontairement une leçon d’illustration de l’évolution dégénérative des débats numériques. Et ils montrent qu’il est actuellement difficile, voire impossible, de discuter …de mener des débats sereins. Pas même lorsqu’un discours a des conséquences presque mortelles4« .

L’intelligence artificielle et le piratage renforcent le problème

L’intelligence artificielle peut aider à rendre les processus automatiques plus rapides. Mais si elle est utilisée sur Internet, les problèmes mentionnés risquent de s’aggraver. On nourrit l’IA avec un visage et une voix.

A partir de ces données, l’IA crée ensuite une matrice qui sert de modèle pour chaque version ultérieure.

En mars dernier, une vidéo montrant le président ukrainien Volodimir Selenski demandant à ses troupes de déposer les armes et de se rendre à la Russie a circulé, écrit Andrian Kreye. Mais il est tout de suite apparu « que quelqu’un avait monté sa tête sur un tronc « 5.

Dans un autre exemple, le footballeur Lionel Messi parle un anglais compréhensible lors d’une conférence de presse, bien qu’il s’exprime toujours en espagnol. La technologie sous-jacente s’appelle le clonage vocal, qui a été combiné à l’IA des traducteurs. Un exemple plutôt anodin.

Mais lorsque des contrefaçons (deepfake) sont utilisées pour générer des photos nues de la star de la pop Taylor Swift dans un but pornographique, cela constitue une atteinte à la personnalité au plus haut degré. Il n’est pas rare que la pornographie deepfake soit également utilisée à des fins de chantage6.

Ce qui nous amène au plus bas de l’échelle : la possibilité de pirater Internet et d’accéder ainsi à des données confidentielles – que ce soit pour faire chanter des entreprises ou diffuser de faux messages. Ces attaques de pirates informatiques augmentent de manière exponentielle, y compris en Suisse. En 2022, le Centre national de cybersécurité de la Confédération a reçu 34 000 déclarations de cyberincidents, soit trois fois plus qu’en 2020. Selon le journaliste Michael Bucher, « on prévoit pour 2025 un montant mondial de dommages dus aux cyberattaques de près de 11 billions de francs.

Cela représenterait des coûts environ 40 fois plus élevés que ceux causés par les catastrophes naturelles en 20227« .

Lors du récent Forum économique mondial de Davos, les fake news ont été désignées comme le plus grand danger pour l’humanité au cours des deux prochaines années. Les fausses informations sur Internet pourraient diviser davantage la société. « Avec des technologies telles que ChatGPT ou les nouvelles versions de Photoshop, il est facile de créer des textes ou de falsifier des images « 9. De cette manière, « les fausses informations diffusées de manière ciblée peuvent influencer les prochaines élections aux États-Unis ».

Cela pourrait susciter des doutes sur les gouvernements nouvellement élus et déclencher des troubles politiques. Un danger pour la démocratie !

Que pouvons-nous faire ?

Sur le chemin qui mène de l’information à la désinformation, la vérité reste sur le carreau : nous suivons le mensonge. Le profane bien-pensant ne s’y attardera pas. Grâce aux informations qui lui sont transmises par son profil, il sait ce qu’il en est.

Le scepticisme croissant à l’égard de la science y est lié. En 2016, selon une étude américaine, 44 % du grand public étaient d’accord avec l’affirmation selon laquelle « les experts sont moins fiables que les profanes ». Mais lorsque des profanes s’érigent en spécialistes, l’ignorance règne en maître. « Et sur la toile, ce sont les plus bruyants, avec le plus grand nombre de followers9, qui déterminent ce qu’est la vérité ».

Suivre le père du mensonge ne peut toutefois pas être une option pour les chrétiens.

Que faut-il donc faire ? Des leaders religieux et de foi de Grande-Bretagne ont constaté, après une récente réunion sur les questions éthiques liées à l’IA, que les communautés de foi et les organisations de la société civile devaient agir en tant que « gardiens critiques qui demandent des comptes aux développeurs d’IA ainsi qu’aux décideurs politiques ». Lors d’une prochaine réunion, ils souhaitent mettre en place une commission « dont l’objectif est d’exploiter les possibilités de l’intelligence artificielle pour le bien-être humain tout en protégeant les communautés contre les dommages potentiels « 10.

Cette protection peut être garantie par des institutions qui ont une légitimité démocratique. Le conseiller national UDC Andreas Glarner a utilisé une fausse vidéo contre son adversaire politique Sibel Arslan des Verts. Quelques jours avant les élections parlementaires de l’année dernière, Glarner a publié sur X et Instagram une vidéo trompeuse d’Arslan, générée au moyen d’une intelligence artificielle.

Dans cette fausse vidéo, elle a ensuite exprimé des opinions qui allaient à l’encontre de ses convictions réelles. Arslan a porté l’affaire devant les tribunaux. Selon un récent jugement du tribunal civil de Bâle-Ville, Glarner doit prendre en charge les frais de justice et les frais d’avocat d’Arslan dans cette affaire. Elle envisage actuellement, comme prochaine étape, de déposer une plainte pénale contre Glarner. Celle-ci pourrait devenir le précédent d’un nouveau délit qui n’est en vigueur que depuis le 1er septembre 2023 : le délit d’usurpation d’indentité11.

Quelques heures seulement après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël en octobre dernier, des photos et des vidéos manipulées d’autres guerres ont circulé sur la plate-forme X. On y trouvait même des séquences de jeux vidéo et des images de feux d’artifice du Nouvel An. Les utilisateurs ont diffusé ces images pour faire monter la température contre Israël ou contre les Palestiniens. « X, la plus grande source mondiale d’informations en temps réel, agit ces jours-ci comme un centre de distribution de nouvelles trompeuses », écrit Jan Diesteldorf.

L’UE veut maintenant inculper le propriétaire de X, Elon Musk, qui avait promis de respecter les règles européennes en matière de services numériques. Selon celles-ci, X devrait « réagir rapidement, soigneusement et efficacement aux indices, supprimer les contenus illégaux et ‘lutter efficacement contre les risques pour la sécurité publique et le discours social émanant de la désinformation' »12.

« Les médias classiques perdent le contrôle du cycle de l’information et les algorithmes semblent diffuser plus rapidement des informations parfois fausses et sensationnelles », a expliqué Silke Adam, professeur à l’Institut des sciences de la communication et des médias, lors d’un atelier à l’université de Berne l’automne dernier. Elle en concluait : « La désinformation met en danger notre démocratie et peut être un déclencheur de polarisation des gens13« .

On peut en conclure que nous ne devrions pas perdre de vue les médias classiques, en particulier les médias tels que la télévision ou la radio publiques et la presse écrite indépendante des partis. Ceux-ci devraient être en mesure de présenter des faits plutôt que des fake, afin que nous puissions nous forger une opinion de manière plus fiable, si possible en combinant plusieurs médias.

Ce que l’on oublie souvent : l’IA est liée à une violation du droit d’auteur.

Un procès est actuellement en cours entre le « New York Times » et le fournisseur d’IA Chat-GPT. Celui-ci avait fait passer des copies de textes en partie littérales pour des textes d’IA. Gary Marcus, professeur de neurosciences à l’université de New York, a lui-même créé plusieurs entreprises pour des applications d’IA. Il est aujourd’hui considéré comme la voix de la raison dans le débat sur l’IA. Il ne voit pas de solutions rapides : « Tant que personne n’inventera une nouvelle architecture permettant de suivre de manière fiable l’origine de textes ou d’images générés, les violations de droits continueront d’exister14« .

Il y a tout de même de premiers progrès. Celui qui a demandé sur Chat-GPT les bases d’un développement de village axé sur les valeurs a reçu une réponse dont le contenu m’a semblé très familier. En tapant la même demande sur Copilot, on obtient également des réponses tirées des publications du WDRS, mais cette fois-ci avec une indication propre de la source et des liens vers les contributions originales, par exemple dans notre forum.

Nous sommes libres d’adapter notre comportement médiatique à la nouvelle situation. Debby Blaser fait remarquer qu’il existe des alternatives aux moteurs de recherche comme Google, qui n’enregistrent pas de données et ne vendent pas d’informations à des tiers, comme Swisscows ou DuckDuckGo15.

La présence de Facebook est aujourd’hui en baisse.

Mais même ses successeurs et ses alternatives ne sont pas beaucoup plus performants en termes de données et d’abus. Mastodon est censé être, du moins dans son principe, une construction de médias sociaux nettement différente : il n’y a pas de serveur central et donc pas de propriétaire ayant des intérêts économiques précis, ni d’algorithme de recommandation pour le flux16. L’application de messagerie Threema est considérée comme une variante plus sûre de WhatsApp. Selon sa propre publicité, elle protège les données personnelles « de l’accès par les pirates, les entreprises et les gouvernements ».

Le monde numérique s’oriente aujourd’hui vers des intérêts de pouvoir et financiers, même s’il doit pour cela sacrifier la vérité. Cela ne doit pas nous empêcher d’utiliser les possibilités positives d’Internet pour diffuser des contenus de qualité, basés sur des faits. En même temps, nous pouvons contribuer à ce que les tendances négatives soient mises en lumière et combattues.

Tout commence avec nos enfants

Enfin, nous devrions peut-être prendre du recul par rapport à nos médias numériques. La neuroscientifique Maryanne Wolf plaide pour la redécouverte de deux anciennes disciplines : la lecture et la pensée. De son point de vue, les médias numériques menacent ces deux aspects.

Selon elle, l’étude Pisa actuelle a constaté une tendance à la baisse des capacités de lecture chez les jeunes de 15 ans dans le monde entier.

C’est pourquoi Maryanne Wolf déclare : « De zéro à cinq ans, les enfants devraient être entourés de livres (d’images), les parents et l’entourage devraient leur lire des histoires tous les jours, les enfants devraient tenir leurs livres, jouer avec, voire les mâchouiller ! La lecture doit être une expérience interactive et sensorielle ». On peut ensuite introduire les écrans de manière très progressive entre un an et demi et cinq ans. Ils ne devraient toutefois pas remplacer la baby-sitter, ni comme distraction, ni comme récompense ou punition. Dès que les enfants peuvent apprendre à lire par eux-mêmes, il est judicieux de faire coexister l’imprimé et le numérique, également pour soutenir la lecture. À l’âge de sept ou dix ans peut-être, l’école pourrait alors introduire les enfants dans le monde de la lecture approfondie. « Si nous ne faisons qu’écumer et que nous avons du mal à distinguer l’information de la désinformation, nous finirons par mettre en danger notre cohabitation démocratique « 17, estime la spécialiste du cerveau.

En bref : peut-être pourrions-nous nous-mêmes reprendre un livre. Outre la Bible, il peut tout à fait s’agir d’un bon roman – ou d’un ouvrage spécialisé sur les théories du complot.


1. Comme je ne me suis pas laissé séduire jusqu’à présent par la participation aux médias sociaux, je suis généralement dans cette partie les réflexions de la journaliste Jessica King dans « Der Bund », 12.2.24
2. clôture de jardin allemande avec le symbole #.
3. Magazine INSIST, avril 2018
4. « Der Bund », 13.2.24
5. « Der Bund », 18.9.23
6. « Der Bund », 10.2.24
7. « Der Bund », 21.2.24
8. Anna Lutz dans le magazine Pro-Medien du 10.1.24
9. « Der Bund », 11.12.23
10. Livenet, 14.11.23
11. « Der Bund », 6.1.24
12. « Der Bund », 12.10.23
13. « Der Bund », 20.10.23
14. « Der Bund », 13.1.24
15. Magazine INSIST, avril 2018
16. https://www.watson.ch/digital/review/279309107-twitter-alternative-17-gruende-warum-sich-mastodon-auch-fuer-dich-lohnt
17. « Der Bund », 21.12.23


Cet article a été publié pour la première fois le 01 mars 2024 sur Forum Integriertes Christsein (en allemand).

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