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Introduction

Dans la Bible, les passages sont nombreux car Dieu promet une terre merveilleuse à son peuple. Le premier passage concerne Abraham, qui doit avoir un descendant et s’installer sur la terre que Dieu lui montrera 1, 2 . Cette promesse a été répétée plusieurs fois. Finalement, Israël a pu prendre la terre de Canaan 3 .

Plus tard, Dieu retira à nouveau la terre à son peuple. Le dernier vestige leur a été enlevé lorsque le Second Temple a été détruit par les Romains en 70 après JC. Mais dans les prophètes, les promesses sont nombreuses que Dieu restaurerait son peuple sur la terre 4 .

En 1948, l’État moderne d’Israël a été proclamé comme un foyer pour les Juifs qui étaient assaillis de toutes parts. Pour de nombreux juifs et chrétiens, cela a marqué le début de l’accomplissement final des promesses de la terre.

Dans le Nouveau Testament, la promesse de terre est traitée d’une manière très particulière. D’une part, elle est étendue par Jésus et les apôtres à la terre entière 5 . D’autre part, il est démontré que « dans le Christ » se réalise ce que les Pères attendaient : la présence personnelle de Dieu dans son Christ6 . Paul fait la distinction entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste 7 . La maison de ceux qui sont dans le Christ est la Jérusalem du ciel. C’est là qu’ils se dirigent.

Quelle position les croyants en Jésus d’origine païenne doivent-ils adopter aujourd’hui à l’égard de la promesse de la terre ? Devons-nous nous joindre à ceux qui veulent défendre à tout prix, avec un engagement politique et personnel, la terre d’Israël, dont ils soulignent les dimensions bibliques ? Ou ceux qui prétendent que la terre d’Israël n’a aucun rapport avec notre foi en Jésus-Christ ? Ou existe-t-il une troisième voie ?

Pour les considérations suivantes, je me suis inspiré de trois essais dont je recommande vivement la lecture8 .

1 La terre d’Israël aujourd’hui

Nous devons faire la distinction entre la « Terre de Promesse » et le morceau de terre qui s’appelle Israël depuis 1948, parce que l’État moderne d’Israël y a été établi.

Promesse signifie : Dieu a promis la terre au peuple, et ils sont en route pour habiter cette terre. Pour Israël, l’élection du peuple et la promesse de la terre sont inséparables. Parce que Dieu a choisi des lieux spécifiques, la terre entre l’Égypte et la Mésopotamie est l’espace alloué à Israël.

 

Il est déroutant de constater que la Palestine a été habitée pendant des siècles par une majorité de gens complètement différents ; dans l’Antiquité, on les appelait les Philistins, aujourd’hui Palestiniens, qui étaient constamment opprimés et exploités par leurs maîtres (arabes, turcs, européens). Depuis 1967, ils vivent sous l’occupation israélienne. Cela ne leur a pas apporté la libération qu’ils attendaient, mais on leur a donné de nouveaux maîtres qui leur disent comment vivre. Ainsi, ils subissent une nouvelle oppression semblable à celle que leurs ancêtres avaient subie auparavant.

Il y a donc deux groupes de personnes qui vivent dans cet espace et qui veulent façonner leur propre destin, c’est-à-dire qui veulent donner le ton quant au mode de vie qui devrait s’appliquer ici et à la manière dont les ressources de la terre, de l’eau et des personnes devraient être utilisées. Les Israéliens fondent leur revendication sur leur Bible, qui contient différents modèles d’organisation du territoire, c’est-à-dire différentes idées sur la taille du territoire, la sphère d’influence du gouvernement et les lois qui le régissent traditionnellement.

Les Palestiniens se réfèrent à leur présence séculaire, à l’idée islamique que cette terre, une fois conquise pour Allah, ne doit pas être abandonnée et tomber sous la domination non islamique, aux lois qui revendiquent la validité selon leur tradition, et au principe d’autodétermination des peuples en vertu du droit international.

Chaque partie revendique ses droits avec la plus grande force possible et se bat avec tous les moyens possibles pour les obtenir ou les conserver. Chaque partie met l’autre sous pression dans l’espoir qu’elle abandonne ses revendications. Chacun des deux peuples veut dominer l’autre ou, à défaut, le mettre de son côté.

La communauté mondiale observe et prend position pour l’un ou l’autre côté. Cela se passe dans le domaine des médias, des affaires et de la politique. Ils soutiennent leurs favoris et mettent leurs adversaires sous un jour défavorable. Ainsi, la communauté mondiale participe au conflit au niveau de la guerre psychologique.

Comment devons-nous nous comporter dans cette affaire de manière à pouvoir en répondre devant notre Seigneur, Jésus-Christ, Yeshua HaMashiach ?

2 Le pays d’Israël dans la lumière de la foi en Jésus-Christ

Je pars de l’hypothèse de Paul selon laquelle « quiconque est en Jésus-Christ est une nouvelle créature » (2.Cor.5,17). (2.Cor.5,17) : « Les choses anciennes ont disparu ; voici que de nouvelles choses arrivent ». A partir de là, les questions relatives à la terre, aux possessions et à la sécurité sont traitées dans un sens particulier. En Christ, nous allons vers la vie éternelle, vers la Jérusalem céleste : la nouvelle. Par conséquent, en Lui, les revendications politiques ne sont pas des questions finales ; elles appartiennent aux anciens. Ils ne sont efficaces que pour le moment.

Le Christ a dit : « Je suis la lumière du monde »9 , et à ses disciples, « Vous êtes la lumière qui éclaire le monde »10 . Cela signifie pour nous : que la lumière que tu es en moi brille pour les hommes, et pour tous les hommes ; le « monde » dans ce contexte signifie toute l’humanité. Dans son livre « Let Your Light Shine »11, Jim Montgomery nous encourage à considérer notre maison comme un « phare » afin que nos voisins, grâce aux bonnes relations que nous entretenons, partagent la lumière qui vient de Jésus Christ. Je comprends que Jésus donne cette mission à son église.

Mais elle s’applique également à Israël. Dieu a adressé les paroles suivantes à son peuple : « Le Seigneur Dieu a créé les cieux et les a étendus comme une tente. Il a formé la terre dans toute son immensité, il a fait pousser des plantes, et il a donné la vie et le souffle à l’humanité. Et maintenant il dit à son messager : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé pour réaliser mes justes projets. Je vous prendrai par la main et vous aiderai ; je vous protégerai. Tu montreras aux peuples ce que je veux qu’ils fassent ; en effet, pour tous les peuples, je te ferai une lumière pour leur montrer le chemin vers moi » 12 . Selon ce principe, le peuple de Dieu, Israël, est chargé par son Dieu d’être une lumière pour toutes les nations ? un phare pour tous les peuples ? afin qu’ils puissent trouver le chemin de leur Créateur.

Nous pouvons également établir un lien entre cette commission et notre nation : Suisse, devenir un phare pour tous les peuples, c’est-à-dire pour toutes les nations. Par vos actes, ils connaîtront votre Père qui est aux cieux, et ils l’honoreront aussi ». Avec cela, nous disons : Devenez un lieu d’orientation en des temps sombres et orageux, parce que la gloire de Dieu brille sur vous 13 .

Maintenant, si dans nos cercles il y a une demande justifiée de tenir la terre d’Israël en très haute estime, je peux la comprendre comme suit : Israël est appelé à être le phare sur sa terre, d’où la bénédiction d’Abraham s’étend à toutes les nations14 , c’est-à-dire que la vérité de Dieu s’accomplit parmi les nations15 . C’est un mot messianique actualisé par Jésus lorsqu’il a dit devant le juge de l’Empire romain : « Oui, tu as raison. Je suis un roi. Je suis né et je suis venu dans ce monde pour lui témoigner de la vérité. Celui qui est prêt à écouter la vérité m’écoute » 16 . Ainsi, le peuple de Dieu remplira sa mission de phare des nations.

Cette mission est en tension frappante avec la façon dont Israël conçoit son existence aujourd’hui. Frank Grothe commente : « En raison de la menace omniprésente de l’antisémitisme, les Juifs vivant dans la diaspora, contrairement aux Juifs israéliens, ne se sentent souvent pas pleinement chez eux, quelles que soient les circonstances dans lesquelles ils vivent. En dehors d’Israël, la pratique de la foi juive devient de plus en plus importante pour affirmer son identité, et la terre d’Israël devient un refuge qui procure le sentiment de sécurité dont on a tant besoin dans un monde hostile…17 . Par la suite, Israël se préoccupe avant tout de sa sécurité, tandis qu’il oublie, ou du moins laisse s’effacer, sa mission de « phare pour tous les peuples ».

Jésus a repris cette mission et l’a actualisée. En lui, Israël devient une lumière pour tous les peuples. Les Israélites d’aujourd’hui accepteront-ils cette mission par Jésus, ou s’en éloigneront-ils ? Nous, chrétiens des païens, rappellerons-nous à nos frères et sœurs juifs cette commission ou passerons-nous à côté de cette commission qui est la nôtre, c’est-à-dire leur devrons-nous la lumière de Jésus et les laisserons-nous ainsi dans les ténèbres ?

Nous pouvons manquer notre mission de deux façons : 1. si nous nous identifions à l’affirmation de soi des groupes conservateurs israéliens. 2. si nous ignorons avec indifférence les besoins du peuple et de l’État d’Israël.

Je cite Frank Grothe : « Lorsqu’Israël risque de perdre sa terre, c’est un signe clair que Dieu appelle son peuple à se repentir. Si Israël persiste dans la rébellion, la désobéissance et le péché, la perte de la terre est une menace très réelle.

Ces points de vue (décrits ci-dessus) motivent les sionistes juifs religieux. La majorité des colons juifs qui se sont installés en Cisjordanie et à Gaza croient en un commonwealth israélien établi sur la terre promise aux patriarches hébreux. Ils estiment que la loi politique et religieuse juive doit être promulguée partout. Ce sera, disent-ils, le début de la rédemption tant attendue et accélérera la venue du Messie.

Un groupe particulier de ces nationalistes religieux est appelé « les fidèles du Mont du Temple ». Ce groupe travaille à la construction d’un nouveau temple juif qui sera édifié sur le site historique du temple de Salomon et du temple d’Hérode. Pour eux, les sanctuaires musulmans qui se trouvent actuellement là sont une profanation qui doit disparaître, même si cela signifie une guerre avec l’ensemble du monde islamique. Ces personnes croient que l’ensemble du territoire de l’Israël biblique doit être placé sous la domination juive. Aucun compromis d’aucune sorte ne devrait être fait avec les Palestiniens sur Jérusalem ou les colonies, car Dieu a explicitement ordonné qu’aucun compromis sur la terre ne soit jamais fait avec un ennemi. Ces personnes prétendent croire vraiment au Dieu du Tenach (l’Ancien Testament), et elles sont prêtes à payer le prix de leurs croyances. Soit dit en passant, des groupes juifs comme celui-ci sont souvent soutenus moralement et financièrement par certains chrétiens évangéliques qui adhèrent à une eschatologie similaire ?

Concernant le point 2, si nous cédons à cette tendance, nous nous éloignerons également du peuple juif, c’est-à-dire que nous renoncerons à l’accès personnel à ce dernier. Nous ne pouvons pas éviter de prendre le parti du peuple de Dieu Israël chaque fois que cela a du sens de le faire dans la congrégation, parmi nos connaissances et en public. Les gens qui nous entourent devraient percevoir que nous appartenons aux jeunes frères et sœurs de ce peuple, parce que nous sommes « greffés sur les racines d’Israël » 18.

3. conclusions

Nous laisserons notre opinion politique être déterminée par le fait que nous avons une part de rédemption dans le Christ (le Messie des Juifs), c’est-à-dire dans la « terre promise » au sens de la vie éternelle.

La terre d’Israël est elle-même un signe visible de la fidélité de Dieu, à savoir qu’il est prêt à tenir sa promesse de paix pour la terre entière. C’est le moyen pour les Juifs de faire à nouveau confiance à la Parole de Dieu. La parole de Dieu dit à Israël : « Dans le pays que je t’ai donné, tu seras une lumière pour les païens, un phare pour tous les peuples ».

La question que je pose au système d’État et au gouvernement actuels d’Israël est la suivante : « Êtes-vous prêt à exécuter cette mission telle qu’elle a été révélée par le Messie ? Êtes-vous prêt à accepter cette rupture du Messie qui rendra possible l’exécution de la commission ? C’est ce que Dieu a révélé en Jésus.

L’actuel chef du gouvernement a été un général, et il gouverne comme un général. Il fait donc son devoir en se battant jusqu’à ce qu’il ait remporté la victoire sur ses ennemis. Ceci est conforme à la vision militaire de David. À cette vision militaire de la royauté juive, Jésus opposa une autre vision dans sa souffrance à mort sur la croix. Son but était aussi la victoire, mais la victoire sur toute culpabilité, toute violence et toute corruption sur terre. Israël et nous, chrétiens, sommes-nous prêts à accepter ce point de vue et à en tirer les conséquences, également dans notre relation avec la terre d’Israël ?

Dans le royaume de paix à venir, dans lequel l’Esprit du Messie donne le ton19 , les étrangers et même les ennemis habiteront ensemble. Ce mot encourage toutes les tentatives possibles pour réunir des personnes hostiles en vue d’un échange. Apprendre à se connaître, apprendre à s’apprécier, apprendre à s’enrichir mutuellement, apprendre à saisir les desseins de Dieu les uns pour les autres, un tel comportement indique le royaume de paix promis par Isaïe. C’est pourquoi je salue la tentative de l' »Initiative de Genève », dans le cadre de laquelle des représentants des Israéliens et des Palestiniens ont élaboré ensemble leurs idées et leurs exigences concernant la terre d’Israël. Ce sont des propositions dont la réalisation éventuelle exige beaucoup de sagesse de la part de Dieu, des compétences politiques et de nombreuses autres réunions.

Après cela, la Terre d’Israël peut devenir pour les Juifs le lieu à partir duquel ils proclament Yéchoua, leur Messie, à tous les peuples de la terre, afin qu’ils deviennent lumière et porteurs de bénédiction pour tous les peuples. Ils sont appelés à être un « phare » pour toute l’humanité.

Il en va de même pour les Palestiniens (et pour toutes les autres nations) : leur patrie doit devenir un phare pour les peuples du monde ? par le biais du Sauveur tant attendu, Jésus-Christ. Ici, les deux groupes se retrouvent dans la même mission.

Remarques finales

Aujourd’hui, le monde entier regarde Israël/Palestine, c’est-à-dire que c’est déjà un « phare ». Mais la question est de savoir si elle transmet la lumière de Dieu telle qu’elle nous a été révélée en Jésus-Christ, ou s’il s’agit d’une demi-lumière traditionnelle, légaliste, obscurcie et menaçante qui reflète la captivité plutôt que le chemin de la libération tel que proclamé par Jésus. Comment se fait-il qu’aujourd’hui, dans notre monde, Israël soit perçu comme un signe de la malédiction, plutôt que comme un signe de la bénédiction de Dieu qui est pour tous les peuples ?

Comment nous, chrétiens des nations du monde, soutenons-nous le peuple de Dieu pour qu’il vienne vraiment à son destin pour porter la lumière parmi les nations ? De Paul, notre mandat est clair : nous devons inciter les Juifs à l’émulation, comme il l’a lui-même vécu, afin qu’ils participent à la grâce de Dieu 20 . Et les Palestiniens ? Ils n’ont un avenir que s’ils apprennent à connaître et à accepter Jésus comme leur Sauveur.

Prions pour de nouvelles façons de devenir « un Juif pour les Juifs et un Palestinien pour les Palestiniens »21 . Cela ne peut se produire que par la puissance du Saint-Esprit qui vient de Jésus-Christ, Yeshua HaMashiach. Soyons attentifs aux endroits où ces rencontres ont déjà lieu, afin de les soutenir et, si nécessaire, de les renouveler.

Berne, 22 février 2005, Werner Ninck

 


1. La plupart des citations sont tirées de la traduction de « Hope for All ».

2. Genèse 12:1-2, L’Éternel dit à Abram : « Sors de ton pays, quitte ta maison et ta parenté, et va dans le pays que je te montrerai. Tes descendants deviendront une grande nation ; je te ferai beaucoup de bien ; ton nom sera connu et prononcé avec respect par tous. Par ton intermédiaire, d’autres personnes participeront également à la bénédiction.

3. Josué 24:13 : Je vous ai donné un pays que vous n’avez pas eu à cultiver, et des villes que vous n’avez pas bâties. Vous mangez les fruits des vignes et des oliviers, que vous n’avez pas plantés.

4. par exemple Ezek. 36:24 : Je te ramène de pays lointains et de peuples étrangers, et je te ramène dans ton propre pays.

5. par exemple Matt.5:5 : Heureux ceux qui renoncent à la violence, car ils posséderont la terre entière.

6. par exemple, Jean 4:12-24 : Jésus a répondu : « Croyez-moi, le temps viendra où il n’importera plus que vous adoriez Dieu sur cette montagne ou à Jérusalem. Vous ne savez même pas à qui vous vouez un culte. Mais nous savons à qui nous adressons nos prières. Car le salut du monde vient des Juifs. Mais le temps vient, il est même déjà là, où les hommes pourront adorer Dieu partout ; la seule chose importante est qu’ils soient remplis de l’Esprit de Dieu et de Sa vérité. Par ces personnes, Dieu veut être adoré. Parce que Dieu est esprit. Et quiconque veut adorer Dieu doit avoir son Esprit et vivre dans sa vérité ».

7. Gal.4, 22-24.26 : On y dit qu’Abraham a eu deux fils : l’un par la fille esclave Agar et l’autre par sa femme Sarah, qui est née femme libre. Le fils de la femme esclave est né parce qu’Abraham voulait enfin avoir un fils, tandis que le fils de la femme libre est né parce que Dieu le lui avait promis. Par l’exemple de ces deux femmes, Dieu veut nous montrer à quel point les deux alliances qu’il a conclues avec l’humanité sont différentes. Dieu a fait une seule alliance avec le peuple d’Israël sur le mont Sinaï, lorsqu’il lui a donné la loi par l’intermédiaire de Moïse. Mais cette loi nous asservit et ne produit que des esclaves comme Hagar….. Mais l’autre femme dont nous descendons est libre. Elle désigne la Nouvelle Jérusalem dans les cieux, la nouvelle alliance que Dieu a conclue avec nous par Jésus-Christ.

8. Frank Grothe, Foi juive et Terre Sainte. (www.grothe.ch). P. Walker, The Interpretation of the Land Promise in the New Testament (enseigne le Nouveau Testament à Wycliffe Hall, Université d’Oxford en Angleterre), O. Palmer Robertson, The Land Promise in Light of the New Testament (Robertson enseigne au Knox Theological Seminary à Fort Lauderdale, Floride, USA et à l’African Bible College à Lolongwe, Malawi).

9. Jean 8:12

10. Matt.5:14

11. Jim Montgomery, Let Your Light Shine. Comment Jésus vient chez nos voisins. Gloryworld Media, 2002.

12. Ésa.42:5,6

13. Isa.60.1.2

14. Gen.12:3

15. Isa.42,1

16. Jean 18:37

17. voir note 7

18. Rom.11:17

19. Isa.11:1-9 Ce qui reste de la royauté de David est comme une vieille souche d’arbre. Mais il s’éveillera à une nouvelle vie : Une jeune pousse poussera à partir de ses racines. L’Esprit du Seigneur reposera sur lui, un esprit de sagesse et de compréhension, un esprit de conseil et de force, un esprit de connaissance et de révérence pour le Seigneur. Il respectera et honorera le Seigneur de tout son cœur. Il ne juge pas par la vue ni par le ouï-dire. Incorruptible, il aidera les pauvres à faire valoir leurs droits et interviendra en faveur des hors-la-loi dans le pays. Son jugement frappera la terre ; une seule parole de sa part suffit pour mettre à mort les méchants. La justice et la fidélité gouverneront toutes ses actions. Alors le loup et l’agneau cohabiteront paisiblement, le léopard se couchera avec le chevreau. Les veaux, le bétail et les jeunes lions broutent ensemble ; un petit garçon peut les rassembler en troupeau. La vache et l’ours partagent le même pâturage, et leurs petits couchent ensemble. Le lion mange le foin comme du bétail. Un nourrisson joue près de l’éclosion de la vipère, un enfant s’installe dans la tanière de la loutre. Dans toute la montagne sacrée, personne ne fera le mal ou le préjudice. Tous les hommes connaissent le Seigneur ; sa connaissance remplit la terre comme l’eau remplit la mer.

20. Rom.11:14,15 : Car s’il est déjà venu à la réconciliation des nations avec Dieu, lorsqu’il s’est détourné d’Israël, comme cela doit devenir glorieux, lorsque Dieu se tourne à nouveau vers son peuple. Alors les morts seront ressuscités.

21. 1 Cor. 9:19ff.


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Une introduction à la mondialisation par Ruth Valerio dans le pdf ci-dessous :

– La mondialisation et les pauvres
– La mondialisation, l‘Eglise et la mission
– Une approche biblique de la mondialisation

Mondialisation_Valerio

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Avec une force étonnante, les cloches de l’église retentissent à travers tout mon voisinage. En particulier les dimanches matins elles sonnent avec tant d’impétuosité qu’elles réveillent même le dormeur le plus endurci. Alors que je m’en plaignais, un chrétien me répondit de cette manière: « Nous devrions nous réjouir du bruit de ces cloches car elles nous rappellent, à nous les Suisses, que nous vivons dans un pays chrétien ». Dans un pays chrétien, nous? – Cette idée éveilla en moi un petit soupçon. Que signifie être un pays chrétien ? Et si tant est que nous parvenions à définir ce qu’est un pays chrétien, la Suisse en fait-elle partie ?

1. Les Suisses sont-t-ils chrétiens? Premier critère.

Au fait, quand un pays est-t-il vraiment un pays chrétien? Pour beaucoup la réponse est : lorsque dans ce pays, il y a beaucoup de chrétiens. Ce critère se base sur ce principe suivant : « La somme des parties forme un tout ». Lorsque tous les habitants ou une grande partie d’entre eux, ou plus que la moitié sont chrétiens, alors on peut dire que ce pays dans son ensemble est chrétien. En plus du simple calcul arithmétique, d’autre éléments entrent en ligne de compte : dans un pays où il y a beaucoup de chrétiens, les lois sont édictées en conséquence, la culture, l’air que l’on respire aussi sont empreints de chrétienté. Pour cela il est souvent dit qu’un pays qui met en pratique des valeurs chrétiennes en politique et dans la société est de fait un pays chrétien.

Un premier critère pour un pays chrétien serait alors celui-ci : un pays dans lequel d’une part beaucoup de chrétiens vivent et, d’autre part, les valeurs chrétiennes revêtent un rôle important pour la société.

a) Aujourd’hui

Alors, selon ce critère, la Suisse est-elle un pays chrétien? Pour répondre à cette question, il faut savoir tout d’abord ce que signifie être chrétien. Si on le demande aux chrétiens, ils relèvent toujours qu’être chrétien signifie plus qu’assister par formalité à la messe ou au culte de Noël. Être chrétien signifie savoir poser un jalon et changer sa façon de vivre, pouvoir dire à Dieu : pardonne mes fautes. Recevoir de sa part une certaine forme d’insouciance, de joie et de force libératrice. Vivre au quotidien avec Jésus, dans son amour et avec son Esprit, et bien d’autres choses encore. Combien d’habitants en Suisse sont-ils imprégnés de cette vision ? Où y a-t-il en Suisse un endroit dont les rues seraient emplies de personnes chrétiennes ? Je n’en ai encore vu aucun.

Et parce que la société est toujours formée et imprégnée par ses citoyens, nos lois, notre société, notre culture ne sont pas dirigées par des objectifs chrétiens (et lorsqu’elles le sont, la motivation à l’origine des actes n’est pas chrétienne). Dans notre société suisse, il souffle beaucoup d’esprits – des bons et des mauvais : la cupidité, l’amertume, mais aussi l’honnêteté, l’amour de la nature, l’envie de se divertir, etc. Parmi tous ces courants forts, le souffle de Jésus n’est qu’une petite brise.

Beaucoup de chrétiens utilisent deux définitions différentes du fait d’être chrétien et des valeurs chrétiennes, selon qu’ils parlent de la Suisse comme d’un pays très majoritairement chrétien ou bien qu’ils partagent leur foi ponctuellement lors d’un culte ou dans une cellule de prière. Dans le premier cas, la Suisse est considérée comme chrétienne par le seul fait qu’une minorité assiste parfois au culte ou à la messe ou parce que nos lois, à l’instar des dix commandements, interdissent le meurtre.

b) Hier

Certains lecteurs devront l’avouer: la Suisse aujourd’hui n’est plus peuplée de chrétiens. Ils répliqueront que la situation était tout autre lors des siècles passés. Et puis ils ajouteront que notre culture actuelle s’est nourrie de siècles de chrétienté et qu’elle en est imprégnée.

Voici trois éléments de réponse : premièrement, jusqu’à quel point une personne chrétienne peut-elle bénéficier de la foi de ses ancêtres ? Dans quelle mesure doit-elle elle-même trouver le chemin de Dieu ? Deuxièmement, quel est encore l’influence au 21ème siècle de Nicolas de Flue ou de Jérémias Gotthelf? Troisièmement, et c’est là la réplique la plus importante: nos racines sont-elles vraiment chrétiennes? Qui a imprégné l’Occident, des prédicateurs fidèles à la Bible ou des personnes avec une attitude certes pieuse mais imprégnée de superstitions? Quelques Mennonites pacifiques ou bien une cohorte de nobles belliqueux ? Matthias Claudius ou Denis Diderot ? On pourrait poursuivre l’énumération. Comparons tout d’abord ce que Jésus a légué au monde et ce qui a imprégné ou imprègne encore la société, le quotidien et les êtres humains dans notre Occident soi-disant chrétien. Ne faut-il pas se demander si, au cours de ce passé chrétien si souvent cité de la Suisse, le large chemin n’a pas été emprunté par une majorité d’hommes et si la route étroite de la nouvelle vie que Dieu aimerait ouvrir aux croyants n’a changé qu’une infime partie des gens, de la culture et de la politique.

On dirait ainsi qu’aujourd’hui comme par le passé, une grande partie de la population suisse doit encore accepter l’Evangile, car elle ne l’a pas encore reçu. Ainsi la société, la politique et la culture n’ont jamais vraiment été orientées en fonction de buts chrétiens. Si on mesure la « chrétienté » d’un pays par le fait que ses habitants, son gouvernement, sa vie publique sont imprégnés de la foi en le Dieu d’Abraham, alors on ne peut pas affirmer que la Suisse est un pays chrétien.

2. La Suisse est-elle chrétienne? Deuxième critère

Il y a des chrétiens qui désignent la Suisse comme une terre chrétienne, même s’ls voient et déplorent que les Suisses ont perdu l’influence due à la foi en Jésus, si tant est qu’ils l’aient eu un jour. Ces gens entendent par un pays chrétien autre chose qu’un pays où vivent un certain nombre de chrétiens. Cet autre point de vue souligne que dans notre pacte national et dans notre législation nous nous en sommes remis à Dieu et que Dieu a béni la Suisse. Tout comme un individu peut se convertir à Dieu, une nation aussi (à l’instar d’une personne), peut entrer en relation étroite avec Dieu. Le fait que les Suisses ont individuellement délaissé leur Dieu ne joue aucun rôle. La Suisse dans son entité est et demeure l’enfant de Dieu (ainsi l’expriment bon nombre de chrétiens). Ce second critère nous montre que ce qui caractérise un pays chrétien ou pas,ce n’est pas seulement le fait que l’une ou l’autre de ses parties le sont mais que ce pays entretient une relation toute particulière avec Dieu.

a) Drapeaux, pacte national et préambule

On peut vraiment se demander si la Suisse est un pays chrétien selon le second critère. Très souvent, afin d’étayer cette affirmation, on nous renvoie à la croix inscrite au beau milieu de notre drapeau. On devrait cependant se demander si le canton de Neuchâtel est un canton plus chrétien que le canton de Berne, car, sur le drapeau de Neuchâtel il y une croix à la place de l’ours bernois. Cela suffit-il à faire la différence ?

En tant que critère complémentaire qui défendrait l’idée d’une Suisse chrétienne, on évoque souvent le pacte des confédérés de 1291. Il n’est pas si évident que ce pacte nous ait amenés plus près de Dieu. Ce pacte est un document qui édicte un accord de défense entre trois vallées et qui énonce aussi les dispositions de droit applicables. Rien à voir avec un pacte conclu avec Dieu, comme voudraient nous le faire croire les chrétiens de nos jours1 . Naturellement, ce pacte débute par « Au nom de Dieu amen » et puis on y ajoute : « Ainsi Dieu le veut ». Cependant, rien ne permet d’affirmer sans ambiguïté que ces deux formulations représentent une alliance militaire et juridique en vue d’un pacte avec Dieu. L’appel à Dieu dans le préambule de ce pacte revêt un caractère plus modeste : on invite Dieu, en l’espèce en tant que Seigneur ou que témoin (ou quelque chose de la sorte) à être le témoin du pacte entre ces trois vallées. Et lorsqu’on songe à ces centaines de pactes et d’unions qui foisonnaient dans ces contrées au Moyen-Âge, on s’aperçoit que ces pactes ont tous fait référence à Dieu (les adversaires des Suisses n’étant pas en reste pour cela). Alors on peut reconnaître que ce préambule ne présentait que partiellement la portée d’une parole sérieuse et religieuse mais avait en grande partie un caractère coutumier. Il faut aussi être conscient que ce pacte national n’était en fait pas le véritable pacte de la fondation de la Suisse. Autrefois il y avait un éventail de pactes similaires. Vers le 19ème siècle, on prit simplement cet exemple particulièrement frappant comme document fondateur de la Suisse.

On peut ensuite lire le préambule de la Constitution fédérale: « Au nom de Dieu le Tout Puissant ». La Bible nous le dit : Dieu n’accorde pas d’importance aux attestations officielles mais ce qui lui importe le plus, ce sont l’attitude de nos cœurs et les actes qui en découlent2 . Rien ne permet d’affirmer que ce préambule devrait rendre la Suisse plus chrétienne. D’autant moins lorsqu’on se penche vraiment sur la signification d’un tel préambule. Du point de vue juridique, il est clair que ce préambule n’a aucune force de loi, sa valeur est toute symbolique. Lors des consultations parlementaires, il est ressorti clairement que cette injonction n’est pas seulement dédiée au Dieu des chrétiens, Ainsi l’ancien conseiller fédéral Koller : « chaque personne peut ….donner au Dieu tout puissant un sens tout personnel ». La plupart des parlementaires étaient d’avis que cette expression « Au nom de Dieu le tout puissant », démontrait avant tout les limites de l’action humaine et rien de plus. Qui peut lire les prophètes et en même temps déclarer que ce préambule honore Dieu alors qu’il utilise un mot bateau et qui n’en est pas moins, selon le message du Conseil fédéral, une des raisons les plus importantes de notre tradition? Quelle nation peut se prévaloir de consacrer certes quelques mots à Dieu dans sa constitution mais , au quotidien, de se préoccuper avant tout de l’argent, de l’économie débridée et de la consommation effrénée ?

Par ailleurs nous sommes souvent renvoyés à cette idée que dieu a particulièrement béni la Suisse ; serait-ce là une preuve tangible ? Qu’est-ce qui pourrait expliquer que notre pays soit empreint de paix et d’un produit intérieur brut si élevé, si ce n’est la bénédiction divine ? Cependant la Bible est pleine d’allusions et de plaintes sur les non croyants qui boivent et mangent3 alors que ceux qui suivent les traces de Dieu doivent courber l’échine. Naturellement il y a aussi dans la Bible plein d’exemples où Dieu bénit les siens avec des biens terrestres4 . Que l’on trouve dans la Bible ces deux côtés des choses nous démontre que l’on ne peut pas affirmer tout simplement: nous allons bien, c’est le fait de Dieu. Notre prospérité pourrait tout aussi bien provenir des suites de nos bonnes comme de nos mauvaises actions ou bien, nous la devons simplement à la grâce librement donnée par notre Dieu. Selon le second critère aussi, nous ne trouvons pas de raisons de considérer la Suisse comme appartenant à Dieu d’une manière spéciale5 .

b) Petite parenthèse: Des pays peuvent-ils être interlocuteurs de Dieu ?

Voici une parenthèse concernant un aspect annexe important, quoique complexe.

Nous sommes souvent dans l’embarras lorsqu’il faut examiner si des pays appartiennent à Dieu. On ne peut pas dire qu’un pays comme la Suisse ou un autre pays est chrétien sans considérer que nous les gens modernes, ne sommes plus du tout habitués à nous définir en tant que groupes, générations ou nations comme des entités organiques. Pour nous, les communautés sont seulement un rassemblement d’individus. Pour les gens du 21ème siècle c’est une pensée réductrice que de désigner un pays (et non un individu) comme partenaire de Dieu. Notre façon de penser, totalement individuelle et libérale, peut difficilement accepter, comprendre et surtout réaliser le fait que des communautés aussi peuvent entrer en relation avec Dieu. La Bible évoque pourtant souvent la communauté comme n’étant pas la somme d’individus mais en tant que personne à part entière. 6

Naturellement, il n’est pas aisé de comprendre comment notre Dieu s’adresse à une communauté (on se demande même parfois si cela est possible). Autrefois, Dieu parla par exemple à des gens qui se considéraient plus en tant que « Nous » qu’en tant que « Je ». Comment peut-on transposer ce discours pour nous autres, individus du 21ème siècle, qui nous définissons plus par « Je » que par « Nous » ? Les communautés auxquelles Dieu s’est adressé autrefois étaient complètement autres que celles d’aujourd’hui. Autrefois, les tribus, la famille élargie et la royauté comptaient bien plus que de nos jours. Aujourd’hui ce sont des nations démocratiques et multi-ethniques ainsi que des cercles d’amis et des cellules familiales. Il faut aussi songer que lorsque Dieu s’adresse à son peuple, il ne s’adresse pas toujours au peuple en tant que tel. On peut dire aujourd’hui que la Suisse a dit non à la CEE car une majorité de ses individus a dit non à la CEE. Par ailleurs, ce qui sème le trouble, c’est que Dieu a instauré une relation toute particulière avec Israël. Pouvons-nous apprendre quelque chose, à partir de cette relation spéciale, sur la relation que Dieu entretient avec d’autres nations ? Un autre point important est que Dieu nous a donné une autre façon de penser à travers le Nouveau Testament. La conversion, le baptême par l’eau et le baptême de l’Esprit, ainsi que la relation de chaque individu avec Dieu ont, de nos jours, une toute autre priorité que dans l’Ancien Testament. Malgré ces questions qui nous brouillent un peu l’esprit, il n’en demeure pas moins que Dieu s’adresse aussi bien aux seuls individus qu’aux peuples tout entiers.

c) Conclusion: la Suisse n’est pas un pays chrétien

En conclusion pour tout le texte ci-avant, nous pouvons affirmer ceci: nous avons considéré deux critères pour savoir ce qui rend un pays chrétien. Le premier critère conçoit un pays comme chrétien lorsqu’une grande partie de sa population l’est, et que la société de ce pays est empreinte de valeurs chrétiennes. Le second critère conçoit un pays comme encore chrétien même si presque plus personne ne suit les commandements de Dieu activement mais que ce pays en tant que pays est entré en relation avec Dieu. Selon ces deux critères, la Suisse n’est pas un pays chrétien.

3. Une Suisse sans Dieu

C’est un fait, les chrétiens ne sont pas les représentants d’une véritable identité chrétienne de la Suisse. Non, ils vivent dans un Etat séculaire, libéral et constituent une de ses nombreuses minorités. Il est bon de comprendre ce changement de paradigme. Regarder la vérité en face a un effet libérateur.

a) Construire une nouvelle maison au lieu de se lamenter sur les débris de l’ancienne

Nous les chrétiens ne devons plus d’une façon anxieuse défendre au nom de tout le peuple suisse cette « façade chrétienne ». Non, nous avons le droit de laisser dépérir les anciennes racines et de semer un grain nouveau ! Jésus n’a pas prêché le maintien d’une situation donnée, mais il a prêché la conversion. En Suisse il n’y a pas beaucoup de choses à conserver en ce qui concerne la libération par Jésus et les valeurs qu’il nous a apportées. Ce message et cette éthique doivent tout d’abord être apportés aux Suisses et aux Suissesses et ils ne peuvent être « réactivés ». Relevons ici la triste formulation que le Comité d’Action CH-CH a choisie pour désigner l’héritage chrétien de la Suisse comme étant un « grand capital aux fondements étendus ». Comment peut-on vouloir qualifier la foi de capital, à savoir quelque chose que nous possédons indépendamment de notre constitution actuelle ? Souvent, dans le contexte de la « répartition des responsabilités », les églises sont instamment incitées à jouer les gardiens du temple ou les garants de l’Occident chrétien. Mais les chrétiens ne devraient pas dépenser leur temps et leur énergie pour gérer ou freiner la faillite de l’Occident. Au lieu de perdre leur temps pour le maintien d’une culture (culture qui n’a aujourd’hui que peu de liens avec le charpentier et le fils de Dieu: Jésus), ces chrétiens devraient se concentrer à nouveau sur Dieu, laisser le soleil se coucher sur l’Occident et devraient proclamer la lumière de l’étoile du matin. Une lueur d’espoir pointe à l’horizon; c’est que dans ces derniers temps, les chrétiens englobent de plus en plus la Suisse dans leurs prières.

b) Ne pas cacher la véritable situation

Il est bon d’avouer que la Suisse chrétienne détient beaucoup plus de faux-fuyants que de substance même. Ce n’est qu’en prenant conscience de notre éloignement et de nos manques vis-à-vis de Dieu que nous pourrons retourner à Lui. Cet éloignement de Dieu est une réalité ; nous en voulons pour preuve ce musulman qui écrit sur ses expériences faites en Suisse. Il affirme en substance : « Que la Suisse soit un pays chrétien admettons-le, mais on ne ressent pas du tout au quotidien cet état de fait. Les valeurs chrétiennes typiques comme le don de soi à Dieu, l’amour du prochain etc. sont de plus en plus reléguées au second plan et font face à des valeurs dites modernes telles que capitalisme, égoïsme et sécularisme. Nous les musulmans vivons dans un monde où la priorité est mise sur le bien-être matériel, alors que l’accent devrait être mis sur le côté spirituel7 .

Les chrétiens devraient être les premiers à refuser cette hypocrisie qui voudrait que notre pays soit un pays chrétien. Combien de nos concitoyens se confortent dans l’idée que nous serions des chrétiens et que nous tiendrions bien haut l’étendard des valeurs chrétiennes sans qu’ils aient eux-mêmes ressenti le vent nouveau de l’Evangile ? Pourquoi nous, les chrétiens, soutenons-nous cette hypocrisie ? Pourquoi des politiciens chrétiens souhaitent-ils invariablement que la constitution fédérale débute par « au nom de Dieu », bien que cet état de fait, dans un pays « païen » comme la Suisse, est une manière d’aveugler le profane ? C’est une réalité qui devrait nous inviter à une sorte de repentance8 .

Pourquoi les chrétiens tendent-ils joyeusement la main lorsque la Suisse officielle veut mettre une cape autour d’elle comme d’autres portent une croix autour du cou en guise de talisman? Certains chrétiens n’espèrent-ils pas à un renouveau spirituel venant d’en-haut, ce qui n’est autre qu’une expérience de l’Esprit de Dieu, lorsqu’ils parlent de leur rêve d’une Suisse officielle qui se donne à Dieu. Pourquoi nos politiciens se basent-ils dans leur argumentation toujours et à nouveau sur des valeurs chrétiennes en martelant que nous sommes un pays chrétien? Bien que ces valeurs chrétiennes ne convaincront jamais un non-chrétien, que son pays d’origine soit appelé chrétien ou non. Pourquoi donc la NZZ9  encense-t-elle une constitution fédérale, qui se voudrait le fondement de nos valeurs chrétiennes, bien qu’il soit clair que la foi, en Suisse, est seulement superficielle et au grand jamais un « fondement ».

Bon nombre de chrétiens apprécient peut-être inconsciemment que le pathos des cercles officiels, étatiques et des puissants se répercute sur eux : « Nous, nous valons quelque chose, toute la Suisse repose sur notre foi ». Cependant cette sentimentalité ne correspond pas à l’esprit de la Bible (pas plus qu’à la réalité). De même beaucoup de chrétiens confondent leur amour pour la Suisse (ce qui, en soit, est beau si cela ne ressemble pas à de l’égoïsme), avec leur amour de Dieu, ce qui fait que cette patrie « dans la foi » ne peut plus être différenciée d’avec la patrie des alpages et des pâturages. Il se peut qu’un brin de romantisme vienne s’ajouter à cela, comme chez Novalis: « Il était des temps heureux durant lesquels l’Europe était une contrée chrétienne et où l’esprit de la chrétienté soufflait parmi les hommes ».10

c) L’objectif: une voix chrétienne pour le renouveau

Cette partie de notre globe n’a jamais été construit d’humanité et ne l’est pas plus aujourd’hui, C’est pour cela que la minorité chrétienne de la Suisse ne doit pas être frustrée de tenter de restaurer quelque chose ou de se sentir comme la « caisse de résonnance » de l’âme suisse qui serait chrétienne. Non, cette petite voix chrétienne au milieu des voix modernes de la Suisse contemporaine doit être une voix qui apporte le renouveau. Une voix qui, parmi toutes sortes de maux, doit changer l’attitude de tout un chacun et de la société tout entière. Une voix qui montre le chemin vers le Christ et vers ses valeurs.

Novembre 2004, Dominic Roser, économiste

 


2. cf. p. ex. Amos 5.21-27 ou Matthieu 6.5-6

3. p. ex. Psaume 73.4. Psaume 8.14. Corinthiens 11. 23-28

4. p. ex. Deutéronome 11. 13-17. 2. Chroniques 1. 11-12. Psaume 37.9

5. Lorsque quelqu’un affirme cependant que la Suisse est très proche de Dieu, on devrait songer aussi que d’autres pays le sont encore beaucoup plus. Combien de pays d’Europe comptent des éléments dits chrétiens dans leur histoire ? Combien par exemple ont eu les rois qui priaient ou d’autres références chrétiennes ? Qu’en est-il des Etats-Unis ? La Suisse a-t-elle vraiment une longueur d’avance dans ce domaine ?

6. Des repères importants dans la Bible comme Deutéronome 32. 8-9, Josué 43. 1-4, Zacharie 11.10 Il en ressort clairement que Dieu a conclu un pacte avec le peuple d’Israël.

7. http://www.barmherzigkeit.ch/Leseproben/muslime_in_der_ch.html. L’humaniste juif Erich Fromm donne une perspective extérieure intéressante et similaire dans son ouvrage: « Avoir ou Etre ». Il est d’avis que la conversion de l’Europe à la chrétienté est restée superficielle. Au mieux on pourrait dire que ce n’est qu’entre le 12ème et le 16ème siècle que l’on a pu déceler un changement dans les cœurs.

8.  Les sociaux-démocrates ont les premiers pris la peine d’attirer l’attention sur la réalité lors des pourparlers sur le préambule de la nouvelle Constitution fédérale. Jean Ziegler: « De quoi le Christ se plaint-il tout le temps? Des Pharisiens. Que font les Pharisiens, cette secte de semi-intellectuels à Jérusalem? Ils proclament la gloire de Dieu. Ils proclament et ils font le contraire. Ici, on veut de nouveau nous engager dans la voie proclamatoire. Ce préambule est une absurdité. Il n’y a pas d’Etat chrétien (…). Ce matin, nous avons l’occasion de mettre fin à cette effroyable hypocrisie (…) ». Andreas Gross: « dans ce sens l’appel à Dieu est devenu un bla-bla généralisé. (…) Ainsi, je le pense, nous rendons à la tradition un bien mauvais service. J’irai encore plus loin en déclarant: le premier alinéa est une absurdité ». Hans Widmer: « le grand théologien Karl Barth a déjà constaté dans les années quarante que le peuple contemporain des confédérés ne représente pas une unité de foi mais plutôt un mélange étonnant de peuples (réformés, catholiques, idéalistes, matérialistes et autres) ».

9. NZZ am Sonntag, 22 juin 2003

10. Die Christenheit oder Europa – Ein Fragment (1799).

Photo by Seb Mooze on Unsplash

~ 11 min

A la suite de notre séjour au Salvador, nous avons passé trois semaines de vacances à Cuba afin de partir à la découverte d’un des derniers représentant de l’« autre monde ». Nous avons été mis au parfum dès notre arrivée où, lors du passage de la douane et malgré l’heure tardive, nous avons été fouillés pendant deux heures avec une lenteur et une minutie impressionnantes?

Cuba nous est apparu comme le pays du soleil, de la chaleur, des ouragans, de la musique et des gens accueillants mais aussi comme un endroit où les touristes sont souvent considérés comme des dollars à pattes.

Un peu d’histoire

Après l’invasion espagnole au XVIe siècle, les indiens qui peuplaient l’île furent complètement exterminés, principalement par la faute des maladies importées d’Europe. Les colonisateurs et les esclaves les remplacèrent. En 1902, Cuba remporte son indépendance face à l’Espagne mais pour être contrôlée par les USA qui veulent mettre la main sur le très fructueux commerce du sucre. Des dictatures et des présidents corrompus se succèdent. Au temps de la prohibition (aux USA), l’île devient le paradis des touristes américains à la recherche d’une vie nocturne décadente. La population autochtone, quant à elle, continue à vivre dans la misère. Après quelques années de lutte, les troupes de Castro, Che Guevara et Cienfugos prennent le pouvoir en 1959. Ils sont largement soutenus par la population, heureuse de se défaire du joug de la dictature corrompue. Ils mettent sur pied un excellent système de santé, un accès à l’éducation généralisé et suffisamment de nourriture pour chacun.

Aujourd’hui une centaine de personnes environ (personne ne connaît les chiffres exacts) sont emprisonnées pour des motifs politiques.

Nos questions

Beaucoup de mythes existent à propos de Cuba : certains glorifient Cuba comme le lieu des héros tels que Che Guevara et considèrent le pays de Fidel Castro comme étant le gardien de la justice. D’autres voient Cuba comme la pire des dictatures, où des millions de personnes meurent de faim. Qu’en est-il des touristes ? Certains ne s’intéressent qu’à la Dolce Vita (« tout baigne ! »). D’autres ne voient que les maisons en ruine (« quelle horreur ici ! »). Tout est une question de point de vue? Pour essayer de mieux comprendre les causes et les conséquences de cette situation, nous avons tenté, au cours de notre séjour, d’entrer en contact avec le plus de personnes possible afin de connaître leur point de vue.

On peut toutefois se demander si les gens disent vraiment ce qu’ils pensent. Étonnement, nous avons souvent eu des discussions très ouvertes. Les gens n’ont pas eu peur de dire ce qu’ils pensaient (par opposition à la situation dans plusieurs pays de l’ancienne Europe de l’Est). Il y a même quelques personnes qui portent ouvertement des T-shirts exhibant un drapeau américain.

Est-ce que les gens ne sont-ils pas simplement endoctrinés ? Évidemment, les médias officiels ne donnent que des informations approuvées par l’Etat. Cependant, il est possible de recevoir dans une partie de l’île des stations de radio et de télévision américaines qui diffusent la propagande inverse ! Ce qui est frappant, c’est le niveau d’éducation moyen très élevé. Toutes les personnes sont capables de se faire un avis personnel, puis d’argumenter dans ce sens. En général, les gens connaissent bien les différents systèmes politiques. Ceci nous a permis d’avoir de longues discussions très intéressantes.

Voici en bref une partie de ce qui est ressorti de ces discussions :

–        Tous s’accordent à dire que la révolution de 1959 était une bonne chose, dans la mesure où le régime précédent était complètement corrompu et dictatorial. De plus, la majeure partie de la population était dans la misère et soumis à la riche couche dirigeante.

–        Presque tous sont opposés au président Bush. Presque personne ne désire appliquer le système américain à Cuba.

–        La moitié de nos interlocuteurs aimeraient certaines réformes du système cubain. Quelques-uns rejettent totalement le socialisme. Une majorité admire l’engagement personnel de Castro et aimerait garder les idées de base du socialisme, surtout à cause de l’excellent système d’éducation et de santé.

–        Ceux qui peuvent faire de l’argent en logeant des touristes trouvent le système assez bon. Au contraire, ceux qui, en se plaignant de la situation, peuvent recevoir de la part des touristes quelques dollars de compassion, affirment que la situation est terrible?

Des mythes et des faits

Il convient de comparer la situation de Cuba avec celle des autres pays des Caraïbes et de l’Amérique Centrale et non pas à celle de la Suisse ou des USA. Et ceci aussi parce que la situation dans les différents pays des Caraïbes était semblable avant la révolution cubaine, alors qu’à cette époque, il existait déjà de grandes différences entre Cuba et les pays occidentaux.

Je prendrai souvent le Salvador comme exemple, vu que c’est le pays que je connais le mieux. C’est aussi un exemple intéressant parce que son système politique et économique se situe aux antipodes de Cuba. Voici mon analyse de quelques thèmes souvent évoqués à propos de Cuba :

1) La nourriture

·        Au début des années nonante, avec la chute de l’Union soviétique qui était son partenaire commercial principal, Cuba a vécu quelques années de disette. Aujourd’hui presque personne ne souffre de la faim. Cependant, la situation varie d’année en année.

·        Au Salvador, environ 50% des enfants souffrent de malnutrition (selon les données officielles salvadoriennes). La situation varie énormément d’une couche à l’autre de la population.

2) L’habitat

·        ` Cuba, dans les endroits touristiques, les façades des maisons sont joliment rénovées. Derrière la façade, c’st autre chose? Cependant il est aussi incorrect de dire qu’une majorité des gens vivent dans de mauvaises conditions. Les gens qui ont eu la chance d’hériter une maison vivent assez bien. Une manière d’améliorer l’ordinaire est de louer des chambres à des touristes et obtenir ainsi de l’argent pour la rénovation. Par contre, d’autres personnes vivent dans des maisons petites et délabrées.

·        Au Salvador, les riches vivent dans des villas, les gens appartenant à la classe moyenne vivent dans des maisons simples (aussi entourées de fils barbelés à cause du haut taux de criminalité) et les plus pauvres vivent en partie dans des bidonvilles.

3) La santé

·        L’espérance de vie à Cuba est de 77 ans et la mortalité enfantine (en dessous de 5 ans) de 0.9%. Au Salvador, l’espérance de vie est de 70 ans et la mortalité enfantine de 3.9%. ` Cuba, le système de santé est bien développé et est accessible à tous.

·        Au Salvador les riches ont accès à une médecine de pointe alors que ceux qui ne peuvent pas payer sont exclus du système.

4) La formation

·        ` Cuba, le niveau de formation est généralement très haut et les gens s’expriment très bien par oral et par écrit. Le taux d’analphabétisme est de 3%.

·        Au Salvador une grande partie de la population vit dans l’ignorance totale et n’a pas la formation nécessaire pour progresser. Beaucoup peuvent à peine s’exprimer. Le taux d’analphabétisme est de 20%.

5) Les infrastructures

·        ` Cuba, les coupures de courant sont fréquentes. Au contraire, il n’y a presque pas de coupures d’eau.

·        Au Salvador, il y a en général du courant électrique mais de l’eau seulement la moitié de la journée, et encore?

6) Les salaires et la pauvreté

·        Les salaires à Cuba sont de 6 à 25 dollars par mois, selon le métier, l’expérience et aussi le rendement. Ceci peut sembler peu, mais il fait tenir compte du fait que chacun a également accès gratuitement au système de santé, à l’éducation et dans le plupart des cas, n’a pas de loyer à payer. De plus, il est facile de changer de travail : après 4 ans passés à faire le même travail, chacun peut entreprendre une nouvelle formation pour commencer un nouveau travail. Nous avons rencontré des gens qui avaient trois voire quatre diplômes. En encourageant ainsi les gens (sans les forcer) à se former, l’Etat essaie de couvrir les besoins de l’économie. Cependant pour une majorité de cubains, le salaire officiel est trop modeste et ceux qui le peuvent essaient d’obtenir un revenu annexe soit dans le tourisme, dans la production de nourriture ou dans les services.

·        Je n’ai pas de chiffres pour El Salvador. Mais le taux de chômage est élevé et les différences entre les super riches (les « 14 familles » qui contrôlent l’île) et les couches défavorisées sont énormes.

7) Les biens de consommation

·        ` Cuba, le manque de biens de consommation habituels se fait clairement ressentir. Et une partie des cubains captent des émetteurs américains leur énumérant la liste de tout ce qu’ils pourraient avoir sans le socialisme.

·        Quand on compare cela à El Salvador, il est frappant de voir que ce manque est aussi là pour une majorité de la population. Il est alors permis de se demander quel manque est le plus supportable : pas de baskets Nike ou pas de système de santé ? Mais la publicité essaie de nous convaincre (aussi bien en Europe qu’aux Caraïbes) que sans ceci ou cela, nous ne pouvons pas être heureux ou trouver notre place dans la société.

8) Le travail

·        Il est courant d’entendre à propos de Cuba que « les gens dans un système socialiste ne travaillent pas et deviennent paresseux ». Cependant ceci tient plutôt du mythe car chacun est obligé de travailler (aussi dans l’Europe de l’Est d’autrefois).

·        Au Salvador beaucoup essaient de s’en sortir avec des petits travaux occasionnels. Malgré le haut taux de chômage, les chômeurs ne reçoivent pas d’aide de l’Etat.

9) La sécurité

·        ` Cuba, il n’y a aucun risque à se promener le soir dans les rues.

·        Au Salvador, les gens des classes aisée et moyenne se barricadent derrière des fils de fer barbelés et des portes de fer. Devant chaque magasin se trouve un agent de sécurité avec une arme chargée. La criminalité liée à la violence est extrêmement élevée et ceci à cause de la situation sociale, du peu de valeur donnée à la vie, du passé de guerre civile et de l’accès facile aux armes. Si quelqu’un veut voler une voiture, le moyen le plus facile est de simplement tuer le chauffeur.

10) La liberté

·        ` Cuba, il n’est pas possible de faire tout ce que l’on veut. Plus particulièrement, la liberté d’entreprise, de devenir riche (ne serait-ce pas souhaitable selon la Bible ?) et de consommer sont très restreintes.

·        Au Salvador, ces libertés sont garanties par la loi, mais certaines parties de la population n’y ont tout simplement pas accès. Ce sont les riches et les gens éduqués qui sont libres. Concernant la liberté de se déplacer sans danger, il est clair que Cuba fait meilleure figure?

11) La liberté politique

·        La liberté politique est encore très fortement réduite à Cuba. Les critiques ouvertes au système sont interdites et de centaines de gens sont en prison à cause de cela. Une cage dorée ?

·        Dans les années huitante, 70’000 opposants ont été tués au Salvador à cause de leurs idées. Aujourd’hui la liberté de pensée est en principe assurée. Cependant une grande partie de la population n’a pas reçu de formation pour développer une pensée critique ou se faire entendre. Cela reste donc une liberté de principe?

12) La démocratie

·        ` Cuba, elle est inexistante

·        En principe, le Salvador est une démocratie. Ceci est de nouveau théorique dans la mesure où, avant les élections, le parti au pouvoir pratique un lavage de cerveau de la population à coups de millions et les médias sont également contrôlés par la couche supérieure de la population.

13) La liberté de religion

·        Jusqu’à la fin des années 90, le christianisme était fortement restreint à Cuba. De nos jours, il est admis.

·        Le Salvador possède la liberté de religion.

14) La valeur d’une personne

·        On entend souvent que « dans le système socialiste l’individu n’a pas de valeur », ce qui est un non-sens mais malheureusement un point de vue répandu. ` Cuba, la valeur d’une vie humaine paraît beaucoup plus importante comparée à El Salvador ou les pays environnants où les gens sont simplement laissés à l’abandon quand ils n’ont pas d’argent pour s’acheter des médicaments ou pour se protéger des ouragans.

·        Dans ce sens, les mesures qui ont été prises pour se protéger contre l’ouragan Ivan, qui menaçait Cuba lorsque nous étions là-bas, nous ont vraiment impressionnés. Beaucoup de précautions ont été prises afin que personne ne périsse. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées en lieu sûr, un approvisionnement dvurgence en eau a été mis sur pied et les médias nous tenaient constamment informés de l’évolution de la situation. Finalement l’ouragan n’a fait que frôler l’île, mais les mesures prises avaient déjà fait leurs preuves lors d’autres ouragans. Cet ouragan a cependant atteint beaucoup de gens dans les îles avoisinantes et plus spécialement en Jamaïque, où chacun était laissé à lui-même. Les pauvres là-bas ne pouvaient pas chercher d’abris sûrs et beaucoup restent aussi dans leurs maisonnettes par craintes des pillages. ` Cuba, il n’y a pas de pillage et donc les gens n’en ont pas peur.

15) Les exilés

·        Environ 2 des 13 millions de cubains vivent en-dehors du pays, pour la plupart aux USA.

·        Étonnement au Salvador, 1.5 des 8 millions vivent à l’étranger aussi pour la plupart aux USA.

La recherche de son bonheur en dehors du pays semble plutôt lié à des contraintes économiques qu’à la persécution politique? Sinon les émigrants ne chercheraient pas à s’établir automatiquement dans le pays le plus riche mais dans le plus proche.

Quelques mythes supplémentaires

Avant notre voyage, nous avons quelques fois entendu que « les gens à Cuba sont frustrés et lessivés à cause de leur captivité ». Cependant, par rapport à cela, nous n’avons pas vu tellement de différence entre Cuba et El Salvador.

Ou aussi « à Cuba tout est interdit, les Cubains ne peuvent rien faire ». Cependant comme nous l’avons vu, les interdictions se concentrent surtout sur des restrictions pour fonder des entreprises privées (et encore, pas mal de choses sont permises et tout au mieux limité par les impôts) et des réductions des droits politiques, par exemple de la liberté d’expression. Par opposition, au Salvador où théoriquement tout est permis mais la majorité des citoyens n’ont pas les moyens de démarrer un business ou de donner leur avis?

Plusieurs de nos interlocuteurs cubains nous ont affirmés que « tous nos problèmes viennent de l’embargo imposé par les USA ». Dans un sens, cet embargo est très efficace dans la mesure où les USA se donnent le droit de punir les pays ou les entreprises qui font commerce avec Cuba. Par exemple, l’UBS a dû payer une amende de 100 millions de dollars à cause de ses relations commerciales avec l’île, ou bien les bateaux qui transportent de la marchandise cubaine ne peuvent plus accoster aux USA pour une durée de 6 mois. Cuba ne reçoit également pas de crédits car le FMI et la banque mondiale, sur pression des USA, ne rien lui prêtent rien et le monde financier a tendance à s’aligner sur les décisions du FMI. D’un autre côté, l’embargo sert souvent d’excuse pour justifier beaucoup de problèmes intérieurs? Car certaines choses seraient tout aussi dysfonctionnelles sans l’embargo.

D’autres Cubains comparent l’île avec les USA et trouvent qu’en changeant simplement le système, Cuba deviendrait comme les Etats-Unis. Cependant en comparant Cuba aux pays voisins capitalistes des Caraïbes, on se rend compte qu’un tel système pourrait donner d’amères désillusions aux Cubains?

Mais pourquoi les USA réagissent-ils si violemment face à Cuba ? La perte de Cuba a été pour les Américains un coup très dur, dans la mesure où l’île se trouve si près de leurs côtes et que presque toutes les possessions de l’île qui furent nationalisées à la révolution appartenaient à des Américains. Cette situation est comme une épine dans leur pied?

En conclusion

Une comparaison de Cuba avec d’autres pays permet de mieux comprendre sa situation. Cela permet de mieux relativiser sa situation aussi bien dans le positif que le négatif.

~ 17 min

El Salvador se situe en Amérique centrale. Sa population est plus ou moins égale à celle de la Suisse, pour une superficie deux fois plus petite. Pour se donner une idée de l?atmosphère, on pourrait dire que c?est le pays des volcans, avec un paysage très vert et un climat tropical. Cependant, à cause de l?augmentation de la population, la forêt tropicale a disparu. Maintenant, des poules courent dans tous les coins et le maïs est l?aliment de base.

Au cours de l?été et de l?auto

El Salvador se situe en Amérique centrale. Sa population est plus ou moins égale à celle de la Suisse, pour une superficie deux fois plus petite. Pour se donner une idée de l?atmosphère, on pourrait dire que c?est le pays des volcans, avec un paysage très vert et un climat tropical. Cependant, à cause de l?augmentation de la population, la forêt tropicale a disparu. Maintenant, des poules courent dans tous les coins et le maïs est l?aliment de base.

Au cours de l?été et de l?automne 2004, j?ai eu, avec ma femme Carine, la possibilité de partir à la découverte de la vie et de la société de ce pays. Durant la majeure partie de notre séjour, nous avons habité dans la capitale, mais nous avons aussi eu l?occasion de faire de longs voyages dans d?autres parties de l?île. ` ces occasions, nous avons souvent rencontré des Chrétiens avec lesquels nous avons pu avoir de nombreux échanges.

Une histoire sanglante

Tout comme les pays qui l?entourent, El Salvador a d?abord été une colonie espagnole. C?est seulement au XIXe siècle qu?il est devenu indépendant. Depuis l?indépendance, « 14 familles » contrôlent l?île, la plupart d?ascendance aristocratique. Ce sont ces mêmes familles qui possédaient autrefois une grande partie des terres. De fait, la couche favorisée de la population a gardé sa mentalité aristocratique et considère encore aujourd?hui les défavorisés comme une populace sans valeur.

La forte densité de population a causé déjà très tôt des problèmes de partage des terres. Dans les années 30 et 80 du 20ème siècle, les revendications de réforme des paysans sans terre se sont achevées par une forte répression entraînant des dizaines de milliers de victimes. Les blessures de la guerre civile des années huitante ne se sont pas encore refermées. Mais comment en est-on arrivé là ?

` la fin des années septante, les paysans exigent une réforme agraire et le parti chrétien-démocrate au pouvoir élabore un projet allant dans ce sens. Cependant, le général Roberto d?Aubuisson et ses partisans refusent ce projet et fondent le parti ARENA. Ils forment alors des escadrons de la mort avec pour consigne d?exécuter tous les partisans de la réforme. Le célèbre archevêque Romero sera l?une de leurs victimes. Bien qu?ayant tout d?abord refusé de prendre parti, il avait petit à petit commencé à critiquer ouvertement les injustices commises dans le pays. Les violences se sont accélérées pour dégénérer en une guerre civile en 1980. D?Aubuisson devient alors président et les escadrons de la mort ainsi que certaines sections de l?armée tuent environ 70’000 opposants politiques civils. Le bataillon Atlacatl, entraîné aux USA, sera responsable du plus grand massacre, celui de El Mozote, où l?entière population d?un village (1000 habitants), enfants compris, furent exécutés. Les rebelles communistes tuèrent, pour leur part, 5’000 civils. Finalement une paix fut signée au début des années 90 menant à une réforme agraire partielle.

 

Ce qui rend cet épisode d?autant plus tragique est que cette guerre aurait pu être évitée :

–        Si les familles riches avaient entendu les cris des paysans sans terre et ne s?étaient pas opposées par la violence à la réforme agraire, cette dernière étant au demeurant soutenue par une majorité de la population, tout ce sang n?aurait pas été versé et cela aurait aussi tué la rébellion dans l?oeuf. Ceci me rappelle ce passage de la Bible où il est dit que la convoitise est la racine de tous les maux. Elle se retrouve dans beaucoup domaines de notre vie et a eu au Salvador des effets particulièrement pervers. Selon moi, la convoitise cache une peur du manque, qui touche aussi bien les pauvres que les riches. Visiblement, il est difficile de s?en défaire.

–        La politique américaine de « l?ennemi de mon ennemi est mon ami » a été appliquée ici aveuglément. Pour protéger leurs arrières face à la menace communiste, les USA ont apporté leur soutien inconditionnel à la classe dirigeante sans se soucier de leurs actes. ` l?époque, une aide militaire allant jusqu?à 500 millions de dollars par année a été accordée au Salvador. C?est seulement à la fin des années huitante, lorsque des citoyens américains furent exécutés par les escadrons de la mort, que le président Bush senior a retiré sa confiance au gouvernement du Salvador. C?est ce qui permit la paix. ` mon avis, la leçon à tirer de cela est qu?à la place de diviser le monde entre bons (en fermant les yeux sur leurs agissements) et méchants, il suffirait de mieux prendre les besoins des défavorisés en considération. Une telle attitude aurait évité tout ce sang versé.

Les droits de l?homme aujourd?hui

Bien que la force ne soit presque plus utilisée à des fins politiques, les pauvres sont encore opprimés. Leur principale préoccupation aujourd?hui est le droit à la vie (l?accès à l?eau, au système de santé et à la terre) et au dialogue politique. Ce qui implique aussi de permettre à la population l?accès à un système d?éducation dans un pays où un tiers des gens ne sait ni lire ni écrire et ne peut presque pas s?exprimer. Dans les années huitante, El Salvador était à la sixième place des pays au plus bas taux d?éducation. Et ceci parce que la couche dirigeante n?avait (et encore quelques fois aujourd?hui) pas d?intérêt à permettre à la couche défavorisée de suivre une éducation.

Au cours de notre travail pour la commission des droits de l?homme, nous avons été confrontés à différents cas de violation des droits de l?homme. Voici deux exemples :

Dans la partie est du pays, sur la côte pacifique à la Punta del Jaguey, se trouve le village « las Mueludas ». La colonisation de cet endroit auparavant désert a commencé dans les années 70. Deux tiers des 250 familles vivent de la pêche et le reste de l?agriculture. En face de l?endroit où habitent ces 1500 habitants, sur la plage, se trouvent une douzaine de villas appartenant à des familles richissimes, qui ont établi leur résidence secondaire dans ce coin de paradis.

Dans les années 70, l?armée a construit près du village une piste d?atterrissage militaire. En 2001, elle a prévu d?agrandir cette piste pour « protéger la souveraineté de l?Etat ». En réalité ce projet fait partie du « plan Colombia » initié par les Américains pour combattre le trafic de drogue en Amérique de Sud et en Amérique centrale. Toute la population de Las Mueludas (à l?exception des habitants des villas) reçut l?ordre d?évacuer le village sous prétexte d?occupation illégale des terres. Et ceci malgré la loi salvadorienne permettant aux colons de garder leur terre si, après trente ans, personne n?a fait valoir son droit de propriété. La plupart des habitants de Mueludas étaient installés depuis plus de trente ans sur ces terres sans déranger personne.

 

Vu que les habitants avaient refusé de partir, ils furent terrorisés par l?armée : en envoyant des avions passer en rase-mottes sur le village, en tirant des coups de feu en direction des maisons et en envoyant des officiers visiter brutalement les villageois. Les habitants s?adressèrent finalement à la commission indépendante des droits de l?homme (Comision de los Derechos Humanos de El Salvador, CDHES) afin de faire connaître leur problème. Miguel Montenegro, le directeur de la commission des droits de l?homme explique : « Nous avons rapporté le cas à la commission interaméricaine des droits de l?homme et à l?ONU. En même temps nous avons contacté les médias ainsi que toutes les ambassades présentes au Salvador. Des avocats sont intervenus à notre demande. Soudainement, les intimidations ont cessé. » L?armée a attaqué le village en justice pour « occupation illégale de la terre » et le tribunal tranchera prochainement. Mais les tribunaux salvadoriens, qui suivent souvent l?avis du plus fort, ne sont pas toujours du côté de la justice. Les habitants du Jaguey veulent continuer à se battre même si le combat semble perdu. « Ils ne nous expulseront pas vivant de nos terres. Où pourrions-nous aller de toute façon ? », comme l?affirme Don Mariano avec un ton résolu. « La commission des droits de l?homme constitue pour nous un soutien décisif et le fait que notre problème soit connu à l?étranger nous donne de l?espoir. »

Le deuxième exemple se passe dans une région située sur la partie opposée du pays, à San Fransisco au bord du Lago de Guija. Depuis 60 ans, des pêcheurs se sont installés sur une presqu?île située sur un lac pittoresque, bordant la frontière avec le Guatemala. Sur la colline, se trouvent de nombreuses tombes et objets datant de la période maya : des têtes en terre cuite, des outils ou encore des bijoux : assez pour attirer un investisseur du Honduras avec l?intention de construire un hôtel. Pour ce faire, il acheta au gouvernement salvadorien les droits de propriété de cet endroit, malgré le fait que les habitants qui s?y trouvaient avaient déjà acheté le terrain (l?Etat n?a en fait jamais issu les actes de propriété). Vu que les habitants refusaient de quitter leurs terres, l?investisseur envoya des bandes armées pour chasser les pêcheurs. « Ils nous ont menacé de tuer nos enfants si nous ne disparaissions pas tout de suite. Don Leon qui est en chaise roulante a aussi été menacé de mort », raconte Raul, un vieux combattant rempli de fougue. Déjà une des 17 familles est partie, mais les autres veulent continuer à se battre. La commission des droits de l?homme a décidé d?intervenir. Elle a mis des avocats à disposition, pour soutenir les villageois dans le procès que l?Etat leur a intenté pour « occupation illégale des terres ».

 

Grâce au travail de la commission des droits de l?homme, les gens sont mieux respectés au Salvador. Des réseaux se créent entre les gens lésés et aussi avec des commissions des droits de l?homme d?autre pays latino-américains qui connaissent des cas similaires. Dans les deux cas décrits auparavant, c?est la pression internationale sur le gouvernement du Salvador qui a permis de faire appliquer les principes des droits de l?homme.

La fracture sociale

L?économie du Salvador s?est très rapidement relevée après la guerre civile. Des mesures ultralibérales ont permis une croissance accélérée et de grands centres commerciaux apparaissent partout. Cependant seule la classe aisée et une classe moyenne (qui n?augmente que faiblement) profite de cette croissance. Les pauvres restent pauvres et vivent à la campagne ou dans d?énormes bidonvilles. Encore aujourd?hui, la moitié des enfants souffre de malnutrition, la plupart de gens n?ont pas accès à la médecine de base et une grande partie n?ont reçu aucune formation.

On peut se demander si les gens ne pourraient pas changer cela en utilisant leurs droits démocratiques. Ce serait théoriquement possible, mais dans la pratique les choses sont différentes :

–        Le parti au pouvoir ARENA a arrangé les arrondissements de vote de telle manière que même avec une majorité des voix, l?opposition ne possède que 40% des sièges.

–        En période électorale et à l?aide de l?argent des familles riches, ARENA procède à un lavage de cerveau de la population sans précédent. Le pays entier se recouvre de couleurs bleu blanc rouge. Et ça marche !

–        En cas d?urgence il y a aussi la possibilité de se faire aider de l?extérieur : au cours des dernières élections présidentielles, les USA ont menacé de renvoyer au pays les émigrants salvadoriens (qui soutiennent financièrement leurs familles restées au pays) si le candidat socialiste était élu.

Le manque d?espoir en l?avenir d?une partie de la population a pour conséquence une recrudescence de la criminalité. Le fait que les armes soient largement répandues et le peu de valeur donnée à la vie humaine pendant la guerre nourrit aussi cette criminalité, une situation qui se retrouve dans des pays ébranlés par la guerre. Les gens aisés réagissent en se barricadant derrière du fil barbelé et de portes de fer et en engageant des gardes à chaque coin de leurs quartiers résidentiels. L?idée que l?on pourrait résoudre le problème en modifiant les relations sociales n?a pas encore fait son chemin?

En conclusion

En dépit de toutes les difficultés qu?ils rencontrent, les habitants de ce pays nous sont parus très accueillants. Ils ont essayé de nous montrer que El Salvador a d?autres choses à offrir que la violence et la misère. Nous sommes restés liés avec eux et nous continuons à soutenir des groupes qui, comme la commission des droits de l?homme, s?engagent activement à changer le pays.

mne 2004, j?ai eu, avec ma femme Carine, la possibilité de partir à la découverte de la vie et de la société de ce pays. Durant la majeure partie de notre séjour, nous avons habité dans la capitale, mais nous avons aussi eu l?occasion de faire de longs voyages dans d?autres parties de l?île. ` ces occasions, nous avons souvent rencontré des Chrétiens avec lesquels nous avons pu avoir de nombreux échanges.

 

Une histoire sanglante

Tout comme les pays qui l?entourent, El Salvador a d?abord été une colonie espagnole. C?est seulement au XIXe siècle qu?il est devenu indépendant. Depuis l?indépendance, « 14 familles » contrôlent l?île, la plupart d?ascendance aristocratique. Ce sont ces mêmes familles qui possédaient autrefois une grande partie des terres. De fait, la couche favorisée de la population a gardé sa mentalité aristocratique et considère encore aujourd?hui les défavorisés comme une populace sans valeur.

La forte densité de population a causé déjà très tôt des problèmes de partage des terres. Dans les années 30 et 80 du 20ème siècle, les revendications de réforme des paysans sans terre se sont achevées par une forte répression entraînant des dizaines de milliers de victimes. Les blessures de la guerre civile des années huitante ne se sont pas encore refermées. Mais comment en est-on arrivé là ?

` la fin des années septante, les paysans exigent une réforme agraire et le parti chrétien-démocrate au pouvoir élabore un projet allant dans ce sens. Cependant, le général Roberto d?Aubuisson et ses partisans refusent ce projet et fondent le parti ARENA. Ils forment alors des escadrons de la mort avec pour consigne d?exécuter tous les partisans de la réforme. Le célèbre archevêque Romero sera l?une de leurs victimes. Bien qu?ayant tout d?abord refusé de prendre parti, il avait petit à petit commencé à critiquer ouvertement les injustices commises dans le pays. Les violences se sont accélérées pour dégénérer en une guerre civile en 1980. D?Aubuisson devient alors président et les escadrons de la mort ainsi que certaines sections de l?armée tuent environ 70’000 opposants politiques civils. Le bataillon Atlacatl, entraîné aux USA, sera responsable du plus grand massacre, celui de El Mozote, où l?entière population d?un village (1000 habitants), enfants compris, furent exécutés. Les rebelles communistes tuèrent, pour leur part, 5’000 civils. Finalement une paix fut signée au début des années 90 menant à une réforme agraire partielle.

 

Ce qui rend cet épisode d?autant plus tragique est que cette guerre aurait pu être évitée :

–        Si les familles riches avaient entendu les cris des paysans sans terre et ne s?étaient pas opposées par la violence à la réforme agraire, cette dernière étant au demeurant soutenue par une majorité de la population, tout ce sang n?aurait pas été versé et cela aurait aussi tué la rébellion dans l?oeuf. Ceci me rappelle ce passage de la Bible où il est dit que la convoitise est la racine de tous les maux. Elle se retrouve dans beaucoup domaines de notre vie et a eu au Salvador des effets particulièrement pervers. Selon moi, la convoitise cache une peur du manque, qui touche aussi bien les pauvres que les riches. Visiblement, il est difficile de s?en défaire.

–        La politique américaine de « l?ennemi de mon ennemi est mon ami » a été appliquée ici aveuglément. Pour protéger leurs arrières face à la menace communiste, les USA ont apporté leur soutien inconditionnel à la classe dirigeante sans se soucier de leurs actes. ` l?époque, une aide militaire allant jusqu?à 500 millions de dollars par année a été accordée au Salvador. C?est seulement à la fin des années huitante, lorsque des citoyens américains furent exécutés par les escadrons de la mort, que le président Bush senior a retiré sa confiance au gouvernement du Salvador. C?est ce qui permit la paix. ` mon avis, la leçon à tirer de cela est qu?à la place de diviser le monde entre bons (en fermant les yeux sur leurs agissements) et méchants, il suffirait de mieux prendre les besoins des défavorisés en considération. Une telle attitude aurait évité tout ce sang versé.

Les droits de l?homme aujourd?hui

Bien que la force ne soit presque plus utilisée à des fins politiques, les pauvres sont encore opprimés. Leur principale préoccupation aujourd?hui est le droit à la vie (l?accès à l?eau, au système de santé et à la terre) et au dialogue politique. Ce qui implique aussi de permettre à la population l?accès à un système d?éducation dans un pays où un tiers des gens ne sait ni lire ni écrire et ne peut presque pas s?exprimer. Dans les années huitante, El Salvador était à la sixième place des pays au plus bas taux d?éducation. Et ceci parce que la couche dirigeante n?avait (et encore quelques fois aujourd?hui) pas d?intérêt à permettre à la couche défavorisée de suivre une éducation.

Au cours de notre travail pour la commission des droits de l?homme, nous avons été confrontés à différents cas de violation des droits de l?homme. Voici deux exemples :

Dans la partie est du pays, sur la côte pacifique à la Punta del Jaguey, se trouve le village « las Mueludas ». La colonisation de cet endroit auparavant désert a commencé dans les années 70. Deux tiers des 250 familles vivent de la pêche et le reste de l?agriculture. En face de l?endroit où habitent ces 1500 habitants, sur la plage, se trouvent une douzaine de villas appartenant à des familles richissimes, qui ont établi leur résidence secondaire dans ce coin de paradis.

Dans les années 70, l?armée a construit près du village une piste d?atterrissage militaire. En 2001, elle a prévu d?agrandir cette piste pour « protéger la souveraineté de l?Etat ». En réalité ce projet fait partie du « plan Colombia » initié par les Américains pour combattre le trafic de drogue en Amérique de Sud et en Amérique centrale. Toute la population de Las Mueludas (à l?exception des habitants des villas) reçut l?ordre d?évacuer le village sous prétexte d?occupation illégale des terres. Et ceci malgré la loi salvadorienne permettant aux colons de garder leur terre si, après trente ans, personne n?a fait valoir son droit de propriété. La plupart des habitants de Mueludas étaient installés depuis plus de trente ans sur ces terres sans déranger personne.

 

Vu que les habitants avaient refusé de partir, ils furent terrorisés par l?armée : en envoyant des avions passer en rase-mottes sur le village, en tirant des coups de feu en direction des maisons et en envoyant des officiers visiter brutalement les villageois. Les habitants s?adressèrent finalement à la commission indépendante des droits de l?homme (Comision de los Derechos Humanos de El Salvador, CDHES) afin de faire connaître leur problème. Miguel Montenegro, le directeur de la commission des droits de l?homme explique : « Nous avons rapporté le cas à la commission interaméricaine des droits de l?homme et à l?ONU. En même temps nous avons contacté les médias ainsi que toutes les ambassades présentes au Salvador. Des avocats sont intervenus à notre demande. Soudainement, les intimidations ont cessé. » L?armée a attaqué le village en justice pour « occupation illégale de la terre » et le tribunal tranchera prochainement. Mais les tribunaux salvadoriens, qui suivent souvent l?avis du plus fort, ne sont pas toujours du côté de la justice. Les habitants du Jaguey veulent continuer à se battre même si le combat semble perdu. « Ils ne nous expulseront pas vivant de nos terres. Où pourrions-nous aller de toute façon ? », comme l?affirme Don Mariano avec un ton résolu. « La commission des droits de l?homme constitue pour nous un soutien décisif et le fait que notre problème soit connu à l?étranger nous donne de l?espoir. »

Le deuxième exemple se passe dans une région située sur la partie opposée du pays, à San Fransisco au bord du Lago de Guija. Depuis 60 ans, des pêcheurs se sont installés sur une presqu?île située sur un lac pittoresque, bordant la frontière avec le Guatemala. Sur la colline, se trouvent de nombreuses tombes et objets datant de la période maya : des têtes en terre cuite, des outils ou encore des bijoux : assez pour attirer un investisseur du Honduras avec l?intention de construire un hôtel. Pour ce faire, il acheta au gouvernement salvadorien les droits de propriété de cet endroit, malgré le fait que les habitants qui s?y trouvaient avaient déjà acheté le terrain (l?Etat n?a en fait jamais issu les actes de propriété). Vu que les habitants refusaient de quitter leurs terres, l?investisseur envoya des bandes armées pour chasser les pêcheurs. « Ils nous ont menacé de tuer nos enfants si nous ne disparaissions pas tout de suite. Don Leon qui est en chaise roulante a aussi été menacé de mort », raconte Raul, un vieux combattant rempli de fougue. Déjà une des 17 familles est partie, mais les autres veulent continuer à se battre. La commission des droits de l?homme a décidé d?intervenir. Elle a mis des avocats à disposition, pour soutenir les villageois dans le procès que l?Etat leur a intenté pour « occupation illégale des terres ».

 

Grâce au travail de la commission des droits de l?homme, les gens sont mieux respectés au Salvador. Des réseaux se créent entre les gens lésés et aussi avec des commissions des droits de l?homme d?autre pays latino-américains qui connaissent des cas similaires. Dans les deux cas décrits auparavant, c?est la pression internationale sur le gouvernement du Salvador qui a permis de faire appliquer les principes des droits de l?homme.

La fracture sociale

L?économie du Salvador s?est très rapidement relevée après la guerre civile. Des mesures ultralibérales ont permis une croissance accélérée et de grands centres commerciaux apparaissent partout. Cependant seule la classe aisée et une classe moyenne (qui n?augmente que faiblement) profite de cette croissance. Les pauvres restent pauvres et vivent à la campagne ou dans d?énormes bidonvilles. Encore aujourd?hui, la moitié des enfants souffre de malnutrition, la plupart de gens n?ont pas accès à la médecine de base et une grande partie n?ont reçu aucune formation.

On peut se demander si les gens ne pourraient pas changer cela en utilisant leurs droits démocratiques. Ce serait théoriquement possible, mais dans la pratique les choses sont différentes :

–        Le parti au pouvoir ARENA a arrangé les arrondissements de vote de telle manière que même avec une majorité des voix, l?opposition ne possède que 40% des sièges.

–        En période électorale et à l?aide de l?argent des familles riches, ARENA procède à un lavage de cerveau de la population sans précédent. Le pays entier se recouvre de couleurs bleu blanc rouge. Et ça marche !

–        En cas d?urgence il y a aussi la possibilité de se faire aider de l?extérieur : au cours des dernières élections présidentielles, les USA ont menacé de renvoyer au pays les émigrants salvadoriens (qui soutiennent financièrement leurs familles restées au pays) si le candidat socialiste était élu.

Le manque d?espoir en l?avenir d?une partie de la population a pour conséquence une recrudescence de la criminalité. Le fait que les armes soient largement répandues et le peu de valeur donnée à la vie humaine pendant la guerre nourrit aussi cette criminalité, une situation qui se retrouve dans des pays ébranlés par la guerre. Les gens aisés réagissent en se barricadant derrière du fil barbelé et de portes de fer et en engageant des gardes à chaque coin de leurs quartiers résidentiels. L?idée que l?on pourrait résoudre le problème en modifiant les relations sociales n?a pas encore fait son chemin?

En conclusion

En dépit de toutes les difficultés qu?ils rencontrent, les habitants de ce pays nous sont parus très accueillants. Ils ont essayé de nous montrer que El Salvador a d?autres choses à offrir que la violence et la misère. Nous sommes restés liés avec eux et nous continuons à soutenir des groupes qui, comme la commission des droits de l?homme, s?engagent activement à changer le pays.


Photo by Federico Alegría on Unsplash