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La prospérité et la croissance économique durable sont les premiers objectifs fixés par le Conseil fédéral pour la législature 2004-2007.
Or, la Bible nous enseigne qu’il « y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20.35). En tant que chrétiens, nous sommes appelés à promouvoir une « économie du partage » afin de réduire la pauvreté.
Lors de ce Forum, qui s’inscrit dans la thématique ChristNet 2005-2006 « L’argent en Suisse », nous nous demanderons si la croissance n’a pas pris aujourd’hui autant d’importance du fait que nous ne sommes pas prêts à envisager de partager avec autrui.

 

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Et si Noël [re]devenait un événement qui change le monde ?

Yverdon/Genève, 08.12.09 – « Les rebelles de Noël » lancent leur site et une vidéo de présentation. Cette campagne, soutenue par le Forum de discussion ChristNet, obéit à un concept très simple : pour Noël, acheter un cadeau en moins, trouver une alternative non pécuniaire à offrir et donner l’argent ainsi économisé pour une bonne cause.

« Les rebelles de Noël », un groupe de chrétiens proches des associations ChristNet et A Rocha, proposent des idées pour célébrer Noël pleinement, tout en tenant compte des besoins des populations les plus pauvres de notre monde.

Une vidéo et un nouveau site web

Une vidéo de promotion présente de manière dynamique le stress et la surconsommation que l’on ressent durant cette période de l’année. Elle met en évidance les sommes importantes qui sont consacrées chaque année à cette fête. Une réflexion est proposée sur la manière de vivre Noël autrement. A noter qu’une version suisse allemande et française complète la version romande.

Le site internet lesrebellesdenoel.ch présente une série de cadeaux à offrir pour que Noël redevienne un événement qui change le monde. Ces projets sont proposés par plusieurs associations caritatives (Medair, Caritas, EPER, StopPauvreté2015, etc.)

« Célèbre pleinement, dépense moins… et aime ! »

Derrière cette manière originale de vivre Noël , il y a un fil rouge qui se résume ainsi : célèbre pleinement, dépense moins, donne plus et aime chacun. Cette façon d’entrevoir la période de Noël, s’inspire du récit de l’Evangile et essaie de lui donner corps.

Le concept est principalement transmis par Internet, au travers de Facebook (avec la possibilité de jouer à un quizz), Youtube et notre site internet. Quelques églises ont déjà commencé à diffuser la vidéo pour sensibiliser leurs paroissiens à cette problèmatique.

« Les Rebelles de Noël » s’adressent à toute personne désireuse de (re)découvrir le véritable sens de Noël. Cette campagne s’inspire de la démarche nord-américaine « Advent Conspiracy » qui existe depuis 2006 et qui a permis, en 2006, de récolter 500’000 $ pour la construction de puits au Libéria.

Infos

Site internet de la campagne : www.lesrebellesdenoel.ch

Vidéo de promotion version romande : www.youtube.com/watch?v=YrYFqWVqiNI

Page Youtube des Rebelles de Noël : www.youtube.com/user/lesrebellesdenoel

Page Facebook : www.facebook.com/pages/Les-rebelles-de-Noel/183836692964?ref=mf

Contacts

Les Rebelles de Noël : Philippe Kiener, philippe.kiener@artszone.net, 078 607 81 75

ChristNet : Samuel Ninck-Lehmann, samuel.ninck@christnet.ch, 022 731 71 83

Liens

www.adventconspiracy.org

www.christnet.ch

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« Heureux les doux car ils hériteront la terre. » (Matthieu 5.5)
Nous vivons une époque formidable. D’un simple clic de souris, il est possible au travers d’Internet de commander des habits à l’autre bout de la planète, de chatter avec des Chinois ou des Péruviens et de voir le monde sans quitter notre canapé. La technologie nous a permis d’augmenter considérablement notre espérance de vie, d’observer notre Terre depuis les étoiles ou de passer des vacances aux antipodes, tout simplement.
Cependant, nous sommes de plus en plus entraînés dans une spirale du « tout ! tout de suite », de la performance et de la vitesse et nous ne nous rendons pas compte que nous sommes en train de marquer durablement notre planète. En effet, depuis les années 1970, nous vivons « à crédit », dans la mesure où la Terre n’arrive plus à régénérer les ressources à la vitesse où nous les consommons. Nous sommes de plus en plus dans une situation de déséquilibre écologique.
Comment se positionner en tant que chrétiens sur les questions écologiques ? Les réponses données par la Bible étonnent par leur actualité et leur pertinence.
Dans la première partie de cette brochure, nous verrons que, si Dieu nous appelle à être des gestionnaires et des gardiens de la création, notre péché est une source de souffrance et de destruction pour celle-ci.
Une illustration des effets de ce péché sera donnée dans la deuxième partie, où nous expliquons le phénomène des changements climatiques d’un point de vue scientifique et montrons que notre mode de vie est en train d’influencer le climat de
manière durable.
La troisième partie nous montre une manière de concilier développement humain et écologie par le développement durable. Nous verrons que cette approche est aussi en phase avec la perspective biblique.
Finalement la dernière partie est un appel à un mode de vie simple, tel que prôné par Jésus tout au long des Evangiles, un chemin privilégié pour réduire notre impact sur la création et restaurer notre relation à Dieu.
Ces textes sont également tous publiés sur le site Internet de ChristNet.
La deuxième partie est reproduite avec l’aimable autorisation de M. Dittmar (coauteur de ce texte).
Afin de simplifier la lecture, cette brochure est rédigée, en général, à la forme masculine, celle-ci comprenant donc aussi la forme féminine.

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Eric Divernois fait partie de ChristNet depuis plusieurs années et est engagé au sein du Groupe écologique. Dans ce cadre, il a écrit un texte sur le mode de vie simple. Eric est valaisan. Il a vécu quelques années dans une communauté de foi et de vie du Val de Travers : Fontaine Dieu.

Le non-contentement, une maladie contemporaine

Le slogan des Jeux Olympiques est : « toujours plus vite, plus haut, plus fort ! » Il est également utilisé dans les entreprises pour montrer leur motivation. Le non-contentement exprimé par là est propre à l?Occident. Il se manifeste notamment dans nos pays par les taux élevés de suicide, la consommation d?antidépresseurs etc.. En un sens, le non-contentement favorise le progrès, mais l?insatisfaction finit par devenir mortifère.

Les symptômes

Un des symptômes est le toujours plus. On est poussés au travail et dans plein de domaines à vouloir toujours plus. Ce n?est pas faux en soi, le problème est plus subtil. La notion de progrès participe de ce besoin à la fois légitime et illégitime. Plus on exige de la performance, plus celle-ci génère des besoins nouveaux et a un impact environnemental. Ceci accélère un processus négatif : fatigue, surmenage, dépression. On a toujours plus de responsabilité, on multiplie les contacts pour s?assurer un meilleur développement de soi et l?épanouissement de possibilités personnelles. On a des agendas surchargés. Est-ce vraiment bon pour l?homme ?

Un autre symptôme résident dans notre consommation de drogues au sens large du terme : les gens consomment des quantités extrêmes de café, de tabac ou d?alcool pour être performants.

Il y a une tendance à chercher des expériences spirituelles. Ce phénomène se retrouve également dans les milieux chrétiens. Dans nos milieux évangéliques, la théologie de l?abondance fait des ravages. On désire toujours plus sous prétexte que Dieu va nous bénir en croyant que Dieu va nous bénir matériellement. En somme, il existe une vision libérale et consumériste de Dieu que je ne voudrais plus appeler théologie, mais « égologie ».

 

Les racines

Le non-contentement est une attitude de notre c?ur et donc une affaire spirituelle. En résumant, on peut dire que l?être humain est confronté à trois problèmes majeurs : l?isolement, l?absurdité et la peur. Ces trois aspects sont liés de manière intime et aboutissent au désir, à l?ignorance et à la haine.

·        L?isolement : il s?agit d?une profonde solitude intérieure. Dans notre monde moderne, les gens sont de plus en plus isolés les uns des autres. Le progrès a cassé l?interdépendance entre les générations et les liens entre les personnes. On n?a plus besoin les uns des autres pour vivre. Ceci peut se manifester de différentes manières : certains passent leur journée devant l?ordinateur, d?autres se font livrer leurs courses commandées par Internet, etc.

·        L?absurdité : en Occident tout a été remis en question par le passé : notre vision du monde est bouleversée. Les grandes idéologies sont dépassées. Certains penseurs parlent de désillusionnement du monde qui se traduit par une profonde perte de sens. Que reste-t-il ? Il n?y a plus qu?à consommer. Aujourd?hui, les magasins sont construits comme des temples de la consommation et vantés comme de vrais paradis.

·        La peur : c?est une angoisse existentielle. Wolfgang a bien décrit cette réalité dans notre vie et notre monde. La peur résulte d?une inquiétude fondamentale face à un monde que l?on ne comprend pas, que l?on subit et dans lequel on est « jeté » comme disait Heidegger. L?histoire de l?Occident est minée par l?angoisse. Au Moyen-Âge, on avait peur du jugement dernier, on avait peur des catastrophes et de la fin des temps. Ainsi, la peur fut grande lors du passage de l?an mil. Plus récemment, le XXème siècle fut marqué par la peur d?une confrontation nucléaire, des menaces terroristes, de la crise financière et des bouleversements écologiques. Il faut réaliser que malgré notre posture chrétienne, nous sommes victimes de la peur du manque. Cette peur se cache derrière des préoccupations plus anodines : chômage, argent, etc. C?est souvent une peur inconsciente, mais moins on en est conscient, plus elle nous influence.

 

Les effets

Le non-contentement a des effets aux niveaux personnel, social, économique et environnemental.

·        Effets personnels : en vivant dans le non-contentement, nous renforçons notre avidité. Nous sommes avides de tout, toujours, en tout temps, plus vite et plus intensément. Ceci amène différentes formes de prédation, d?épuisement et de saturation. Un auteur a dit : « L?abondance de biens crée une pénurie de temps ». En effet, nous manquons tous de temps.

·        Effets sociaux : le non-contentement nous pousse à exiger plus des autres. Si, par exemple, je demande à obtenir dix tasses de café à petit prix à la place d?une seule, mais plus chère, j?augmente mes exigences face à la production et au prix, ce qui augmente la pression sur les salaires et sur les conditions de travail.

·        Effets économiques : l?avidité nous pousse à gagner plus, à augmenter les intérêts sur nos actions, à spéculer sur des produits financiers hautement rentables, afin d?assurer nos comptes en banque, nos intérêts et ceux de notre descendance. Mais cela conduit également à l?emballement économique et aux débâcles financières.

·        Effets écologiques : la pression environnementale générée par l?avidité est spectaculaire, parce qu?elle est multipliée par le nombre d?habitants de la planète et décuplée par le système. Si chacun exige le même taux de confort, il s?avère vite que tous nos désirs ne peuvent être satisfaits à l?infini dans un monde fini. Malheureusement, l?avidité est à la base de notre économie, laquelle nous fournit emplois et salaires?

 

Les médicaments de Dieu

Dans les médicaments proposés par Dieu, on trouve entres autres : la conversion, le renoncement, la reconnaissance et la louange, ainsi que la « trithérapie de Dieu » : l?amour, la foi et l?espérance.

·        La conversion : c?est un processus qui consiste en un retournement mental : il faut changer nos représentations, et ce changement concerne également l?univers affectif. La Bible parle de la « circoncision du c?ur ». En enlevant une couche superflue pour rendre le c?ur plus tendre, on procède à une simplification du c?ur.

·        Le renoncement : la conversion nous amène au renoncement. Il ne s?agit pas là avant tout de renoncer extérieurement à tous nos biens. Luther parlait de l?homme non

·        converti comme de celui qui est courbé sur lui-même. C?est à notre égoïsme fondamental que nous devons renoncer, et c?est difficile !

·        La reconnaissance et la louange : souvent, nous avons tendance à chanter des chants pour nous sentir bien. C?est pourtant une attitude qui nous fait glisser progressivement vers le consumérisme. Au contraire, l?essentiel dans la louange consiste à avoir un c?ur reconnaissant. C?est alors une louange de qualité.

·        L?amour, la foi et l?espérance : tout un programme. Il y a là des pistes très bibliques. Cependant, pour nous soyons changés, la confiance en Dieu est fondamentale. Intellectuellement, on croit, mais concrètement, on se rend compte qu?on n?a pas vraiment la foi. Quand nos sécurités tombent, nous voyons vraiment où nous en sommes. L?amour, la foi et l?espérance sont en quelque sorte les contreparties de l?isolement, du non-sens et du désespoir ou de l?angoisse.

 

Conclusion : assez pour vivre

En contestant le mécanisme du toujours plus, on pourrait donner l?impression de faire l?éloge de la médiocrité et de la paresse et de mettre en cause la notion de progrès. L?idée n?est pas de se complaire dans un contentement facile. Le contentement n?est pas comme ces chalets qui portent l?inscription « Samsuffit »1 . Il ne s?agit pas non plus de passer du « trop » au « trop peu », mais plutôt du « trop » à « l?assez ». Par exemple travailler assez pour vivre, et non vivre pour travailler ; manger assez sans tomber dans la sur-bouffe et consommer selon ses vrais besoins ; viser la qualité plutôt que la quantité ; avoir assez pour satisfaire ses vrais besoins. ` côté du « toujours plus », il y a « l?assez » : assez pour vivre, assez pour partager et surtout assez pour être reconnaissant dans la bienveillance, dans la confiance et dans l?espérance.

Questions

Comment concilier le contentement avec l?appel de Dieu à faire fructifier nos dons ?

Il y a un mécontentement légitime, qui est illustré par exemple par Paul lorsqu?il dit : « Je poursuis ma course vers le but »2 . Il va donc de l?avant. L?Evangile nous exhorte à porter du fruit. Dans la création, il y a l?idée de progrès et de développement. C?est la loi de la vie. Le problème est que Satan fait de même, mais d?une manière néfaste : il existe aussi une loi du progrès qui a des effets mortifères pour l?individu et l?environnement.

En fait, il convient de m?interroger sur ma motivation à aller plus loin et surmon attitude, plutôt que de renoncer à aller plus loin?

En fin de compte, c?est une question que chacun doit résoudre dans son c?ur.

En Suisse, avec ma femme, nous avons souvent chassé des démons présentant un aspect financier. Les gens étaient poussés à consommer plus, ils étaient esclaves de ces démons. Ce n?est pas une attitude, mais une possession démoniaque. Où mettre la limite ?

Il y a un aspect démoniaque sous-jacent aux motivations. Le spirituel sous-tend le psychique et l?influence. Je n?ai pas la compétence pour en dire plus.

Il y a un verset qui dit : « Là où est votre c?ur, là est votre trésor. »3 . Est-ce que Dieu appelle les gens à tout donner ou faut-il plutôt prendre ce passage comme un appel à bien dépenser notre argent ?

L?Evangile est radical. A mon avis, il y a les deux attitudes : François d?Assise, par exemple, a tout donné. Mais il y a aussi des gens qui ont des richesses et qui sont ouverts à Dieu et lui obéissent dans leurs dépenses.

Transcription : Anne-Sylvie Giolo, Samuel Ninck

Révision : Sarah Martinez

 


1. Ça me suffit.

2. Philippiens 3.14

3. Luc 12.34.

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Au cours des siècles précédents, une grande partie de l’Eglise s’est comportée comme une institution uniquement préoccupée de « rechercher des nouvelles âmes ». L’être humain a ainsi souvent été laissé à lui-même, seul face à ses problèmes existentiels. Au lieu de prendre soin des nécessiteux, l’Eglise dominante du Moyen Age a amassé de grandes richesses, en utilisant à cette fin la peur de mourir de l’être humain1 . En réaction à ce trafic, certaines théologies modernes ont parfois réduit l’Evangile à un plaidoyer en faveur de réformes sociales.2 Conscients de cela, nous ne nous étonnons plus qu’un si grand nombre de personnes tournent le dos à l’Eglise.

Mais Dieu est-il seulement un « convertisseur d’âmes » ? L’Evangile n’est-il qu’un programme de réformes sociales ? Une considération attentive des textes bibliques nous permet de répondre par la négative à ces deux questions.

La Bible nous enseigne que Dieu a créé l’homme et la femme avec un corps, une âme et un esprit. A noter que le terme « âme », en hébreu, signifie l’être humain en tant qu’entité. De même que Dieu a créé des êtres « totaux », il prend soin de nous en tant que tel.

Dans l’Evangile, Dieu vient entièrement à notre rencontre, à travers Jésus Christ. Cette rencontre entraîne de sérieux changements dans tous les domaines de notre vie :

1 Au niveau spirituel : par la mort expiatoire de Jésus, Dieu nous donne la possibilité de trouver le vrai pardon à nos péchés.

2 Au niveau physique : Jésus guérit et libère les malades, s’occupe des pauvres et des marginaux. Il soulage ceux que le manque d’équité dans le monde font souffrir.

3 Au niveau moral et social : Jésus parle d’un nouveau monde dans lequel les valeurs sont renversées. Ce Royaume de Dieu, qui a déjà commencé avec la venue de Jésus, est empreint de joie, de paix et de justice.

Parce que l’Evangile de Jésus est « total » et qu’il considère l’être humain dans son entier, nous devrions garder à l’esprit les deux aspects suivants lorsque nous lisons la Bible: d’un côté, une signification pour le monde actuel, c’est-à-dire existentielle, de l’autre, une signification pour le royaume à venir, id est spirituelle. En voici un petit exemple :

La guérison des dix lépreux (Luc 17 : 11-19)

 

 

Aspect social (monde actuel) Aspect spirituel (monde à venir)
Jésus ne rejette pas les lépreux, alors qu’ils sont impurs selon la loi juive (acceptation). Dieu ne regarde pas à l’extérieur, Il regarde au cœur.
Jésus les guérit – miséricorde / compassion. Dieu veut que chacun trouve l’aide dont il a besoin. Les miracles sont des signes du Royaume de Dieu.
Les lépreux sont guéris – ils peuvent retrouver leur place dans la société. Dorénavant, ils ne doivent plus vivre d’aumônes ; ils peuvent recommencer à travailler. Le lépreux guéri expérimente Dieu personnellement – il Le loue et se convertit (à vie éternelle).
Transformations sociales et économiques : la société compte dix malades en moins et dix travailleurs en bonne santé de plus.
Une guérison miraculeuse amène au moins une personne à devenir un témoin zélé de Jésus.
Jésus exhorte ses disciples à se préoccuper des malades et des personnes rejetées.
Les disciples de Jésus expérimentent la puissance surnaturelle de Dieu, ce qui ne manque pas de fortifier leur foi.

 

Dieu se préoccupe du salut de notre âme, tout comme Il se soucie des problèmes liés à notre existence terrestre. C’est pourquoi, les chrétiens qui se considèrent comme des disciples de Jésus, devraient appréhender l’Evangile du point de vue de cette double perspective et agir en conséquence.

Tom Hertig, septembre 2001

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1.  On appelait cela le « trafic des indulgences ».

2.  Par exemple la théologie de la libération.

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Introduction

Vaut-il mieux être riche ou pauvre ? Posséder beaucoup d’argent ou au contraire peu ?

Face à cette question, certains se fondent avant tout sur leur expérience personnelle et répondent, par exemple, que plus d’argent est tout simplement synonyme de plus de liberté. Ainsi, même s’ils venaient à en posséder trop, ils pourraient au besoin toujours brûler cet argent. Ou alors, ils rétorquent qu’ils ne souhaitent pas devenir riches car cela ne les rendrait pas heureux.

Devant cette même question, d’autres se basent non pas sur eux-mêmes mais sur leur prochain et affirment: si je suis riche, alors on peut simplement en déduire que je n’ai pas partagé autant que j’en aurais eu la possibilité. Etre riche n’est donc pas une bonne chose. Ou comme on a pu l’entendre: devenir riche n’est pas un pêché mais mourir riche en est un.

Cette question fondamentale nous place toutefois devant un choix qui n’a pas lieu d’être. Il ne s’agit pas d’être le plus riche possible, ni le plus pauvre possible. A la question « quel degré de richesse dois-je avoir ?», il existe un point de repère auquel nous pouvons nous rattacher. Nous ne devons devenir ni riches ni pauvres, mais avoir suffisamment pour vivre.

Suffisance

« Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire ». Ce principe tiré de Proverbes 30,81  peut servir de verset de référence pour le texte qui suit.

Le principe de la suffisance est aussi très bien exprimé dans les histoires traitant de la manne céleste dans le désert: « Voici ce que le Seigneur vous ordonne : ramassez-en la ration nécessaire, un homer par tête, afin qu’il y en ait à manger pour tout le monde, puisque vous êtes nombreux ; proportionnez votre récolte au nombre d’habitants de votre tente. Ainsi firent les Israélites : ils en ramassèrent l’un plus, l’autre moins. Mais quand on mesurait avec le homer, celui qui avait beaucoup ramassé n’en avait pas trop, et celui qui en avait peu ramassé n’en manquait pas : chacun se trouvait en avoir recueilli ce qu’il pouvait manger. Moïse leur dit : Que personne n’en réserve pour le lendemain. Au lieu de lui obéir, quelques-uns en gardèrent jusqu’au matin ; mais des vers s’y étaient mis, et tout était gâté. » (Exode 16,16-20) Nous pouvons y voir deux choses : premièrement, Dieu voulait qu’ils ne fassent de provisions que pour un jour. Deuxièmement, il n’était pas prévu que certains possèdent plus que ce qui est suffisant et d’autres moins que ce qui est suffisant. (A ce propos, on ne sait pas trop si cet équilibre est le résultat d’un miracle ou si, tout simplement, les Israélites ont partagé. Les rabbins ont adopté le premier point de vue; cependant c’est plutôt le deuxième qui prédomine depuis Calvin.)

Ce style de vie basé sur la manne céleste se retrouve également dans la prière que Jésus nous a enseignée. Cette prière contient certes une demande matérielle. Pour autant, cette demande n’est pas: « donne-nous la richesse » ou « donne-nous du pain », mais bien « donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ». Cette demande reprend l’idée que le fait de posséder plus que ce qui est suffisant n’est pas souhaitable.

L’exemple de la nourriture permet de mieux saisir la notion de suffisance. Lorsque nous avons une assiette posée devant nous, nous savons très exactement que nous ne souhaitons pas manger trop peu et que nous ne souhaitons pas non plus manger trop. Dans le contexte de la nourriture, la chose nous semble évidente. Je suis d’avis que cet objectif de suffisance devrait s’appliquer non seulement à la nourriture mais à toutes les formes d’abondance terrestre.

Il est une question que je souhaiterais aborder brièvement, à savoir: quelle quantité peut-on qualifier de suffisante ? En deux mots : « suffisant » ne signifie certainement pas « le minimum vital ». On a suffisamment lorsque l’on est en mesure de mener une vie décente, digne et prospère. Ce qui comprend également la possibilité de célébrer des fêtes2 et de remplir les conditions matérielles pour entretenir des contacts sociaux. J’estime que la suffisance est plus ou moins la même partout dans le monde. Sans doute est-elle un peu plus élevée en Suisse parce que nous nous sommes habitués à un certain niveau de vie ou parce que chez nous, il faut, par exemple, acheter des manteaux d’hiver, ce qui n’est pas indispensable ailleurs. Cependant, il ne faudrait pas surestimer ces éléments d’ordre culturel. De manière générale, le niveau de suffisance est quelque chose d’universel pour l’humanité. Je suppose que la grande majorité d’entre nous fait partie de ceux qui vivent au-dessus du seuil de suffisance.

Un deuxième mot-clef est étroitement lié à la notion de suffisance. S’il s’avère que nous ne souhaitons avoir ni plus ni moins que ce qui est suffisant, alors nous n’avons qu’un seul moyen simple de parvenir à une situation qui profite à tout le monde : le partage.

Le partage

Le partage permet à ceux qui ont plus aussi bien qu’à ceux qui ont moins que ce qui est suffisant de se rapprocher du niveau de suffisance. Il bénéficie donc aux personnes des deux groupes.
S’agissant du partage, l’appel de Paul au sujet de la collecte d’argent pour les églises de Jérusalem peut servir de verset de référence: « Afin que leur superflu pourvoie pareillement aux vôtres. » (2 Corinthiens 8,14). Même si le mot « suffisance » n’apparaît pas, c’est bien cette idée qui est à la base du verset. En prenant ces paroles le plus littéralement possible, on constate que Paul ne dit pas que la richesse doit remédier à la pauvreté mais que c’est le surplus qui doit pallier au manque. Diamétralement opposés, surplus et manque gravitent tous les deux autour d’un même centre – et ce centre n’est autre que la suffisance. Et l’idée de la suffisance conduit directement à celle du partage.

Le partage est utile pour deux raisons totalement indépendantes. Premièrement, le partage est bon pour ceux qui ont plus que ce qui est suffisant: ils gagnent en liberté et se gardent de dangers lorsqu’ils ne vivent pas avec plus que ce qui est suffisant. Deuxièmement, le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant: la mise à disposition de ressources par ceux qui ont plus que ce qui est suffisant permet à ceux qui ont moins de ne plus vivre en deçà de la suffisance, leur fait gagner en liberté et atténue leurs souffrances.

 

Je souhaite maintenant évoquer plus en détail ces deux points de vue, que je traiterai l’un après l’autre.

Je suis surpris de constater que souvent, les textes qui traitent de la Bible et de l’argent ne prennent en compte que l’un des deux points de vue que nous venons de voir. Ainsi, il arrive que certains Chrétiens engagés relèguent complètement au second plan le fait que le partage profite non seulement aux pauvres mais aussi à celui qui partage. On en oublie ainsi, à tort, que le partage procure de la joie, laquelle a tout autant sa place que le sentiment de devoir. Au contraire, des personnes comme Earl Pitts3 mettent fortement l’accent sur l’importance du bon usage de l’argent pour notre propre vie spirituelle (ce qui relève du premier point de vue). Au risque d’oublier qu’une autre personne a réellement besoin de l’argent que nous donnons. Earl Pitts passe notamment sous silence le fait que le partage peut contribuer au bien-être des pauvres.

Une dernière remarque : une troisième raison plaide pour le partage. Celui-ci ne contribue pas uniquement au bien-être de ceux qui ont plus et de ceux qui ont moins que ce qui est suffisant, mais permet aussi de rapprocher les deux groupes. A travers le partage qui nous rassemble et réduit nos disparités, nous rétablissons un sentiment de communauté blessé.

Le partage est beau pour une quatrième raison. Il nous en accord avec le coeur de Dieu, ce qui est source de joie. Ainsi, 2 Corinthiens 8, 9 dit à propos de Dieu: « Vous connaissez, en effet, la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté ».

Le partage est bon pour ceux qui ont plus que ce qui est suffisant

Dans cette partie, nous nous efforcerons de voir pourquoi ceux qui ont plus que ce qui est suffisant profitent de la renonciation à la part qu’ils ont en trop. Nous laisserons pour l’instant de côté l’utilisation faite de l’argent auquel nous renonçons, peu importe que nous le partagions ou le brûlions comme l’avait fait l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss avec son premier salaire de baby-sitter.

La Bible et en partie aussi nos propres expériences quotidiennes nous l’enseignent: l’abondance nous détourne. L’abondance sollicite notre coeur. En clair: « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » (Matthieu 6, 24 ; Mammon personnifie la richesse et l’argent dans les récits bibliques) En somme: il est particulièrement difficile d’avoir de l’argent sans l’aimer. Mais aimer l’argent nous fait perdre de notre liberté: « Lors donc que nous avons nourriture et vêtements, sachons être satisfaits. Quand à ceux qui veulent amasser des richesses, ils tombent dans la tentation, dans le piège, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont transformés l’âme de tourments sans nombre ». (1 Timothée 6, 8-10)

Etre libre de tout surplus matériel n’est cependant pas une fin en soi. La question n’est pas seulement « libre de quoi ? » mais « libre pour quoi ? ». Ne pas dépendre de l’argent c’est pouvoir suivre Jésus et devenir heureux : « Profitable, oui, la piété l’est grandement pour qui se contente de ce qu’il a » (1 Timothée 6, 6). De nombreux autres exemples sont encore là pour nous montrer que l’indépendance de toute soif d’argent a un but:

Lorsque Jésus a dit au célèbre « jeune homme riche » : « Va vendre toutes tes richesses » sa phrase ne s’arrêtait pas là. Ce que Jésus souhaitait n’était pas que le jeune homme fasse faillite. Jésus poursuivit: « …puis suis moi ! » Ce qu’il faut comprendre: la renonciation avait un sens, à savoir qu’il puisse suivre Jésus. Jésus a constaté que l’argent retient un homme riche comme un boulet au pied et l’empêche de le suivre librement. Il promet même au jeune homme un trésor au ciel4. Autrement dit, renoncer au surplus ne doit en aucune manière être source de tourments.

Ne pas posséder plus que ce qui est suffisant peut également avoir pour but de nous lier à Dieu. Nous sommes beaucoup plus proches de lui lorsque nous sommes entièrement dépendants de lui. De nombreuses personnes ont eu l’occasion de se rendre compte qu’elles parvenaient davantage à avoir confiance en Dieu lorsqu’elles n’arrivaient plus du tout à se construire par elles-mêmes. Lorsque nous renonçons librement à posséder plus que ce qui est suffisant, alors nous apprenons dans un même souffle à faire confiance à Dieu pour qu’Il nous donne ce dont nous avons besoin: « Que votre conduite soit exempte d’avarice, vous contentant de ce que vous avez présentement ; car Dieu lui-même a dit : je ne te laisserai ni ne t’abandonnerai » (Hébreux 13, 5).

En résumé, l’argent sollicite notre coeur et nous emprisonne. S’en libérer a un but: suivre Dieu et être heureux.

Je trouve également passionnant qu’une nouvelle branche de recherche appelée « Happiness Economics » soit venue s’intégrer dans les sciences économiques. On tente d’y répondre sans le moindre préjugé et de manière empirique à la question: l’argent rend-il heureux ? Le bilan des recherches menées est sans appel: la croissance économique ne rend pas les hommes plus heureux5.

Je souhaiterais répondre brièvement à l’objection émise par certains, à savoir que Dieu voudrait nous donner beaucoup et pas justement ce qui est « suffisant ». Ainsi, Dieu promit aux Israélites une terre qui ruisselle de lait et de miel. Salomon vivait dans un luxe inimaginable. Jésus promit plus que ce qui est suffisant: « on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde6 ». Personnellement, je lie les passages de la Bible en faveur de la richesse et ceux qui critiquent la richesse de la manière suivante: l’abondance serait en fait quelque chose de fabuleux. La nouvelle Jérusalem céleste est constituée d’or et de diamants: tout ce qu’il y a de plus superflu. Le bonheur que Dieu veut nous donner est spirituel et matériel. Avoir plus que ce qui est suffisant est donc bon mais est également dangereux dans notre monde déchu. L’abondance est bonne mais notre nature pécheresse nous rend incapables d’en faire bon usage.

Sans exagération, je vois une analogie très directe entre l’héroïne et l’argent. L’héroïne n’a après tout rien de si mauvais: elle rend heureux. Le seul problème est qu’elle nous fait commettre des pêchés et qu’à peine est-on tombé dans la dépendance que l’héroïne se retourne contre nous et nous détruit. Ne pourrait-on pas dire la même chose de l’argent: il s’agirait en fait de quelque chose de bon mais dont nous serions tout simplement incapables de faire bon usage7.

Je me rends bien compte que ma réponse à l’objection n’est pas totalement satisfaisante. Cependant, compte tenu du grand nombre de passages souvent radicaux de la Bible à l’égard de la richesse, nous devons poursuivre avec élan notre combat contre Mammon, le Dieu de notre pays et de notre temps. Je suis surpris de voir les précautions que nous devons souvent prendre lorsque nous voulons critiquer ouvertement le surplus. La plupart du temps, lors des sermons visant à mettre en garde contre l’amour de l’argent, on tente en même temps d’atténuer les choses par des paroles de ce genre: « bien sûr la richesse n’a en soi rien de mal » ou : « bien sûr, tout dépend des personnes et il n’y a pas de règle générale » etc. Pourquoi cet aspect central de l’éthique biblique est-il à chaque fois immédiatement relativisé ? Pourquoi nous manque t-il aujourd’hui l’enthousiasme des Eglises de Macédoine dont Paul dit: « parmi les nombreuses tribulations qui les ont éprouvées, leur joie surabondante et leur profonde pauvreté ont débordé chez eux en trésors de générosité. Selon leurs moyens, je l’atteste, et au-delà de leurs moyens, spontanément, ils nous ont demandé avec beaucoup d’insistance la grâce de participer à ce service en faveur des saints. Dépassant même nos espérances, ils se sont donnés eux-mêmes, d’abord au Seigneur, puis à nous, par la volonté de Dieu. » (2 Corinthiens 8, 2-4). Pourquoi tous les chrétiens qui prennent particulièrement au sérieux Dieu et la Bible ne se prononcent-ils pas plus clairement contre le surplus ? Je constate aussi que critiquer personnellement les membres de ma famille sur ces questions me demande un gros effort sur moi-même, qui suis pourtant profondément attaché au problème. Bien sûr, il existe des raisons pour lesquelles Dieu souhaite que telle ou telle personne soit riche, par exemple parce qu’il est important que les chrétiens soient présents dans toutes les classes sociales et figurent donc parmi les 10 000 personnes les plus riches (par contre, j’ai rarement entendu cet argument pour justifier que des chrétiens deviennent fumeurs de marijuana et aient ainsi accès aux groupes correspondants). Pas de doute, Dieu est à un tel point souverain qu’il est réellement difficile d’établir des règles générales. Mais pourquoi cette possibilité est-elle autant mise en évidence ? Là est la question.

Il n’y a évidemment aucun mal à avoir beaucoup d’argent sur son compte. La question clef est de savoir si cet argent sur le compte appartient à Dieu ou s’il est là pour servir à la consommation personnelle. Earl Pitts, par exemple, dispose en permanence d’un fonds « The-Master-Has-Need-Of », c’est-à-dire de l’argent qu’il garde immédiatement disponible lorsque Dieu lui indique qu’il doit être employé à telle ou telle fin.

L’objection diamétralement opposée vient de ceux qui se demandent si Dieu ne nous a pas appelés à devenir pauvres. Je répondrai à cette objection de la manière suivante: Tout d’abord, il faut faire la différence entre pauvreté volontaire et involontaire (chacune dans le sens de posséder moins que ce qui est suffisant, en termes de pauvreté absolue). Cette dernière n’est certainement pas la volonté de Dieu. Et je répondrai ensuite avec mon simple bon sens, qui peut je l’espère être utile à Dieu, que je ne conçois pas que Dieu puisse de manière générale souhaiter que nous ayons moins que ce qui est suffisant. Si cela peut convenir à un prophète ou ponctuellement à quelque devoir spécial, pour autant il s’agisse là davantage « d’effets spéciaux » comme par exemple une semaine de jeûne ou la libre renonciation à avoir des enfants. Tenter d’utiliser à l’inverse cet argument de pauvreté limitée à un devoir spécial – en citant souvent un seul et unique passage biblique8 – pour défendre une vie dans le luxe est bien sûr totalement déplacé. La suffisance est pour nous tous un idéal.

Le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant

Après nous être assez longuement penchés sur les objections à l’idée de suffisance, passons maintenant à la deuxième raison pour laquelle le partage est utile. Cette deuxième raison est indépendante de la première. La voici: le partage est bon pour ceux qui ont moins que ce qui est suffisant et c’est la raison pour laquelle nous devons partager. Comme le dit très bien une expression anglaise: « Living simply so that others may simply live » (vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre).

Il est évidemment beaucoup plus facile de démontrer la problématique liée au manque que celle liée au surplus. On peut toutefois distinguer deux catégories de motivations nous incitant à partager avec ceux qui sont dans le besoin: « équité » et « charité ».

Ces deux motivations au partage se fondent chacune sur un raisonnement différent:

Lorsque nous partageons par souci d’équité, alors nous rendons de l’argent qui, d’une certaine manière, ne nous appartient pas du tout. Je détiens certes le pouvoir d’en disposer mais je le dois réellement à ceux avec qui je le partage. Il s’agit donc de réparation et le mot « partage » est presque inapproprié. En voici des exemples:

  • Les réparations pour vol, fortunes tombées en déshérence auprès des banques suisses, colonialisme et ses conséquences
  • Le partage comme réponse à des systèmes injustes comme par exemple le secret bancaire, l’OMC, le FMI9.
  • Les impôts progressifs comme réponse à des structures qui ne sont pas directement source d’injustices mais qui privilégient systématiquement certaines personnes. Le meilleur exemple est le marché libre.
  • Cette motivation est parfois aussi en partie à l’origine de la coopération au développement

Lorsque nous partageons par souci d’équité, nous le faisons parce que nous considérons que nous sommes injustement devenus riches. L’important est bien sûr de faire disparaître l’injustice plutôt que de se borner à la compenser par des réparations.

Même si nous ne devons jamais perdre de vue que nous sommes largement responsables de la pauvreté dans le monde, ce serait une erreur de penser que chaque pauvre doit sa condition à la richesse d’un autre. La pauvreté peut également être due à une catastrophe naturelle ou à l’endettement de la personne. C’est pour cela qu’il faut également partager par charité. Contrairement au partage par équité, le partage par charité repose sur un simple constat: quelqu’un souffre d’un manque. Un point c’est tout. Et donc je partage. On écarte au passage la question de savoir qui est responsable du manque: moi, celui qui souffre du manque, un tiers ou personne. Voici des exemples de partage par charité:

  • Une partie de la coopération au développement
  • L’aide aux catastrophes
  • « Compassionate Conservatism »10

Le partage par équité autant que le partage par charité ont leurs avantages et leurs dangers respectifs:

  • Lorsque nous partageons par équité, nous le faisons par soumission et ne risquons pas de nous faire passer pour généreux. Car en fin de compte, la dette que nous avons nous place dans une situation d’obligation et nous ne faisons que rendre ce qui ne nous a jamais appartenu.
  • Le partage par équité nous évite de traiter de haut ceux qui reçoivent.
  • Le partage par équité a pour danger de laisser de côté la chaleur humaine : nous accordons plus d’importance à l’équité abstraite qu’à l’homme lui-même.
  • Le partage par charité évite les délicates questions de responsabilités. A mon sens, la gauche dépense trop d’énergie à vouloir identifier de façon idéologique la cause et les responsables de la pauvreté dans le monde. Avec le partage par charité il suffit de constater que quelqu’un souffre.
  • Le partage par charité nous amène à aider entre autres des personnes qui ne l’ont pas mérité et il s’agit là d’une attitude très proche de celle de Jésus.
  • Le partage par charité nous évite de considérer ceux qui reçoivent comme des victimes alors que c’est parfois le cas lors du partage par équité. Ce rôle de victime correspond certes souvent à la réalité, mais nous ne devrions pas pour autant l’accentuer. En effet, présenter en permanence les pauvres comme des victimes ne les aide en rien, bien au contraire.

Les deux racines du partage se retrouvent de manières diverses dans la Bible:

Exemples pour le partage par équité:

  • « Et ce que l’Eternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu (…) Puis-je supporter une mesure fausse et un boisseau diminué, abominable ? (Michée 6,8+10)
  • « Un homme peut-il tromper Dieu? Or vous me trompez! Vous dites: en quoi t’avons-nous trompé? Quand à la dîme et aux redevances. » (Malachie 3,8; il faut savoir que la part impayée de la dîme et des redevances a ensuite profité entre autres aux pauvres)
  • « Zachée debout, dit au Seigneur : voici Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un je lui rends le quadruple ». (Luc 19,8)

Exemples pour le partage par charité:

  • « C’était moi le père des pauvres, la cause d’un inconnu je l’examinais ». (Job 29,16)
  • « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui? »  (1 Jean 3,17)
  • « Zachée debout, dit au Seigneur : voici Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j’ai extorqué quelque chose à quelqu’un je lui rends le quadruple ». (Luc 19,8)

Il me semble très important que quelqu’un qui se préoccupe vraiment des pauvres et a vraiment du cœur ne va pas perdre son temps à faire quotidiennement la différence entre ces deux motivations. Le véritable amour ne doit pas nous conduire à partager uniquement lorsque l’équité l’exige, pas plus qu’il ne doit nous amener à considérer chaque acte de partage comme acte de générosité gratuite.

Il est presque impossible de négliger l’importante récurrence des thèmes de la pauvreté et des pauvres dans la Bible. Et ce ne sont pas que les prophètes qui en parlent. Non, ce thème est évoqué en de nombreux points dans la Bible. Il s’agit d’un refrain qui réapparaît sans cesse: dans la loi mosaïque, chez Job, dans les psaumes, chez les prophètes, chez Jésus, dans la première communauté, dans les lettres de Paul et dans d’autres lettres encore. Jim Wallis et ses amis ont un jour découpé tous les passages de la Bible qui parlent des pauvres. Cette Bible était alors pleine de trous et ne tenait presque plus debout. Un bouquet choisi parmi ces versets est présenté en annexe.

Il me semble également intéressant de noter qu’une nouvelle doctrine est apparue au cours des deux dernières décennies en philosophie : la suffisance. Après avoir débattu pendant des décennies d’égalitarisme, c’est à dire de l’importance capitale de l’égalité, la nouvelle doctrine précise maintenant que le plus important est que chacun ait suffisamment. Selon elle, aussi longtemps que tout le monde a suffisamment, trop s’attacher à l’égalité ne conduit qu’à se comparer inutilement aux autres et à vouloir obtenir trop. Si je continue à considérer l’égalité comme un idéal important (notamment l’égalité des droits, mais aussi l’égalité des chances) je trouve malgré tout le changement de perspective convaincant : la priorité absolue est que tout le monde ait suffisamment.

Après tout, il serait contradictoire de ma part de prétendre avec autant d’insistance dans la troisième partie que cela ne profite nullement à quelqu’un de posséder plus que ce qui est suffisant, uniquement pour affirmer maintenant qu’il est important que tous les hommes disposent de la même quantité, même si cette « même quantité » tombe dans le domaine matérialiste du « plus que suffisant ». J’ai donc du mal à comprendre pourquoi des personnes engagées sur le plan social font aussi souvent des salaires de plusieurs millions de francs des grands patrons leur thème principal. Le salaire extrêmement élevé des PDG profite t-il réellement ou nuit-il à leur qualité de vie ? Toute personne qui, en Suisse, gagne 6000 francs par mois, ce qui fait d’elle l’une des plus riches de la planète, devrait d’abord se demander si, compte tenu de la pauvreté dans le monde, elle peut le justifier, et ne pas renvoyer la faute (même si elle n’a pas tort non plus) sur les quelques-uns qui gagnent encore plus qu’elle – et se sont sans doute par là attiré davantage de danger que de bonheur.

Que répond la Bible à la question de savoir si nous devons, pour les biens matériels, accorder la priorité au principe d’égalité ou à celui du « suffisamment pour tous » ? Je ne suis pas en mesure d’y répondre clairement, mais il me semble que la Bible insiste d’abord sur le problème du manque des pauvres, avant même celui de l’inégalité.

En résumé, nous avons déterminé que face à l’abondance, le principe directeur qu’il convient d’appliquer est celui de la suffisance. Ce principe de suffisance nous amène à partager. Premièrement, nous désirons partager parce que, pour nous qui vivons au-dessus du seuil de suffisance, il est bon de ne pas avoir plus que ce qui est suffisant. Deuxièmement, nous voulons partager parce qu’il est bon pour ceux qui vivent en dessous du seuil de suffisance de ne pas avoir moins que ce qui est suffisant. Nous pouvons encore subdiviser cette dernière raison en motivations d’équité et de charité.

Dans les deux parties qui suivent, je tenterai brièvement d’exposer quelques tentatives d’application. J’y expliquerai qu’il me semble important de changer autant notre vie personnelle que les structures politiques.

Mise en application sur le plan personnel

I. Une première proposition consiste à apprendre à vivre avec un cercle de suffisance. Earl Pitts est à l’origine de cette proposition.

Un cercle de suffisance peut être ouvert ou fermé. Dans un cercle fermé, je n’ai convenu qu’avec Dieu et moi-même de ce qui est suffisant pour moi et je m’y tiens par écrit.

Un cercle de suffisance comprend les obligations (comme les impôts ou les remboursements de dettes), les nécessités (comme manger ou avoir un toit) et les désirs (par exemple des vacances chères).

Les désirs peuvent être grands ou petits, l’important est tout d’abord de les définir. On parvient ainsi à la situation suivante : tout revenu se répartit en deux catégories : suffisant et surplus. Et lorsque l’on n’a pas assez, alors on peut aussi prier Dieu concrètement et lui dire : tu sais bien ce dont j’ai besoin pour avoir suffisamment.

Lorsque l’on ne ferme pas le cercle de suffisance, les nécessités et surtout les désirs s’ajustent simplement de manière élastique au revenu.

II. Dans la première proposition, j’ai dit que les désirs peuvent être grands ou petits – le principal est d’abord de les définir. Dans un deuxième temps, nous pouvons, compte tenu des deux avantages du partage – et uniquement si nous le faisons de gaieté de cœur et dans la joie – commencer à passer en revue les désirs dans un ordre décroissant. Lorsque l’on a une vision radicale à long terme et que l’on commence doucement, on se rend compte qu’il est libérateur de faire taire les désirs matériels qui augmentent sans arrêt. Celui qui désire moins a besoin de moins pour ainsi être heureux, c’est aussi simple que cela.

III. Nous avons fondé à Berne un groupe que nous avons appelé « cukup » (« cukup » est un mot indonésien signifiant « suffisant »). Il s’agit pour nous d’une part de se rencontrer une fois par mois pendant toute une année – chaque fois après un dîner commun – pour discuter des thèmes de la pauvreté et de l’abondance. D’autre part, il s’agit de faire vivre en tant que groupe les idées de la suffisance et de partager de manière consciente. Le fait d’agir en tant que groupe et de disposer d’un horizon temporel clairement défini assure le dynamisme de l’ensemble.

IV. Il est essentiel que nous observions la pauvreté de nos propres yeux et cherchions ainsi à nous y confronter nous-mêmes. Que nous regardions ceux qui souffrent d’un manque matériel dans les yeux et ne les considérions plus d’abord comme « pauvres » mais tout simplement comme frères et sœurs. Nous pouvons appréhender la pauvreté par tous nos sens en allant personnellement à la rencontre des pauvres. Mais également en lisant ce que dit la Bible sur ce thème ou en regardant des films qui traitent du sujet. Je suis convaincu qu’un simple film suscite davantage de réactions en nous que dix textes de réflexion tels que celui-ci.

Mise en application sur le plan politique

I. Lorsqu’on est convaincu qu’ici-bas, nous autres être humains devons avoir pour objectif de posséder suffisamment – ni plus ni moins -, alors notre attitude par rapport à la croissance économique change. La croissance économique n’est alors plus du tout une fin en soi – en tout cas pas pour des pays comme la Suisse. Pour les pays dans lesquels de nombreuses personnes vivent en dessous du seuil de suffisance, il est préférable d’envisager une croissance économique qualitative.

Le Conseil fédéral cite comme objectif premier de son programme de la législature 2003-2007 l’accroissement de la prospérité11 – qu’est-ce, sinon de l’aveuglement ? S’il y a bien un problème que nous ne connaissons pas en Suisse, c’est un manque de prospérité. (Il convient bien évidemment de remarquer que la croissance économique peut parfois être nécessaire comme moyen pour une fin – par exemple, il peut être plus facile de maîtriser inflation et chômage lorsque l’économie est en pleine croissance plutôt qu’en stagnation. Mais dans ce cas, la croissance économique n’est pas utilisée comme fin en soi pour accroître la prospérité.)

II. Un moyen important pour permettre aux pays de l’hémisphère Sud d’accroître leurs ressources vitales est de nous attaquer aux racines du problème : les pays du Sud doivent acquérir plus de pouvoir dans la prise de décisions qui régissent le système économique mondial. Ce partage du pouvoir nous amènera indirectement un coût: de l’argent. Mais c’est l’une de nos meilleures options si nous voulons partager. (Plusieurs experts partagent cet avis, dont Joseph Stiglitz, détenteur du prix Nobel d’économie 2001 et ancien économiste en chef de la Banque centrale, Thomas Pogge, éminent philosophe contemporain qui s’est prononcé à maintes reprises sur la question de la pauvreté et Simonetta Sommaruga, présidente de la Fondation des consommateurs et conseillère aux Etats).

III. La notion de suffisance implique aussi que nous donnions la priorité à la lutte contre la pauvreté absolue et non à la lutte contre la pauvreté relative – même si l’une comme l’autre méritent que nous nous investissions. La politique intérieure s’occupe essentiellement de la pauvreté absolue: la pauvreté relative renvoie à des personnes en Suisse qui se retrouvent qualifiées de pauvres parce que, comparées à la moyenne, elles ont peu. Mais c’est pour cela qu’elles ne sont généralement pas pauvres au sens absolu – elles ont en général « suffisamment ». La pauvreté absolue se concentre en grande partie dans les pays de l’hémisphère sud. Il est absolument essentiel que dans notre économie mondialisée, nous orientions notre politique vers ceux qui sont certes plus éloignés de nous, mais qui sont tout autant touchés par les décisions que nous prenons que nos proches concitoyens.

IV. Une idée qui commence à faire son chemin ces derniers temps est celle du revenu de base12: Chaque citoyen reçoit un salaire de base modeste et suffisant, peu importe qu’il travaille, soit au chômage, étudiant, paresseux, riche ou pauvre.

Un des avantages de ce système est qu’il garantit que tout le monde a suffisamment. Un autre avantage est qu’il permettrait de sensiblement simplifier notre Etat social. L’Etat n’a plus à vérifier qui mérite réellement de recevoir aide sociale ou allocations chômage, une démarche souvent complexe et désagréable pour les personnes concernées. L’inconditionnalité du revenu de base fournirait également de biens meilleures incitations au travail. Bien évidemment cette inconditionnalité du revenu de base est tout aussi critiquable. C’est pourquoi je ne tiens pas à promouvoir cette idée mais simplement à la présenter. A méditer: le jubilé (Lévitique 25) repose-t-il sur des idées similaires à celles du revenu de base – c’est à dire que l’on devrait recevoir un capital/revenu garanti indépendamment du travail fourni?

Perspectives

Ces propositions de mises en application ne sont que de simples exemples. Je suis ouvert à toutes nouvelles formes de propositions. Et le plus important est qu’il ne suffit pas de parler de mise en application, il faut également lui donner réalité ! Ma vision est celle d’un monde nouveau, empreint de Dieu et dans lequel plus personne n’est prisonnier, que ce soit du surplus ou du manque.

Dominic Roser, Economiste, Bern

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1. Le passage intégral (Proverbes 30,7–9) dit: « Je te demande deux choses : Ne me les refuse pas, avant que je meure ! Eloigne de moi la fausseté et la parole mensongère ; ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. De peur que, dans l’abondance, je ne te renie et ne dise : qui est l’Eternel ? Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe et ne m’attaque au nom de Dieu. Ne calomnie pas un serviteur auprès de son maître, de peur qu’il ne te maudisse et que tu ne te rendes coupable ».

Ce verset sert également de titre à un ouvrage vivement recommandable qui donne un aperçu du thème de la propriété dans la Bible : Craig L. Blomberg « Neither Poverty nor Riches. A Biblical Theology of Possesions », paru en 1999 chez Apollos (Leicester) et Invervarsity Press (Downers Grove).

2. Indication: il est même dit dans Deutéronome 14,26 que l’on doit dépenser un dixième (!) de son revenu annuel pour célébrer une grande fête devant le Seigneur avec nourriture, boissons et tout ce que le cœur désire.

3. Earl Pitts a écrit avec Craig Hill un livre sur les principes bibliques d’une gestion de finances, lequel gagne fortement en popularité ces temps-ci, en partie aussi grâce aux conférences que Earl Pitts a donné en Suisse alémanique. Le livre « biens, richesses et argent » est disponible aux éditions Jeunesse en Mission. Mon sentiment personnel: il s’agit d’un livre radical qui développe de nombreux points intéressants. Mais comme je l’ai mentionné plus haut, il laisse beaucoup trop de côté la pauvreté. Il veut rendre la Bible de manière explicite et avec beaucoup d’esprit, ce qui peut paraître par endroits un peu trop libre. J’estime qu’il s’agit d’une lecture de qualité et suis tout à fait prêt à parler plus longuement du livre si nécessaire (pour les personnes qui seraient intéressées, j’ai également fait une liste des passages où le thème de la pauvreté est selon moi un peu négligé).

4. Le verset entier dit: « alors Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. Et il lui dit: une seule chose te manque: va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi » (Marc 10, 21)

5. Malheureusement, il n’existe d’études fiables que pour les pays développés. Il aurait été intéressant de savoir si, en dessous d’une certaine valeur seuil (pauvreté absolue), plus d’argent rend ou non plus heureux. Il est également intéressant de voir qu’en se plaçant à un instant précis dans le temps, les hommes riches sont plus heureux que les pauvres. Mais la raison à cela est la suivante: les hommes sont plus heureux lorsqu’ils sont plus riches que d’autres (ou s’ils se considèrent riches par rapport à leurs attentes et leurs exigences). C’est pourquoi j’ai dit plus haut que la croissance économique ne rend pas les hommes plus heureux. Car la croissance économique déplace vers le haut toute la répartition des salaires et cela ne rend personne plus heureux (voir Easterlin, R.: Happiness in Economics. Cheltenham 2002).

6.  Le verset entier dit: « Donnez, et il vous sera donné : on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis » (Luc 6, 38). Considérer ce commentaire en faveur de la mesure qui déborde comme justification pour mener une vie luxuriante, c’est ne pas avoir lu la première partie du verset.

7.  Il est intéressant de voir que dans la typologie des personnalités de l’ennéagramme (l’ « ennéagramme » est une méthode pas spécialement scientifique mais profonde et utile qui répartit les types de personnalités en catégories. Elle s’est fait connaître dans les régions chrétiennes de langue allemande par l’intermédiaire de Richard Rohr.) la personnalité caractérisée par l’avarice l’est aussi par l’ascétisme. Peut-être les hommes avares sont-ils en même temps ascétiques parce qu’ils craignent plus que les autres la soif d’argent et ressentent clairement le danger. Et c’est pour cela qu’ils s’en prémuniraient grâce à l’ascétisme. Bien sûr on peut aussi penser que leur ascétisme est un reflet direct de leur avarice: ils ne parviennent pas à dépenser d’argent.

8.  Romains 12,6-8: « Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c’est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ; si c’est le service, en servant ; l’enseignement, en enseignant ; l’exhortation en exhortant. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie. » Que personne d’autre ne puisse enseigner, réconforter ou servir que celui qui en a reçu le don spécial n’est en fin de compte pas dit non plus dans ce passage…

9. L’Organisation mondiale du commerce OMC et le Fonds monétaire international FMI ont une influence considérable sur la question de savoir qui devient riche ou pauvre sur cette planète. Ils déterminent en effet les règles du jeu. Mais dans ces organisations, les pays riches ont une influence beaucoup plus importante que les pays pauvres. D’une part, de manière formelle grâce à leurs voix et leurs fonctions, d’autre part de manière informelle. Les USA peuvent par exemple envoyer des délégations de plusieurs centaines d’experts qui préparent de manière informelle l’ensemble des accords tandis que certains pays africains n’enverront qu’un jeune fonctionnaire qui devra traiter des milliers de dossiers et ne pourra lors du vote final guère faire plus que dire oui ou non.

10. Le « Compassionate Conservatism » a été choisi comme slogan par Bush. Ce qu’il veut dire par là c’est qu’il est un conservateur et donc qu’il doute que les pauvres doivent leur condition à des systèmes injustes mais qu’il a quand même un coeur. Personnellement je tiens cela pour de l’hypocrisie : ses actes ne corroborent pas ses propos!

 

Suffisance FR

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La charité est essentiellement synonyme de solidarité. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la santé. Dans quelle mesure est-il important pour nous que nos voisins aient accès aux soins de santé ? Et à quel point est-il important pour nous que les pauvres aient autant d’accès que les riches ? En ce sens, quelle est l’importance de la justice pour nous ? Où se situe la limite du traitement nécessaire ou approprié pour la santé ? Il s’agit de chances de vie et d’accès à la société : certains traitements peuvent ne pas être nécessaires à la survie, mais ils peuvent être massivement invalidants.

La solidarité en matière de soins de santé signifie avant tout la solidarité des bien-portants avec les malades et la solidarité des riches avec les pauvres. Tous deux sont aujourd’hui en danger : Ceux qui ne veulent pas partager affirment de plus en plus que les malades vont trop souvent chez le médecin et que c’est la faute des pauvres s’ils sont pauvres. En matière de politique de santé, il est évident que les attaques de la droite contre l’État-providence ne sont pas simplement dirigées contre les bénéficiaires individuels de l’État-providence, mais qu’ils sont essentiellement plus intéressés par leur propre portefeuille que par le bien-être de leurs voisins. Après tout, qui tombe malade volontairement ?

Raisons de l’augmentation des coûts

La loi sur l’assurance maladie de Ruth Dreifuss visait deux objectifs : d’une part, renforcer la solidarité entre les personnes en bonne santé et les malades, et d’autre part, mettre un terme à l’explosion des coûts du système de santé. Le premier postulat a été rempli aujourd’hui, mais le second ne l’a pas été. Quelles en sont les raisons ?

– Le progrès médical ne peut être arrêté. Des traitements de plus en plus performants (mais donc généralement aussi plus coûteux) sont mis au point, et de plus en plus de maladies peuvent désormais être (mieux) soignées.

– Ces dernières années, les prix des médicaments ont augmenté massivement. Les entreprises pharmaceutiques suisses ont réussi à faire passer au Conseil national le fait que les réimportations de l’étranger (où les médicaments suisses sont beaucoup moins chers) restent interdites…

– Trop de concurrence : en raison de la concurrence entre les hôpitaux, chaque hôpital (privé et public) veut toujours acheter les derniers équipements de plusieurs millions de dollars. Cela les oblige également à les amortir en effectuant avec eux des examens inutiles.

– Le vieillissement de la population entraîne le fait que de plus en plus de personnes ont besoin de soins. Je suppose qu’ils ne peuvent pas s’en empêcher…

La désolidarisation comme solution ?

Le nouveau ministre de l’intérieur et donc de la santé, M. Couchepin, a déjà annoncé comment il souhaite rendre les soins de santé plus abordables.

– Primes « ajustées au risque » pour les personnes de plus de 50 ans. Les personnes âgées devraient payer plus de primes d’assurance maladie car elles « causent » également plus de frais. L’idée de la solidarité des bien-portants avec les malades comme principe de soins de santé lui semble totalement inconnue. Les personnes âgées ne peuvent tout simplement pas s’empêcher d’augmenter les coûts de santé, et ne devraient donc pas être punies pour cela non plus. Couchepin s’appuie apparemment sur des statistiques qui « montrent » que les personnes âgées ont tendance à être riches en moyenne. Mais cette richesse est très inégalement répartie et, même aujourd’hui, la personne âgée moyenne (c’est-à-dire la médiane) est plus pauvre que le citoyen moyen, il ne veut pas voir cela….

– Couchepin prévoit également de réduire l’assurance de base. On ne sait pas encore exactement ce qu’il prévoit, mais il est à craindre que de nombreux traitements, qui sont aujourd’hui couverts par l’assurance de base (solidaire), ne seront à l’avenir accessibles que par le biais d’une assurance complémentaire coûteuse. Adieu la solidarité…

– En revanche, il veut « renforcer la concurrence ». L’exemple des hôpitaux nous montre que cela augmente les coûts et ne les réduit pas. Et surtout les États-Unis, où la concurrence « joue » à cet égard, devraient suffire à nous mettre en garde : les médecins font de la publicité sur des affiches de taille mondiale pour attirer les clients (j’ai d’ailleurs vu des affiches aux États-Unis avec des slogans comme « Avez-vous mal à la tête aujourd’hui, ne vous sentez-vous pas bien ? Alors venez voir le Dr. XY »). Résultat : selon les calculs de l’OCDE, les soins de santé engloutissent 14 % du produit national brut aux États-Unis, environ 10 % en Suisse et environ 9,5 % en moyenne dans l’UE. Pourtant, aux États-Unis, la moitié de la population n’a pas d’assurance maladie parce qu’elle n’en a pas les moyens, et la mortalité infantile (selon l’ONU, principal indicateur de la diffusion des soins de santé) est plus de 50 % plus élevée qu’en Suisse, en Allemagne ou en France (0,8 % contre 0,5 %) Voulons-nous vraiment ce système ?

Couchepin semble avoir succombé à son idéologie néo-libérale : « la concurrence rend tout bon », et « chacun peut le faire lui-même s’il le veut ». Opposons-nous clairement à ces tendances à la désolidarisation. La question va devenir brûlante dans les mois à venir (mais surtout après les élections de l’automne) !


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La solidarité est une valeur chrétienne centrale. En quoi cela me concerne-t-il ? Markus Meury rend compte de ses expériences en tant que secrétaire syndical, montre des antécédents bibliques et commente les tendances actuelles en tant que sociologue.

Tout d’abord sur mes expériences personnelles au sein du syndicat

L’une des raisons pour lesquelles on m’a demandé de participer à ce petit déjeuner d’hommes est que j’ai travaillé comme chrétien dans un syndicat, et que je peux ainsi apporter une perspective qui est peut-être moins connue par ailleurs. (Je suis parti en juillet pour travailler pendant quelques mois à la Commission des droits de l’homme du Salvador. Maintenant avec Tear Fund, l’agence de secours de l’Alliance Evangélique. Leading Stop Poverty 2015, une campagne visant à encourager les chrétiens à s’engager davantage dans la lutte contre la pauvreté dans le monde).

Les années 90 ont été une période où les groupes à faibles revenus et les groupes marginalisés étaient particulièrement en difficulté. Dans le monde du travail en particulier, les réductions de salaires ont eu un effet dévastateur sur les personnes à faibles revenus, et la libéralisation des heures de travail a eu des effets sur la vie familiale. J’avais également le sentiment que cette spirale descendante allait se poursuivre en raison de la concurrence internationale qui a été décrite à maintes reprises, à moins que les employés eux-mêmes ne soient capables de se défendre. C’est pourquoi j’ai voulu travailler pour un syndicat et j’ai posé ma candidature auprès de différents syndicats il y a presque cinq ans. J’ai finalement rejoint le syndicat VHTL à Bâle, où j’ai travaillé comme secrétaire régional jusqu’en juillet.

VHTL signifie vente, commerce, transport, alimentation. J’ai été particulièrement heureux de trouver un emploi ici, car ce syndicat représente exactement les groupes qui me préoccupent. Il s’agit des employés des professions de service aux revenus les plus faibles, par exemple les caissiers de la Migros, les nettoyeurs, les gardiens de nuit et les ouvriers de la fabrique de saucisses Bell.

Ces dernières années m’ont permis de mieux comprendre le monde de ceux avec qui vous et moi n’avons pas grand-chose à faire. Voici quelques mots clés à leur sujet :

l Le salaire : en fait, il y a eu de plus en plus de « travailleurs pauvres » tout au long des années 1990, en particulier dans les régions que je représente. Au début de mon travail, de nombreux vendeurs ou femmes de ménage avaient un salaire net inférieur à 2500 francs. C’est à peine suffisant pour vivre si vous êtes seul, mais dès que vous devez aussi élever des enfants, c’est trop peu. De plus, il faut être conscient que cela ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les pères de famille. Il est donc tout à fait compréhensible que les deux parents doivent travailler pour faire vivre la famille. Par conséquent, même en tant que second revenu, le niveau des salaires devient important. Grâce aux campagnes menées par les syndicats en faveur du salaire minimum, les salaires les plus bas ont été considérablement augmentés ces dernières années.

l Mot-clé heures de travail : Depuis la fin des années 80, le travail de garde s’est de plus en plus développé. Par exemple, j’ai moi-même dû constater les difficultés de ma mère à organiser sa vie privée alors qu’elle devait toujours attendre que l’employeur l’appelle au travail ou non. La nouvelle loi sur le travail qui est entrée en vigueur à la fin des années 90 a ensuite donné une nouvelle impulsion à la déréglementation des heures de travail. De plus en plus de travail du soir a été introduit, outre le fait de faciliter le travail de nuit et le dimanche. En outre, la déréglementation des heures d’ouverture des magasins s’est accrue. Tout cela a particulièrement touché les travailleurs les plus vulnérables. Dans ces domaines, peu de salariés ont un apprentissage ou d’autres compétences professionnelles qui leur permettraient de changer d’emploi lorsque les horaires de travail ne permettent plus une vie de famille. Dans mon travail, j’ai été témoin de plusieurs cas où des familles ont éclaté, entre autres parce que les partenaires ne se voyaient plus guère en raison d’horaires de travail hyper-flexibles.

l Mot-clé concurrence : les déréglementations et les réductions de salaires sont toujours justifiées par la concurrence internationale et le danger qui en découle pour nos emplois. D’après ce que j’ai vu, je dois conclure que ce sont les plus vulnérables qui sont les plus vulnérables dans ce genre d’économie.

l A cela s’ajoute le stress croissant : autrefois, les périodes d’inactivité, où il n’y avait pas beaucoup de travail, étaient monnaie courante. Aujourd’hui, au contraire, les heures de travail sont tellement comprimées que les dommages liés au stress augmentent massivement. J’ai dû assister à des pannes dramatiques de personnel. On dit aujourd’hui que les performances doivent être récompensées, mais précisément ces augmentations massives des performances dans les couches de revenus les plus faibles n’ont pas été récompensées du tout….

l Et puis les chômeurs : comme vous le savez, les syndicats ont leurs propres caisses de chômage, nous aussi. J’ai donc une petite idée de la façon dont cela fonctionne. De nombreux employés qui recevaient leurs allocations de chômage chez nous ont eu d’énormes difficultés à retrouver un emploi. Le monde du travail exige de plus en plus de compétences et une efficacité à 100 %. Cependant, il existe une catégorie de personnes qui soit n’ont guère la capacité intellectuelle de le faire, soit, pour une raison quelconque, ne sont pas en pleine possession de leurs pouvoirs. Aucun employeur ne veut de ces personnes, même en période d’essor, car dans le monde du travail actuel, seuls ceux qui sont capables d’être performants sont recherchés. Il en résulte une augmentation du chômage dit de base. En fin de compte, beaucoup d’entre eux se retrouvent dans la IV.

J’ai donc beaucoup de mal à accepter les postulats de « responsabilité personnelle » et à étiqueter les gens comme de « faux invalides ». M. Blocher a déclaré que les deux tiers des retraités de l’AI n’ont même pas besoin de pension. Vraiment pas ? La question est permise, si HE les emploierait cependant dans son entreprise…. Il est trop facile de blâmer les retraités. Nous devons être prêts à y regarder de plus près ! Bien sûr, il y a des personnes dans les groupes ci-dessus qui ne veulent pas travailler. Et il y a aussi ceux que l’État providence rend léthargiques. Des mesures doivent être prises dans ce domaine. Mais c’est tout simplement jeter le bébé avec l’eau du bain si nous réduisons maintenant les allocations de chômage, les prestations d’invalidité ou les prestations sociales pour tout le monde. Enfin, la question se pose : qu’est-ce qui est le plus important pour nous : que personne ne souffre ou que personne ne bénéficie ?

Pensée biblique

Le thème de la solidarité occupe une place étonnamment large dans la Bible. Le concept de pauvreté est au cœur de cette démarche. Ce terme est utilisé d’une part pour la pauvreté matérielle et pour l’oppression (aussi « misérable, humble », etc.), mais aussi pour les pauvres spirituels, c’est-à-dire les humbles. Je ne m’intéresse ici qu’aux deux premières utilisations.

Comment les pauvres sont-ils perçus dans la Bible ? Quelle culpabilité ont-ils pour leur situation ? Les passages où la pauvreté est associée à l’auto-infliction sont rares. On ne les trouve que dans le livre des Proverbes et dans la déclaration du NT selon laquelle celui qui ne travaille pas ne mangera pas. Sinon, la pauvreté est décrite comme un mal social, souvent associé à la privation ou à l’oppression sociale. Bien sûr, cela ne signifie pas que les pauvres d’aujourd’hui sont généralement innocents de leur situation, mais je vois certains parallèles.

C’est pourquoi l’Ancien et le Nouveau Testament sont pleins d’appels à protéger les pauvres (physiquement et légalement) et à partager avec eux.

Nous devons ouvrir généreusement notre main aux pauvres (Deut. 15. 7-11)
Prov. 21.13 « Celui qui ferme ses oreilles à l’appel au secours des humbles criera une fois et ne recevra pas de réponse.
Et dans Matthieu 25, nous lisons après quoi est jugé : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger, etc.

L’aumône est généralement considérée comme bonne dans la Bible. Mais il y avait aussi une redistribution légalement réglementée dans l’Ancien Testament :

  • La dîme a également servi à soulager la pauvreté
  • Tous les 3 ans, 10 % de la récolte est destinée aux pauvres
  • Les glanages après la récolte étaient réservés aux pauvres (Deut. 19.10)
  • Tous les 7 ans, un champ était laissé en friche. Les fruits appartenaient aux pauvres (Ex. 23.11)
  • Tous les 7 ans, les dettes étaient annulées (« afin qu’il n’y ait pas un pauvre parmi vous » comme il est dit dans le Deut. 14.4)
  • Aucun intérêt ne pouvait être perçu sur les membres de son propre peuple
  • Tous les 50 ans, les terres vendues en détresse étaient rendues à leurs propriétaires d’origine, afin qu’il n’y ait pas d’accumulation de richesses ou de privation de terres

La redistribution légale n’est donc pas synonyme de vol, comme le prétendent les adeptes de l’évangile de la prospérité.

Les différents auteurs de l’Ancien Testament ont également appelé à protéger les pauvres et les humbles et à leur rendre justice. Car trop souvent, les forts ont essayé d’ignorer les droits des pauvres ou des juges injustes ont fait pencher la balance du côté des pauvres. À l’époque (comme aujourd’hui), la pauvreté était aussi souvent liée à l’impuissance. Les prophètes, en particulier, ont été durs avec les Israélites lorsque, malgré leur richesse, ils ont laissé les pauvres dans la misère ou ont bafoué leurs droits.

La Bible nous invite à traiter les pauvres et les humbles comme des égaux et à défendre leurs droits et la justice sociale. Par exemple, dans le Ps. 82.3-4 : « Rends justice au petit et à l’orphelin, au misérable et au nécessiteux, que justice soit faite ». Sauvez les humbles et les pauvres, arrachez-les à la main des méchants.

En outre, selon Jésus, la loi suprême est l’amour de Dieu et du prochain : la solidarité est une conséquence naturelle de ce qui a été dit dans la première partie.

Nous avons vu que le partage est particulièrement important, car la pauvreté semble également avoir des causes structurelles.

Mais comment partager ?

  • Les premiers chrétiens partageaient pratiquement tout. Cela pourrait servir de modèle, mais ce n’est pas un « must ».
  • Partageons autant que nous le pouvons et pas seulement de notre abondance. C’est ce que montre l’histoire de la pauvre veuve du temple de Marc 12, qui tend à nous conduire à un mode de vie plus simple.
  • On nous dit aussi de « donner du travail aux pauvres ». Ne gardons donc pas nos bons revenus pour nous. Mais nous ne devons pas nécessairement devenir pauvres non plus. Notre attitude devrait être celle de la générosité et de la satisfaction de ce que nous avons.

– Je crois que la vraie solidarité et la vraie charité ne peuvent être vécues que lorsque nous sommes nous-mêmes libérés de nos propres angoisses concernant notre pain quotidien, lorsque nous sommes pleinement soutenus dans tous nos besoins par notre Père céleste. La solidarité devient alors une joie et ne se fait pas simplement par culpabilité.

  • Comme nous l’avons vu dans la Bible, parfois imposée légalement, une redistribution organisée est également nécessaire, car il est évident que les pauvres sont trop importants pour Dieu pour qu’il laisse leur bien-être au seul libre arbitre des donateurs.

Tendances actuelles

Cependant, les sociétés de tous les pays du monde occidental semblent aujourd’hui avoir un problème croissant de partage, malgré l’augmentation de la pauvreté. Il existe une tendance générale à la désolidarisation. Après qu’une partie de la solidarité ait été déléguée aux institutions, ces dernières sont maintenant elles aussi remises en question (sans que l’ancienne solidarité ne revienne pour autant). Cette désolidarisation est également visible dans le changement de valeurs : des études montrent la popularité croissante du terme « liberté » par rapport au terme « justice sociale ».

À mon avis, ce changement de valeurs repose, entre autres, sur les trois points suivants, qui sont interdépendants :

  • 1. l’individualisme croissant : l’interdépendance des personnes devient de plus en plus petite avec l’augmentation de la prospérité et les possibilités qui en résultent pour façonner sa vie. L’interdépendance (et donc la nécessité d’une organisation commune) n’est plus perçue.
  • 2. La prospérité croissante a également fait que la peur de perdre devient de plus en plus forte.
  • 3. cette crainte génère une hiérarchisation toujours plus grande de la croissance économique, ce qui entraîne un empiètement de la pensée économique sur tous les domaines de la société.

Cette désolidarisation s’accompagne d’idéologies de justification et de mythes populaires que nous ne sommes que trop heureux de croire :

  • 1. « Chacun peut tout faire lui-même ». Les différences de capacités, d’origines, etc. montrent suffisamment que cette affirmation ne résiste pas à la réalité.
  • 2. « L’État-providence est de plus en plus malmené ». Une revendication rampante qui n’est guère justifiée et qui reflète plutôt nos craintes croissantes. La peur du profit n’a jamais été aussi forte dans la Bible non plus.
  • 3. « L’État-providence ne fait que maintenir les pauvres et les chômeurs dans la dépendance, il est donc préférable de ne rien donner de plus aux nécessiteux ». Comme nous l’avons vu précédemment, les nécessiteux sont tout aussi peu aidés si nous ne leur donnons rien de plus, car pour la plupart, ils ne peuvent rien faire pour améliorer leur situation.
  • 4. « Si l’économie va bien, alors tout le monde va bien ». Cependant, les plus faibles souffrent généralement doublement de la libéralisation : ils sont alors moins protégés et, dans les économies où la redistribution est moindre, ils ne tirent pratiquement rien de la croissance économique (ce qui est également prouvé par une étude de la Banque mondiale).
  • 5. « La pauvreté ne peut être combattue que par plus de croissance ». Les pays occidentaux sont si riches que, théoriquement, tout le monde pourrait en avoir assez. Mais c’est simplement une question de partage.

La solidarité – alors qu’est-ce que c’est pour nous ?

1) On dit souvent que l‘État est aujourd’hui surchargé, que l’ensemble du système n’est plus abordable. Nous avons le choix

a) de réduire les services ou

b) partager davantage.

Bien que la richesse de la population augmente régulièrement, nous choisissons aujourd’hui a). Actuellement, les subventions des centres d’intégration chrétiens comme le Steppenblüte sont massivement réduites et leur existence est menacée. Les coûts sont alors simplement supportés par d’autres (ou glisser : plus bas…).

Mais il est évident que nous ne pouvons pas partager davantage. Le mythe de l’augmentation constante des impôts est facilement démenti. C’est que nous ne voulons tout simplement pas plus. Voyez les États-Unis : là où l’argent est revenu à la fin des années 90, il n’y a toujours pas eu de nouveau partage….

Il est également intéressant de constater que malgré les réductions constantes des gouvernements, les dons privés n’augmentent pas, même si la solidarité nous concerne de plus en plus personnellement.

2) Exemple de BS : 8% IV, donc abus ? Préjugé typique de ces personnes, car en fait nous avons deux explications :

a) la faute des bénéficiaires de l’IV

b) un problème dans le système économique où ils sont tombés.

Là encore, nous avons tendance à choisir a), car si nous choisissions b), nous aurions un problème : nous devrions remettre en question tout le système dont la majorité d’entre nous bénéficie et vit plus ou moins bien.

Mais en réalité, c’est trop évident : l’emploi n’est plus qu’un sous-produit accessoire de l’activité économique. La bourse préfère les pertes d’emplois, acclament les courtiers. Aujourd’hui, le profit vient en premier, puis le produit, puis les personnes. Nous devons changer tout cela. Mais cela exige aussi de changer les cœurs. Car même la Bible dit : « La convoitise est la racine de tout mal… »

Mais comment une entreprise qui se tourne d’abord vers les gens peut-elle survivre ? L’éthicien des affaires Peter Ulrich appelle à des « backstops moraux », c’est-à-dire à un freinage de la concurrence, qui est évidemment mortel pour la société, par des barrières juridiques et par des avantages pour les entreprises qui se comportent moralement. Toutefois, cela nécessiterait une coordination mondiale…

3) La croissance comme solution ? Si nous regardons les États-Unis, nous devons être déçus : malgré des taux de croissance élevés pour un pays industriel dans les années 90, la situation sociale ne s’est pas améliorée de manière significative. Il y a plus d’emplois qu’auparavant, mais la pauvreté n’a pas diminué.

De plus, la question se pose de savoir ce que nous sacrifions au nom de la croissance. En général, au nom de la croissance, ce sont précisément la solidarité organisée, l’égalité des chances et la protection des faibles qui sont démantelées…. La croissance est donc une absurdité. Toutes les mesures doivent donc être examinées en fonction de leur impact sur les pauvres et les faibles.

4) Nous devons également nous éloigner de notre orientation mammon. L’économie est bonne, tout ce qui est bon n’est plus valable, et la pensée du pur profit entraînera une société dans sa tombe.

5) Ce dont nous avons également besoin, c’est d’un soutien accru à l’éducation et à l’intégration au lieu de punir les personnes concernées. Mais cela coûte plus cher, et c’est pourquoi nous nous y opposons.

6) Et nous, les chrétiens ? Nous disons souvent que l’État est surchargé et qu’il faut donc s’impliquer. Alors, retroussez vos manches. Malheureusement, certains chrétiens pensent aussi que l’État devrait tout laisser tranquille, car les chrétiens aiment mieux. Mais nous sommes encore loin d’être prêts à reprendre l’ensemble de l’AVS, de la IV, de la Arbeitslsenkasse et de toutes les autres tâches…

Mais il est également vrai que chacun d’entre nous devrait prendre en charge, dans la mesure du possible, les soins privés aux personnes âgées et aux malades. Nous sommes également appelés à d’autres solidarités privées. C’est notre rôle !

Comme nous l’avons vu, le changement de valeurs se fait au détriment de la solidarité, même dans les églises. Mais nous, les chrétiens en particulier, pourrions redécouvrir la solidarité au nom de la charité et être les pionniers de la diffusion des valeurs dans la société.


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« Tu ne maltraiteras point l?étranger, et tu ne l?opprimeras point. »  (Exode 22:21)

A plus de 100 reprises, l?Ancien Testament ordonne de protéger les étrangers. La formule récurrente « l?étranger, la veuve et l?orphelin  » montre que pour Dieu, les étrangers font partie de ceux qui ont le plus besoin de protection. La raison de cette protection est expliquée clairement à la suite du passage précité : « Car vous avez été étrangers dans le pays d?Egypte. » Or, Jacob était un immigrant économique en Egypte avec ses fils, puisqu?il y eut une famine dans le pays de Canaan (cf. Genèse 42ss.).

La raison d?accueillir l?étranger que donne l?Ancien Testament est donc de l?ordre de l?identification avec la souffrance des Israélites.

Que dit Jésus et le NT ?

On constate que l?attitude de Dieu envers l?étranger transparaît encore plus clairement dans le Nouveau Testament : l?Homme s?étant éloigné de Dieu, c?est Dieu qui rejoint sa Création en tant qu?étranger incarné en Jésus : « [Il] est venu chez les siens, et les siens ne l?ont point reçu. » (Jean 1:11)

Toute la vie de Jésus montre qu?il est étranger ; non seulement il quitte la maison de son Père céleste et vient à naître dans une bergerie puante, mais il doit aussi fuir en Egypte dès sa naissance ; il est considéré comme un enfant illégitime ; dans son ministère, on le traite constamment d?hérétique ; ses amis les plus proches ne le comprennent pas et l?abandonnent ; et finalement, il est tué. Tout cela exprime à quel point il était étranger sur cette terre.

L?appel des chrétiens

Jésus appelle ses disciples à être étrangers au même titre que lui : Comme lui, ils sont dans le monde, mais non pas du monde (cf. Jean 17:11.14).  L?Epître aux Hébreux illustre cette réalité très clairement : « [Les héros de la foi reconnaissaient] qu?ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. » (Hébreux 11:13)  Par conséquent, nous, chrétiens de Suisse, sommes des étrangers en Suisse. Cela ne devrait-il pas susciter en nous une prise de conscience du sort des étrangers, une sorte de complicité ?

Cela ne veut pas dire que les étrangers sont des saints. Ils sont des êtres humains au même titre que nous, ni meilleurs, ni pires. Malheureusement, nous tendons à les voir comme des ennemis, plutôt que des personnes qui nous ressemblent. Or, nous oublions que nous ne serons héritiers du Royaume du Père que si nous « recueillons » Jésus quand il est étranger. (Mathieu 25:35)

Face à notre peur

Notre réaction face à l?étranger est souvent fondée sur la peur : la peur de « l’Überfremdung » (la « surpopulation étrangère »), la peur que les étrangers nous prennent nos emplois, que la qualité de l?enseignement que reçoivent nos enfants diminue, que les valeurs chrétiennes soient délaissées.

Jésus est très clair : Si nous voulons obéir à Dieu, nous devons l?aimer Lui et notre prochain (cf. Mathieu 22:37-39). C?est l?amour qui nous permettra de vaincre la peur de ce qui est étranger, car « la crainte n?est pas dans l?amour, mais l?amour parfait bannit la crainte ». (1Jean 4:18)

Il est certain que Dieu ne nous abandonnera pas si nous suivons son commandement. Il a de bons projets pour nous, nos enfants, notre pays et notre monde.


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Mesdames et Messieurs les députées et députés au Conseil national
Palais Fédéral

3003 Berne

 

Concerne : modification de la loi fédérale sur l’asile – débat au Conseil national au cours de la session d’été 2005.

 

Mesdames et Messieurs les députés au Conseil national,

 

En ma qualité de citoyen suisse je m’adresse à vous pour vous demander de sauver l’image de notre pays dans le domaine du respect des droits de l’homme et de la notion d’État de droit.

 

La loi sur l’asile doit garantir une protection aux personnes persécutées et leur permettre de vivre dignement dans notre pays, aussi longtemps qu’elles sont menacées dans leur propre pays. Quant aux personnes qui ne peuvent pas être accueillies, elles doivent pouvoir quitter la Suisse dans la dignité et le respect de leurs droits.

 

C?est avec consternation que j’ai pris connaissance de décisions prises par le Conseil des États, lors de la révision de la loi sur l’asile, en mars 2005. Dans une procédure n?ayant pas respecté les normes légales, le Conseil des États a introduit dans la révision des dispositions qu’on peut raisonnablement considérer contraires à la constitution et aux conventions internationales signées par la Suisse.

 

Je suis convaincu que, dans le domaine de l’asile, la rigueur est nécessaire et que l’angélisme est dangereux. Il demeure, toutefois, que cette rigueur doit se fonder sur le respect des droits de l’homme et sur les principes fondamentaux de notre état de droit.

 

Je dois malheureusement constater que le projet issu des délibérations du Conseil des États viole manifestement ces principes, au moins sur trois points essentiels :

 

1. L’article 32, alinéa 2 lettre a (que le Conseil fédéral, suivi par le Conseil national, proposait de ne pas changer) a, néanmoins été modifié par le Conseil des États. Ces modifications sont inconciliables avec les traités internationaux qui nous lient, notamment ceux relatifs au droit d’asile. En effet, selon elles, l’autorité suisse n’entrera plus en matière sur une demande d’asile présentée par quelqu’un qui n’a pas pu, immédiatement ou dans un délai de 48 heures, lui présenter ses documents de voyage ou ses pièces d’identité. Pour tous les requérants d’asile qui n’entrent pas en Suisse par un aéroport (donc forcément munis d’un passeport), l’ancien droit prévoyait qu’ils devaient présenter leurs documents de voyage ou des documents permettant de les identifier. Comme, dans la plupart des cas, les demandeurs d’asile persécutés dans leur propre pays, ne peuvent pas obtenir ou détenir de pièces d’identité au sens de la nouvelle disposition, la nouvelle loi permettra de refuser l’entrée en matière sur leur demande.

2. Les articles 42, alinéa 2, 44 a et 82 qui prévoient la possibilité de priver d’aide sociale et d’aide d’urgence les personnes frappées d’une décision de renvoi exécutoire constituent – et le Tribunal fédéral a confirmé cette appréciation juridique – une violation des dispositions de l’article 12 de la constitution fédérale. Comme en outre une telle disposition ne saurait avoir d’autre effet que de faire entrer dans la clandestinité une large part de ceux dont nous voudrions qu’ils quittent la Suisse, une telle décision n’est pas seulement une faute juridique elle est aussi une erreur économique et une mesure contraire à une saine politique sécuritaire.

 

3. Cette violation du droit international et de la constitution est d’autant plus grave que l’article 17, alinéa 4, ne garantit plus aux demandeurs d’asile, l’accès à une consultation et à une représentation juridique dans les centres d’enregistrement ou dans les aéroports, comme la loi précédente. Aucun pays du monde civilisé ne connaît une telle violation du droit de se défendre contre les éventuels abus de droit commis par l’État.

 

En résumé, je suis consterné de découvrir que la Chambre Haute a pu voter, dans des conditions de procédure législative incorrectes et hâtives, une révision de la loi sur l’asile violant les valeurs essentielles qui ont fait la réputation de notre pays, dépositaire, je le rappelle, des conventions traitant des droits fondamentaux des être humains.

 

Je vous demande donc instamment, de faire en sorte que ce projet soit corrigé et retrouve une forme et un fond correspondant à l’idéal que la majorité des Suisses a de la démocratie, du respect des droits de l’homme et du maintien de l’Etat de droit.

 

Je vous remercie pour votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les députées et députés au Conseil national, l’assurance de ma haute considération.


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