Archive d’étiquettes pour : migration

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Entraver le secours porté à une personne en danger est punissable selon le Code pénal suisse (Art. 128). La décision du Conseil fédéral de ne pas autoriser le navire humanitaire Aquarius à naviguer sous pavillon suisse à joué un rôle décisif dans sa mise en arrêt d’activité. Ainsi se retrouvent des milliers d’êtres humains privés de secours. l’Aquarius a sauvé jusqu’ici 29’000 vies humaines. Le Conseil fédéral se rend ainsi corresponsable d’un grand nombre de morts.

On nous fait entendre que la question nécessite une solution au niveau de l’Europe entière. C’est effectivement le cas, mais il s’agit d’une visée à long terme, et d’ici qu’on l’atteigne nombreux sont celles et ceux qui mourront noyés. On entend même dans certains cercles qu’il y aurait ainsi une diminution des tentatives de traversées de la mer s’il devient attesté que la plupart meurent durant le trajet. Mais voulons-nous vraiment sacrifier à Dieu des milliers de ses créatures dans le but que moins d’étrangers viennent à nous? Il est permis d’émettre des doutes sur le Pacte de Marrakech qui vise à interdire aux pays des limitations de la migration pour motifs économiques. Nous avons le droit de décider d’accueillir uniquement les réfugiés victimes de guerre et de persécution. Mais cela nécessite d’examiner les situations de ces personnes, et non de les laisser mourir en mer. Pouvons-nous tolérer d’infliger la mort pour cause d’avoir cherché plus de bien-être ? Et considérer les réfugiés politiques morts comme des « dommages collatéraux », parce qu’il y avait également des réfugiés économiques avec eux ?

Dans Matthieu 25, Jésus nous dit sur quelle base nous serons jugés : non pas sur quelque chose de mal que nous aurions faite, mais sur le bien que nous avons accompli envers les plus petits de nos frères (il y a par ailleurs de nombreux chrétiens parmi les personnes noyées). Sami, un de mes voisins érithréens, a tout juste pu échapper de la mort par noyade grâce à l’action d’un navire humanitaire. Il flottait alors sur l’eau, inconscient. La plupart de ceux qui partageaient son embarcation sont décédés.

Nous appelons donc le Conseil fédéral à changer sa décision, et à empêcher ainsi qu’il y ait encore davantage de morts dans la Méditerranée.

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Le décès, en décembre dernier, de la jeune strasbourgeoise Naomi Musenga, 22 ans, après qu’une opératrice du SAMU ait pris son appel à la légère a causé beaucoup de bruit et eu nombre répercussions : enquêtes, manifestations publiques, mea culpa de la part l’opératrice, démission du directeur du SAMU strasbourgeois. Des répercussions largement causées et amplifiées par le soupçon de discrimination associé à cette affaire : l’opératrice aurait-elle en effet agi différemment – en transmettant l’appel à un médecin, comme elle aurait dû le faire au vu des types de douleurs décrites – si Naomi ne s’était pas appelée « Musenga », si elle n’avait pas été une femme ?

 

Injustices épistémiques

Certaines voix se sont ainsi élevées pour dénoncer les méfaits du « syndrome méditerranéen », biais de perception rencontré chez certains professionnels de la santé qui tendrait à considérer les expressions de douleur comme exagérées chez leurs patients originaires du sud. Que le spectre de ce triste syndrome hante encore ou non les couloirs des établissements hospitaliers, difficile à dire. En revanche, une chose est certaine : la voix des minorités, quelles qu’elles soient, continue à avoir moins de poids, à porter moins loin. Non seulement on les « entend » moins, mais, qui plus est, on leur accorde moins de « crédit ». La sociologue américaine Miranda Fricker qualifie « d’injustice épistémique testimoniale » la situation des personnes dont le témoignage n’est pas pris au sérieux du fait qu’elles appartiennent à groupes marginalisés ou en raison des stéréotypes et autres préjugés associés au groupe dont elles font partie.

 

Empowerment christique

Ces discriminations et leurs effets potentiellement mortifères doivent continuer de nous émouvoir. Ne blindons pas nos cœurs, ne fermons pas nos oreilles… Oui, mais comment (ré)agir à notre échelle ? Certains, à l’image des représentants du mouvement ATD Quart Monde, ont choisi de contribuer à renforcer la voix des « sans-voix » : en facilitant leur accès au savoir et en les aidant à se penser et à se vivre comme des êtres pensant et donc à se faire reconnaitre/à s’imposer comme tel… Un magnifique exemple d’empowerment christique. D’un point de vue individuel, que dire à part, encore et toujours, se laisser imprégner et transformer par l’exemple du Christ… Pauvres, femmes, vieillard, samaritains, supposé-e fou/lle : aucune des personnes qui ont croisé Sa route n’ont eu besoin de sortir un porte-voix pour faire entendre et reconnaitre leur voix. Vers chacune d’entre elles, il a tendu l’oreille, ouvert Son cœur, incarnant ainsi Ses célèbres paroles prononcées lors du sermon sur la montagne : « Heureux les doux car ils hériteront la Terre, heureux les pauvres car le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu.5 3-4)

Tribune parue sous la rubrique « Regards » dans Christ Seul (mensuel des Eglises évangéliques mennonites de France), n° 1090, août-septembre 2018, www.editions-mennonites.fr.

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Le 28 février 2016, nous sommes appelés à voter sur l’initiative dite «de mise en œuvre». L’objectif des initiants, c’est de donner du poids à l’initiative «sur le renvoi» acceptée par le peuple le 28 novembre 2010, d’élargir la liste des délits conduisant à un renvoi1 et d’exclure toute dérogation pour les cas de rigueur.

D’un point de vue chrétien, ce projet est inacceptable, tant pour son contenu que pour sa forme.

Ne pas regarder l’apparence

L’initiative de mise en œuvre renforce le présupposé de base déjà présent dans l’initiative sur le renvoi qui veut que les étrangers soient punis plus sévèrement que les Suisses. La Bible, au contraire, souligne que tous les humains doivent être traités équitablement par les tribunaux; il ne faut pas les juger selon des critères externes, tel que leur nationalité. C’est ce que fait le roi Josaphat, quand il réorganise la jurisprudence: «Maintenant, que la crainte de l’Eternel soit sur vous. Veillez sur vos actes, car il n’y a chez l’Eternel, notre Dieu, ni injustice, ni favoritisme, ni acceptation de pots-de-vin» (2 Chroniques 19,7).

Les livres de sagesse confirment cette pensée: «Il n’est pas bien d’être partial dans un jugement.» (Proverbes 24,23). La situation spécifique des étrangers est traitée de manière extrêmement claire dans la loi de Moïse: «Il y aura une seule loi et une seule règle pour vous et pour l’étranger en séjour parmi vous» (Nombres 15,16). Il apparaît donc clairement que le contenu de l’initiative de mise en œuvre, tout comme sa sœur ainée, l’initiative sur le renvoi, est en contradiction avec une des valeurs bibliques fondamentales.

Être soumis aux autorités

C’est aussi formellement que l’initiative présente un problème d’un point de vue chrétien. Les initiants ont lancé leur initiative avant même la fin du processus législatif au parlement, lui reprochant de ne pas respecter la volonté du peuple. Ils auraient eu la possibilité d’attaquer le projet de loi par un référendum afin d’obtenir un nouveau projet. Ils mettent ainsi de côté le Parlement élu par le peuple. En outre, le texte de l’initiative prive les tribunaux de toute marge d’appréciation, en imposant une sévérité inconditionnelle sans aucune exception pour les cas de rigueur. Par là, les initiants dédaignent l’interaction salutaire entre les trois pouvoirs publics (le Conseil fédéral, le parlement et les tribunaux) et tentent d’imposer de manière absolue leur façon de voir à toutes les institutions.

La Bible nous met en garde contre une telle attitude de méfiance et de mépris envers les autorités. Paul écrit par exemple: «Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu» (Romains 13,1). Ce verset doit bien sûr être utilisé avec prudence, car on en a souvent abusé pour justifier l’oppression du peuple. Dans notre système politique actuel, nous pouvons interpréter cette soumission aux autorités comme un respect des institutions, ce qui implique la séparation existante des pouvoirs.

Un tel respect n’exclut pas une attitude critique envers les institutions, surtout quand elles servent à l’oppression des plus faibles, ni de faire pression pour produire des changements. En affaiblissant de manière détournée la séparation des pouvoirs, on ne sait pas quelle oppression l’initiative de mise en œuvre cherche à combattre. Elle crée plutôt de nouvelles injustices pour nos contemporains étrangers.

Vaincre le mal par le bien

Les commentaires des lecteurs des quotidiens en ligne montrent que cette initiative séduit en raison d’un sentiment largement répandu selon lequel «ceux qui sont vraiment coupables» ne sont pas punis et qu’ils tirent profit de notre système pénal pour vivre à nos dépens («tourisme criminel»2 ).

Il est vrai que notre système juridique, comme tout système humain, n’est pas parfait et qu’il y aurait beaucoup de choses à améliorer. Mais l’initiative ne change rien aux injustices existantes, elle en génère au contraire de nouvelles. Ainsi, par exemple, elle met le génocide et l’abus des prestations sociales sur un pied d’égalité et accepte qu’un père de famille qui a grandi ici soit renvoyé. A l’inverse, Paul nous exhorte: «Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien» (Romains 12,21). En tant que chrétiens, nous sommes appelés à discuter ouvertement des injustices de notre système et à apporter des propositions d’amélioration constructives.

Il convient aussi de se rappeler que Jésus s’identifie aux marginaux et aux exclus, par exemple dans la parabole du jugement dernier (les boucs et les brebis): «j’étais étranger et vous m’avez accueilli;… j’étais en prison et vous êtes venus vers moi» (Matthieu 25,35–36). Cette affirmation prend une signification toute nouvelle en relation avec l’initiative de mise en œuvre: Jésus ne nous rencontre pas seulement dans l’étranger, mais aussi dans l’étranger criminel (emprisonné). Pouvons-nous, qui sommes chrétiens, dans ces circonstances vraiment exiger que de telles personnes soient renvoyées, et en plus sans condition?

Aimer la vérité

Ce sentiment très répandu d’injustice repose souvent aussi sur de fausses informations. Ainsi, un sondage non représentatif sur le blog3 de Newsnet.ch montre que les participants surévaluent nettement la criminalité générale (Suisses et étrangers) par rapport à la réalité.4 Cela montre combien la peur est grande et à quel point ce problème est surestimé; la discussion se déroule trop souvent sur des bases éloignées des faits réels. En tant que chrétiens, «enfants de lumière», nous sommes chargés d’aimer la vérité et d’accepter les faits, même s’ils nous dérangent et ne correspondent pas à nos préjugés idéologiques.


1. L’initiative impose le même renvoi pour des délits aussi différents que le génocide, le viol, l’effraction, la possession de drogues et l’abus des prestations sociales.

2. Malheureusement, l’initiative n’offre justement aucun recours pour lutter contre le tourisme criminel. Celui qui n’habite pas ici et entre illégalement en Suisse pour commettre un délit n’a évidemment pas peur d’un renvoi.

3. «So kriminell sind Ausländer wirklich» (en allemand), blog.derbund.ch/datenblog/index.php/11293/so-kriminell-sind-auslaender-wirklich; consulté le 5.2.2016.

4. Proportion de Suisses et d’étrangers dénoncés: estimés par les lecteurs (Ø): 10,9% (Suisses), 16,4% (étrangers); valeur réelle: 0,7% (Suisses), 2,2% (étrangers); consulté le 5.2.2016.

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Un « petit groupe sur mesure » 1 du Vignoble de Berne a traité le thème des réfugiés lors de six réunions sous le titre « A Happy Bo(o)tschaft – Die Flüchtlinge und wir Christen ». Un rapport (13.11.2015)

Remarques préliminaires

Au cours de l’été 2015, les rapports sur les flux de réfugiés du Moyen-Orient et de l’Afrique vers l’Europe m’ont fait comprendre que je devais en faire un sujet pour notre congrégation. J’ai rencontré le responsable de l’aide aux réfugiés de l’Armée du Salut dans le canton de Berne. Il m’a donné de précieux conseils pour une approche significative du sujet avec des conclusions pratiques.

Ainsi, de septembre à novembre 2015, environ 8 personnes se sont réunies à six reprises pour se rapprocher des réfugiés et de leurs problèmes.

1. ChristNetForum sur la question des réfugiés

Lors du forum du 12 septembre 2015 « A happy Bo(o)tschaft ?! Les réfugiés, la Suisse et les chrétiens » 2 a été l’objet d’un rapprochement politique lors d’une table ronde avec le réfugié syrien Feras Shamas, le conseiller national de l’UDC Erich von Siebenthal, la conseillère nationale du PPE Maja Ingold et le pasteur Daniel Frei. « Il était controversé de savoir si les chrétiens devaient bénéficier d’un traitement préférentiel en Suisse. Il y a eu un accord sur le fait que l’aide humanitaire au Moyen-Orient devrait être augmentée et que les obstacles bureaucratiques pour les réfugiés désireux de travailler devraient être réduits » 3.

Le père Frei a précisé que la « fuite » et la rencontre avec des étrangers ont toujours été un thème dans la Bible. Jésus lui-même a quitté sa position privilégiée auprès du Père céleste, s’est humilié jusqu’à la mort et s’est élevé au-dessus de toutes les masses (cf. Ph. 2, 5-11). Shamas, un chrétien réformé, s’est montré extrêmement disposé à s’intégrer : « Je veux servir la Suisse », a-t-il déclaré.

Erich von Siebenthal, conseiller national de l’UDC, a reconnu en Shamas un de ces réfugiés chrétiens auquel il veut accorder un traitement prioritaire, comme il l’a demandé dans un postulat au Conseil fédéral. « C’est un fait que les chrétiens peuvent être mieux intégrés », a déclaré von Siebenthal. Il a également déclaré que l’accès aux camps de réfugiés au Moyen-Orient était plus difficile pour les chrétiens.

Maja Ingold, conseillère nationale du Parti populaire évangélique (PPE), a réagi à cette demande, qui est également populaire parmi de nombreux chrétiens protestants, en faisant part de ses expériences lors d’un voyage qui l’avait conduite au Liban. Les chrétiens ne se trouvaient pas dans les grands camps parce qu’ils étaient souvent mieux lotis matériellement que les musulmans. Ingold n’est pas favorable à un traitement inégal en Suisse : « Devant la loi, toutes les personnes doivent être traitées de la même manière, indépendamment de leur sexe, de leur race et de leur religion. Nous devons accepter les personnes qui sont menacées dans leur vie et leur intégrité physique et qui viennent en Europe » 4.

2. étude biblique et examen de nos problèmes

La parole de Jésus est devenue fondamentale pour nous : « Tout ce que vous voulez que les gens vous fassent, faites-le-leur ; c’est là que se résume le sens de toute la Bible » (Mat.7,12). En outre, il y a la parabole de la séparation dans le Jugement dernier entre « le bien et le mal » (Mat. 25, 31-46), avec le mot bien connu « Tout ce que vous avez fait à l’un des plus petits de ces frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (et le contraire). Nous sommes ici sensibilisés à l’attitude de Jésus-Christ envers les personnes dont la vie est menacée.

Nos problèmes : l’insécurité ; la question de savoir comment nous allons résoudre ce problème qui se pose avec les réfugiés (par exemple, les islamistes cachés, l’attitude de revendication, la mentalité arrogante, l’attitude de demande) ; la crainte de ne pas pouvoir faire face aux demandes à l’avenir et d’être envahis par les étrangers. Nous voulons contrecarrer cette tendance par une meilleure connaissance du contexte.

3. les questions juridiques concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile

Elias et Nadine nous ont donné un aperçu intéressant du domaine juridique. En même temps, on nous a montré pourquoi le système des réfugiés dans notre pays semble si compliqué.

Voici un extrait de leurs explications :

Le statut de réfugié selon la Convention de Genève sur les réfugiés (GFK)

  1. Quitter le pays d’origine
  2. Citoyenneté étrangère
  3. Rupture des relations avec l’État persécuteur
  4. Poursuite :
    1. De graves inconvénients
    2. Pas de protection par le pays d’origine
    3. Des inconvénients ciblés
    4. Motif de la persécution
    5. La justification de la crainte de persécution
    6. Absence d’alternatives d’évasion ou de protection interne
  5. Aucun motif d’exclusion dans le cadre du CCA :
  6. Crimes de guerre
  7. les crimes de droit commun
  8. Actions contre les objectifs des Nations unies

= Protection selon la Convention sur les réfugiés

Octroi de l’asile

  1. Le statut de réfugié est rempli
  2. Aucun motif d’exclusion du droit d’asile
    1. L’indignité de l’asile
      1. Actions répréhensibles
      2. Menace pour la sécurité de la Suisse
  3. Raisons subjectives de l’après-vol
  4. Situation d’urgence

= octroi d’un statut juridique spécial par l’État

Source : Wikipedia, « Ausländerausweis », inspecté le 12.1.2016 (https://de.wikipedia.org/wiki/Ausl%C3%A4nderausweis).

4. exemple d’hospitalité vécue

Urs, Susi et Regula vivent dans une ancienne fromagerie. Ils accueillent deux demandeurs d’asile avec des enfants qui, après un certain temps, trouvent et emménagent dans leur propre appartement. À Meiers, les femmes d’Éthiopie et du Nigeria s’habituent à la mentalité suisse, apprennent l’allemand (dans des cours d’allemand à Köniz et à Berne respectivement) et apprennent à traiter avec les autorités responsables.

L’Office des migrations de la municipalité leur apporte un soutien optimal. Ils ont également des relations directes avec les centres d’asile des environs.

Pour eux, c’est un avantage qu’ils aient eux-mêmes vécu et travaillé en Afrique pendant quatre ans, ce qui leur permet de bien connaître la mentalité des Africains. Ils étaient très disposés à répondre à toutes nos questions, de sorte qu’une approche émotionnelle de la question des réfugiés a également été faite ici.

5. responsable de site d’un centre d’asile

Le responsable d’un centre d’asile de l’Armée du Salut nous a rendu visite. Il avait auparavant travaillé au centre d’asile de Riggisberg. Il s’est ensuite rendu au pied levé dans un centre qui a été ouvert pour 37 personnes. Il avait auparavant travaillé pendant cinq ans et demi dans le domaine du travail pour les enfants des rues à Brooklyn. Cela lui a permis d’acquérir une grande expérience des situations difficiles et de la manière d’y faire face, ce qui est très utile pour son travail actuel.

Il a notamment posé la question suivante : « Comment gérer les conflits ? Il a répondu : « D’abord, nous essayons de rétablir la paix, et nous prenons d’autres mesures si les choses deviennent collantes ». Les relations avec la communauté locale et l’église sont très bonnes. « Nous recevons beaucoup de soutien, y compris des bénévoles et d’autres personnes dans d’autres endroits. »

6. employé du Secrétariat d’État aux migrations

Lors de notre dernière soirée, nous rencontrerons un membre du personnel du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), l’autorité fédérale suisse pour les étrangers à Wabern.

Nous avons un simple dîner. Ensuite, nous prions une prière que ChristNet a publiée dans le cadre de la prière de 40 jours « Pray+Elect 2015 » 5 Exode 3:7 : « Et l’Éternel dit : J’ai vu l’affliction de mon peuple en Égypte… et je suis descendu pour le sauver… Et la prière : « Père céleste, lorsque nous parlons à des personnes de pays lointains, il est très clair pour nous que nous sommes égaux les uns aux autres… ».

L’entretien répond à nos questions et donne un aperçu intéressant sur le contexte d’un emploi chez SEM. Le SEM vérifie les antécédents linguistiques des demandeurs d’asile s’il existe un besoin interne et évalue les performances des candidats interprètes.

Enfin, le groupe envisage les engagements supplémentaires suivants :

  1. Centre fédéral pour les réfugiés à l’Hôpital Ziegler, Berne, dont l’ouverture est prévue au printemps 2016 :
    1. Marche de prière dans la région
    2. Le bénévolat
  2. Restaurant : à la recherche de contacts avec les réfugiés
  3. Invitez une famille de réfugiés de Syrie à dîner.
  4. Proposez une infirmière pour conseiller les réfugiés dans les cas médicaux mineurs.
  5. Proposer le programme du petit groupe dans une nouvelle édition.

Enfin, nous portons tout ce qui nous concerne devant notre Dieu dans la prière, car nous croyons qu’Il a la vue d’ensemble et que tout est sous contrôle.

En fin de compte

Tout au long du processus, la parole de Jésus nous a accompagnés : « Tout ce que vous voulez que les gens vous fassent, faites-le leur ; c’est là que se résume le sens de toute la Bible » (Mat.7,12).

Les paires de termes suivantes sont devenues importantes pour nous :

  1. Culture défensive/culture d’accueil
  2. Orienté vers les problèmes/solutions
  3. Vue du déficit/vue des ressources

Aujourd’hui, nous ne devons pas seulement dire : « Le système d’asile est compliqué » et ensuite continuer à nous défendre ou à chercher des solutions simples. Nous pouvons maintenant dire que nous comprenons mieux pourquoi le système d’asile est compliqué. Nous pouvons donc l’aborder de manière significative et contribuer à des solutions à petits pas.

Jésus nous a montré que tout ce qui est nouveau commence par de petits pas, comme le grain de moutarde qui pousse au-delà de toute idée. Là, nous voyons le royaume des cieux venir.

Aujourd’hui, notre motivation s’est accrue pour nous tourner plus activement vers les réfugiés.


1 : Le petit groupe fait sur mesure est un navire du Vignoble de Berne ; voir http://www.vineyard-bern.ch/angebote/kleingruppen/kleingruppen-nach-mass/.

2 : Voir ChristNet, http://www.christnet.ch/de/content/forum-eine-frohe-bootschaft-die-fl%C3%BCchtlinge-die-schweiz-und-die-christen.

3 : Ibid.

4 : Ibid.

5 : ChristNet, Beten+Wählen 2015, « Woche 6 – Flüchtlingspolitik » ; voir www.christnet.ch/de/content/betenw%C3%A4hlen-2015-0.

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Fin 2014, 60 millions de personnes étaient en train de fuir leur pays, un chiffre record. Les quotas d’accueil exceptionnellement élevés en Suisse et en Europe témoignent du fait qu’énormément de personnes ont fui pour sauver leur vie, menacées par des conflits internes et la guerre civile en Syrie et en Érythrée. Il est aussi clair que, à l’ère du Natel et d’Internet, les informations concernant l’Occident (pour la Syrie), respectivement le Nord (pour l’Érythrée) sont facilement accessibles. En outre, les contacts avec ceux «qui ont réussi» se sont fortement simplifiés.

De grands défis aux origines multiples

Actuellement, des drames terribles se jouent en mer Méditerranée. Chaque année, plusieurs milliers de personnes y perdent leur vie. Qui en est responsable? Les passeurs, avides et sans scrupules, car ils prennent trop de risques? Les «migrants économiques», naïfs, car ils croient les promesses d’une richesse facile? L’UE, car en verrouillant ses frontières, elle force les bateaux de réfugiés à prendre les routes les plus risquées? Nous tous, car nous attendons de notre gouvernement la protection des frontières et la conservation de notre bien-être?

Les médias nous donnent souvent l’impression que c’est essentiellement l’Europe qui est confrontée à un flux énorme de réfugiés. Cependant, l’image qui ressort d’une comparaison au niveau mondial est quelque peu différente:

Top 3 des pays d’accueil1. 
chiffres absolus pour 1000 habitants
1. Turquie 1.59 millions 1. Liban 232
2. Pakistan 1.51 millions 2. Jordanie 87
3. Liban 1.15 millions 3. Nauru 39
Suisse 0.015 millions2. Suisse 2

La Suisse est-elle donc réticente à l’accueil de réfugiés? Pas forcément! Le taux de protection, c’est à dire le nombre d’acceptations de demande d’asile, et les admissions en cours, a augmenté l’année passée de 58 %. Et notre pays a assuré au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés l’accueil d’un contingent relativement élevé de 3000 personnes en quête de protection. Cependant, au regard des 4 millions de réfugiés au Proche Orient3. , certaines ONG demandent un accueil allant jusqu’à 100’000 personnes…

La Confédération et les cantons doivent faire face à de grands défis. Le nombre élevé de demandes implique une hausse du besoin d’hébergement. Alors que l’extrême-droite évoque une énorme crise («chaos de l’asile»; «l’armée aux frontières»), nombreux sont les cantons qui réagissent heureusement de manière pragmatique et innovante. Ainsi, le Tessin a mis en place un partenariat avec les hôteliers, l’Argovie et Berne ont installé des tentes miliaires.

Des réponses bibliques

Que dit la Bible sur ces sujets complexes? Tout d’abord, les thématiques de la persécution, la fuite, l’exil et la patrie sont étonnement présentes dans la Bible. Depuis Genèse 4 jusqu’à l’Apocalypse, les hommes ont été sur les routes. Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, Jésus et bien d’autres ont été, durant des périodes plus ou moins longues, des étrangers dans des pays étrangers. Dès lors, ce n’est pas un hasard que l’éthique biblique pose la question de notre attitude face aux étrangers. On trouve des textes à ce propos dans la Loi de Moïse4. .

Quant au Nouveau Testament, il met en avant des valeurs telles que l’hospitalité5. , la miséricorde, la générosité et le renoncement. Il est aussi intéressant de souligner que, dans la Bible, le prochain n’est pas uniquement – ou n’est justement pas – celui qui nous est «le plus proche», notre concitoyen. Dans la parabole qui illustre le plus grand commandement, le prochain qui donne son aide vient du peuple méprisé des Samaritains. Et le texte qui instaure l’amour du prochain dans l’Ancien Testament dit: «Si un étranger vient séjourner dans votre pays, [… vous] le traiterez comme l’un de vous; vous l’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers en Egypte. Je suis l’Eternel, votre Dieu».6.

Beaucoup de réfugiés sont en danger de mort et ont besoin de protection. D’autres cherchent une vie meilleure et tentent de remplacer leur désespoir par des perspectives d’avenir. Quant à nous qui sommes nés dans un des pays les plus riches du monde, avons-nous le droit de juger ces «réfugiés économiques»? Dieu les aime autant que nous. «Nous les bons, eux les méchants», cette vision n’est pas correcte. Ni sa réciproque, d’ailleurs. Dieu amène les réfugiés à nos portes et nous met au défi comme Lazare l’a fait pour l’homme riche dans la parabole de Jésus7. .

Gardons cela à l’esprit: d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur histoire, ce sont des êtres humains. Nos prochains. Ils méritent de recevoir toute notre compassion.


1. HCR, Tendances Mondiales 2014. unhcr.org/556725e69.html (en anglais).

2. Calcul sur la base de «Statistique en matière d’asile 2014», Secrétariat d’Etat aux migrations. www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home/publiservice/statistik/asylstatistik/jahresstatistiken.html (consulté le 11.8.2015).

3. Secrétariat d’Etat aux migrations, «Crise humanitaire en Syrie». www.bfm.admin.ch/bfm/fr/home/asyl/syrien.html (consulté le 30.7.2015).

4. Lévitique 17–19 et Deutéronome 23–24.

5. «Ne négligez pas de pratiquer l’hospitalité. Car plusieurs, en l’exerçant, ont accueilli des anges sans le savoir» (Hébreux 13.2).

6. Lévitique 19.33–34.

7. Luc 16,19-25.

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Prière de 40 jours pour la politique migratoire

En vue des élections nationales du 18 octobre, ChristNet propose de «Prier + Voter» pendant 40 jours, comme il l’a fait il y a quatre ans. Cette fois, ce temps est placé sous le thème de la «migration». Ainsi, nous voulons offrir aux chrétien-ne-s l’opportunité de se préparer personnellement aux élections et de prier afin que le monde politique suisse devienne plus accueillant envers les migrant-e-s.

Souhaites-tu une Suisse empreinte d’amour dans le domaine de la migration? Alors participe, dès aujourd’hui à ce mouvement de prière entre le 9 septembre et le 18 octobre!

 

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Le 9 juin 2013, la Suisse votera sur les modifications «urgentes» de la Loi sur l’asile entrées en vigueur à la fin 2012. Selon les défenseurs de ces modifications il s’agirait d’améliorations qui, loin de durcir le droit, contribueraient à l’accélération des procédures.1 Vraiment? Une analyse un peu plus précise soulève quelques questions.

Pas de protection en cas de persécution suite au refus de servir

«Ne sont pas des réfugiés les personnes qui, au motif qu’elles ont refusé de servir ou déserté, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être.»2 

Article anti-Erythréens

Cette disposition est dirigé, en premier lieu, contre les requérants d’asile éritréens. Jusqu’ici, ces derniers ont obtenu l’asile relativement facilement. Il faut savoir que l’Erythrée est une dictature violente qui a complètement militarisé le pays. Sous prétexte de la menace militaire que représenteraient ses voisins, tous les citoyens âgés de 18 à 50 ans (à quelques exceptions près) doivent servir dans l’armée ou dans un service de travail quasi militaire. Sa durée est incertaine et presque illimitée : les mobilisations se succèdent, mais rares sont les démobilisations. Celui qui tente d’y échapper est considéré comme ennemi de l’Etat et doit s’attendre à la prison dans des conditions extrêmement violentes: tortures, famine, détention inhumaine; le tout bien évidemment sans véritable procédure judiciaire. Nombreux sont ceux qui n’y survivent pas.3

Rien ne change ?

Les défenseurs de la révision arguent que très peu de choses changeraient pour les objecteurs érythréens. Les personnes soumises à des peines «disproportionnées» obtiendraient toujours l’asile en Suisse.4. Mais que cela signifie-t-il? Si, par exemple, le refus de servir n’aboutit plus qu’à une admission provisoire5. , les requérants se retrouvent finalement avec une moindre protection et donc des perspectives d’avenir beaucoup plus incertaines.6. Si, par contre rien ne change ou presque, on peut se demander pourquoi il fallait changer cette disposition.

La modification de cet article paraît d’autant plus grave qu’il s’agit ici, pour la première fois non pas d’un durcissement de la procédure d’asile, mais d’une restriction très concrète d’une des raisons donnant droit à la protection en tant que réfugié. La majorité du Parlement ne se contente donc plus d’empêcher des «profiteurs» d’obtenir l’asile afin de l’accorder aux «vrais» réfugiés. Non, des personnes venant chez nous pour obtenir une protection dont nous jouissons tous grâce au libre choix entre service militaire et civil 7. , sont simplement évincées de la procédure d’asile.

La fin des demandes aux ambassades

Pour des personnes qui ne disposaient pas des moyens financiers et physiques pour entreprendre «illégalement» le voyage dangereux jusqu’en Europe (surtout les femmes et les enfants), les demandes aux ambassades8. représentaient souvent la seule possibilité pour obtenir une protection. Les défenseurs de la révision arguent, certes, que des personnes menacées dans leur intégrité physique pourront toujours poser une demande de visa humanitaire. Celle-ci sera traitée par le DFAE après consultation de l’Office fédéral de la migration.9. Mais comment évaluer le bien-fondé d’une telle demande sans vérifier les motifs de fuite? N’aboutira-t-on pas finalement à une procédure compliquée,  similaire à celle nécessaire pour traiter une demande d’asile? Ou alors, est-ce que ce «visa humanitaire» sera-t-il traité de manière tellement restrictive que, en fin de compte, même des personnes persécutées n’auront aucune chance de l’obtenir?

Réussite à 90%

Il est intéressant de constater que, depuis 1980, plus de 90% des personnes ayant obtenus l’entrée en Suisse par le biais d’une demande à l’ambassade ont ensuite obtenu l’asile (78%) ou l’admission provisoire (18%).10. De nouveau, cette révision de la loi laisse entrevoir un durcissement plutôt qu’une accélération.

L’argument, la Suisse serait le seul pays avec une procédure aux ambassades, ne tient pas debout. Ce qui doit nous intéresser n’est pas ce que font les autres, mais ce qui est juste. Quant à Jésus, il nous dit : «Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait…» (Matthieu 25).

Les phases de test

Cette disposition prévoit que l’Office fédéral des migrations peut tester de nouvelles procédures avant de les mettre en œuvre. Cela peut se comprendre.11. Cependant, il n’est pas clair quelle est l’étendue de ce pouvoir que le Parlement cède au Conseil fédéral. Ce dernier obtient expressément la possibilité de déroger, pendant ces deux années, à la Loi sur l’asile et celle sur les étrangers en vigueur.12. N’est-ce pas là un blanc-seing pour des expérimentations «hors contrôle» ? Est-il au moins prévu qu’une instance de contrôle indépendante ait un droit de regard ? Ou ne saurons-nous tout simplement rien de ce qui se passe pendant ces deux ans ? Il paraît justifié de craindre que les actes juridiques ainsi posés ne s’imposent comme des faits accomplis ne se laissant guère annuler.13.

Délais de recours raccourcis

En outre, les délais de recours sont ramenés de 30 à 10 jours dans certains cas. Ceci restreint fortement les droits des requérants d’asile. En effet, il n’existe aucun autre domaine du droit qui connaisse des délais aussi brefs pour recourir contre des décisions d’une autorité. Ce qui est apparemment inadmissible pour le citoyen lambda est présenté comme tout à fait supportable pour les requérants d’asile. Ainsi, ces derniers, qui se trouvent souvent dans une situation de stress et de traumatisme énorme quand ils arrivent chez nous, subissent une pression supplémentaire.

Quant à la durée de la procédure, elle ne sera pas fortement raccourcie. Certes, cette disposition n’est appliquée, pendant la phase test, que lors de procédures ordinaires qui ne nécessitent pas beaucoup de recherches. Mais il est à craindre que les politiciens du camp bourgeois ne veuillent l’étendre par la suite à d’autres procédures.

Conclusion

Il est possible que certaines propositions de cette révision contribuent à raccourcir les procédures. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens. L’impression reste que la loi subit plusieurs durcissements conséquents afin de répondre à une certaine demande populaire ressentie par certains politiciens.

Ça ne va pas. Et d’autant moins dans un domaine si sensible où nous décidons du sort d’autrui. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur l’asile en 1981 de nombreux durcissements ont été décidé et les droits des plus faibles de notre société ainsi que leurs chances de vivre dignement ont été considérablement limités. Pourtant, d’autres modifications (lire : durcissements) sont d’ores et déjà prévues!

On ne saurait guère envisager opposition plus nette avec le Dieu de la Bible qui aime l’étranger et qui a inscrit et réinscrit les droits et la dignité de l’étranger dans la loi d’Israël.14. Bien sûr, tout ne brille pas dans le domaine de l’asile. Pourtant, nous chrétiens serions bien placés afin de nous lever et nous engager pour d’autres solutions. Dès lors, nous appelons à voter Non le 9 juin 2013.


1. Arguments en faveur de la loi : parlament.ch/f/dokumentation/dossiers/asylgesetz/pages/asylgesetz-referendum.aspx

2. Art. 3, al. 3 Loi sur l’asile (nouveau).

3.  Human Rights Watch: Service for Life. New York 2009. http://www.hrw.org/reports/2009/04/16/service-life-0

4. Arguments en faveur de la loi : parlament.ch/f/dokumentation/dossiers/asylgesetz/pages/asylgesetz-referendum.aspx

5.  L’admission provisoire est octroyée lorsque la demande d’asile a été refusée et que le refoulement n’est, pour l’instant, pas légal, pas possible ou pas exigible. L’admission provisoire est réexaminée périodiquement et peut être annulée dès que la situation dans le pays d’origine s’améliore. bfm.admin.ch/content/bfm/fr/home/themen/asyl/asylverfahren/drei_bespiele/entscheid.html, «Cas B».

6. Arguments du comité référendaire, fr.asyl.ch/argumentaire, S.4

7. N’oublions pas que, jusqu’en 1996, la Suisse ne connaissait pas de service civil. Chaque année plusieurs centaines d’objecteurs étaient alors condamnés à des peines de prison de plusieurs mois.

8. Art. 19, Abs. 2 Loi sur l’asile (biffé).

9. Arguments en faveur de la loi : parlament.ch/f/dokumentation/dossiers/asylgesetz/pages/asylgesetz-referendum.aspx.

10.  Arguments du comité référendaire, fr.asyl.ch/argumentaire, S.6.

11. Art. 112b Loi sur l’asile (nouveau): Procédure d’asile dans le cadre de phases de test

12. Art 112b, al. 2 LAsi.

13. Arguments du comité référendaire, fr.asyl.ch/argumentaire, S.8.

14. Cf. Deut. 5.18; Deut. 23.16 etc.

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Droit d’asile: 30 ans de durcissements

Depuis sa création en 1981, la Loi sur l’asile (progressiste à l’époque) a subi 10 révision partielles ou complètes ; plus qu’aucune autre loi fédérale. La tendance générale est au durcissement. Tour d’horizon.1

1981 entrée en vigueur de la loi sur l’asile de 1979
1983 suppression de la 2ème instance de recours
  décision de renvoi en cas de refus de l’asile
1986 enregistrement centralisé en semi-détention
  attribution à un canton sans respect des liens sociaux
  assistance inférieure au minimum vital ordinaire
1990 premières clauses de non entrée en matière
  interdiction de travailler pendant 3 à 6 mois
1993 détention administrative en vue du renvoi jusqu’à 9 mois (Loi sur les mesures de contrainte)
1995 baisse des prestations sociales (ordonnance du Conseil fédéral, règlements cantonaux)
1998 arrêté urgent multipliant les cas de non entrée en matière
1998 révision totale de la loi avec notamment
  suspension de certaines demandes en cas d’afflux
  restrictions des droits de procédure (délais, langue, etc.)
2003 aide d’urgence (8 à 10 frs par jour) pour lesdéboutés (mesures d’allègement budgétaires)
2006 délai de recours réduit à cinq jours dans certains cas
  détention jusqu’à deux ans
2012 exclusion de l’asile pour les déserteurs
  suppression de la procédure dans les ambassades
  quasi détention pour les « récalcitrants »
… et d’autres à venir…


1. Liste reprise du site «stopexclusion.ch» (2013) : stopexclusion.ch/IMG/pdf/halte_aux_durcissements_sans_fin.pdf

 

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Réfugiés: Halte aux préjugés!

La méconnaissance des faits constitue un terreau propice aux idées-reçues. La brochure réalisée par Vivre Ensemble cherche à confronter ces préjugés à la réalité de l’asile en Suisse. L’objectif est d’inciter chacune et chacun à rester critique face aux informations, parfois erronées, véhiculées sur la problématique des réfugiés. Et à repousser les limites de l’intolérance et du rejet.
La brochure peut être commandée ici (formulaire en ligne).

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Comment s’explique la surreprésentation des étrangers dans la criminalité ?

La présente réflexion tente de montrer de manière simple combien l’usage de statistiques bivariées peut être trompeur, allant jusqu’à faire croire que la couleur d’un passeport pourrait avoir une influence sur la criminalité, alors qu’il n’en est rien.

I. Introduction : En matière de criminalité, il en va de la nationalité comme de la taille

Le lecteur de la présente contribution sait probablement que les adultes de plus de 175 centimètres commettent davantage d’infractions pénales que ceux de moins de 175 centimètres… Il s’agit là d’une évidence criminologique et la raison en est très simple : la population adulte de plus de 175 centimètres est principalement formée d’hommes, alors que les femmes sont largement surreprésentées parmi les adultes de moins de 175 centimètres. Sachant par ailleurs que les hommes sont davantage impliqués dans le phénomène criminel que les femmes, il est logique que les adultes les plus grands commettent la plus grande partie des infractions pénales. Néanmoins, chacun comprendra aisément que cette surreprésentation des grands dans la statistique criminelle n’a évidemment rien à voir avec la taille des personnes, mais bien avec leur sexe. Personne ne prônera donc une action sur l’hormone de croissance ou le coupage de jambes comme politique de prévention de la criminalité…

Mais si ce raisonnement est tellement évident, alors pourquoi bon nombre de personnes ne sont-elles pas en mesure de le reproduire en matière d’implication des étrangers dans la criminalité ?

Comme pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est très simple de démontrer que les étrangers sont surreprésentés dans le phénomène criminel. Ces derniers représentent en effet un peu plus de 20% de la population de Suisse, mais quelque 50% des condamnés par les tribunaux suisses1 . Mais, de la même manière que pour les adultes de plus de 175 centimètres, il est aussi relativement simple de démontrer que ce sont d’autres éléments que la nationalité qui influencent la criminalité.

II. Les principales variables influençant la criminalité

Sachant que la surreprésentation des immigrants dans la criminalité est un phénomène universel – qui s’observe donc dans tous les Etats –, il paraît évident qu’il ne peut pas s’agir d’un simple problème de couleur de passeport !Mais quelles sont alors les variables déterminantes dans l’explication du phénomène criminel ? Comme il a été mentionné en introduction, l’une des principales variables explicative est le sexe. En effet, pour une distribution hommes/femmes d’environ moitié-moitié dans la population, il y a en Suisse quelque 85% d’hommes dans la statistique de condamnations pour seulement 15% de femmes.

Une autre variable importante dans l’explication du phénomène criminel est l’âge. Pour une proportion de quelque 30% de personnes de moins de 30 ans en Suisse, celles-ci sont environ 50% dans la statistique de condamnations.

C’est ainsi que le volume de la criminalité d’un Etat dépend fortement de la composition démographique de sa population. En effet, plus il y a de personnes du sexe et de la classe d’âge les plus criminogènes (soit des hommes et des jeunes), plus il y a de criminalité.

Puis vient encore le niveau socio-économique, puisqu’il ressort des derniers sondages que quelque 37% des résidents en Suisse proviennent de milieux socio-économiques modestes ou moyens inférieurs et que ces mêmes milieux produisent environ 60% de la délinquance. Pour leur part, les milieux moyens supérieurs et aisés (soit 63% de la population sondée) produisent environ 40% de la criminalité2 .

Et finalement, ce qui vaut pour les différences de statuts socio-économiques vaut également pour le niveau de formation. C’est ainsi que la moitié de notre population est de niveau de formation «modeste» (primaire, secondaire, école professionnelle, apprentissage), alors que ce même niveau de formation se retrouve pour quelque 68% de personnes en détention3 .

III. Modèle multivarié

Ce que nous avons présenté dans les deux sections précédentes permet de constater que le phénomène criminel est lié de manière bivariée à plusieurs facteurs. Mais cela ne nous avance pas beaucoup, puisque le crime proviendrait des grands, des étrangers, des jeunes, des hommes, des pauvres et/ou des plus modestement formés. A partir de là, chacun tirera ses conclusions, non pas sur la base de connaissances scientifiques, mais bien en fonction de sa tendance politique. En d’autres termes, ces corrélations bivariées ne nous disent pas grand chose – pour ne pas dire rien du tout – sur le phénomène criminel. Nous tenterons dès lors d’affiner l’analyse afin de rendre notre propos un peu plus scientifique.

Si nous avons déjà vu que la taille en tant que telle n’influence en rien le crime mais est entièrement contenue dans la variable sexe, il nous reste encore à déterminer quel est le poids respectif de chacune des cinq variables restantes dans l’explication du phénomène criminel. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre l’ensemble des variables explicatives du crime relevées ci-dessus dans un même modèle (qui ne sera donc plus bivarié, mais multivarié), modèle qui nous permettra de déterminer laquelle de ces variables explique la plus grande partie du crime, puis la valeur explicative supplémentaire de chacune des autres variables introduites dans le modèle.

En agissant de la sorte, on observe que la variable numéro un dans l’explication de la criminalité est le sexe. Le fait d’être un homme plutôt qu’une femme est donc l’élément le plus prédicteur de la commission d’une infraction4 . En deuxième position on trouve l’âge ; ainsi, le fait d’être un jeune homme est plus criminogène que le fait d’appartenir à toute autre catégorie. En troisième position vient ensuite le niveau socio-économique et finalement le niveau de formation.

En d’autres termes, le profil type du criminel est celui d’un homme, jeune, socio-économiquement défavorisé et de niveau de formation plutôt bas.

Et alors la nationalité dans tout cela ? Eh bien la nationalité n’explique généralement aucune partie supplémentaire de la variance de la criminalité. En effet, la population migrante étant composée de manière surreprésentée de jeunes hommes défavorisés, la variable «nationalité» est comprise dans les autres et n’explique aucune part supplémentaire de la criminalité par rapport aux autres variables prises en considération ; ceci de manière identique à la taille qui est comprise dans le sexe dans l’exemple mentionné en introduction, les hommes étant – en moyenne – plus grands que les femmes.

Ce qui vient d’être exposé permet par ailleurs de comprendre pourquoi le constat que les étrangers commettent davantage de crimes que les nationaux est un phénomène universel. En effet, la migration, de manière générale, est principalement une affaire de jeunes plutôt que de vieux et d’hommes plutôt que de femmes. Sachant que les jeunes hommes représentent justement la partie de la population la plus criminogène, il est donc logique que la population migrante soit plus criminogène que ceux qui ne bougent pas de leur lieu de naissance.

Il est dès lors totalement erroné de comparer les étrangers aux nationaux, puisque l’on compare alors une population faite essentiellement de jeunes hommes à une population de nationaux vieillissants et composés des deux sexes à proportions à peu près égales. C’est ainsi que si l’on compare le taux de criminalité des étrangers à celui des nationaux du même sexe, de la même classe d’âge, de la même catégorie socio-économique et du même niveau de formation, la différence entre les nationaux et les étrangers disparaît.

Il arrive néanmoins que la nationalité explique tout de même une petite partie de la criminalité ; ceci dans le cas très particulier de migrants provenant d’un pays en guerre. En effet, l’exemple violent fourni par un Etat en guerre a tendance à désinhiber les citoyens qui deviennent alors, eux aussi, plus violents et exportent ensuite cette caractéristique dans le pays d’accueil. Ce phénomène est connu en criminologie sous le nom de «brutalisation». Ainsi, il semblerait que, lorsque l’immigration provient d’un pays en guerre, les quatre premières variables (sexe, âge, statut socio-économique et niveau de formation) ne suffisent pas à expliquer toute la criminalité ; la nationalité entre alors aussi dans le modèle explicatif, en cinquième position. Au contraire, lorsque l’immigration provient de pays non en guerre, la nationalité n’explique rien de plus que ce qui est déjà expliqué par les quatre premières variables.

Mentionnons encore que le phénomène de «brutalisation» que nous avons évoqué ci-dessus explique également pourquoi les Etats qui ont réintroduit la peine de mort aux Etats-Unis ont connu ensuite une augmentation de leur criminalité violente5 … En effet, lorsque l’État procède lui-même à des exécutions capitales, il désinhibe les citoyens en les confortant dans l’idée que la violence est une manière adéquate de résoudre les conflits, augmentant ainsi le nombre de crimes violents. Le même effet de «brutalisation» permet probablement aussi de comprendre pourquoi, en Suisse, la punition ordinaire qu’infligent certains parents à leurs enfants lorsque ceux-ci font une bêtise est l’enfermement dans la chambre, alors qu’il s’agit – aux yeux de la loi pénale – d’une séquestration, passible d’une peine privative de liberté de cinq ans… Nous sommes donc tous brutalisés par nos systèmes étatiques respectifs que nous reproduisons ensuite, sans même nous en rendre compte, à plus petite échelle.

IV. Considérations de politique criminelle

Nous savons donc maintenant que les variables qui expliquent le phénomène criminel sont dans l’ordre :

  1. Le sexe ;
  2. L’âge ;
  3. Le niveau socio-économique ;
  4. Le niveau de formation ;
  5. La nationalité (parfois).

La question qu’il reste à résoudre est de savoir comment cette connaissance peut être transposée en termes de mesures de prévention du crime. Si l’on prend les variables dans leur ordre d’importance explicative du phénomène criminel, on devrait envisager en premier lieu une politique de réduction de la masculinité… Il va néanmoins de soi que des politiques préconisant l’élimination des hommes ou l’encouragement de la natalité féminine contreviendraient non seulement à notre droit, mais seraient également fondamentalement contraires à notre sens de l’éthique. Les mêmes griefs peuvent d’ailleurs être avancés contre des politiques qui préconiseraient une élimination ou une ghettoïsation des jeunes. Quant à une politique de «dénatalisation», elle irait à l’encontre de l’intérêt de l’Etat à long terme.

Notons néanmoins que, pour ce qui est de la variable sexe, la féminisation d’une société ne passe pas forcément par une féminisation physique, mais pourrait tout aussi bien être à caractère sociologique. Cela reviendrait donc à rejeter les valeurs généralement attribuées à la gent masculine (tel le machisme) et à favoriser des valeurs que la société attribue plus volontiers aux femmes (telles que la tendresse).

En troisième lieu – donc après le sexe et l’âge –, il serait envisageable de songer à une prévention du crime passant par davantage d’égalité entre les habitants d’un pays et donc à éviter toute «société à deux vitesses». Puis, en quatrième lieu, il s’agirait d’envisager une amélioration du niveau de formation des plus démunis et des moins bien formés.

V. Conclusion

Si l’on cherche véritablement à lutter contre le crime et que l’on désire investir dans les mesures qui ont le plus grand potentiel de succès, il est impératif de commencer par envisager une action sur les variables les plus explicatives de la criminalité. Sachant par ailleurs que l’action sur le sexe et sur l’âge est difficilement réalisable et surtout éthiquement douteuse, les actions les plus à même de combattre le phénomène criminel semblent manifestement être les actions sociale6 et éducative.

Comme le fait de s’attaquer à la taille des personnes, s’en prendre aux migrants consiste donc à se tromper de cible. Sans compter par ailleurs qu’il n’est pas certain qu’une politique d’élimination des étrangers soit vraiment plus éthique qu’une politique d’élimination des hommes ou des jeunes…

André Kuhn est professeur de criminologie et de droit pénal aux Universités de Lausanne, de Neuchâtel et de Genève.

Certaines parties du présent texte – et surtout les idées qui y sont véhiculées – ont déjà été publiées par l’auteur dans des textes antérieurs. Là où certains utiliseront peut-être la notion ridicule d’«auto-plagiat», l’auteur a pour sa part tendance à considérer qu’il s’agit plutôt d’un phénomène positif, puisqu’il est le reflet d’un mode de pensée logique, cohérent et surtout constant.


1. Pour des données plus précises, nous renvoyons le lecteur au site internet de l’Office fédéral de la statistique (http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index.html), rubrique 19 – Criminalité, droit pénal. Cela vaut d’ailleurs pour toutes les données chiffrées contenues dans le présent texte, à l’exception de celles pour lesquelles une autre source est indiquée.

2. Sources : sondages suisses de délinquance autoreportée, de victimisation et de sentencing.

3. Sources : sondages suisses et statistiques pénitentiaires américaines. Il n’existe pas en Suisse de données sur le niveau de formation des personnes condamnées et/ou incarcérées.

4. Cela n’implique évidemment pas que tous les hommes commettent des crimes et que les femmes n’en commettraient jamais, mais simplement que, parmi les criminels, il y a une forte surreprésentation masculine.

5. Dans ce contexte, l’hypothèse de la «brutalisation» a par exemple été vérifiée dans l’Etat d’Oklahoma par W. C. Bailey, «Deterrence, Brutalization, and the Death Penalty: Another Examination of Oklahoma’s Return to Capital Punishment», Criminology, vol. 36, 1998, pp. 711ss.

6. Dont font d’ailleurs partie les politiques d’intégration des étrangers.